vendredi 8 décembre 2017

Pierre Palmade "Aimez-moi"

Théâtre du Rond Point
2bis, avenue Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
Tel : 01 44 95 98 44
Métro : Franklin-Roosevelt / Champs-Elysées Clémenceau

Seul en scène écrit et interprété par Pierre Palmade
Mis en scène par Benjamin Guillard
Scénographie de Jean Haas
Lumières d’Olivier Oudiou
Son de Sébastien Trouvé

Présentation : Pierre Palmade a eu plusieurs vies, autant de grands écarts. Mais il revient aujourd’hui à la source de son art, à son amour de la scène en solitaire, à ses figures d’ébahis, de naïfs magnifiques ou de patriarches à la mauvaise foi bétonnée.
Il repart à l’aventure d’un tout nouveau spectacle ; sketchs, puzzle hilarant de figures humaines, galerie éclatée de portraits nourris à ses trente ans de carrière. Il revient, égal à lui-même mais grandi, toujours ahuri devant les folies des hommes, leur football, leur pouvoir, leurs scrabbles. Avec ses hanches qui se cassent, ses coups d’épaule, sa tête d’enfant, moineau tombé de haut, il reste abasourdi face aux absurdités de la vie. Buster Keaton de la parole, il accumule catastrophes et rires en cascades.

Mon avis : Mais oui Pierre, on t’aime ! Pas besoin de nous le demander encore. Ah, cet irrépressible besoin de se sentir sans cesse rassuré… Cet « Aimez-moi », c’est une plainte ou une exhortation ?

Pierre Palmade célèbre ses 30 ans de carrière et cela fait… 30 ans que je le connais ! Il n’avait que 19 ans quand je l’ai vu arriver à La Classe, dont j’étais parfois membre du jury pour les sélections. J’ai assisté à ses grands débuts au Point Virgule en 1989, et je l’ai interviewé pour la première fois fin août de la même année. Je me souviens avoir terminé mon article par ce jeu de mot approximatif : « C’est Palmade pour un début ! ». J’ai rencontré ses sœurs et plusieurs fois sa mère. On se croisait la nuit à l’Amazonial où il dînait souvent en compagnie de Jean-Marie Bigard, ou au Banana Café… Et, pendant plusieurs années, je l’ai régulièrement interviewé une fois par an, au rythme de ses nouvelles productions.


Pierre Palmade, je l’ai apprécié tout de suite. Il a apporté quelque chose de d’original, un type de personnage nouveau dans le monde de l’humour avec un univers si personnel. J’ai raffolé de son goût pour un non sense so British (ce devait être dans ses gènes car Bordeaux a été quasiment anglaise aux 14 et 15èmes siècles). Et puis, j’ai aimé l’homme, si attachant et irritant avec son mélange de doutes et de certitudes, ses maladresses, sa fragilité et sa fringale de vie. Bref, j’avoue faire partie des gens qui l’ont aimé, l’aiment et l’aimeront.

Je ne vois donc pas pourquoi, après trente ans de succès et d’aventures scéniques diverses, il s’inquiète encore de savoir si on l’aime. Hier soir, la grande salle du Rond Point était pleine à craquer. On ne se déplace pas un soir pluvieux et froid pour quelqu’un qui vous est indifférent. Le public vient par amour de l’humour si particulier de Pierre.
En plus, la promesse de le voir effectuer avec ce nouveau seul en scène une sorte de retour aux sources, un retour à ses fondamentaux, à savoir des sketchs mettant en présence toute une galerie de personnages, c’était tout à fait alléchant.


Effectivement, on retrouve le Palmade des débuts, mais avec l’expérience en plus, avec une parfaite maîtrise du jeu d'acteur et un peu plus d’assurance… Il attaque bille en tête avec une confidence complètement absurde qu’il veut nous faire candidement passer pour réelle : son enlèvement par un aigle à l’âge de 4 ans, ses deux années passées dans le nid du couple de rapaces et l’éducation qu’il y a reçue… Or, il réussit néanmoins à nous instiller un doute quant à la véracité des faits en nous affirmant que c’est au cours de ce stage aviaire qu’il a acquis, mimétisme oblige, sa curieuse tête d’oiseau. Si ça, ce n’est pas de l’autodérision !

Après un départ aussi extravagant, le ton est donné, il peut tout se permettre et nous entraîner dans un défilé de personnages tous aussi gratinés les uns que les autres ; certains revenant même plusieurs fois dans une sorte de running gag comme le bien barré Jacques Michelin. Cet hurluberlu reprend à sa manière la recette de « La Lettre », un sketch que Pierre avait écrit pour Muriel Robin. C’est d’une redoutable efficacité comique.

Sous des dehors de légèreté et de désinvolture, Pierre Palmade a l’art de glisser dans ses sketchs des situations et des propos qui donnent bigrement à réfléchir. Il introduit beaucoup d’humain dans son observation du monde qui l’entoure. Il adore jouer les étonnés alors qu’il est dupe de rien. Il s’amuse à analyser les méfaits d’une trop grande franchise (L’alcoolique, Myriam). Il aborde les difficultés de vivre en couple, surtout lorsqu’il y a un trop grand décalage entre les deux partenaires (Le Jeune). Il dénonce l’emprise maléfique qu’a sur nous la beauté. Il se complaît aussi, car il y excelle, à cultiver une vraie mauvaise foi (Plus de scrabble) ; etc, etc…


Ce spectacle est très homogène et plein de malice. Les sketchs sont plutôt brefs (il y en a une vingtaine). La mise en scène est impeccable car, en favorisant la suggestion, elle ne va qu’à l’essentiel. Et puis, j’insiste, derrière l’aspect parfois caricatural ou loufoque de certaines scènes, il y a beaucoup de sens. Avec Pierre Palmade, virtuose de la pirouette, il vaut mieux être équipé de lunettes double foyer car il y a presque systématiquement deux niveaux de lecture.

