Editions
Fayard
306
pages
20
€
Sortie
le 4 novembre 2020
Mon
avis :
Du lierre dans les arbres est le troisième volet de l’autobiographie d’Hervé
Vilard.
J’avais
bien sûr lu et apprécié les deux précédents et j’avais hâte de découvrir
celui-ci car il aborde des années plus contemporaines, des années où je l’ai
connu, d’abord professionnellement, puis amicalement. J’étais donc doublement curieux…
Hervé
Vilard a un style et un ton bien a lui. Il ne s’embarrasse pas de fioritures et
de circonvolutions. Il ne va qu’à l’essentiel. Les phrases sont courtes, parfois
réduites à deux ou trois mots ; l’écriture est saccadée, rythmée. En fait,
il écrit comme il parle : cash. Il est sans concession, sans langue de
bois. Il n’a aucune complaisance, ni avec les autres, ni avec lui-même.
Dans
ce livre écrit à la manière d’un journal de bord, Hervé est le spectateur de sa
propre vie. Sa trop grande lucidité l’amène à se tenir en marge du monde qui l’entoure.
Qu’il soit celui policé et hypocrite du showbiz, ou celui méfiant et « sournois »
de la campagne. Il n’est dupe de rien… Résolument anti star system, il ne se livre
à aucune compromission pour faire à tout prix partie du sérail. Il EST et se VEUT
différent. Epris de littérature, de poésie et de musique classique, il est aux
antipodes des clichés du « chanteur à minettes », qualificatif dont
on l’avait affublé à la fin des années 60.
Hervé
est un aventurier. Il n’a peur de rien ni de personne. En vrai déraciné, sans
attaches, il va où il veut quand il veut. Avide de rencontres, de nouveaux
paysages, de nouvelles cultures, il a beaucoup voyagé. Particulièrement en Argentine
et au Mexique. C’est d’ailleurs dans ce pays qu’au milieu des années 70, il va
vivre une telle passion amoureuse avec Consuella qu’il va vouloir fonder une
famille avec elle. Hélas, « Lalla » allait périr dans un accident de
la route avec l’enfant qu’elle portait, ce « petit mulâtre » qu’il « réclamait
de toute son âme »… Hervé ne sera jamais père.
C’est
le début du livre.
Désormais,
il le sait, il est plus que jamais une « âme seule ».
Avec
son regard critique et détaché, il raconte ses nuits parisiennes. On y boit
beaucoup, on consomme différents produits. Tout au long du premier tiers du
livre, on croise de nombreuses célébrités qu’il encense ou démolit d’un mot. Heureusement,
il reçoit le réconfort de belles amitiés, comme celle qu’il partage avec sa sœur
de cœur, Nicoletta… La disparition de sa « marraine » et confidente Dalida,
qu’il ressent comme un nouvel « abandon », est évoquée dans un chapitre
où l’amour se teinte d’amertume.
Et
puis, Hervé va trouver un nouveau sens à sa vie : le presbytère de l’abbé
Angrand, le prêtre qui l’a initié au catéchisme, à la littérature et à la
musique lorsqu’il avait 11 ans, est à vendre à La Celette. Se sentant investi d’une
mission sentimentale qui confine au mysticisme, il va dès lors n’avoir de cesse
que d’en faire l’acquisition.
La
chronique mondaine va se muer en chronique campagnarde. Dans ce petit coin
perdu du Berry, il va vivre et écrire sa Mare au diable à lui.
C’est
là, enfin, qu’il va rencontrer Simone, sa voisine, dernier témoin de sa
jeunesse berrichonne, qui va lui faire de nouvelles révélations sur sa mère. Il
va nourrir pour elle un véritable amour filial qui tranche avec l’attitude
distante des autres habitants qui ont du mal à gérer son statut de personne « qui
passe à la télé ». Discrète et aimante, Simone va combler un temps ce
manque de tendresse après lequel Hervé a toujours couru…
Du
lierre dans les arbres est remarquablement écrit. On sent
qu’Hervé y a mis du temps, qu’il a dû beaucoup peaufiner pour élaguer le
superflu et ne garder que l’essentiel. Hervé est un arbre solitaire qui,
finalement, aura toujours été protégé par ces petites feuilles de lierre que
constituent les belles rencontres qui ont émaillé son existence. Et, aujourd’hui,
sa misanthropie, son désenchantement, semblent avoir fait place à une forme de
sérénité, voire de sagesse.