mercredi 30 décembre 2009

Charles Aznavour "A voix basse"


A 85 ans, Charles Aznavour s’autorise une petite halte dans un emploi du temps toujours aussi trépidant pour dresser une sorte de bilan global à la fois sur son propre parcours et sur l’évolution du monde qui l’entoure. Charles Aznavour, on le sait, n’a jamais eu sa langue dans sa poche. Alors, aujourd’hui, avec la liberté que lui confère son âge, il se gêne encore moins. Et, comme il a remarqué que plus l’on criait moins on était entendu, c’est A voix basse qu’il préfère s’adresser à nous. L’homme, comme le chanteur, sait à merveille utiliser sa voix de velours pour nous séduire, nous émouvoir, nous interpeller et nous convaincre.

A voix basse est un ouvrage très complet. Il nous propose un regard panoramique sur une destinée hors du commun.
Charles Aznavour revient sur son enfance, nous livrant des pages de sa vie que l’on connaît peu ou mal. « Mes classes, je les ai faites sur scène », reconnaît-il, assumant son statut d’autodidacte. Sa culture, il se l’est choisie et forgée tout seul, le plus souvent au gré de sa curiosité et de ses lectures. Grâce à ses parents, il a été immergé très tôt dans le monde de la musique et du cinéma. La radio a tenu également un rôle prépondérant dans son éveil… Charles Aznavour a débuté sur les planches dès l’âge de 9 ans, au théâtre. Mais pour lui, la comédie restait un art secondaire, avant tout un gagne-pain. C’est la chanson qui l’attirait. Grand admirateur de Charles Trenet, il lorgnait du côté des auteurs-interprètes. Il se sentait de leur famille. Il appréciait leur indépendance de ton et, s’appuyant sur leur modèle, il voulait imposer sa différence. Mais autant ses premiers interprètes furent conquis par ses chansons, autant les journalistes s’ingéniaient à focaliser sur son physique « ingrat »… Lui, convaincu de l’originalité de son talent, il continuait avec « opiniâtreté » à apprendre son métier… On sait aujourd’hui combien il a eu raison de s’obstiner car, allant « de galas en galères », il allait enfin être récompensé de sa ténacité. En 1954, à 30 ans, il connaissait enfin le succès et obtenait le noble statut de chanteur populaire.

Pourtant, dans cet ouvrage profondément autobiographique, Charles Aznavour ne se contente pas de parler de lui. Il se livre à de nombreuses réflexions et analyses sur le monde. Toujours « A voix basse », il envoie quelques coups de gueule, des indignations dignes de l’être qu’il a toujours été sans trop le montrer : un homme en colère ». Le privilège des anciens, c’est qu’ils peuvent l’ouvrir et il n’a pas l’intention de s’en priver.
Très attentif à l’éclosion des jeunes pousses de la chanson française, il joue à l’aîné en prodiguant quelques conseils avisés aux jeunes artistes, il s’attarde sur ces relations qui sont exacerbées à peine qu’on a du succès, la gestion des médias, des courtisans, des collègues, des proches. Il y a toujours danger à se laisser éblouir par les feux de la célébrité… Aznavour, lui, a toujours su prendre le temps de s’arrêter pour « faire le point ». Il a toujours entretenu l’admiration qu’il portait à ses aînés et, surtout, il a toujours respecté le public. Les valeurs sur lesquelles il n’a jamais cessé de s’appuyer sont la discrétion et l’humilité.
Au détour des pages, il évoque sa dizaine d’années passées auprès d’Edith Piaf, il raconte ses Etats-Unis, sa passion pour la photographie… En fait, il vivre énormément de lui-même, de ses rapports avec l’écriture et sa façon de travailler, à ses relations familiales d’hier et d’aujourd’hui, ses origines arméniennes, ses quarante-cinq ans d’union avec Ulla ; des quatre Aznavourian qu’ils étaient au départ au clan Aznavour qui s’est constitué autour de lui…
Enfin, il a encore l’insouciance de parler de l’avenir…

A voix basse est un ouvrage passionnant sur le parcours d’un homme qui fait intégralement partie de notre patrimoine. Avec beaucoup de recul, mais avec une certaine véhémence, il nous offre une auto-analyse d’une grande lucidité et un regard aiguisé sur le monde tel qu’il fut et qu’il est aujourd’hui.

A voix basse
Don Quichotte Editions. 17 €

jeudi 24 décembre 2009

Arthur, l'aventure 3D "Bienvenue chez les Minimoys"






Le 19 décembre dernier, Luc Besson a procédé au lancement de la toute nouvelle attraction du parc du Futuroscope de Poitiers, Arthur, l’aventure 4D. En présence de nombreux journalistes et de quelques artistes, muni d’une énorme clé, il a symboliquement ouvert l’immense portail qui donne accès au monde fabuleux des Minimoys…
Après avoir parcouru un long dédale qui nous permet de découvrir l’univers souterrain et l’environnement de ces minuscules créatures, nous accédons à une salle d’embarquement futuriste équipée de nacelles dans lesquelles on nous demande de nous installer après avoir, au préalable, chaussé une paire de lunettes spéciales. Nous comprenons bientôt qu’à notre tour nous avons été réduits à une taille microscopique et que notre moyen de locomotion va être… une coccinelle. Soudain, Arthur, Séléna et Bétamèche surgissent devant nous. Ils sont tout excités car le moment est venu pour Arthur de regagner le monde des humains. A leur suite, nous nous engageons dans une tumultueuse et trépidante course contre la montre. A bord de notre « coccicar », malmenés, secoués, nous filons dans un décor à la fois féérique et semé d’embûches. On survole la très animée Paradise Alley, des toiles d’araignées nous freinent, un énorme rat nous pourchasse, une gigantesque grenouille Projette sa langue pour nous engluer. Toutes ces sensations, parfois désagréables, nous les ressentons dans notre nacelle lancée à toute vitesse. Arriverons-nous à temps pour permettre à Arthur de retrouver les siens ?

Cette nouvelle attraction que nous propose le Futuroscope est unique au monde. Elle consiste en un film d’animation supervisé par Luc Besson et réalisé par les créateurs du long métrage, projeté sur un dôme IMAX de 900 m2. La 4D permet au visiteur de pénétrer dans un monde en relief et de multiplier les effets sensoriels, pendant qu’un simulateur de mouvements synchronisé lui donne réellement l’impression d’être au cœur de l’action. Arthur, l’aventure 4D est une formidable réussite sur le plan technologique. Le graphisme du pays des Minimoys est d’une rare esthétique. On est DANS le film.
C’est un véritable spectacle « Besson et lumières ».

Cette nouveauté sera présentée en avant-première au Futuroscope de Poitiers jusqu’au 3 janvier 2010, puis en continu à partir du 6 février.

mercredi 23 décembre 2009

La pensée du jour

Suite à l'agression dont il a été victime, Sylvio Berlusconi remonte dans les sondages :
Cet incident arrive vraiment à poing nommé...