Enfin, quelques heures après le spectacle, il m’est soudain apparu comme évidente l’existence d’un message subliminal. Sur l’écran en fond de scène, on voit une lune qui grossit progressivement jusqu’à envahir l’espace. Bon sang, mais c'est bien sûr : Palmade, c’est l’ami Pierrot de la chanson ! En effet, c’est au clair de la lune qu’il vient nous prêter sa plume. Mais pas n’importe quelle plume, une plume d’aigle. D’un aigle fin. Fin comme lui.
Je suis désormais complètement rassuré : même s’il s’est souvent évertué de la brûler par les deux bouts, la chandelle de Pierre Palmade est bien loin d’être morte. Il a encore tellement de mots à écrire. Comme ça, on va encore pouvoir l’aimer un bon moment.

Gilbert « Critikator » Jouin

vendredi 1 décembre 2017

Noémie de Lattre "Féministe pour homme"

La Nouvelle Seine
Péniche sur berge
Face au 3, Quai Montebello
75005 Paris
Tel : 01 43 54 08 08
Métro : Saint-Michel

Tous les jeudis à 21 h 30

Ecrit et interprété par Noémie de Lattre

Présentation : Noémie de Lattre a des faux seins. Elle danse, change souvent de couleur de cheveux et écrit des lettres d’insultes aux gros cons des rues. Elle parle des hommes et des femmes, aux hommes et aux femmes ; elle parle de sexe, de carrière, de famille, de publicité et de quotidien. Elle porte des robes fourreau, des talons de 12 et des décolletés plongeants. Et pourtant, elle est féministe !
Elle, pour qui ce mot était synonyme de vieilles filles aigries à aisselles velues, va vous raconter comment elle en est arrivée là et comment ça va vous arriver à vous aussi…

Mon avis : Titré « Féministe pour homme », le nouveau seule en scène de Noémie de Lattre est un véritable manifeste (définition : « Déclaration publique par laquelle une personne expose un programme d’action ou une position, le plus souvent politique ou esthétique »). « programme d’action », « position », « politique » (dans le sens sociétal du terme) et « esthétique », ces quatre mots résument parfaitement ce spectacle. Il faut néanmoins préciser qu’il s’agit d’un manifeste festif car on y rit pratiquement tout le temps…

Lorsque nous pénétrons dans la salle située en proue de la péniche sur laquelle elle se produit, Noémie de Lattre est déjà sur scène… et sur Seine, évidemment. Vêtue d’une seule serviette de bain, elle s’apprête. Tout en se maquillant, elle nous accueille et devise avec nous, offre des bonbons et des « graines », papote… Ce n’est qu’après qu’elle ait effectué un très, très sensuel striptease à l’envers que le spectacle commence.


Tout de go, avec le franc-parler qui la caractérise, elle se proclame « féministe ». Et elle entreprend de nous expliquer comment et pourquoi. Tout en prenant garde de bien préciser qu’elle est « féministe, mais pas que »… Pas une seconde elle est dans la caricature. Et, surtout, elle ne se comporte pas comme une féministhérique, bien au contraire, car le moindre de ses propos est argumenté, étayé, illustré… Je crois que c’est ce que j’ai entendu de plus exhaustif sur la question. Noémie ne se ménage pas. Après avoir fait sa lascive, elle balaie large, époussette dans les coins, récure jusqu’à l’os, gratte où ça fait mal, passe et repasse sur les idées reçues et les stéréotypes (et ça ne fait pas un pli). Quelle corvée pour les éventuels machos et/ou misogynes qui se seraient aventurés innocemment dans la salle entraînés par une compagne ô combien maligne, voire perverse !


Pratiquant à profusion l’autodérision – elle parle beaucoup d’elle-même et ne se fait pas de cadeaux - Noémie de Lattre paie de sa personne avec une débauche d’énergie communicative. Qu’est-ce qu’elle bouge bien ! Elle nous sort des chorégraphies qui sont à la fois gracieuses, langoureuses et burlesques. C’est très agréable à voir. Ces virgules physiques sont là ou pour servir de transition ou pour aider à faire passer des propos qui peuvent heurter la gent masculine. Noémie n’exclut rien : la chirurgie esthétique, les inégalités hommes-femmes, le sexisme ordinaire, la Journée du Droit des Femmes, la femme dans l’univers du rap, l’exploitation de la femme dans la pub, l’ignorance du plaisir féminin avec, pour corollaire, avoir la jouissance de sa jouissance… Elle ne recule devant rien pour faire passer son message. Bref, c’est la quadrature du sexe. Et comme elle y va franco de porc (#), c’est même parfois du cash sexe.
Elle va jusqu’à nous donner, avec exemple concret à l’appui, une leçon d’anatomie et à se servir de plumes pour se mettre à poil. Plutôt gonflée la suffragette !


