mercredi 29 octobre 2008

Je m' voyais déjà


Théâtre du Gymnase Marie-Bell
38, boulevard Bonne-Nouvelle
75010 Paris
Tel : 01 42 46 79 79
Métro : Bonne-Nouvellle

Paroles et musique : Charles Aznavour
Livret : Laurent Ruquier
Mise en scène : Alain Sachs
Direction musicale : Gérard Daguerre
Chorégraphie : Patricia Delon
Avec Diane Tell (Francesca Lavi), Pablo Villafranca (Danny), Stéfi Celma (Virginie), Jonatan Cerrada (Nicolas), Arno Diem (Alexandre), Julie Lemas (Chloé), St-Cyr (Abdel)

Ma note : 8/10

L'histoire : Une demi-douzaine de jeunes, représentative de la France d'aujourd'hui, viennent de se faire jeter d'un casting. Mais ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas été retenus qu'ils sont nuls ! Alors ils décident de se battre. Avec l'aide d'une chanteuse un peu oubliée, qui attend ell-même une seconde chance, ils vont tenter de monter un spectacle. Leur spectacle. Leur propre comédie musicale dont le fil rouge et unique inspirateur sera... Charles Aznavour.

Mon avis : Je dois reconnaître que je ne me suis pas rendu au théâtre du Gymnase avec le plus grand enthousiasme. Je traînais un peu les pieds. Connaissant bien le répertoire de Charles Aznavour, je me demandais comment Laurent Ruqier avait pu concocter un spectacle qui ne soit pas que l'égrènement , voire la litanie, d'une cinquataine de titres qui font pout la plupart partie de notre mémoire collective. J'étais tout de même assuré d'entendre des chansons d'une extrême qualité. C'était déjà ça. Alors, je me suis dit "On ne sait jamais"...
Deux heures plus tard, je vous jure Sur ma vie, j'étais dans un état proche de celui dans lequel on se sent Après l'amour : heureux, optimisme, requinqué. Ce spectacle est en tout point, en tout cas For me, formidable. J'en ai même oublié Mes emmerdes...

Avant tout, il faut souligner la présence d'un orchestre live composé de cinq musiciens. Que des pointures, des instrumentistes que l'on a l'habitude de voir officier entre autres dans La Nouvelle Star. Cette présence bonifie et tonifie le spectacle.
Ensuite, il faut mettre en exergue l'esthétique du décor, le rendu des façades et des rues de Paris et l'agrément qu'apportent de nombreuses projections d'affiches de music-hall, justement. C'est judicieux, référent, et ça apporte énormément de vie.

Laurent Ruquier a eu l'intelligence d'écrire une véritable histoire. C'est toute une dramaturgie qui se déroule sous nos yeux. Chacun des protagonistes de cette aventure musicale présente un profil psychologique scrupuleusement dessiné. L'attribution des titres ne s'est visiblement pas faite au hasard, mais en fonction justement de ces différents types. Les dialogues sont savoureux, incisifs, très modernes, saupoudrés de clins d'oeil malins sur l'actualité, la politique... La patte Ruquier, quoi, dans ce qu'elle a de meilleur ; ça déborde de tendresse, de fraternité, d'humour. c'est truffé d'anecdotes sur certaines chansons. C'est nickel !
Chaque chanson bénéficie d'un traitement particulier. Ici, rien n'est gratuit, rien n'est anodin. On ne chante pas de l'Aznavour pour chanter de l'Aznavour. Chaque chanson s'inscrit "à juste titre" dans un moment de l'histoire. Autour d'un Emmenez-moi qui joue les Arlésienne tout au long du spectacle, on découvre par exemple un Retiens la nuit très parodique, un Pour faire une jam façon West Side Story, une martiale Marche des anges, un facétieux détournement de La Mamma, de psychédéliques Plaisirs démodés, un pot-pourri hyper romantique... Il ne faut pas en révéler plus pour vous laisser le plaisir de la découverte et des (bonnes) surprises.
Il y a de superbes tableaux et des trouvailles dans les chorégraphies réellement très originales.