Bonnie & Clyde


L’Alhambra
21, rue Yves Toudic
75010 Paris
Tel : 01 40 20 40 25
Métro : République / Jacques Bonsergent

Genre : Polar musical
Mis en scène par Antoine Lelandais
Musiques de Raphaël Bancou
Scénographie de Sarah Bazennerye
Costumes de Virginie Houdinière et Sarah Dupont
Chorégraphies d’Armelle Perron
Maître d’armes : Benoît Cambillard
Avec Cécilia Cara (Bonnie Parker), Fabian Richard (Clyde Barrow), Christine Bonnard (Anita Villa-Lobos), Gilles Vajou (Alvarez / Almafuerte), Magali Bonfils (Gabrielle), Antoine Lelandais (Willy Woofy), Fabien Hily (Cosmo), Sabrina Boudaoud (Môme Dina), Raphaël Bancou (Lieutenant Jakowski)

Ma note : 7/10

L’histoire : Une cambrioleuse de talent dérobe les diamants d’Alvarez, le parrain de la mafia newyorkaise. En réponse, celui-ci envoie son bras droit afin de l’éliminer. Problème : elle s’appelle Bonnie… il s’appelle Clyde…

Mon avis : Il fallait un certain courage et/ou beaucoup d’enthousiasme pour porter à la scène la mythique histoire de Bonnie Parker et Clyde Barrow. Ce couple est tellement gravé dans la mémoire collective par ses interprètes précédents : Faye Dunaway et Warren Beatty pour le film, Brigitte Bardot et Serge Gainsbourg pour la chanson. Excusez du peu ! En plus, on a en permanence la chanson dans la tête. Sacré handicap au départ…

L’épopée commence sur un air d’harmonica. Trois musiciens enchaînent en « live »… Willy Woofy, animateur d’une radio de Brooklyn, va en être notre narrateur. Grâce à un habile flash-back digne du cinéma, nous assistons au premier exploit de Bonnie Parker. Déguisée en hôtesse de l’air, elle s’empare d’un sachet de bijoux que convoie Gabrielle, âme damnée d’Alvarez, le patron de la pègre newyorkaise et, accessoirement maîtresse de son homme de main, le brutal et séduisant Clyde Barrow… Cette première scène de combat est remarquablement chorégraphiée. Cécilia Cara, particulièrement sexy dans sa tenue d’hôtesse de l’air, jupe fendue, chemisier blanc et ravissant petit calot, nous la fait carrément à la Kill Bill. Les arts martiaux n’ont plus de secret pour elle. Nous sommes bien loin de la gentille et romantique Juliette qui l’avait fait connaître… Quant à Clyde, c’est un vrai dur. Il ne connaît qu’une loi : son flingue. C’est un tueur impitoyable et cynique… Leur rencontre va être explosive. Nous assistons à un coup de foudre en direct.

Beaucoup de choses m’ont séduit dans ce « polar musical »… D’abord, l’histoire tient parfaitement la route. C’est une véritable tragédie grecque transplantée à Brooklyn qui se déroule sous nos yeux. Il y a de l’action, des rebondissements, des personnages bien dessinés, une mise en scène intelligente…. Grâce à un scénario solide, truffé de ramifications et de rebondissements, le tout est très crédible.
Ce que j’ai apprécié également, c’est que l’auteur du livret n’a pas succombé à la facilité en évitant tout manichéisme. Ceux qui ont l’air gentil peuvent trahir, les gangsters au cœur de pierre peuvent faire preuve de commisération. Il y a du feu, du sang, de l’amour, de l’humour, de l’émotion. De l’humain, quoi ! Nous assistons par exemple à une surprenante confession de Bonnie qui avoue presque à contrecœur qu’elle est excitée par la montée d’adrénaline que lui procurent ses hold-up. Pourtant, sa vocation, au départ, c’est d’incarner une sorte de Robin des Bois en jupons. Ces sentiments troubles sont fort bien analysés.
Mardi, c’était le soir de la première représentation. Après quelques ajustements, quand tout le monde aura bien pris ses marques, le spectacle va devenir plus rythmé, plus huilé, plus intense encore. Honnêtement, c’est du très bon travail. Les chorégraphies sont réussies, les scènes de combat originales et très physiques. Tous les protagonistes de ce drame – ils sont neuf – sont vraiment bons. Et les musiciens eux aussi participent à l’action en se muant en comédiens avec un réel talent. Sincèrement, il y a beaucoup d’inventivité dans cette mise en scène.

Maintenant, il y a un élément qui m’a quelque peu perturbé. Bonnie & Clyde est annoncé comme étant un « polar musical ». Or, je l’ai trouvé plus « polar » que « musical ». C’est effectivement bien âpre, bien noir, bien violent. Mais il m’a semblé que la musique, par manque de mélodie, n’était pas au diapason. Les chansons sont plus parlées que chantées. C’est peut-être un parti pris, mais il nous manque deux ou trois « tubes » qui pourraient dynamiser la bande son. Il y a certes des morceaux réussis comme le gospel, la chanson un peu bluesy de Dina, l’ambiance sud-américaine de celle de Cosmo le recéleur. Ça va faire mal, interprétée par le flic, est un bon air jazzy, Anita se fend d’un joli Combien de temps… C’est dommage, pour un spectacle musical qu’il n’y ait pas plus de vraies belles chansons qui s’installent dans notre tête et nous accompagnent ensuite dans le métro. Bref, j’ai trouvé les chanteurs plus convaincants que leurs chansons…
Mais, mis à part ce petit reproche, j’ai pris beaucoup de plaisir à suivre le déroulement de cette histoire d’amour et de violence. Le couple Bonnie/Clyde fonctionne parfaitement. Le charisme est là, ils assurent. Comme je le mentionnais plus haut, tout le monde est bon, d’Anita l’ex-prostituée devenue prêcheuse à Alvarez, le parrain, en passant par Gabrielle la tueuse ou Dina la serveuse. J’ai également bien aimé le timbre de voix du lieutenant Jarowski et sa désinvolture.
Allez voir Bonnie & Clyde. Déjà, ça a le mérite d’être une création française. L’histoire est costaude et les comédiens sont épatants. C’est un très bon divertissement. Et puis il y a Cécilia Cara. On la savait excellente chnateuse et très bonne comédienne ; mais là, elle nous épate aussi par ses qualités athlétiques.

Dany Boon "Trop stylé"


L’Olympia
28, boulevard des Capucines
75009 Paris
Tel : 01 55 27 10 00
Métro : Madeleine / Opéra / Auber

Ma note : 7,5/10

Mon avis : Ce qui est avant tout évident, c’est le plaisir que dégage Dany Boon de se retrouver sur scène après « trois ans d’attente ». La deuxième chose qui est également patente, c’est que l’humoriste s’est donné les moyens de son envie. Il n’a en effet pas lésiné sur les effets spéciaux et les « fournitures ». Son apparition en ombre chinoise – procédé qui sera repris avec bonheur à la fin – est particulièrement originale et correspond totalement à son univers loufoque… Et puis il apparaît. Elégant dans son costume gris, avec un large sourire et un gros lapin blanc dans les bras. Dany voue une tendresse particulière pour ces bestioles en raison de leur singularité physique : les grandes oreilles.
Il entame son spectacle avec une sorte de revue de l’actualité, s’attardant plus longuement sur la grippe porcine, ce qui lui permet d’évoquer un scénario catastrophe vers lequel le dirige inévitablement son hypocondrie chronique. Puis il reprend son fameux accent du Nord pour camper un maçon poivrot à la démarche hésitante et à la diction empâtée dont l’obsession est de proposer ses services pour reconstruire… le mur de Berlin !
Dany Boon maîtrise parfaitement son sujet. Son spectacle, habilement monté, ne fait que monter régulièrement en puissance. Amateur de ruptures, il passe de l’humour tendre (la berceuse de maman) à l’humour vache (l’évolution des relations au sein du couple), s’offre un numéro désopilant de beat box, et s’attarde longuement sur les effets secondaires de l’extravagant succès de son film Bienvenue chez les Ch’tis. On sent bien qu’il en est très fier, mais il il n’y met heureusement aucune arrogance. Juste un peu d’autosatisfaction somme toute assez légitime. Il révèle quelques anecdotes de tournage et parle même de la parodie porno de sa comédie…

Il consacre ensuite une fort jolie parenthèse en forme d’hommage à un artiste qu’il appréciait énormément, Raymond Devos, ce qui lui permet outre ses talents de musicien et de chanteur, de faire une incursion dans un domaine où il excelle, l’absurde. Il entame alors la partie plus musicale de son spectacle en se livrant, en s’accompagnant au piano, à une petite charge sur la nouvelle chanson française. Et, puisqu’il est au piano, il tente une nouvelle fois de mener à son terme l’interprétation d’un des ses « tubes, Piensa me. Les trois sketches suivants sont également d’une très bonne tenue. Il s’attarde sur les inventions débiles, campe un vieillard qui vient narguer son médecin traitant malade (superbe idée), pour enchaîner sur un plaidoyer bien noir, bien trash et entaché d’une sordide mauvaise foi, en faveur de l’euthanasie, une euthanasie dont la « bénéficiaire » est, évidemment, son épouse. C’est un très, très bon sketch.
Le rappel est consacré à une reprise qui réjouit tout le public, celui sur la Poste et les postiers.
Et je n’aurai pas l’indécence de vous narrer un final que l’on peut qualifier d’ubuesque. Effet sur les zygomatiques garanti…

Remarquable showman, Dany Boon sort de scène épuisé par sa débauche d’énergie, mais profondément heureux de ce grand moment de partage avec un public enfin retrouvé.