Noémie de Lattre est une super comédienne, elle occupe la scène avec une incroyable générosité mais c’est aussi une remarquable auteure. Ses mots sont précis, bien formulés, crus quand il le faut, son vocabulaire est riche, imagé, ses assertions sont hyper documentées. Elle se livre à une véritable master class. Son spectacle est intelligent, profond, et donne à réfléchir.

Enfin, si on passe 80% du spectacle à rire, à beaucoup rire, Noémie nous s’offre et nous offre deux parenthèses où le sérieux du sujet ne peut pas se prêter ne serait-ce qu’au sourire ou à la gaudriole : les difficultés d’être une femme au quotidien et une aussi effrayante qu’émouvante litanie de « Il ne faut pas que j’oublie… » que je vous laisse découvrir, écouter et digérer.

En conclusion, si j’ai tout bien compris le spectacle, entre la princesse et la pute, il y a tout de même de quoi trouver sa place. Même si ce n’est pas du goût des « putophages » ; et même si c’est loin d’être gagné. Courage et Respect, mesdames…
En prêchant un convaincu, Noémie de Lattre a fini de me conforter dans mes sentiments. Je ne vais pas me gêner pour claironner, en osant tirer l'affaire au Clerc : "Femmes, je vous aime !"...

Gilbert « Critikator » Jouin



mercredi 29 novembre 2017

Constance "Gerbes d'amour"

Le Grand Point Virgule
8bis, rue de l’Arrivée
75015 Paris
Tel : 01 42 78 67 03
Métro : Montparnasse Bienvenüe
Tous les mardis à 19 h 45

Ecrit et interprété par Constance et Marie Reno
Mis en scène par Jocelyn Flipo

Présentation : Suite à un burn-out, Constance remonte sur scène contre l’avis des médecins. Complètement grillée dans le milieu de l’humour, elle tente de se refaire un nom en s’attaquant à la chanson. Dans cette nouvelle aventure, elle entraîne Marie Reno, une musicienne catholique toujours d’accord avec elle.
Belles, drôles et déjantées, elles vous emmènent dans une série de sketchs à la rencontre de personnages toujours plus décalés et hors normes, au rythme de chansons originales allant du rap à la bossa nova…
Gerbes d’amour est un spectacle humoristico-musical qui repousse les limites du culot et, bordel, ça fait du bien !

Mon avis : Constance est une adorable petite peste qui nous chanterait avec un grand sourire ingénu : « J’ vous ai apporté des bubons » !

Constance, c’est ça. Une jeune femme charmante qui n’aime rien tant que de proférer des horreurs, une sale gosse qui adore dire des gros mots en suçant sa sucette avec un air candide. Son nouveau spectacle, Gerbes d’amour, s’inscrit dans la lignée de ses précédents seule en scène (que j’ai tous vus), des spectacles complètement déjantés, parfaitement assumés, et qui laissent des trash.

Photo : Frédéric Speller
Celui-ci a ceci de différent qu’il est chanté et que Constance y est accompagnée au piano comme dans le jeu par une complice aussi délirante qu’elle, Marie Reno. Elle, c’est la ravie de la crèche, c’est Sainte Marie de la Bienveillance. Elle pourrait parodier aisément Françoise Hardy en susurrant « J’ suis d’accord » car elle dit amen à tout et, en plus, elle a bon chœur… Ce binôme, ou plutôt ce bi-femmes, est aussi complémentaire que performant. Insidieusement, au fur et à mesure(s) que se déroule le spectacle, on voit la sage Marie se mettre peu à peu au diapason de la frénésie loufoque de Constance et rentrer dans sa folie. Cette subtile évolution est à mettre au crédit d’une mise en scène particulièrement bien structurée.

Photo : Frédéric Speller
Comme elle, n’ayons pas peur des mots, Constance est folle. C’est une malade mentale à qui on a retiré la camisole le temps d’un spectacle et dont on ne sait pas à l’avance dans quelles extravagances elle va nous entraîner. D’abord, il faut le souligner, Constance est une comédienne hors pair (et pourtant elle en a !). Sa palette de jeu est si large qu’elle peut se permettre de tout jouer et, surtout, de tout oser. Tour à tour elle est vamp, nunuche, aguicheuse, naïve, romantique, perverse, dévergondée, agressive, enjôleuse, jalouse, mesquine, coquine, gamine, désemparée, fragile, provocante… Et j’en passe. Mais qu’est-ce qu’elle est drôle !

Sa folie, elle nous l’amène très intelligemment : dès le début, elle nous informe qu’elle sort d’un burn-out dévastateur et qu’elle est encore sous l’emprise d’anti-dépresseurs. Dès lors, la porte est ouverte à tous les égarements, à toutes les rechutes. On sait que les médicaments ne font pas bon ménage avec la drogue ou l’alcool. Vous pouvez donc imaginer ce qui lui arrive lorsqu’elle en consomme…

Photo : Frédéric Speller

Chacune des chansons donne lieu à un véritable sketch avec son propre accoutrement, ses propres accessoires et sa propre gestuelle. Les chorégraphies de Constance, sa façon de bouger, avec son corps qui semble en permanence hors contrôle avec bras et jambes indépendants sont inénarrables. Avec une énergie de dingue, elle nous emporte dans son monde. Un monde qui se trouve aux antipodes de celui des Bisounours. Elle nous y fait croiser toutes sortes de femmes. Des femmes de conditions et d’âges différents qui ont chacune une histoire, des rêves, des fantasmes. Sous le biais de la drôlerie, elle aborde des sujets et des thèmes forts comme la solitude, les femmes battues, le désarroi de la femme au foyer livrée à toutes les formes de vicissitudes, la consanguinité…

Photo : Claire Gontaud
On rit du début à la fin, sans aucun temps mort. Aucune chanson ne se ressemble. Chacune a son rythme, son thème, son costume, sa gestuelle et sa mise en scène.
Ces Gerbes d’amour sont en fait des gerbes d’humour… noir ! Excellement secondée par Marie Reno, Constance, formidablement généreuse, est au sommet de son art. Son apparent lâcher-prise est totalement maîtrisé. Son talent est à l’image de son prénom, il est constant.