Le casting est parfait. Les mélodies de Charles Aznavour n'auraient supporté aucune fausse note à ce sujet.
Fort de sa longue expérience dans les comédies musicales, Pablo Villafranca joue un peu au grand frère. Sa voix rocailleuse fait merveille. Et il n'a jamais peur de forcer sur la parodie (Un Mexicain) et son organe excelle dans l'émotion (Non, je n'ai rien oublié). C'est un pilier.
Stéfi Celma, liane sensuelle, joue les séductrices et les femmes amoureuses avec conviction. Elle peut se le permettre. Elle est très à l'aise dans son corps, bonne comédienne, elle est fraîche, pleine de dynamisme. Son interprétation de Prends garde à toi est un des grands moments du show. C'est vrai, elle nous donne parfois show aussi...
Jonatan Cerrada, premier vainqueur de La Nouvelle Star, joue au petit con avec énormément de finesse. C'est le bougon de la bande. Il cache en fait son extrême pudeur derrière une pseudo arrogance. Et quand il faut envoyer, il envoie. et à la fin de l'envoi, il nous touche avec une sublime version de Au creux de mon épaule.
Arno Diem est surprenant. A priori, on le décide fragile et il se révèle être un sacré danseur, une sorte d'elfe aérien, vibrant, brûlant d'une intense feu intérieur. Un personnage très attachant.
Julie Lemas assume avec beaucoup d'autodérision sa légère surcharge pondérale. Très bonne comédienne, elle joue à ravir les nunuches chouineuses un peu complexées. Mais quand il faut danser, même si c'est compliqué, elle est là. Elle apporte énormément à ce spectacle. Et, elle aussi, elle chante !
St-Cyr, quant à lui, est le bouffon de la bande. Incroyablement souple, c'est un véritable zébulon qui saute et cascade dans tous les coins. Il est une sorte d'électron libre tout en se montrant très sensible à l'esprit d'équipe. Il tourne tout à la rigolade. Son but essentiel dans la vie, c'est d'interpréter Emmenez-moi. Mais y parviendra-t-il ? Et, là où l'on aurait attendu Arno Diem, il s'avère très subtil de lui avoir confié à chanter Comme ils disent. Il lui apporte une jolie touche d'émotion.
Et puis il y a Diane Tell... Je suis un peu plus circonspect à son égard. Je n'arrive pas à affirmer qu'elle est à sa place dans ce rôle de cheftaine. Manque d'autorité sans doute, manque d'envergure. Sa première apparition, affublée d'une horrible robe orange aux couleurs du Modem, n'est pas non plus pour la servir. Et puis dans les chansons un peu rapides, là où il faut pulser, on ne la sent pas toujours très juste. Heureusement, la deuxième partie est bâtie sur mesure pour elle. Elle est vraiment excellente quand les chansons demandent d'exprimer du sentiment, de la mélancolie. En même temps, on comprend que tous ces jeunes gens se prennent d'affection pour elle car elle est vraiment sympa avec eux.

Conclusion, Je m' voyais déjà est un spectacle total, absolument réussi. On n'a pas envie que ça s'arrête tant on y prend du plaisir. Monsieur Aznavour doit être très fier de ce superbe hommage à son incomparable talent d'auteur-compositeur-interprète.

mardi 28 octobre 2008

Clérambard


Théâtre Hébertot
78bis, boulevard des Batignoles
75017 Paris
Tel : 01 43 87 23 23
Métro : Villiers / Rome

Une pièce de Marcel Aymé
Mise en scène par Nicolas Briançon
Décors et costumes de Pierre-Yves Leprince
Avec Jean-Marie Bigard (Clérambard), Nicolas Biaud-Mauduit, Véronique Boulanger, Hélène Surgère, Jean-François Guilliet, Dominique Daguier, Sophie Tellier, Philippe Uchan, Fabienne Chaudat, Maud Heywang, Maurine, Nicot, Lola Marois, Thibaud Lacour

Ma note : 7/10

L'histoire : Clérambard, hobereau ruiné, brute esclavagiste de sa famille, consommateur de chats, tueur de chiens, bouffeur de curés, est soudain converti après une apparition de Saint François d'Assise.
Il devient aussi excessif dans le bien qu'il l'était dans le mal.
Il ne touche plus aux animaux, fussent-ils insignifiants, il trouve de la pureté chez les filles de joie, du plaisir dans le dénuement, et il ira prêcher la bonne parole sur les routes, en roulotte, en entraînant sa famille dans sa croisade d'amour...