Avant de terminer cette chronique, je ne peux que vous recommander de courir à la Comédie de Paris assister à l’intégralité du spectacle de l’humoriste qui assure la première partie de Dany Boon, Jérôme Commandeur. Les deux excellents sketches qu’il nous livre sur la scène de l'Olympia ne pourront en effet que vous mettre en appétit.

mardi 22 décembre 2009

Désiré


Théâtre de la Michodière
4bis, rue de la Michodière
75002 Paris
Tel : 01 47 42 95 22
Métro : 4 septembre

Une pièce de Sacha Guitry
Mise en scène par Serge Lipszyc
Décors de Charlie Mangel
Costumes d’Emmanuel Peduzzi
Avec Robin Renucci (Désiré), Marianne Basler (Odette Cléry), Jean-Philippe Puymartin (Félix Montignac, ministre des PTT), Marion Posta (Madeleine, la femme de chambre)), Alycia (Adèle, la cuisinière), Nathalie Krebs (Henriette Corniche), Jean-Christophe Barc (Adrien Corniche)

Ma note : 7/10

L’histoire : Désiré, valet de chambre stylé, entre au service d’une actrice, maîtresse d’un ministre ; Malgré les convenances, Désiré tombe amoureux de sa patronne, ce qui lui est déjà arrivé par le passé… Mais cette fois-ci, à son corps défendant, Mademoiselle n’est pas insensible à ses charmes…

Mon avis : Une fois encore le théâtre de la Michodière nous propose une fort bonne pièce de théâtre. Vous pensez, c’est du Guitry. Et Guitry, c’est Guitry quoi ! C’est des bons mots, des aphorismes, de la malice, de la misogynie, de la distance et beaucoup, beaucoup d’esprit. De tout cela, Désiré en est truffé.
Le ton est donné dès la première scène qui met en présence Madeleine et Adèle, respectivement femme de chambre et cuisinière au service d’un personnage important, monsieur Montignac, qui se trouve être le ministre des PTT quand la pièce commence. Très complices, les deux femmes, dans le secret de l’office, se laissent aller à déblatérer sur le couple formé par leur maître et sa jolie maîtresse, Odette Cléry, une comédienne de seconde zone, qui vise un riche mariage en prévision d’une reconversion plus réussie. Les deux domestiques s’en donnent à cœur joie, chacune avec sa propre personnalité, la cuisinière (Alycia) se révélant particulièrement haute en couleurs, alors que la femme de chambre (Marion Posta) est un peu plus posée tout en étant pétillante et pleine de bon sens.. Leurs patrons devant rejoindre leur propriété de Deauville, elles sont en plein préparatifs. Mais il manque toujours un valet de chambre. Or, en voici un qui se présente, répondant à la petite annonce. C’est, bien sûr, Désiré. Un homme élégant, enjôleur, plein de charme. Un charme qui agit d’ailleurs immédiatement sur Madeleine et Adèle ! Puis, d’une manière plus confuse, plus inconsciente, sur Odette Cléry qui, après moult tergiversations, finit par l’engager.
Ce premier acte sert en quelque sorte à dessiner les caractères des différents protagonistes. Désiré, bientôt, se rend indispensable. Très stylé, prévenant, respectueux, suave, anticipant les demandes, il fait le bonheur de ses patrons.

Le deuxième acte sera donc celui du dénouement. Le décor change. Nous nous retrouvons dans le salon d’une villa à Deauville. Adèle et Madeleine, toujours aussi espiègles et désinvoltes, préparent l’arrivée du couple, encadrées par un Désiré qui veille sur tout. La relation entre le ministre et sa maîtresse ne dégage pas une passion évidente. On sent chez l’homme politique une certaine retenue, une dose de calcul. Quant à l’ex-actrice, d’origine modeste, elle joue son avenir et elle a tout intérêt à entretenir le feu. En fait, ils sont tous deux dans une sorte de convention tacite… Mais c’était sans compter avec le pouvoir de séduction de ce cher Désiré. Il est tellement aux petits soins pour Odette qu’elle en subit des effets subliminaux dévastateurs qu’elle ne peut maîtriser dans son sommeil. Ces soupirs et roucoulades aussi nocturnes qu’inconscientes n’ont pas l’heur de plaire au sieur Montignac.
Après une longue scène de jalousie que j’ai personnellement trouvée un peu trop redondante, la suite de la pièce est tout-à-fait savoureuse. L’arrivée du couple Corniche dans la maison permet une belle redynamisation de l’action. La scène du dîner avec une Henriette Corniche affligée de surdité est particulièrement hilarante. Elle en frise le burlesque. Il faut vraiment souligner la présence comique dans ce rôle de Nathalie Krebs qui, en ne surjouant pas une situation qui pourrait se révéler grotesque à la longue, la rend réellement jouissive. Quant à son mari, il campe avec beaucoup d’authenticité un personnage grossier, un mufle sans éducation.

Désiré est une pièce à la fois drôle et élégante. Les sept personnages qui la jouent sont parfaits chacun dans son registre. Les costumes de ces messieurs et les robes de ces dames sont superbes… Robin Renucci est impeccable dans le rôle de Désiré. L’œil qui frise et le geste onctueux est en permanence dans le second degré. On sent qu’il s’amuse énormément avec cette composition… Marianne Basler joue avec candeur de son charme très sensuel, comme si elle ne se rendait pas compte de l’attirance qu’elle provoque. Ce n’est jamais appuyé, c’est tout en finesse… Jean-Philippe Puymartin fait montre de son côté de beaucoup de classe. Il possède un vrai maintien. Il a de l’allure, quoi !
Et, évidemment, le huitième personnage incontournable de cette comédie n’est autre que Sacha Guitry avec ses sentences acérées sur la vie de couple, ses coups de griffe envers le monde politique, sa peinture acide des parvenus, mais aussi avec sa tendresse envers les femmes, son analyse subtile du désir, le tout servi par d’excellents dialogues. C’est frais, léger, agréable, mais, sur un ton apparemment badin, pas mal de vérités sont dites.

jeudi 17 décembre 2009

Brel, de Bruxelles aux Marquises


Théâtre Déjazet
41, boulevard du Temple
75003 Paris
Tel : 01 48 87 52 55
Métro : République

Biographie musicale écrite et racontée par Jacques Pessis
Interprétée par Nathalie Lhermitte
Accompagnée à l’accordéon par Aurélien Noël
Mise en scène par Ned Grujic

Ma note : 8/10

L’histoire : De Bruxelles aux Marquises, de 1929 à 1978, Jacques Brel a vécu l’existence qu’il souhaitait, faites de passion, d’émotions, d’amours et d’humour. Préférant l’intensité de l’existence à sa durée, il est allé jusqu’au bout de ses rêves… Jusqu’à en crever. Dans cette biographie musicale, nous vous raconterons le destin hors du commun du « fils d’un marchand de cartons » qui a choisi de devenir « un marchand de chansons ». Pour y parvenir, il a connu le temps des vaches maigres. Il a débuté « longtemps, longtemps » avant de trouver un public à qui il a tout donné, jusqu’à l’épuisement. Pendant quinze ans, il a chanté presque tous les soirs, combattu un trac maladif, fumé 50 cigarettes par jour, traîné jusqu’au petit matin. Quand il a quitté la scène, au sommet de se gloire, c’est pour demeurer un homme libre, pour découvrir d’autres horizons.
Si le destin le lui avait permis, Jacques Brel aurait fêté, en 2009, ses quatre fois vingt ans. Trente ans après sa disparition, son âme demeure présente et ses couplets touchent plus que jamais le cœur des nouvelles générations.

