Théâtre
du Rond Point
2bis, avenue Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
Tel : 01 44 95 98 44
Métro : Franklin-Roosevelt / Champs-Elysées
Clémenceau
Seul en scène écrit et interprété par Pierre Palmade
Mis en scène par Benjamin Guillard
Scénographie de Jean Haas
Lumières d’Olivier Oudiou
Son de Sébastien Trouvé
Présentation :
Pierre Palmade a eu plusieurs vies, autant de grands écarts. Mais il revient
aujourd’hui à la source de son art, à son amour de la scène en solitaire, à ses
figures d’ébahis, de naïfs magnifiques ou de patriarches à la mauvaise foi
bétonnée.
Il repart à l’aventure
d’un tout nouveau spectacle ; sketchs, puzzle hilarant de figures
humaines, galerie éclatée de portraits nourris à ses trente ans de carrière. Il
revient, égal à lui-même mais grandi, toujours ahuri devant les folies des
hommes, leur football, leur pouvoir, leurs scrabbles. Avec ses hanches qui se
cassent, ses coups d’épaule, sa tête d’enfant, moineau tombé de haut, il reste
abasourdi face aux absurdités de la vie. Buster Keaton de la parole, il
accumule catastrophes et rires en cascades.
Mon
avis : Mais oui Pierre, on t’aime ! Pas besoin de nous
le demander encore. Ah, cet irrépressible besoin de se sentir sans cesse
rassuré… Cet « Aimez-moi », c’est une plainte ou une
exhortation ?
Pierre Palmade célèbre
ses 30 ans de carrière et cela fait… 30 ans que je le connais ! Il n’avait
que 19 ans quand je l’ai vu arriver à La
Classe, dont j’étais parfois membre du jury pour les sélections. J’ai assisté
à ses grands débuts au Point Virgule en 1989, et je l’ai interviewé pour la
première fois fin août de la même année. Je me souviens avoir terminé mon
article par ce jeu de mot approximatif : « C’est Palmade pour un
début ! ». J’ai rencontré ses sœurs et plusieurs fois sa mère. On se
croisait la nuit à l’Amazonial où il dînait souvent en compagnie de Jean-Marie
Bigard, ou au Banana Café… Et, pendant plusieurs années, je l’ai régulièrement
interviewé une fois par an, au rythme de ses nouvelles productions.
Pierre Palmade, je l’ai
apprécié tout de suite. Il a apporté quelque chose de d’original, un type de
personnage nouveau dans le monde de l’humour avec un univers si personnel. J’ai
raffolé de son goût pour un non sense so British (ce devait être dans ses gènes
car Bordeaux a été quasiment anglaise aux 14 et 15èmes siècles). Et puis,
j’ai aimé l’homme, si attachant et irritant avec son mélange de doutes et de certitudes, ses maladresses,
sa fragilité et sa fringale de vie. Bref, j’avoue faire partie des gens qui
l’ont aimé, l’aiment et l’aimeront.
Je ne vois donc pas
pourquoi, après trente ans de succès et d’aventures scéniques diverses, il s’inquiète
encore de savoir si on l’aime. Hier soir, la grande salle du Rond Point était
pleine à craquer. On ne se déplace pas un soir pluvieux et froid pour quelqu’un
qui vous est indifférent. Le public vient par amour de l’humour si particulier
de Pierre.
En plus, la promesse de
le voir effectuer avec ce nouveau seul en scène une sorte de retour aux sources, un retour à ses fondamentaux, à savoir des sketchs mettant en présence toute une galerie
de personnages, c’était tout à fait alléchant.
Effectivement, on
retrouve le Palmade des débuts, mais avec l’expérience en plus, avec une
parfaite maîtrise du jeu d'acteur et un peu plus d’assurance… Il attaque bille en tête
avec une confidence complètement absurde qu’il veut nous faire candidement
passer pour réelle : son enlèvement par un aigle à l’âge de 4 ans, ses
deux années passées dans le nid du couple de rapaces et l’éducation qu’il y a
reçue… Or, il réussit néanmoins à nous instiller un doute quant à la véracité
des faits en nous affirmant que c’est au cours de ce stage aviaire qu’il a
acquis, mimétisme oblige, sa curieuse tête d’oiseau. Si ça, ce n’est pas de
l’autodérision !
Après un départ aussi
extravagant, le ton est donné, il peut tout se permettre et nous entraîner dans
un défilé de personnages tous aussi gratinés les uns que les autres ;
certains revenant même plusieurs fois dans une sorte de running gag comme le
bien barré Jacques Michelin. Cet hurluberlu reprend à sa manière la recette de
« La Lettre », un sketch que Pierre avait écrit pour Muriel Robin.
C’est d’une redoutable efficacité comique.
Sous des dehors de
légèreté et de désinvolture, Pierre Palmade a l’art de glisser dans ses sketchs
des situations et des propos qui donnent bigrement à réfléchir. Il introduit beaucoup
d’humain dans son observation du monde qui l’entoure. Il adore jouer les étonnés
alors qu’il est dupe de rien. Il s’amuse à analyser les méfaits d’une trop
grande franchise (L’alcoolique, Myriam).
Il aborde les difficultés de vivre en couple, surtout lorsqu’il y a un trop
grand décalage entre les deux partenaires (Le Jeune). Il dénonce l’emprise maléfique qu’a
sur nous la beauté. Il se complaît aussi, car il y excelle, à cultiver une
vraie mauvaise foi (Plus de scrabble) ;
etc, etc…
Ce spectacle est très
homogène et plein de malice. Les sketchs sont plutôt brefs (il y en a une
vingtaine). La mise en scène est impeccable car, en favorisant la suggestion,
elle ne va qu’à l’essentiel. Et puis, j’insiste, derrière l’aspect parfois
caricatural ou loufoque de certaines scènes, il y a beaucoup de sens. Avec
Pierre Palmade, virtuose de la pirouette, il vaut mieux être équipé de lunettes
double foyer car il y a presque systématiquement deux niveaux de lecture.
Enfin, quelques heures
après le spectacle, il m’est soudain apparu comme évidente l’existence d’un message
subliminal. Sur l’écran en fond de scène, on voit une lune qui grossit
progressivement jusqu’à envahir l’espace. Bon sang, mais c'est bien sûr : Palmade, c’est l’ami Pierrot de la
chanson ! En effet, c’est au clair de la lune qu’il vient nous prêter sa plume.
Mais pas n’importe quelle plume, une plume d’aigle. D’un aigle fin. Fin comme
lui.
Je suis désormais
complètement rassuré : même s’il s’est souvent évertué de la brûler par
les deux bouts, la chandelle de Pierre Palmade est bien loin d’être morte. Il a
encore tellement de mots à écrire. Comme ça, on va encore pouvoir l’aimer un
bon moment.
Gilbert
« Critikator » Jouin