Petit message personnel à Constance : le hasard a voulu que votre culotte, que vous lancez dans le public à l’instar de Madonna, a atterri sur mes genoux. Je l’ai précieusement conservée et je la tiens à votre disposition au cas où vous désireriez la récupérer.

Gilbert « Critikator » Jouin

vendredi 24 novembre 2017

Fraissinet en concert

Flow Paris
4, Port des Invalides
75007 Paris
Tel : 01 44 05 39 60
Métro / RER : Invalides

Le mardi 28 novembre à 20 h 00


Petite piqûre de rappel : si vous n’avez pas encore pu découvrir Fraissinet lors de ses trois concerts à l’Auguste Théâtre en octobre dernier, il vous reste une séance de rattrapage le mardi 28 novembre sur la péniche Flow. Il y sera cette fois accompagné de quatre musiciens, ce qui va donner à son récital, pourtant déjà fort en intensité à deux, un aspect encore plus punchy.

J’insiste vraiment. Fraissinet possède un talent exceptionnel. C’est un artiste haut de gamme tant dans son look très étudié, dans sa relation fusionnelle avec son piano, dans ses mélodies riches et variée, dans la qualité poético-réaliste de son écriture, dans une voix dont il fait ce qu’il veut, et dans sa chaleureuse complicité avec le public.


Bon, je crois que j’ai tout dit. Plus serait indécent ou soupçonné de copinage alors que je n’ai pour motivation que de faire vivre au plus grand nombre un grand moment d’émotion. Mon emballement est sincère. Et je suis loin d’être seul à le ressentir. Je me contenterai de citer quelques critiques : « Fraissinet est inclassable. Son style se situe quelque part entre la beauté du piano de Tori Amos et le rock de Noir Désir » (Le Parisien), « Un talent fou » (Le Dauphiné), « Précieux mystère, gage de poésie et de liberté pour le public qui y est confronté » (Bliss), « Ce genre de voix qui vous happe, vous magnétise, vous caresse et vous trouble » (Le JDC)…

Vous voyez ?... Alors, n’hésitez pas à vous embarquer sur le Flow pour une jolie croisière en chansons pilotée par un artiste total, sensible et intense qui mérite de voguer longtemps sur les vagues du succès.

mardi 21 novembre 2017

Barbara, Si mi la ré...

Editions Gründ
Beau livre
Collection : Passion musique
272 pages
29,95 €
Auteurs : Stéphane Loisy & Baptiste Vignol

Décidément, à l’approche des fêtes de fin d’année, les éditions Gründ font flèche de tout bois. Après les magnifiques ouvrages consacrés à Sylvie Vartan et à Claude François, voici que, vingt après sa disparition le 24 novembre 1997, ils nous proposent « Barbara, Si mi la ré… ».
A l’instar des deux précédents « beaux livres », celui-ci est une véritable pépite, que dis-je, une rivière de diamants tant il est à la fois riche, scintillant, avec des reflets moirés. Le mieux, pour le résumer, c’est de reprendre un extrait de l’avant-propos d’une personne on ne peut plus autorisée et concernée, le propre neveu de la chanteuse, Bernard Serf :
« C’est clair, intelligent, bien documenté, parfois irrévérencieux, jamais flagorneur, toujours avisé.
Et la découverte de photos inédites ou rares ajoute au bonheur de la lecture.
L’ouvrage refermé, on a le sentiment d’être un peu plus proche de Barbara. Sans que celle-ci perde un instant de son mystère.
Bref, tout ce qu’on aime. »
Tout est dit.


Ce livre, je l’ai dévoré. J’y ai appris une foultitude de choses. Les éléments biographiques sont fouillés, truffés d’anecdotes, de détails, fourmillant d’informations et agrémentés de nombreux témoignages… Les premiers chapitres, de sa naissance en 1930 à ses débuts à L’Ecluse en 1957, sont particulièrement passionnants. La petite Monique Serf – son vrai nom – a connu une jeunesse tumultueuse, marquée par l’exode, la clandestinité et, surtout, les agressions paternelles (pudiquement esquissées) puis ses nombreux allers et retours entre Paris et Bruxelles à la recherche du succès.

La suite, c’est quarante d’une carrière impressionnante intimement mêlée à une vie de femme au caractère aussi affirmé que sa grande générosité et ponctuée par de nombreuses amours.
Cette véritable mine comprend entre autres comme filons beaucoup d’extraits d’entretiens échangés au cours d’émissions de radio ou de télévision comme ceux, abondants, des « Musicorama » de Denise Glaser.