Mon avis : Après le remarquable spectacle autour de la vie de Piaf, Une vie en rose et noir, le trio Pessis-Lhermitte-Noël, revisite la vie et l’œuvre d’un autre géant de la chanson : Jacques Brel. Mais rendus plus forts et plus expérimentés par le spectacle précédent, ils franchissent un nouveau palier en nous présentant une histoire encore plus et mieux scénarisée. C’est dire le plaisir que l’on y prend.
Après qu’une voix off nous ait gentiment souhaité « un bon voyage », Nathalie Lhermitte, vêtue d’un imper clair, débarque à Bruxelles et, d’emblée, sans crier "gare", elle nous chante… Bruxelles. Et, d’emblée, on est scotché par cette voix si mélodieuse, par sa façon de moduler, de nuancer. Tant de facilité, tant d’aisance, c’est énervant… Quelle interprète !
L’idée de scénariser ce spectacle lui apporte un surcroît de rythme et de fantaisie. Jacques Pessis y reprend certes sa fonction de conteur, mais en endossant cette fois un rôle, celui d’une sorte de directeur des ressources humaines, passionné par Brel, et qui est ravi de communiquer cette passion à cette jeune stagiaire. Aurélien Noël quant à lui se partage entre son accordéon et ses responsabilités d’archiviste. Ces jeux de rôles, ces jeux drôles, donnent donc plus de vie à cette biographie musicale.
Jacques Pessis, qui a pris énormément d’assurance, illustre ses propos d’un nombre considérable d’anecdotes, certaines nous sont connues, d’autres beaucoup moins. Il se fend même d’une imitation (eh oui) tout-à-fait convaincante du sieur Philippe Bouvard en reproduisant les propos qu’il avait tenus à l’occasion d’un tour de chant de Jacques Brel. Il brosse également le tableau de l’époque, évoque l’avènement des yé-yés, lit une lettre de Brel…

En tout, Nathalie Lhermitte, dont il faut souligner la perfection de la diction, interprète une quinzaine des plus grand titres du répertoire brélien dans un ordre quasi chronologique. Après Bruxelles, elle nous offre une version aussi puissante qu’intelligente de La Quête dans laquelle elle use à ravir de son superbe vibrato. Elle s’autorise quelques morceaux de bravoure comme La Valse à mille temps. Elle joue remarquablement la comédie avec une interprétation très facétieuse des Bonbons (là, elle met le paquet !), s’amuse avec sa voix, prenant tout à tour un ton grave d’une veille dame ou celui pointu d’une jeune fille en campant Les Flamandes, adresse un clin d’œil au spectacle précédent en incarnant un bref instant.Edith Piaf… Lorsqu’elle termine Ne me quitte pas, le public est tellement subjugué, qu’un long silence inattendu s’installe avant que les applaudissements n’explosent. C’est vraiment troublant.

On se demandait quelle allure auraient les chansons si personnelles, si identifiées de Jacques Brel, interprétées par une voix féminine. Le pari était tout de même osé. Et bien, c’est sans doute bien meilleur que si c’était un chanteur masculin qui s’y était collé. Nathalie Lhermitte y apporte une lecture nouvelle. Sans jamais dénaturer le propos, elle compense l’extraordinaire vigueur, la puissance du Grand Jacques, par plus d’émotivité et de sensibilité. On ne peut pas chanter Brel avec retenue, il faut y aller bille en tête, avec le cœur, avec les tripes. Et là, Nathalie n’a rien à craindre. Elle est totalement dans l’esprit du créateur. Grâce à elle, à la bonhommie et à l’érudition de Jacques Pessis, et à ce virtuose du piano à bretelles qu’est Aurélien Noêl, on redécouvre Brel. Et quand on sort du théâtre Déjazet, la tête emplie de Vesoul ou d’Amsterdam, on n’a qu’une hâte, se replonger dans sa discographie pour s’y repaître de sa substantifique moelle.
Merci m'sieurs-dame, vous nous offrez là un beau, un grand moment de music-hall...

Le dernier vol


Un film de Karim Dridi
D’après le roman de Sylvain Estibal « Le dernier vol de Lancaster »
Avec Marion Cotillard (Marie), Guillaume Canet (Antoine), Guillaume Marquet (Vincent), Saïdou Abatcha (Saïdou), Frédéric Epaud (Louis), Michaël Van der Meiren…

Ma note : 5,5/10

Synopsis : Sahara français, 1933…
Bille Lancaster, pilote anglais renommé, a disparu dans le désert lors d’une tentative de record de traversée entre Londres et Le Cap. Sa maîtresse, l’aventurière et aviatrice Marie Vallières de Beaumont, n’a qu’une obsession : le retrouver.
Alors qu’elle survole le Ténéré, la jeune femme est contrainte de poser son biplan près d’un poste avancé de méharistes français. Le capitaine Vincent Brosseau l’accueille, mais refuse de l’aider. Préoccupé par les rébellions touaregs, le commandement d’Alger n’autorise pas l’envoi de secours.
Confronté à la détermination de Marie, le lieutenant Antoine Chauvet tente de la dissuader de poursuivre cette quête désespérée dans un lieu aussi grandiose et hostile que le Ténéré. Rien n’y fait. Pour poursuivre ses recherches, elle se joint à une expédition menée par la compagnie méhariste en territoire touareg.
Au cours de cette mission à haut risque, Antoine, en rupture avec sa hiérarchie, et Marie vont se rapprocher…

Mon avis : Un joli couple, des paysages sublimes, une photo hyper léchée, une bande-son ethnique très agréable…
Vous allez dire que ça fait beaucoup d’ingrédients très positifs pour ce Dernier vol. Et vous n’aurez pas tort. De fait, le premier tiers de ce film est réellement intéressant. On est d’abord littéralement subjugué, envoûté par les paysages grandioses qu’offre le Sahara. C’est d’une beauté implacable. Magnifique. Ensuite, on découvre les différentes personnalités de trois des principaux protagonistes de ce début d’histoire, les méharistes français. Il y a le capitaine Vincent Brosseau, particulièrement rigide, dévoré par l’ambition, droit dans ses bottes… Il y a Vasseur, un bidasse truculent et jouisseur, peu enclin à la discipline mais formidablement courageux…Et puis il y a le lieutenant Antoine Chauvet, soldat certes, mais avant tout un humaniste, un idéaliste tiraillé entre son devoir et les ordres qu’il reçoit, et son amour pour les populations touaregs.
Le capitaine et le lieutenant, diamétralement opposés, s’opposent en permanence ; mais, hiérarchie oblige, c’est le plus galonné qui impose ses choix et ses décisions. L’arrivée inopinée dans le détachement de Marie Vallières de Beaumont, aristocrate et aventurière d’une part, amoureuse et déterminée de l’autre va bientôt bouleverser l’ordre établi.
En dépit d’un rythme délibérément lent pour sonner l’impression du temps qui s’étire, on se dit que nos héros ne vont pas tarder à passer à l’action : les militaires face aux troupes touaregs qui se soulèvent contre la présence colonialiste quelque peu bornée des méharistes français et Marie face à l’infinie étendue de dunes dans laquelle s’est perdu Bill Lancaster, son pilote aimé…

Et bien, pile au moment où il pourrait y avoir un peu d’action, Marie et Antoine s’éclipsent avec leurs dromadaires, abandonnant leurs camarades à un sort que l’on imagine fatal. Soudain, nos rêves d’épopée s'évaporent comme de l’eau dans le sable et il ne nous reste plus qu’à devenir les témoins ensommeillés d’un couple à la dérive dans un océan de dunes, avec une succession de paysages sans cesse répétés.