Mon avis : Après une entrée en matière originale et les trois coups frappés de la plus charmante des façons, le rideau se lève sur un décor austère et rustique qui suinte la misère. Seuls vestiges d'un lustre passé, quatre prortraits des aïeux pendouillent du plafond. Clérambard apparaît immédiatement comme un affreux bonhomme. Face à une belle-mère franchement hostile, à une épouse soumise, mais digne et toujours aimante, et à un fils craintif et passablement niais, il exerce une tyrannie de tous les instants. Egoïste, injuste, sans scrupules, anticlérical, prédateur d'animaux domestiques, il n'a absolument rien de sympathique. Jusqu'à ce que l'apparition ectoplasmique de Saint François d'Assise le transforme du tout au tout...
Et là, la métamorphose est radicale. le loup se fait agneau. Le despote se mue en en une personne aimable, tolérante, pleine de commisération pour son entourage... C'est sidérant.

Entouré d'une douzaine de comédiens hauts en couleurs, Jean-Marie Bigard s'en donne à coeur joie. Bigard rime avec Clérambard. Mieux, Bigard EST Clérambard. Au début, avec sa grosse voix, il terrorise toute sa famille, il tonne, il vitupère, il menace. Tout le monde file doux... Et quand il est inopinément touché par la grâce, la voix se fait douce, cauteleuse, respectueuse. Ce doit être un régal pour un comédien que de jouer deux personnages aussi diamétralement opposés.

Clérambard est une pièce savoureuse, à l'écriture élégante et finement léchée... La mise en scène est soignée. Les intermèdes onirico-bucoliques sont pleins de poésie. les trois sylphides, espiègles et virevoltantes, apportent une note de fraîcheur assez insolite, mais plutôt plaisante. Et tous les comédiens sans exception sont impeccables.
Jean-Marie Bigard ne fait ici que confirmer des talents de comédien "classique" qu'il nous avait déjà révélés dans Le Bourgeois gentilhomme. Sa joie de jouer entraîne tous ses partenaires à sa suite. Son plaisir, gourmand, est manifeste, il passe la rampe. Désormais, avec un tel éventail, on sait qu'il peut tout jouer. Et, quand on le connaît, on comprend pourquoi il a choisi d'interpréter Clérambard. Il peut, tout au long de cette pièce, faire passer un message d'amour... Son leitmotiv : savoir aimer. Savoir Aymé ?

lundi 27 octobre 2008

Le Comique


Théâtre Fontaine
10, rue Pierre Fontaine
75009 Paris
Tel : 01 48 74 74 40
Métro : Blanche / Pigalle

Une pièce de Pierre Palmade
Avec Pierre Palmade (Pierre Mazar), Anne-Elisabeth Blateau (Babeth), Arnaud Tsamère (Arnaud Pelletier), Sébastien Castro (Monsieur Godin), Noémie de Lattre (Noémie Rivière), Delphine Baril (Delphine Mazar), Bilco (Alexis Aben), Jean Leduc (Jean)

Ma note : 8/10

L'histoire : Pierre Mazar, un comique célèbre à la vie débridée, est en panne d'inspiration pour son prochain spectacle qui commence dans un mois.
Et pour cause : les boîtes de nuit, l'alcool et les conquêtes amoureuses masculines l'empêchent de se concentrer sur son écriture. Son entourage panique et décide de le mettre "au vert"... Son assistante, sa soeur, son meilleur ami, mais aussi d'autres personnages vont se lancer dans une course contre la montre pour tenter de sauver cette carrière qui sent le roussi.