Et puis chacune des chansons sans exception est disséquée, décryptée, éclairée pas sa genèse, son contexte avec, là aussi, de nombreuses confidences des différents protagonistes qui les ont vu naître ou qui y ont participé.

Enfin, bien sûr – c’est dans l’ADN des éditions Gründ – l’iconographie est tout simplement somptueuse. Des dizaines et des dizaines de photos illustrent superbement l’épopée « barbaresque ». "Si la photo est bonne", chantait-elle. Eh bien oui, elle l'est !

Je n'avais néanmoins qu'un petit reproche à formuler à propos de cet ouvrage : sa couverture. Je trouvais que ce rose n'était pas très idoine. Je n'en ai compris la raison qu'en me plongeant dans le livre. On nous y rappelle à plusieurs reprises combien cette couleur, cette fleur et ce mot (qui revient dans ses chansons) ont compté pour la "longue dame brune".


Barbara ?... Une de nos plus belles histoires d’amour, c’est Elle !

dimanche 19 novembre 2017

L'amour est dans le prix

Gymnase Marie-Bell
38, boulevard de Bonne Nouvelle
75010 Paris
Tel : 01 42 46 79 79
Métro : Bonne Nouvelle

Une comédie de Thierry Boudry
Mise en scène par Clair Jaz
Collaboration artistique : Pascal Légitimus
Lumières et scénographie de Steve Moune
Costumes de Matteo Porcus

Avec Emmanuelle Clove (Suzanne), Christophe Guybet (Alex), Vanessa Féry (Fanny), Pierre Diot ou Alexandre Pesle en alternance (Le patron), Izabelle Laporte (Carole), Jérémie Poppe ou Charlie Costillas en alternance (L’associé)

L’histoire : Comédie sentimentale inspirée d’une histoire vraie.
Trois hommes et trois femmes d’aujourd’hui. Une mère extravertie, une fille en mal d’amour, un gendre pas idéal, un mari qui s’interroge, un amant qui délire, une maîtresse bipolaire.
L’histoire commence à la croisée des chemins, au point crucial de leurs vies et de leurs envies. Une quête : le bonheur…

Mon avis : Avec le recul, je me demande si cette pièce n’aurait pas pu également s’intituler : « La mort est dans le prix »… En effet, d’une part l’histoire commence dans une agence de pompes funèbres et, d’autre part, il y est question à un moment donné d’un décès « par accident » qui a son importance. Mais, il faut être objectif, l’amour est tout de même plus vendeur que la mort pour une comédie, aussi grinçante fut-t-elle.
Parallèle avec le clin d’œil adressé à la célèbre émission de M6, « L’amour est dans le pré », il est ici beaucoup plus question d’amour vache que d’amour romantique. Tout tourne autour des relations hommes-femmes, relations qui tiennent plus de l’affrontement que de l’harmonie.


Fidèle à mon engagement, je veux exprimer le plus honnêtement possible mon ressenti en découvrant cette pièce. J’ai trouvé le début plutôt poussif et un tantinet bavard. J’étais même navré devant les blagues à deux balles, faciles et éculées, de l’employé des pompes funèbres. J’étais d’ailleurs sur le point d’arrêter de prendre des notes lorsqu’est survenue la scène entre Suzanne, sa fille Carole et son gendre. D’un seul coup, l’humour a monté d’un cran. J’ai été tout de suite émoustillé par la personnalité de cette belle-mère indigne, son franc-parler, son cynisme. La prestation très convaincante d’Emmanuelle Clove m’a fait reprendre mon stylo.


A partir ce cette scène-règlement de comptes, la pièce n’a plus cessé de monter en puissance. Les caractères et les motivations différents protagonistes ont commencé à s’affirmer. On découvre une Fanny exigeante, manipulatrice, brutale parfois… Alex se vautre dans la mauvaise foi avec un naturel confondant et on devine que les textos qu’il ne cesse d’échanger ne sont pas aussi professionnels qu’il le prétend… Carole piétine soudain sa soumission chronique pour se métamorphoser en séductrice affamée…
Il n’y a que le patron qui, pour moi, reste une énigme avec son comportement bizarre et sa façon de vouloir être à la fois juge et arbitre dans les relations sentimentales de ses associé et employé. Je ne comprendrai les raisons de cette attitude qu’à la toute fin de la pièce (respect à Alexandre Pesle pour sa talentueuse duplicité).


Se succèdent alors deux tableaux qui, à eux seuls, constituent deux vrais grands moments de drôlerie, tant dans le jeu des comédiens que dans l’inventivité de la mise en scène : celui du restaurant, propice à nous offrir un rebondissement assez inattendu ; et celui de la parodie du combat de boxe. Cette scène est tellement riche en trouvailles qu’elle frise l’anthologie. C’est un véritable sketch, très visuel, très rythmé et parfaitement maîtrisé par des combattants qui se rendent coups pour couples et pour qui la fin justifie les (poids) moyens.

Et puis survient l’ultime révélation ! J’ai alors compris que je m’étais bien fait avoir, que j’avais été mené par le bout du nez par un scénario particulièrement retors. D’un seul coup, je me suis mis à rembobiner tout le spectacle et tout m’a paru plus clair. Malin, l’auteur ! Vicieux, même... Vue cette fois dans sa globalité, sa pièce prend une toute autre tournure. Et lorsque le rideau est tombé (c’est une image car il n’y a pas de rideau), on se surprend à réfléchir assez longtemps au message contenu dans cette comédie humaine. C’est assez rare pour être souligné.