Bref, la seule possibilité de ne pas succomber à ce film soporifique, c’est de se répéter en leitmotiv : « Attention, c’est une histoire vraie ». Effectivement, vu sous cet angle, on ne peut qu’être admiratif devant autant d’abnégation, autant d’obstination, autant de romantisme. C’est carrément surhumain. Mais pendant une heure et demie, il faut un certain caractère...
Alors que reste-t-il ? ce que je mettais en exergue au début : un beau film, une photographie du désert à couper le souffle, une jolie musique de fond et, et, et c’est tout… Conclusion : si l’on ne peut qu’être admiratif et plein de respect pour une telle leçon de courage, cela ne suffit pas pour faire du Dernier vol un bon divertissement. On s’ennuie trop. Ben oui…

Gamines


Un film d’Eléonore Faucher
D’après le roman de Sylvie Testud
Avec Amira Casar (Anna Di Baggio), Sylvie Testud (Sybille adulte), Zoé Duthion (Sybille enfant), Louise Herrero (Corinne enfant), Roxane Monnier (Georgette enfant), Jean-Pierre Martins (Salvatore, le parrain), Sophie Guillemin (Odile, la marraine), Laurence Cordier (Corinne adulte), Elise Otzenberger (Georgette adulte), Lubna Azabal (Angela Di Baggio), Marc Barbé (Antoine Mercier, le père)

Ma note : 8/10

Synopsis : « J’aime pas qu’on me plaigne. Je préfère rigoler. Devant les mines compatissantes, je réponds depuis trente ans : « Je n’ai pas de père, mais je m’en fiche, c’est comme ça. J’ai une photo »…
J’ai aussi deux sœurs, et une mère italienne… mais attention…interdit de parler de « lui » devant « elle »… ça déclencherait une éruption volcanique. Car le volcan, il paraît, n’est pas encore éteint. Je crois que c’est un peu à cause de ma figure. La même que lui. Quand ils me voient rigoler, dans la famille, ils disent : « C’est son portrait tout craché ». Et ma mère est à la fois triste et fière. Elle est fière parce que je suis blonde comme lui, alors qu’ils sont tous bruns. Mais mo je préférerais être comme eux. C’est pour ça que je fais des conneries comme les mecs, pour leur ressembler, pour être plus Italienne qu’eux. Des conneries d’artiste, comme dit mon parrain. Je suis sa préférée. Et lui aussi c’est mon préféré.
Mais j’aimerais bien le voir en vrai, le type de la photo, un jour, quand même. Seulement, il paraît qu’il est dangereux. Qu’il est fou… »

Mon avis : Ce film est un vrai bonheur de comédie. De comédie de la vie.
Par la grâce d’abord d’un casting absolument épatant. Les trois gamines qui jouent les trois sœurs Di Baggio sont tout bonnement formidables, chacune dans un registre propre, parfaitement défini. Tout oppose en effet les deux grandes, Corinne et Sybille. Tant physiquement que moralement. Au début, on craint que leur antagonisme, évident, ne plombe gravement leur relation. Mais quand il s’agit de défendre leurs bonnes causes, elles savent mettre de côté leurs divergences pour s’unir et faire front ensemble. Quant à la petite, Georgette, elle est à fondre tant elle est craquante avec sa bonne petite frimousse, ses fossettes et ses mimiques si spontanées. Toutes les trois, elles nous prennent en otage, elles font de nous leurs complices. Car tout se passe en réalité à travers leur regard. Avec, en plus, la voix off, qui est celle de Sybille, dont les observations, les analyses, les commentaires, finement écrits, ajoutent à l’empathie que l’on ressent pour elles.
Ce film, s’il fait la part belle à la partie enfance, est construit avec d’habiles allers et retours entre le passé et le présent, entre Sybille enfant et Sybille adulte. Chacune de ses deux époques étant en outre agrémentée de sa musiquette qui lui est propre. La bande-son fait, à sa manière, partie intégrante de l’action.

Chez les adultes, Amira Casar s’en sort remarquablement avec un rôle lourd à porter. Elle met dans son personnage une intensité, une sensibilité, une douleur tout-à-fait palpables. Sur son visage, dans son regard, on peut lire ses états d’âme, tout ce qu’elle peut ressentir : sa tendresse pour ses filles, ses inquiétudes pour elles, sa souffrance, ses indignations, ses révoltes… Un très, très beau rôle. L’autre adulte qui illumine de sa présence virile et protectrice, c’est Jean-Pierre Martins, qui tient le rôle du parrain de Sybille. Un joli personnage, extrêmement sympathique, Italien jusqu’au bout de ses poils de moustache. Lui aussi fait montre d’une belle palette de sentiments divers…

Eléonore Faucher, la réalisatrice, a parfaitement réussi l’adaptation du livre de Sylvie Testud. Le propos véhicule tellement de sentiments forts qu’il eût pu facilement tomber dans le pathos. Or, il n’en est rien. Il y a beaucoup de pudeur, de retenue. Aucun jugement n’est porté… La scène finale avec les trois « gamines » devenues adultes, est traitée avec beaucoup de délicatesse, presque avec maladresse, pour nous faire encore mieux ressentir l’intense émotion de ce moment de vie impressionnant, tellement espéré et tellement redouté. Et elle y a glissé également énormément d’humour. Les enfants sont ainsi ; aussi prompts à la tragédie et à la mélancolie, qu’à l’insouciance et à la farce.
Gamines est vraiment un fort joli film, vibrant et vivant, porté par une fillette époustouflante de présence et de justesse : Zoé Duthion. Un nom à retenir…

jeudi 10 décembre 2009

Eddy Mitchell "Grand Ecran"



Ma note : 8,5/10

Et bien voilà un album qu’il est bon ! Très bon même. Un vrai petit bijou avec de formidables arrangements sur lesquels notre Eddy croone avec un bonheur évident. C’est en tout cas l’album-hommage qu’il devait à sa passion pour le septième art, une passion aussi vivace, sinon plus, que celle qu’il nourrit pour la chanson. Ce goût pour le cinéma américain lui fut inculqué dès son plus jeune âge par son père. Nourri aux fameux westerns des années 50, il en est un des spécialistes les plus érudits. Admirateur inconditionnel de Robert Mitchum, il a animé pendant plus de quinze ans La dernière séance sur France 3, sorte de ciné-club tout entier dédié aux films produits par les plus grands studios d’outre-Atlantique. Si le western bien sûr s’y taillait la part du lion, il ne manquait jamais de programmer également des films de pirates, des péplums, des films noirs, des polars, des films musicaux, des films de cape et d’épée, des thrillers et même quelques films d’épouvante.

N’ayant plus d’émission de télévision pour évoquer cet amour absolu pour tout ce que le cinéma hollywoodien lui a apporté, Eddy Mitchell a eu la judicieuse idée de le lui rendre en chansons en reprenant une quinzaine de ses plus grands standards. Pour cela, il est carrément allé les enregistrer en Californie, à Burbank, non loin... d’Hollywood.

Disons-le tout net, le choix des titres est imparable. La plupart de ces chansons, on les a gravées dans notre mémoire. Parfois, les chansons, sont bien plus connues que les films eux-mêmes. Sont passées à la postérité. Or, dans ce Grand Ecran d’Eddy Mitchell, elles sont totalement réinventées grâce à de somptueux arrangements. Eddy les a mises à sa sauce et à son style à lui, avec son grain de voix et, surtout, son incomparable phrasé et sa nonchalante élégance.
On retrouve ainsi une multitude de guitares, de l’harmonica, de l’harmonium, des trompettes mexicaines, des saxos, de la clarinette, du bugle, du trombone, différents pianos comme le Rhodes, de la pedal steel (indispensable), de la mandoline, du vibraphone, de la harpe, etc, etc… Cela donne une multitude de climats et de couleurs qui en font une album musicalement somptueux (je vous conseille de l’écouter au casque).