Mon avis : Cela fait aujourd'hui vingt ans que Pierre Palmade arrivait à Paris. Il avait 20 ans. Il étonnait déjà par la qualité de son écriture, son sens aigu de l'observation, son goût prononcé pour l'absurde... Vingt ans plus tard, il ne fait que confirmer qu'il est un de nos plus brillants auteurs et, surtout, un dialoguiste hors pair(es).
"Le Comique", à forte connotation autobiographique, est une pièce gonflée. Il y a mis (presque) tout de lui. C'est terriblement impudique, limite scabreux, et ça passe. Au contraire, il nous apparaît infiniment sympathique. Ses faux airs de matamore, sa pseudo tyrannie, ne parviennent pas à dissimuler sa grande vulnérabilité ; même s'il est aujourd'hui beaucoup moins fragile que naguère.
La pièce, dont il faut avant tout saluer la beauté des deux décors (surtout celui de la deuxième partie), commence par une petite rétrospective de la carrière de Pierre Mazar-Palmade. C'est-à-dire une vie de "people" très agitée que le succès, venu très tôt, a tout logiquement déstabilisé et entraîné vers toutes les formes de plaisirs. C'est truffé d'anecdotes réelles, c'est empli d'autodérision, et ça nous délivre un portrait juste et sans concessions d'une star de l'humour. Il ne se fait pas de cadeau. Derrière la gloire et la vie facile, il y a beaucoup de solitude (une "élégante solitude" précise-t-il). Et pour avancer, pour aller au bout de la nuit, on prend des béquilles dont une des plus anesthésiantes est l'alcool. Pierre ne nous cache rien. Le bonheur ? Ce serait la cerise (à l'eau de vie) sur le gâteau au rhum : "Il faut choisir entre libre et heureux. J'ai choisi libre"...

La première partie est franchement étourdissante. Tous les personnages sont impeccables, très typés. Ils sont plus que des faire valoir pour Pierre, ils sont de véritables complices, des miroirs à peine déformants. Longtemps beaucoup plus obsédé par l'esprit de croupe, Pierre découvre avec délices l'esprit de troupe. Les répliques, souvent délicieusement acides, fusent, les formules - véritables aphorismes -nous ravissent, les rebondissements sont efficaces. Fuyant la réalité d'une vie un tantinet désordonnée, Pierre Mazar-Palmade se réfugie dans une forme de désinvolture affectée plutôt que d'avouer son désarroi. C'est qu'il est lucide le bougre ! Il a l'art de se réfugier soit dans la mauvaise foi, soit dans la pirouette d'une brillantissime saillie. Et ça marche... On devrait le détester tant son attitude peut irriter, or on ne l'en aime que plus.
J'ai beaucoup apprécié sa saine colère, sa légitime indignation à propos de la mode du stand-up. C'est tellement vrai ! En effet, ils ne sont pas très relevés les conteurs ; on en reparlera dans vingt ans...
Même si, en réalité, il joue son propre rôle, Pierre Palmade confirme ses grands progrès de comédien. Aujourd'hui, il a acquis la carrure que son talent mérite. C'est-à-dire de bien larges épaules...

La deuxième partie se révèle un peu plus molle, moins rythmée, moins percutante aussi. Mais les circonstances l'imposent. On tombe un peu plus dans une sorte de boulevard farceur avec mensonges et quiproquos. Mais ça reste d'un très bon niveau. Il faut dire que la barre était très haut en première mi-temps... Et toujours ces rebondissements distillés à point nommé. Quelle efficacité !
Difficile également de ressortir un des ses partenaires plus qu'un autre tant chacun a un rôle bien précis et indispensable au bon assemblage de ce meccano. On ne peut toutefois que remarquer l'abattage d'Anne-Elisabeth Blateau dans son rôle d'assistante au dévouement qui frise le sacerdoce, et la présence comique de Sébastien Castro, le gardien sans gêne, sorte d'enfant improbable qu'auraient pu engendrer Régis Laspalès et Stéphane Guillon.