Lorsqu’on aura dit que les quatre chaises devraient être citées au générique pour leur implication dans les scènes les plus importantes, que la mise en scène est nerveuse, originale et inventive, que, comme d’habitude les femmes sont vraiment plus fûtées et que les hommes sont agaçants de naïveté, on peut se permettre de conclure que, dans cette pièce, l’humour (noir) est aussi dans le prix…

Gilbert « Critikator » Jouin

mercredi 15 novembre 2017

Stan "Quelque chose en nous de De Vinci"

La Nouvelle Seine
Péniche sur berge
Face au 3, Quai Montebello
75005 Paris
Tel : 01 43 54 08 08
Métro : Saint-Michel

Ecrit et interprété par Stan
Co-écrit et mis en scène par Elsa Granat

Présentation : Il est atypique, bizarre, danseur, diseur et incarne tout ce qui lui passe à l’esprit.
Dans sa folie douce, il comprend ce que ressentent la Joconde et les femmes enceintes. L’empathie chez lui n’est pas un vain mot, c’est une façon de vivre.
Ce qui bouillonnait en lui a trouvé sa place sur une scène de théâtre. Un des rares endroits où ce qui nous plombe peut devenir de l’or…

Mon avis : Lorsqu’on monte à bord d’une péniche, c’est avec l’envie de se laisser embarquer. Surtout quand il s’y joue un spectacle. Et que c’est Stan qui est sur Seine. Avec lui, si notre corps reste amarré à la rive et se laisse mollement balancer par le passage d’un bateau-mouche, notre esprit, en revanche, a tôt fait de prendre le large et de voguer sur son flow.

Il n’est pas aisé de définir ce one man show en quelques mots. Trop riche, trop varié, trop surprenant. Stan, c’est Monsieur Plus. Il danse comme son dieu, Michael Jackson, il fait des imitations, il prend des accents et des voix bizarres, il incarne toute une galerie de personnages aussi barrés qu’attachants et, surtout, il PARLE. C’est un « Stankhanoviste » du verbe.


Il nous offre un véritable patchwork très intelligemment élaboré. Il consacre grosso modo le premier tiers à nous raconter sa vie, son parcours, ses rencontres : études de théâtre classique, son passage – il faut bien gagner sa vie – aux Galeries Lafayette, les collègues hauts en couleurs qu’il y a fréquentés, jusqu’à son choix définitif, devenir humoriste. Sa profession de foi est désarmante d’honnêteté : « J’ai une vie de merde, je la raconte, et les gens rigolent ! ». Dit comme ça, c’est un peu minimaliste mais, en réalité, il va apporter dans cette discipline du Seul en scène tout ce qui l’a construit humainement et artistiquement. Sa formation de comédien, son goût très prononcé pour l’art, ses modèles, son sens aigu de l’observation du monde qui l’entoure, et son empathie.
L’empathie ! Le maître-mot est prononcé… Comme elle est viscérale chez lui, elle l’encombre souvent et le gêne aux entournures. Si bien que, paradoxalement, de cette foutue empathie, il en pâtit. Pourtant, cet aveu ne reste qu’un constat car, comme il a décidé de tout tourner en dérision, il préfère en rire et en faire rire.


Stan est un drôle de bonhomme. Très drôle même. Avec son léger accent chantant, sans cesse en mouvement, il partage avec nous à la fois ses expériences simples et banales, ses rêveries les plus loufoques, et son amour pour les œuvres d’art, qu’elles soient picturales, sculpturales ou littéraires. Sans aucun complexe, il convoque ainsi Tchekhov, Shakespeare, Molière, Cyrano de Bergerac, Rimbaud… C’est à peu près la thématique du deuxième tiers de son spectacle. Là, son empathie se fait mimétique car il se glisse dans la peau et le cerveau de deux icônes du Louvre, La Joconde et la Vénus de Milo… Lorsqu’il nous livre les pensées intimes et les frustrations de Madame Joconde, on ne sait plus si c’est de l’art ou du (un petit peu) cochon. En nous faisant prendre De Vinci pour des lanternes, il nous éclaire sur les tristes conditions de vie des œuvres d’art… Quant à la Vénus, la belle Hellène, elle ne peut pas rester de marbre devant son infirmité qui la rend impuissante à s’opposer aux désirs qu’elle suscite : pas de bras, pas de chocs au lit !…
Il va même encore plus loin dans ses élucubrations en donnant la vie à sa chaussure droite. Mais je vous laisse en découvrir tout le sel. On ne s’en lasse pas.


Enfin, il entame la troisième partie de son spectacle avec une plainte teintée de révolte : « J’ai mal à l’orthographe » ! S’indigne sur la dérive du langage, il fait défiler devant nous son carnaval des amis-mots. Comme les mots filent, il leur administre une prise de sens. Et cet obsédé textuel va encore plus loin en les personnifiant. Ah, les trois petits points ! Si primesautiers, si espiègles… Et nous de sommes pas encore au bout de nos (bonnes) surprises. Comme tout Méditerranéen qui se respecte il nous offre un pastiche. Et pas n’importe lequel. Avec lui, la fameuse tirade du nez de Cyrano se métamorphose en tirade du bedonné. Un exercice de style absolument étourdissant. Puis, en toute logique (du moins sa logique à lui), il lui associe le rap du nouveau né. C’est aussi intelligent que drôle. Voici là un spectacle qui rime vraiment à quelque chose.