Côté chanson maintenant…
Celle qui m’a le moins emballé, c’est Frappe aux portes du paradis. Ça tombe bien, c’est la première ! Après ce n’est que du (grand) bonheur. C’est vrai, ce premier titre, extrait de Pat Garrett et Billy le Kid, s’avère un tantinet répétitif et mollasson. Pas évident de la faire sonner en français.
Mais dès Toute la pluie tombe sur moi, on tombe dans l’enchantement le plus béat. Les images de Paul Newman et Robert Redford virevoltant sur leur bécane nous illuminent immédiatement la mémoire. Magie du cinéma ! Et Eddy se balade avec eux, comme s’il était lui-même juché sur un vélo et participait joyeusement à cette jolie parenthèse bucolique de Butch Cassidy et le Kid. (couleur dominante : les cuivres)
Il enchaîne ensuite avec un très velouté Je t’appartiens aux arrangements sobres et mélodieux, avec un joli passage de voix doublée. Un gros bonbon !... Puis il interprète façon chanson-travelling la virile mélopée de Macadam Cowboy, Comme un étranger dans la ville (couleur dominante : les cordes), avant d’enchaîner par un primesautier et terriblement swinguant Avril à Paris (couleur dominante : le big band).
Pour moi, la version mitchellienne des Feuilles mortes, est la meilleure que j’ai jamais entendue. On sent l’automne, on se voit traînant des pieds dans un amoncellement de feuilles, dans une nuit tombante, gris et humide. Nous aussi on se fait notre cinéma. C’est beau parfois la nostalgie (couleur dominante : un piano qui égrène des gouttelettes d’eau).
Eddy modernise avec une autorité jubilatoire le fameux Sixteen Tons des Platters. L’adaptation française, signée Jacques Larue, est remarquable. La musique, avec ses ponctuations de cuivres, fait partie intégrante de l’histoire et Eddy puise dans ses dons de comédiens pour apporter un réalisme poignant à cette histoire toute simple d’un héros anonyme de la vie.
Pleurer des rivières… Alors là, on touche au Standard jazzy avec un "S" majuscule. Le stylo enchanté de Boris Bergman fait couler la mélancolie, celle qu’on aime, celle qui nous étreint le cœur et que l’on trouve délicieusement douloureuse. Dans ce registre, la voix grave d’Eddy est aussi adéquate que convaincante (couleur dominante : une guitare évidemment chialeuse).
Une interprétation sensible et intelligente nous fait apprécier tout le sel de ce digest d’une vie somme toute plutôt optimiste qu’est Ma plus belle année. Allons, c’est réconfortant d’apprendre que, finalement, tous les âges de la vie sont beaux pour peu qu’on sache en tirer ce qu’ils offrent de meilleur. Eddy, gentleman classieux, nous la fait gentiment désinvolte (couleur dominante : les saxos).
Autre méga tube du western que ce Si toi aussi tu m’abandonnes à l’arrangement à la fois lourd et léger. Là, surgissent inévitablement les images du couple Gary Cooper et Grace Kelly, à l’époque où la future princesse monégasque jouait encore avec les cowboys au pied des Rocheuses en attendant le Rocher. Du cousu main pour Eddy encore une fois dans le bon wagon, celui du talent (couleur dominante : la basse).
Pas facile de revisiter Aznavour dans un registre où celui-ci excelle, le rythme jazzy. Le défi est largement relevé avec cette interprétation plutôt musclée de Hier encore, comme s’il était pressé par l’urgence. L’arrangement donne vraiment l’impression du temps qui passe à toute vitesse, le salopard ! (couleur dominante : la pedal steel).
Ambiance mâtinée de country pour Je file droit, la chanson peut-être la moins connue de cet album mais qui vaut par son climat. Eddy, qui joue ici les maris serviles et enamourés (un rôle de composition !), nous la livre avec une certaine retenue qui rendrait presque son attitude crédible. Bon comédien, le bougre (couleur dominante : re-pedal steel) ;
Dans Celui qui est seul, on plonge carrément dans le son des années 60, avec chœurs ténus et garnis d’onomatopées. Clin d’œil aux années yé-yé si chères à Eddy (couleur dominante : mandoline et cordes).
Alors là, avec Garde-moi la dernière danse, ça swingue grave. Le regretté Mort Shuman eût apprécié cette version ultra tonique de sa chanson. Eddy y met toute son énergie. On sent que si la gonzesse ne lui accorde pas sa dernière danse, il va y avoir du grabuge dans la ballroom (couleur dominante : le piano boogie ; quel solo !)
Autre chanson cultissime et hiératique installée dans le juke box du Panthéon de la chanson de film, Over the Rainbow, titre immortalisé par la grande Judy Garland. La barre était haut, très haut placée, puisqu’au-delà même de l’arc-en-ciel. Alors Eddy a éludé la pression en partageant le boulot. Mitchell, le magicien, dose… ses effets. A deux, on est plus fort. Et il est vrai que sa voix et celle de Melody Gardot en alternance se marient à merveille. Un grand moment de douceur mélodieuse (couleur dominante : trompette et percussions)
Et enfin, juste avant « The End », un titre s’imposait, évident, incontournable, obligatoire : La dernière séance. Cette fois, il l’interprète sur un rythme un peu plus rapide, comme s’il était pressé d’en finir, de se prendre Une semaine de vacances bien méritée. Et le rideau sur le skeud est tombé… (couleur dominante : la guitare)

Inutile de le cacher, j’ai pris un plaisir énorme à l’écoute de ce CD. Tout est bien. Les arrangements, bien sûr, dont j‘ai déjà souligné la qualité et la finesse, et l’interprétation sans faille d’Eddy Mitchell, avec cette distanciation et ce feeling qui n’appartiennent qu’à lui. Un opus réellement abouti, un Grand Ecran pour grande écoute. Super !

La Vie parisienne


Théâtre Antoine
14, boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Tel : 01 42 08 77 71
Métro : Strasbourg Saint-Denis

De Jacques Offenbach
Livret de Henry Meilhac et Ludovic Halévy
Adaptation et mise en scène d’Alain Sachs
Orchestration et direction musicale de Patrice Peyriéras
Costumes de Marie Pawlotsky
Chorégraphies de Patricia Delon
Avec David Alexis, Adrien Biry, Emmanuelle Bougerol, Stéphane Corbin, Thomas Dalle, Noémie Delavennat, Hervé Devolder, Isabelle Fleur, Anna Lafont-Jouan, Marie-Charlotte Leclaire, Marion Lépine, Clément Pouillot, Sarah Tullamore

Ma note : 7/10

L’histoire : Le baron de Gondremarck vient de débarquer à Paris. Il est Suédois. C’est froid la Suède, c’est austère et les hivers y sont longs. C’est pourquoi le baron veut profiter de son séjour pour rattraper le temps perdu et « s’en foutre jusque là ». Mais il est accompagné de sa femme, une baronne suédoise… Cette beauté scandinave, le vicomte Raoul de Gardefeu veut la séduire et, si possible, beaucoup plus… Pour y réussir, il s’improvise guide du couple, l’installant dans son hôtel particulier qu’il fait passer pour une annexe du Grand Hôtel. Et pour mieux l’avoir elle, il organise pour lui des fêtes en trompe-l’œil, avec de faux invités en pagaille : veuve de colonel, major, prince, amiral… et de vraies Parisiennes pour de vraies séductions… Le baron s’en grise.

Mon avis : A l’ouverture du rideau, on découvre un plateau qui pourrait passer pour les coulisses d’un théâtre. On y voit en effet disposés pêle-mêle un tas d’objets et accessoires hétéroclites. Dans ce joyeux bric-à-brac, on remarque un piano, une table, des chaises, des mannequins, des valises… Une sorte de régisseur en blouse grise déroule un étroit tapis, ouvre une porte, et fait pénétrer une troupe de jeunes gens composée de 6 femmes et 5 garçons. Il installe un lutrin avec une certaine componction, y dépose une partition et fait signe à la troupe de s’en approcher. C’est, bien sûr, la partition de La Vie parisienne. Les jeunes gens découvrent leur texte, se l’approprient, et prennent peu à peu possession de leurs rôles respectifs.
Ce qui est le plus bluffant, c’est leur pluridisciplinarité. En effet, ils se révèlent tous être à la fois comédiens, danseurs, chanteurs, musiciens (on a même droit à une harpe et à un xylophone), voire – on s’en apercevra vers la fin – acrobates. C’est d’ailleurs pour cet éclectisme qu’Alain Sachs les a choisis. Le fait, en outre, qu’ils ne soient pas très connus, ou pas du tout, apporte à cette troupe une formidable homogénéité doublée d’une fraîcheur totale. Il se dégage de leur jeu une telle joie de vivre, un tel dynamisme, une telle complicité qu’on a l’impression d’avoir affaire à une compagnie plus encore qu’à une troupe.