Le Comique est une excellente pièce, une comédie fine et réjouissante. On comprend aisément quelles sont les raisons qui ont amené Pierre Palmade à l'écrire. C'était pour lui une sorte d'exutoire, un prétexte pour être enfin lui-même. Sans aucun doute la manière la plus intelligente et la plus honnête de faire son "comique out".

jeudi 23 octobre 2008

Magique


Un film écrit et réalisé par Philippe Muyl
Musique de Cali
Avec Marie Gillain (Betty), Cali (Baptiste), Antoine Duléry (Auguste), Louis Dussol (Tommy), Benoît Brière (Alix), Holly O'Brien (Alice), Rachel Gauthier (Libellule), Stéphane Breton (Archibald)...
Sortie le 22 octobre 2008

Ma note : 5,5/10

L'histoire : Dans une ferme isolée vivent Betty et son petit garçon de 10 ans, Tommy.
Tommy n'a jamais connu son père. Sa mère lui a toujours dit qu'elle ne savait pas qui il était. Tommy s'est mis en tête que celui-ci était cosmonaute et elle ne l'a jamais démenti. Depuis, chaque soir, l'enfant regarde le ciel en attendant son retour. Betty, elle, est souvent mélancolique. Tommy voudrait bien que le sourire illumine son visage. Mais comment faire ?
Un jour, il apprend qu'un cirque est de passage en ville. Mais faute de documents administratifs en règle, interdiction de planter le chapiteau ! Tommy se jette sur cette opportunité. Il parvient à convaincre sa mère d'accueillir le cirque sur leur terrain. Les caravanes viennent donc s'installer dans le champ tout proche de la ferme. Mais un problème survient : Bingo, qui transportait le chapiteau, s'est perdu en route ! Et sans chapiteau, pas de spectacle possible...

Mon avis : Bizarre ce film... Quasiment anachronique...
Voyons déjà les points positifs : Le gamin est épatant. Ce film déborde de tendresse et de poésie. On dirait un gros sucre d'orge plein de couleurs et de douceur. On y est le témoin de la vie d'un cirque vue de l'intérieur ; le pied pour un enfant ! Marie Gillain est frémissante de langueur. Cali est romantique à souhait, Antoine Duléry vachement sympa. Voici un duo qui fonctionne bien. Les décors et les paysages naturels du Canada parés aux couleurs mordorées de l'été indien sont absolument splendides... Bref, Magique est très esthétique et totalement onirique.

Voyons maintenent les points négatifs : le gamin a un jeu et des mimiques appuyées parfois irritants. Ce film est tellement dégoulinant de bons sentiments qu'il en devient mièvre. On dirait un gros sucre d'orge un peu collant et limite écoeurant. La vie de ce cirque est vraiment par trop idyllique. Marie Gillain est agaçante de langueur. Cali est romantique à souhait. On dirait un Gavroche lunaire égaré à la campagne. Antoine Duléry n'a pas du tout l'air de croire en son personnage. Les décors et les paysages naturels du Canada parés aux couleurs mordorées de l'été indien sont absolument splendides (là, il n'y a rien à (mé)dire). Bref, Magique est très esthétique et totalement irréaliste.

En conclusion, Magique serait le genre de téléfilm idéal à diffuser en deuxième partie de soirée sur une chaîne de service public à la période de Noël. Il ne peut s'adresser qu'aux enfants et aux doux rêveurs. Ce qui est déjà louable, me direz-vous. Il est hors du temps, hors de toute réalité (hormis les soucis financiers de la jolie apicultrice). Et même si on ne peut qu'apprécier les beaux sentiments - valeurs qui nous semblent actuellement bien obsolètes - là, c'est vraiment trop. Je ne suis jamais rentré dans ce film. Pire, je m'y suis passablement ennuyé. Mais bon, dans ce monde de brutes, on ne peut pas décemment dénigrer un tel parti pris de gentillesse et de pureté. J'ai quand même peur quant à la fréquentation... Ils ne sont plus assez nombreux les gens qui fonctionnent à l'hyper romantismme...

