vendredi 8 janvier 2021

Thomas Dutronc "Frenchy"

 


Tomdu Productions / Blue Note France / Universal

 

Mon avis : C’est si bon d’imaginer Un homme et une femme, dans une crique isolée au bord de La Mer, sous un ciel sans Nuages, en train d’écouter Frenchy, le nouvel album de Thomas Dutronc…

Pour en profiter pleinement, mieux vaut ne pas avoir les Feuilles mortes. Personnellement, Plus je l’embrasse et plus je vois La Vie en rose et plus I Get Lucky. Bref, c’est La belle vie. Comme d’habitude, Thomas parsème son chant de plein de Petites fleurs. Et, Comme d’habitude, lorsqu’on arrive à la fin de l’album, totalement sous le charme, on a l’irrépressible envie de lui dire « Ne me quitte pas »…

« Frenchyment », ce quatrième opus de Thomas Dutronc est un pur régal.

 


Fans Frenchy, Thomas Dutronc rend un hommage respectueux à une douzaine de grands standards de la chanson française. Il les revisite à sa façon, c’est-à-dire en les colorant de cette pop jazzy qu’il a faite sienne et qui est sa carte de visite. Dans ce registre, il est comme un poisson dans l’eau. Il s’amuse et le plaisir qu’il y prend est communicatif.

 Il y a dans cet album, quelques titres qui, à mon goût, sont de véritables petites merveilles.

Dans l’ordre d’apparition, C’est si bon, Plus je t’embrasse, Minor Swing s’installent sur les trois plus hautes marches de mon podium.

Avec l’apport de la voix grave d’un Iguane (Iggy Pop) qui lézarde dans sa cool attitude, et celle, délicieusement voilée de Diana Krall, la version de C’est si bon donne naissance à un trio judicieusement complémentaire... La version très rythmée de Plus je t’embrasse, sur laquelle Thomas s’amuse à prendre un léger accent british, nous donne, tant elle est joyeuse, une furieuse envie de hocher la tête et de bouger les pieds… Même chose au niveau des réactions physiques pour le seul titre instrumental, Minor Swing, clin d’œil manouche à Django Reinhardt, qui donne envie de sauter partout en criant que la vie est belle.


D’autre titres nous donnent l’impression, tant il a l’art de se les approprier, qu’ils font partie de son répertoire. C’est le cas de
Petite Fleur, de All For You (Nuages) et de The Good Life (La Belle Vie). Les paroles de Petite Fleur comprennent même quelques phrases que l’on dirait autobiographiques. C’est troublant.  

Les arrangements apportent à certaines autres chansons un éclairage différent. Par exemple dans La Vie en rose, où Billy Gibbons se la joue à la Armstrong, la partie sifflée nous fait penser à un peintre en bâtiment qui, tel un piaf, est en train de siffloter à la fin des années 40 le dernier titre à la mode de la Môme Edith… Quant à la version de Beyond The Sea (La mer), elle traduit, de façon subliminale, la réalité dans laquelle Charles Trenet l’a écrite : il regardait la mer depuis la fenêtre du compartiment d’un train qui longeait le littoral méditerranéen. Et bien, tout au long de cette chanson qui avance tout le temps, on a la sensation de se trouver à bord de ce train et de voir le paysage défiler.


Thomas s’offre également trois magnifiques duos avec des partenaires féminines « haut de gamme » :
Playgroung Love, avec une langoureuse Youn Sun Nah ; Un homme et une femme, avec la tendre crooneuse Stacey Kent ; If You Go Away (Ne me quitte pas) avec Haley Reinhart… La voix, dans le souffle, à la fois rauque et claire, de Haley mêlée au timbre chaud de Thomas fait du titre de Brel une toute autre chanson. C’est toujours une chanson d’amour, mais elle est moins désespérée, plus positive, plus rassurante, nous laissant même envisager une happy end.