Stan a tout pour lui. Il est sympathique, généreux, charismatique, exubérant, hyper doué. C’est aussi un remarquable auteur. Son texte est délivré et interprété avec tant de simplicité et de facilité qu’on en oublierait presque l’immense travail d’écriture que cela représente en amont. Ce n’est pas le dormeur en aval qui me contredira car les spectateurs débarquent de ce bateau ivres de plaisir…

Gilbert « Critikator » Jouin

mardi 14 novembre 2017

Eddy Mitchell "La même tribu"

Polydor / Universal Music France

Je n’ai jamais caché ma grande admiration pour Eddy Mitchell. Les trois premiers 45 tours que j’ai achetés au tout début des années 60 ont été, dans l’ordre « Nouvelle vague » de Richard Anthony, « T’aimer follement » de Johnny Hallyday et « Tu parles trop » des Chaussettes Noires. Lesquelles Chaussettes Noires ont été le seul groupe que j’ai vu sur scène ; c’était à la Mutualité, en 1962 je crois… J’ai vite tourné la page Richard Anthony ; Johnny Hallyday m’aura tenu compagnie plus de cinquante ans avec des hauts et des bas ; mais Eddy Mitchell a toujours été mon préféré.

J’aime l’auteur, j’aime sa voix, j’aime sa posture sur scène avec ses attitudes un tantinet surjouées, j’aime son humour froid et, pour l’avoir interviewé à plusieurs reprises, j’ai su apprécier sa finesse d’analyse et son regard sans concession sur le métier et les gens qui le font. En résumé, j’aime son recul et la distance qu’il met en toutes choses.

Eddy Mitchell sort aujourd’hui son 37ème album studio. Et le moins qu’on puisse en dire, c’est qu’il s’est fait plaisir. C’est désormais son seul moteur. A 75 ans, débarrassé de tout critère commercial, il veut profiter, seulement profiter. Quitte à enregistrer un album de reprises, autant le faire à son idée.

Alors il s’est carrément concocté un « auto-tribute ». Le chef indien qui sommeille en lui a donc fait appel à ceux de sa tribu. Il a réuni dans son wigwam-studio quelques vieux guerriers (« Hugh, salut les copains ! ») qui ont longtemps combattu à ses côtés sur les sentiers de naguère sans y laisser trop de plumes : Johnny Hallyday, Jacques Dutronc, Christophe, Alain Souchon, Arno, Julien Clerc, Renaud… Il a également convoqué quelques frères de chant un peu plus jeunes mais qu’il savait habités par les mêmes esprits : Ibrahim Maalouf, Charles Bradley, Sanseverino. Et, enfin, il a fait appel à quelques squaws pourvues de plus d’une corde (vocale) à leur arc : Keren Ann, Brigitte et Maryline Moine, sa propre fille.

Une partie de la « tribu » mitchellienne était donc réunie, restait donc à enregistrer quelques chants sacrés. Le résultat est imparable. Il a a « tribu »é à chacun et à chacune la chanson qui collait le mieux à son ADN artistique.
Un bon vieux rock avec Johnny (C’est un rocker). Soixante ans d’amitié, ce n’est plus un collègue, c’est un frère. On les entend jubiler d’être ensemble. Ils jouent, ils s’amusent. C’est vraiment pêchu.


Avec Alain Souchon, on perçoit l’humour qu’ils mettent dans leur interprétation de On veut des légendes…Pour Renaud, Eddy a choisi Sur la route de Memphis, une ballade qui lui va comme un vieux perfecto, dans laquelle il est étonnant de constater comment leurs deux voix s’imbriquent… Julien Clerc s’est approprié se aisément J’ai oublié de l’oublier qu’on la croirait extraite de son propre répertoire. Cela nous donne une complainte très mélodieuse, subtilement mélancolique, avec un arrangement qui frise le symphonique.

Lorsqu’on entend Lèche-bottes blues avec Arno, on a l’impression de deux gros matous qui ronronnent et lâchent de temps un coup de griffe en ricanant. Il y a une vraie dynamique dans ce titre… Keren Ann, la voix toute en retenue, se fond admirablement avec les cuivres somptueux de Toujours un coin qui me rappelle… Eddy a offert du sur mesure à son ami Jacques Dutronc avec Au bar du Lutétia. Ambiance feutrée, lumières tamisées, volutes de fumée (le cigare de Jacques ?). Nos deux piliers de bar ne sont peut-être pas éméchés, mais en tout cas ils sont de mèche. Et c’est un véritable régal que de retrouver la diction si particulière du « Jacquot »… La trompette d’Ibrahim Maalouf, ses envolées, et des cordes somptueuses habillent de tendresse et de douceur le très nostalgique M’man

Charles Bradley incarne à merveille Otis dans cet hommage à Redding en nous exécutant un authentique rhythm’n’blues made in America, tonique à souhait, dans un jeu de questions-réponses avec Monsieur Eddy… J’ai littéralement craqué pour La fille du motel. Décidément, Brigitte est sans doute ce qui est arrivé de mieux dans la chanson française de ces dernières années. Quel unisson, quelles harmonies ! Bordé par ces voix délicieusement jumelles, notre crooner se laisse cocooner. Un nectar pour les trompes d’Eustache…


Eddy ne pouvait imaginer meilleur complice que Sanseverino pour apporter son swing naturel et son timbre de voix si particulier sur Nashville ou Belleville. C’est truffé de clins d’œil et de petits bruitages personnels. Y’a d’la joie dans ce titre si festif… Christophe s’est glissé comme chez lui dans Un portrait de Norman Rockwell. Il y apporte ses touches de délicatesse. Ce titre est un enchantement… La bonne surprise, la révélation pour beaucoup, c’est la prestation de Maryline Moine dans Et la voix d’Elvis. Elle nous la fait façon country, très à l’aise, elle est complètement dedans. Décidément, bon chant ne saurait mentir.