mercredi 22 octobre 2008

Miracle à Santa Anna


Un film de Spike Lee
Scénario de James McBride, d'après son roman Buffalo Soldiers
Avec Derek Luke (Stamps), Michael Ealy (Bishop), Laz Alonso (Hector Negron), Omar Benson Miller (Sam Train), Pierfrancesco Favino (Peppi "Grand Papillon" Grotta), Valentina Cervi (Renata), John Turturro (l'inspecteur Antonio "Tony" Ricci)...
Sortie le 22 octobre 2008

Ma note : 6,5/10

L'histoire : New York, de nos jours. Hector Negron, un vieil homme noir, assassine un immigré italien appremment sans raison. Il oriente l'enquête d'un journaliste sur les traces des "Buffalo Soldiers". Ce bataillon, constitué de soldats afro-américains, a combattu en Europe pendant la seconde Guerre Mondiale...
Toscane, 1944. Les Buffalo Soldiers lancent une offensive contre l'armée allemande. L'attaque tourne mal et les soldats sont abandonnés à la merci de leurs ennemis par leurs officiers blancs. Quatre d'entre eux parviennent à s'échapper, mais ils s'égarent dans les montagnes où ils rencontrent miraculeusement Angelo, un enfant blessé et traumatisé par un drame survenu dans le village voisin de Santa Anna. Alors qu'ils tentent de le ramener à leur camp, Hector, Sam, Bishop, et surtout Train, "le géant en chocolat", vont tisser des liens très forts avec leur protégé. La petite troupe échoue dans un village et se mêle à la vie de ses habitants. Pendant ce temps, les partisans italiens rôdent dans la montagne. "Le Grand Papillon", un résistant héroïque, fait parler de lui ; un déserteur SS, porteur d'un terrible secret, fuit sa compagnie... Et la menace allemande se rapproche...

Mon avis : Pour la faire courte, Spike Lee a réalisé là un film en Noirs et Blancs. En racontant l'histoire de ces Buffalo Soldiers, ces 15.000 soldats noirs américains qui ont combattu en Italie d'août 1944 à novembre 1945, il lève un voile sur un pan de l'histoire assez méconnu... Spike Lee sait filmer, c'est sûr. Ce film comporte de superbes scènes, il porte - comme d'habitude chez Spike Lee - un message plein de tolérance et d'humanité, même si d'aucuns jugeront le trait sur le communautarisme un peu lourd et le parti pris quelque peu manichéen.
La scène d'ouverture, avec une caméra nerveuse, est réellement surprenante. En nous plongeant immédiatement dans une espèce d'incompréhension, elle nous place dans un délicieux sentiment d'attente. Qu'est-ce qui a bien pu légitimer ce meurtre ?
Et nous voici transplantés plus de soixante ans en arrière dans les paysages de Toscane. Là, de terribles scènes de guerre nous assaillent, crues et réalistes. Elles sont bien sûr indispensables pour nous faire nous intéresser à ces pauvres bidasses, complètement dépassés, souvent apeurés et, surtout, abandonnés à leur triste sort par des supérieurs - blancs - totalement irresponsables et plein de mépris pour cette piétaille.
De grands thèmes sont abordés : la propagande, la résistance, l'héroïsme, la lâcheté (souvent proche de la lucidité), la solidarité, la haine, le racisme... Ce film aurait pu (dû ?) être parfait avec une demi-heure de moins. le problème de Spike Lee, c'est qu'il est bavard, très bavard. A trop vouloir expliquer, il noie son sujet. Du coup, certains comportements et certains dialogues, par trop simplistes, voire ridicules, nous agacent. Résultat : des longueurs superflues, ralenties par des poncifs qui engluent l'action.
C'est dommage car avec un peu plus de concision, ce film ramené à deux heures aurait été remarquable. Mais Spike Lee reste un grand cinéaste, un virtuose de l'image et il possède un sacré talent pour nous dénicher des comédiens vraiment attachants, l'impressionnant Omar Benson Miller (Train) en tête.