Après dix premières minutes logiquement hésitantes, puisque les comédiens découvrent leurs rôles, le spectacle prend son rythme, aidé en cela par des chansons qui font partie de la mémoire collective. La vraie vedette de ce spectacle, c’est la mise en scène. Alain Sachs y a déployé un trésor d’ingéniosité, d’inventivité. On prend énormément de plaisir à découvrir toutes les astuces qu’il a saupoudrées tout au long de ce célébrissime vaudeville joué et chanté.
Pour ce qui est des chansons, dont il faut souligner la qualité de l’écriture des textes, certaines souffrent quelque peu de leur mélodie un tantinet désuète et sans relief. Mais là, le metteur en scène comme les interprètes n’y peuvent rien. Ils font de leur mieux avec ce qu’ils ont (n’est-ce pas Metella ?). En revanche, La Vie parisienne comporte quelques « tubes » que, visiblement, la salle connaît par cœur, comme le Rondeau du Brésilien (« je suis Brésilien, j’ai de l’or »), Je veux m’en fourrer jusque là, Je suis veuve d’un colonel et évidemment, l’emballement final avec l’air de La Vie parisienne.

Le traitement très original donné à cette œuvre d’Offenbach, nous en offre une sorte de redécouverte, de relecture. Chacun des treize artistes apporte sa pierre à cet édifice avec un enthousiasme et une candeur réjouissants. Et quel final aussi avec ce cancan endiablé à la chorégraphie truffé de trouvailles particulièrement savoureuses ! Bref, on s’amuse autant sur scène que dans la salle. L’idée était audacieuse et risquée. Le pari(s) est largement gagné.

lundi 7 décembre 2009

Christophe Alévêque est Super Rebelle


Théâtre du Rond-Point
2bis, avenue Franklin-Roosevelt
75008 Paris
Tel : 01 44 95 98 21
Métro : Champs-Elysées Clémenceau / Franklin-Roosevelt

Spectacle écrit par Christophe Alévêque
Mis en scène par Philippe Sohier
Musiciens : Maxime Perrin (accordéon et cor), Francky Mermillod (guitare), Julien Bonnard ou Stéphane Sangline (batterie et trompinette)

Ma note : 7,5/10

Mon avis : Il est 15 heures. C'est, je crois, l'heure des vêpres. Une drôle de messe va être dite par Alévêque dans le temple du Rond-Point. Mais cet Alévêque-là, on ne peut pas lui donner le bon Dieu sans confession. D'abord, il n'en voudrait pas, et ensuite, cela irait diamétralement à l'encontre de sa propre religion : la rébellion.
"Saint" Christophe s'autorise donc une entrée en fanfare. Enfin, une entrée en deux temps car il a un peu de retard à l'allumage au grand dam de ses trois musiciens. Trois musiciens dont il faut tout de suite saluer la présence, discrète certes, mais toujours judicieuse car elle permet à notre trublion de se livrer en leur compagnie à quelques saynètes bien décapantes. En plus du fait, bien sûr, qu'ils sont tous trois d'excellents instrumentistes... Or donc, le Christophe s'autorise une entrée qui, loin d'être magistrale, est particulièrement croquignolette. Nous ne sommes pas dans une superproduction américaine, nous ne sommes pas dans Superman. La panoplie de Super Rebelle, quoique fort seyante, n'est pas extrêmement glamour. Mais elle en jète ! Une cape rouge vif doublée d'un jaune on ne peut plus lumineux, un slibard quasi kangourou rouge et jaune, maintenu par un gros ceinturon dont la boucle est ornée des lettres magiques "SR". Hélas, en dépit de cette tenue voyante à défaut d'être affriolante, notre pseudo super héros nous apparaît plutôt mou du genou. Il est démoralisé, désabusé. Et il nous explique les raisons profondes de ce désanchantement. C'est vrai qu'il n'y a pas vraiment de quoi se réjouir dans la conjoncture actuelle. Mais, en bon diésel, en énumérant les nombreux dysfonctionnements de notre société, il commence à s'échauffer et, ponctuant ça et là ses constatations de ses fameux petits ricanements, il se fait de plus caustique, de plus en plus virulent, bref, de plus en plus rebelle. Et sa mauvaise foi chronique fait le reste. Alors il ratisse large : l'argent, Internet, la religion, les dérèglements climatiques, les progrès de la médecine qui nous permettent de vivre de plus en plus vieux... Et il en arrive tout naturellement à évoquer la figure la plus emblématique de tous les humoristes, l'aubaine pour tous les caricaturiste, le président "Zébulon" Sarkozy. Un important chapitre lui est consacré. Dans la salle où, apparemment, suite à un sondage éclair de Super Rebelle, personne n'a voté Sarko (!), c'est la communion. Dans le public, les épaules tressautent à l'unisson de celles du président croqué, phénomène inattendu et pittoresque de mimétisme involontaire.

Et puis, en ex-obsédé, Christophe réclame un "Grenelle du sexe" et, qui dit sexe dit enfants, il en vient tout logiquement à à un long exposé sur l'éducation. Une éducation totalement phagocytée par les éctits de Françoise Dolto. Ce sketch, subtilement émaillé par les interventions opportunes des musiciens, sent énormément le vécu. "Avez-vous essayé d'aller visiter un musée en compagnie d'un ado et d'un pré-ado ?" s'enquiert-il l'air malheureux.
Vient enfin le moment très attendu de la revue de presse au cours de laquelle Christophe Alévêque, débarrassé de sa tenue de Super Rebelle, se livre à une autopsie de l'actualité on ne peut plus décapante. Tout y passe - il faut bien avouer qu'il y a de la matière -, les affaires (Polansk,Frédéric Mitterrand, Marine Le Pen), la grippe A H1N1, Doménech, Jean Sarkozy, dit "Blonblon", Carla, la Gauche...) C'est confondant de justesse et de perspicacité.

Christophe Alévêque est sans doute actuellement, le seul humoriste à oser aller si loin dans sa dénonciation de tout ce qui dérape et déconne dans notre monde. Sans concession, il assène ses vérités avec une mâle assurance dénuée, il faut le souligner, de toute agressivité, de toute méchanceté gratuite. Il dénonce. Point. De toute façon, il serait difficile d'en rajouter tant les sujets foisonnent. Que ça fait du bien d'en rire alors qu'il y a hélas tant de raisons d'en pleurer !
Enfin, on le sait, Christophe Alévêque qui, au départ, voulait être chanteur, ponctue son spectacle de quelques chansons bienvenues qui nous permettent d'apprécier son joli timbre de voix et ses réelles aptitudes dans ce domaine. Impossible de ne pas chanter avec lui et reprendre à l'unisson la chanson de fin, une chanson dont, à l'instar du bout de sparadrap du capitaine Haddock, vous aurez énormément de mal à vous débarrasser car elle vous trottera dans la tête jusqu'à la fin de la journée...
Une dernière chose : il ne reste plus que quatre représentations pour aller applaudir Super Rebelle au Rond-Point, les samedis 12 et 19 décembre à 15 heures, et les dimanches 13 et 20 décembre à 18 h 30.

mercredi 2 décembre 2009

Florence Foresti "Motherfucker"


Le Palace
8, rue du Faubourg Montmartre
75009 Paris
Tel : 01 40 22 60 00
Métro : Grands Boulevards

Ma note : 8/10

Mon avis : Petite-fille de Jacqueline Maillan et fille de Muriel Robin, Florence Foresti s’est tout-à-fait affranchie de ses grand-mère et mère (ô combien) spirituelles pour mériter désormais qu’on l’affuble de l’appellation contrôlée « LA Foresti ». Faisons donc fi de ces étiquettes que l’on s’ingénie chez nous à coller systématiquement dès que quelqu’un émerge sur la scène. La Foresti ne ressemble à personne. Au fil des expériences, elle s’est créé son propre personnage ; un personnage aujourd’hui unique en son genre. Si elle est devenue, dans l’opinion, la comique préférée des Français, ce n’est pas un hasard. C’est le fruit d’énormément de travail et de beaucoup, beaucoup de talent.