Enfin, il y a la chanson d’introduction, le sublime La même tribu. Sur une mélodie « classique » de Pierre Papadiamandis, Claude Moine, la plume préférée d’Eddy Mitchell, a ciselé une petite merveille de texte. Un véritable tour de force car il a astucieusement réussi à y introduire pour chacun des intervenants soit le titre, soit une phrase d’un de leurs plus grands succès. C’est le Grand Manitou qui lui a soufflé tout ça. Ce titre va devenir un hymne. Il le mérite.

J’ajouterai à cela des arrangements absolument superbes, très différents des créations originales tout en en gardant l’esprit. Tout est magnifique ; les parties de piano, les solos de guitare, la pedal steel guitar, l’harmonica, les cuivres, les cordes… C’est une splendeur.

Autre compliment : la volonté de mettre les voix très avant ; On profite ainsi à la perfection des différentes tonalités, des intonations et de la qualité des paroles.


Enfin, comment ne pas parler du contenant lui-même. La pochette et le livret qui se trouve à l’intérieur constituent une véritable œuvre d’art, un objet de collection. Le dessinateur Ralph Meyer mérite d’être cité pour son talent à croquer les artistes et pour reconstituer l’atmosphère d’un saloon. Cette fresque est en totale adéquation avec l’esprit de l’homme de La dernière séance.

lundi 13 novembre 2017

Claude François "Je reviendrai comme d'habitude"


Editions Gründ
Beau livre
312 pages
24,95 €

Auteur : Baptiste Vignol

Si vous ne deviez posséder qu’un seul ouvrage sur la vie et la carrière de Claude François, Je reviendrai comme d’habitude est celui qu’il vous faut vraiment. J’en ai lu des livres-témoignages et des biographies sur Cloclo mais, sincèrement, celui-ci est incontestablement le plus complet à tous égards.
Baptiste Vignol a réalisé là LE livre sur Claude François. Il l’a construit très intelligemment. Il commence par une longue introduction de dix pages qui débute en… 1872, date de l’arrivée à Port-Saïd, en Egypte, de Nicolas François, et se termine en 1961 avec l’arrivée à Paris de Claude François. C’est donc presque un siècle de la saga de la famille qui nous est conté. On apprend tout de l’enfance et de l’adolescence du futur Cloclo. C’est très fouillé, très détaillé. Véritablement passionnant.


Pour ceux, très rares qui l’ignoreraient encore, on découvre que Claude François a fait dix ans de violon, que c’était un grand sportif, particulièrement doué en course de fond. Ces années-là ont été très formatrices : Claude va se passionner pour la musique et son entraînement physique va lui permettre d’être un danseur infatigable. On apprend aussi beaucoup de son caractère déjà très affirmé, de sa détermination, de son exigence et de sa soif de réussite. On s’aperçoit aussi qu’il a été très tôt attiré par la gent féminine. Vous mélangez ces ingrédients (musique, danse, volonté, perfectionnisme et libido exacerbée), vous secouez le tout, et vous obtenez ce qui a façonné une des plus grandes stars de la chanson française : Claude François.


Après ce préambule indispensable, Baptiste Vignol, nous propose 26 chapitres qui sont chacun consacrés et à la vie privée, particulièrement trépidante, de Claude François et à sa carrière. 26 chapitres, 25 albums studio… Dans ces deux domaines, personnel et professionnel, c’est vraiment hyper documenté, très pointu même, quasi exhaustif. Ce qui est bien, c’est que l’auteur a conçu un ouvrage sans concession et sans complaisance aucune. Ce n’est donc pas une hagiographie, mais un véritable documentaire… En prime, l’auteur a recueilli des témoignages rares, forts en anecdotes et en confidences, d’une dizaine de personnes qui ont compté dans la vie de Cloclo : Jean-Pierre Sabar, Vline Buggy, Jean-Marie Périer, Jeff Barnel, Jean-Michel Rivat, Patricia Carli, Frank Thomas, Gilbert Sinoué et l’indispensable Jean-Pierre Bourtayre.


Enfin, précision importante, cet ouvrage est riche de 137 photos (je les ai comptées) dont quelques superbes doubles signées des plus grands de l’époque : Jean-Marie Périer bien sûr, mais aussi Bernard Leloup, Jean-Louis Rancurel, Benjamin Auger, Jean-Jacques Damour, François Gaillard… La crème des années 60-70. Ce qui en fait une sorte de Bible où l’esthétique et l’iconographie se le disputent en qualité avec un texte remarquablement informatif.



Je n’émettrai toutefois qu’une seule (petite) réserve : je trouve que le titre n’est pas à la hauteur de l’excellence de cet ouvrage. « Je reviendrai comme d’habitude », même s’il comporte un clin d’œil sur deux des plus grands succès de Claude François, ce n’est vraiment pas fameux.