mardi 7 octobre 2008

Being W. Dans la peau de George W. Bush


Un film réalisé par Karl Zéro et Michel Royer
Avec George Bush
Sortie : 8 octobre 2008

Ma note : 6/10

Synopsis : A l'heure du bilan - globalement jugé comme catastrophique - Karl Zéro et Michel Royer offrent à "Dubya" (George W. Bush) la possibilité de s'expliquer et de se défendre, via le talent d'imitateur de Jim Meskimen. Et W. lâche enfin toute sa vérité... Ce scénario ahurissant, Karl Zéro et Michel Royer n'en sont pas les auteurs : il s'agit d'une histoire vraie et terrifiante dont nous tous, habitants de la planète, sommes les témoins involontaires.

Mon avis : Cet homme a été pendant huit années aux commandes du plus puissant pays du monde. Impressionnant ! A grand renfort de documents, d'images d'archives, de biographies, Karl Zéro et Michel Royer dissèquent le parcours stupéfiant d'un "bon à rien, ex-alcoolique qui se retrouve à la tête de la première puissance mondiale". Le résultat est effarant. C'est tellement gros que l'on vient à se poser deux questions diamétralement opposées :
George Bush est-il un crétin absolu ou bien est-ce le plus grand malin que la politique américaine ait engendré. Tout au long du film on balance entre ces deux hypothèse.
Avec ses clins d'oeil entendus, ses déclarations à l'emporte- pièce, ses apartés drôlatiques, on a souvent l'impression qu'il se fout de notre gueule. Et puis, à d'autres moments, il nous apparaît pathétique tant il semble dépassé par les événements.
Alors, illusionniste, manipulateur ou bien pitoyable idiot ? Il est fascinant de voir barboter cet homme en plein premier degré, considérer son chien à la manière d'un Caligula déifiant son cheval, jouer au cowboy ou au pompier tel un gamin tout fier de sa panoplie, de l'entendre s'exprimer comme un élève de CM2 qui ne maîtrise pas encore parfaitement la syntaxe... Et dans le quart d'heure qui suit, il manie l'autodérision avec un certain esprit.
Et puis il y a son comportement le jour de la catastrophe du 11 septembre. Soit il est totalement abasourdi par la monstruosité des attentats et il lui faut beaucoup de temps pour que l'information se fraie enfin un chemin jusqu'à ses neurones. Soit...
C'est donc à vous, humble spectateur, de vous faire votre propre idée sur ce personnage étonnant. Une chose est sûr, quelle que soit sa réelle personnalité, ce "fou de Dieu" va laisser son pays dans un état lamentable et, visiblement, ça ne le tracasse pas outre mesure.
Il est sûr que nous, Français, avons pris plus de plaisir à suivre les précédents opus des sieurs Zéro et Royer, Dans la peau de Jacques Chirac et Ségo et Sarko sont dans un bateau, car là nous étions concernés au premier chef et c'étaient des gens qui nous étaient familiers. Le traitement gentiment chansonnier iconoclaste nous réjouissait particulièrement. Là, ce qui se passe outre-Atlantique, nous paraît un peu lointain. Mais que cet individu nous laisse perplexe !!!

mercredi 1 octobre 2008

Equus


Théâtre Marigny
Carré Marigny
75008 Paris
Tel : 08 92 22 23 33 / 08 92 68 36 22
Métro : Champs-Elysées Clémenceau

Une pièce de Peter Shaffer
Mise en scène : Didier Long
Adaptation : Pol Quentin
Avec Bruno Wolkowitch (Docteur Dysart), Julien Alluguette (Alan Strang), Christiane Cohendy (Dora Strang), Didier Flamand (Franck Strang), Delphine Rich (Esther), Astrid Bergès-Frisbey (Jill Mason), Joséphine Fresson (l'infirmière), Alain Stern (Dawson), Jeoffrey Bourdenet (le cavalier), Lucas Anglarès, Benjamin Bodi, François Peyre.