En conclusion,
Frenchy est un superbe album. Thomas Dutronc a su recycler à sa manière quelques grandes œuvres du patrimoine de la chanson française. En s’entourant d’invités prestigieux qui se sont tous magnifiquement impliqués, il a composé un album estampillé « Club de jazz » ; un album qui s’écoute en bonne compagnie, lumières tamisées, sourire aux lèvres… Diffuseur de bonne humeur, Thomas confirme qu’il excelle dans les ballades, confirme son grand talent de guitariste, confirme son amour pour le partage, pour le jeu d’équipe. En effet, si les guitares sont prépondérantes, les parties piano et contrebasse sont tout simplement somptueuses.

 Gilbert « Critikator » Jouin

 

samedi 2 janvier 2021

 


Cherche Midi

170 pages

16,80 €

 

Mon avis : Antoine Duléry est un imitateur né. Il a découvert ce don dès l’âge de 10 ans. Evidemment, très vite, il est devenu la coqueluche de son entourage. Lorsqu’on dispose d’un artiste en herbe dans une famille, on n’a de cesse que de le solliciter. Dès lors combien de fois s’est-il soumis de bonne grâce à cette exhortation : « Antoine ! Une imitation ! »… Il a tout de suite pris énormément de plaisir au vedettariat. Se donner en spectacle équivalait pour lui à prodiguer du bonheur à ses auditeurs. Et puis, conséquence non négligeable pour un ado pas très hardi, quel outil de séduction !... Le premier personnage célèbre qui lui a valu un franc succès a longtemps été le seul, l’unique Jean-Paul Belmondo. Il apprenait par cœur des tirades entières qu’il se plaisait à déclamer avec la gestuelle de « L’incorrigible ». Le mimétisme était total et l’effet, garanti.

Animé par le désir de plaire, d’être « aimé de tous », stimulé par un irrépressible besoin de public, il a commencé à ajouter d’autres comédiens à son répertoire. Michel Serrault d’abord, puis toutes les têtes d’affiche de la scène ou du cinéma français.


Dans Imitacteur, Antoine Duléry raconte son parcours, un parcours qu’il résume en une phrase qui le définit totalement : « Admirer aura été la grande affaire de ma vie ».

Quelle satisfaction, quelle réussite pour lui que d’en être arrivé à rencontrer et à côtoyer ses idoles de jeunesse. En même temps, ce destin, il se l’est agencé de toutes pièces (au sens propre comme au sens théâtral). En devenant lui-même comédien, il est entré dans le sérail. Sa convivialité naturelle, son sens aigu de la camaraderie et son humour ont fait le reste.

Cet ouvrage est plaisant car il est très « show off ». Il nous entraîne derrière le décor, là où nos vedettes préférées ne sont plus en représentation ; elles sont elles-mêmes. Ce livre, qui regorge d’anecdotes savoureuses, est aussi une ode au métier d’acteur ainsi qu’une fine analyse psychologique de ces artistes qui se consacrent corps et âme à leur sacerdoce au détriment de tout le reste y compris de leur vie de famille.


 Antoine Duléry décrit ses plus belles rencontres (Jean Marais, Arletty, Charles Aznavour…), brosse de jolis portraits (Pierre Richard, Gérard Depardieu, Jean Dujardin…), rend un hommage appuyé à Claude Lelouch. Il s’attarde aussi sur les deux personnages qui lui ont apporté la plus noble des récompenses pour un comédien, la popularité : l’un au cinéma, Paul Gatineau, dans Camping ; l’autre à la télévision, le commissaire Larosière, dans Les petits meurtres d’Agatha Christie.

 D’aucuns pourront estimer qu’Antoine Duléry se laisse parfois aller à un certain contentement de soi… Mais comment pourrait-il en être autrement lorsqu’on réussit à réaliser ses plus absolus rêves de rencontres avec ceux qu’il nomme affectueusement ses « monstres sacrés » (« sacré » dans son sens religieux), à savoir Jean-Paul Belmondo, Michel Serrault et Johnny Hallyday ? Non seulement, il les a fréquentés, mais il s’en est fait des amis.

La boucle est ainsi bouclée, « L’Imitacteur » s’est métamorphosé en « Amitateur »…