Ma note : 7/10

L'histoire : S'inspirant d'un fait divers authentique et inexpliqué, Peter Schaffer raconte l'histoire d'un garçon de 17 ans qui a crevé les yeux de six chevaux, une nuit, dans un manège.
L'action a pour cadre un hôpital où un psychiatre tente d'élucider le mystère de cet acte... Ainsi commence une enquête aussi prenante qu'une aventure policière dans laquelle un duel passionné va opposer le docteur Dysart au jeune Alan Strang.
Nul ne peut échapper à l'envoûtement de ce débat implacable et superbe que domine la figure fantastique d'Equus, le dieu-cheval, dont un enfant solitaire avait fait son maître et son esclave.

Mon avis : C'est sûr, Equus n'est pas la pièce la plus légère et la plus facile de cette rentrée. Mais, au niveau de l'intrigue, c'est une des plus prenantes, une des plus passionnantes. C'est une vraie dramatique qui nous chatouille l'intellect et nous saisit aux tripes, aspirés que nous sommes par une mécanique implacable digne d'un polar. ON VEUT SAVOIR ! On veut savoir le comment et le pourquoi d'un geste aussi horrible que celui perpétré par le jeune Alan. Pour quelles sombres raisons a-t-il, une nuit, décidé de crever les yeux de six chevaux, des animaux dont il est follement épris ? Ce sera tout le travail de sape mené par un brillant psy qui nous permettra - peut-être - d'élucider ce mystère.

Le décor de Marigny est impressionnant de dépouillement. Au sol, reposent, selon le moment, plusieurs banquettes de bois oblongues, anonymes, banales, qui vont se déplacer en fonction de l'action. La pièce s'ouvre sur une sorte de ballet. Dès le départ, on compte douze personnes sur scène. Elles y seront présentes pratiquement tout du long, le plus souvent silencieuses.
Après un long monologue du docteur Dysart qui sert en quelque sorte d'exposé, l'histoire démarre véritablement. Les mouvements sont parfois très stylisés, mécaniques. L'action étant ponctuée de flashbacks, les ruptures de rythme abondent. La mise en scène est ingénieuse, truffée de trouvailles pour nous permettre de ne jamais lâcher le fil. Et la scène finale est superbe dans sa beauté froide et formelle...

Bruno Wolkowitch, omniprésent, livre sans doute là sa performance théâtrale la plus aboutie. Sa belle voix grave nous séduit et nous rassure, une qualité qui crédibilise sa fonction de psy. Un tel timbre ne peut qu'apaiser et donner confiance à n'importe quel patient. A plus forte raison quand il s'agit d'un jeune homme aussi perturbé qu'Alan qui cherche aussi, quelque part, un père. Bruno Wolkowitch campe un personnage humain, ne possédant pas une once d'arrogance, qui n'hésite pas à faire part de ses doutes, de ses manques, de ses contradictions. Il mène une véritable enquête, décortiquant patiemment l'écheveau emmêlé d'un cerveau malade. Pressé par un juge (excellente Delphine Rich) avec laquelle il entretient des rapports de confiance et d'estime, il veut connaître la vérité. Pour cela, il lui faudra aussi rencontrer les parents d'Alan, savoir quelle éducation il a reçue, quel enfant il était... C'est très fouillé, très précis. il y a d'ailleurs une scène formidable entre le docteur et la maman d'Alan (remarquable Christiane Cohendy)...
Et puis il y a la prestation d'Alan lui-même. La composition de Julien Alluguette est hallucinante. Tour à tour irritant et détestable, fragile et attachant, il ne cesse de nous fasciner, de noushanter. Avec sa gestuelle particulière, ses soubresauts, ses moments de folie ou d'abattement, il a un rôle extrêmement délicat à appréhender. Véritablement impressionnant, il est la grande révélation de cette pièce.
Il ne faut pas se voiler la face, Equus est une pièce âpre, difficile, qui souffre parfois de quelques longueurs (langueurs ?). Il ne faut donc pas y venir avec l'esprit fatigué ou endormi. Mais le talent des acteurs et celui du metteur en scène font que l'on se laisse happer par le suspense de ce récit inquiétant et tumultueux.