Fan d’elle depuis ses premières prestations sur Canal+ dans l’émission de Stéphane Bern, c’est pourtant avec une certaine appréhension que je me suis rendu au Palace pour y découvrir son nouveau spectacle, totalement inédit, Motherfucker. En effet, je craignais qu’elle ne le consacre intégralement à sa grosses, à son accouchement et à sa relation avec sa chérubine. Bref, j’avais peur que la mère prenne le pas sur la commère, que la génitrice, happée par le baby blues, ne soit devenue un génie triste. Et bien je me suis vachement gourré. Décidément, l’intuition, il faut la laisser aux filles…
Et dire que, hier soir, 1er décembre, jour de la Sainte Florence, La Foresti était affectée par une bronchite… Vu l’énergie dont elle a fait preuve pendant près d’une heure trente, vu la frite qu’elle avait, vu le large sourire qu’elle affichait, il était impossible de s’apercevoir qu’elle était fragilisée. Bien sûr, de temps à autre, elle succombait à une petite toux irrépressible, mais c’était fait si discrètement que l’on s’en rendait à peine compte.

Motherfucker ? Pour intrigant qu’il soit, ce titre est finalement parfaitement approprié car il fonctionne dans les deux sens… D’abord, pour en revenir à mes stupides appréhensions quelque peu machistes, Florence Foresti aborde certes le thème de la maternité, mais elle ne focalise pas sur le sujet. Elle l’évoque, s’y attarde un moment, passe à autre chose, y revient habilement et, surtout, lui apporte un regard tellement décalé, tellement gonflé, qu’on en est emballé. Elle "fucke" les mamans, mais elle "fucke" les enfants itou… Florence fait son entrée sur une musique entraînante qui met la salle, déjà entièrement acquise, dans les meilleures dispositions. De superbes effets de lumière, un jeu de lettres ingénieux sur le mot « Motherfucker », et elle déboule. Tout de noir vêtue, le physique affûté, la mèche rebelle et le sourire complice et malicieux, elle s’empare de la scène et capte immédiatement l’attention du public… (Petite parenthèse à propos du public justement : celui de Florence Foresti a plus de tenue que la pluparts des publics des autres artistes comiques qui ont cette fâcheuse tendance de s’approprier l’artiste et de se montrer grossièrement familier avec lui ; Hier soir, hormis un tonitruant « bonne fête » à son entrée ne scène, un exalté « je t’aime » émis par une voix féminine en fin de spectacle, c’est à peu près tout. On sent qu’il y a du respect. Les gens rient beaucoup et à bon escient et ils ne tombent jamais dans ces excès navrants qui peuvent déranger le voisinage et polluer un spectacle. Les rires étaient sains, frais, joyeux, et beaucoup tenaient plus du gloussement de satisfaction que du rire disproportionné à gorge déployée… Fin de la parenthèse). Mais revenons à ce qui nous intéresse, le spectacle.

Avec une science aiguisée du geste, de la posture et de la mimique, Florence Foresti attaque bille en tête avec une imitation désastreuse du cri du phoque. « Phoque you, Motherfucker » ! Et elle tourne le ridicule de cette entrée en matière qu’elle a sciemment voulu navrante entièrement à son avantage. Ou l’art de se mettre le public dans sa poche en feignant l’humilité. Elle est vraiment balèze. Et la voici qui divague du côté des parcs pour enfants, ces fameux squares où les mamans viennent promener en chœur leurs bambins. Le talent de Florence, c’est de nous raconter des petits faits somme toute banals du quotidien, des situations que l’on a tous vécues ou dont on a été les témoins, mais de nous les narrer en s’attardant sur ce qu’il y a réellement derrière l’image idyllique. Elle renverse complètement les idées reçues, elle bafoue les pensées taboues. Elle dit tout haut ce que l’on pense tout bas. Eh oui, ce n’est pas toujours marrant d’accompagner le mioche au parc, de faire semblant de s’intéresser à son éveil quand on a d’autres préoccupations en tête… Elle dénature le maternellement correct, elle dénonce, elle râle. Et toutes ces constatations négatives, elle les décortique, elle les argumente. Si on a un peu honte au début, de réaliser qu’elle a totalement raison et que ces horribles pensées, et bien, elles nous ont également traversé le cerveau, petit à petit, on se met à adhérer à son discours… et on sent mieux.

Mais je ne vais pas vous raconter le spectacle, ou plutôt le show, car c’en est un. C’est simple, on n’arrête pas de rire. Elle émaille ses propos de digressions savoureuses, de parenthèses d’un réalisme effrayant (l’histoire du Petit Poucet), c’est une fille qui a le don de la saillie, qui sait glisser la fulgurance. Son discours, fait de ruptures incessantes, n’est jamais plat. Il se passe toujours quelque chose. Il y a du rythme, de la folie, de l’extravagance. En plus, elle a dû énormément bosser pour se permettre quelques chorégraphies aussi étonnantes. Elles nous font évidemment marrer, c’est le but, mais on ne peut occulter la performance physique… En résumé, Florence Foresti s’ingénie à tout démythifier, à tout démystifier. Ce sont plus les produits dérivés de la grossesse, les dégâts collatéraux, qui l’intéressent, ceux sur lesquels elle adore mettre la loupe. Son langage est imagé, simple, direct, imparable… Rien que son sketch de fin qui, à lui seul, est un véritable bijou. L’idée est simple, mais il fallait y penser ! Il faut vraiment avoir l’esprit déstructuré d’une Motherfucker pour imaginer les propos que pourrait tenir une gamine de deux ans ! Un très grand moment d’humour pur. Florence Foresti se base en effet sur un pseudo angélisme pour dériver subtilement vers des propos qui pourraient paraître monstrueux s’ils étaient proférés par une autre personne qu’elle. C’est sa forme de pudeur à elle. Motherfucker, oui, mais surtout Mother gros cœur…

mardi 1 décembre 2009

La folle histoire d'amour de Simon Eskenazy


Un film de Jean-Jacques Zilbermann
Avec Antoine de Caunes (Simon Eskenazy), Mehdi Dehbi (Naïm), Elsa Zylberstein (Rosalie), Judith Magre (Bella), Catherine Hiégel (Arlette), Micha Lescot (Raphaël), Max Boublil (David)…

Ma note : 6/10

Synopsis : Dix ans après L’homme est une femme comme les autres, Simon Eskenazy est devenu un grand interprète de musique traditionnelle juive.
Il voit successivement débarquer sa mère envahissante, son ex-femme, son fils de 10 ans qu’il n’a jamais vu, et Naïm, un jeune travesti musulman qui va changer sa vie…

Mon avis : En fait, est-elle aussi « folle » que ça la vie de Simon Eskenazy ? Personnellement, je n’ai pas trouvé. C’est ce qui se passe autour de lui qui est un peu extravagant. Mais lui, il semble se contenter de son petit quotidien de musicien, doué certes, mais plus motivé que cela. Antoine de Caunes, tout en sobriété et retrait, vit cette vie avec un certain détachement. Il n’aime rien tant que sa tranquillité. Bien sûr, il a ses pulsions sexuelles, ses attirances, mails il a plus tendance à les subir qu’à vraiment les provoquer. Il assume. Il assume son homosexualité, il assume ses faiblesses, ses contradictions, ses atermoiements… Il vit presque en parallèle de sa propre existence comme s’il regardait s’écouler celle d’un autre. En cela, Antoine de Caunes est parfait. Personnellement, j’ai trouvé que c’était une de ses meilleures compositions. Il ne se met jamais en avant, il n’impose rien. Même quand il se révolte, il n’a pas l’air d’y croire lui-même. Alors comment voulez-vous que les personnes qui gravitent autour de lui le prennent au sérieux ? Comment voulez-vous qu’ils n’abusent pas de son aquabonisme, sa mère et Naïm en premier ? Le seul qui soit plus faible que lui, c’est Raphaêl… Un Raphaêl interprété avec énormément d’émotion et de fragilité par un Micha Lescot touchant de « gauchitude ».

Autour d’Antoine de Caunes, deux personnages amènent vraiment de la vie. Judith Magre d’abord, toujours aussi primesautière et lumineuse. Elle a une vraie présence. Mais c’est surtout Mehdi Dehbi qui, dans le rôle du travesti Naïm, apporte une vraie épaisseur. Tour à tour fantasque et romantique, capricieux et autoritaire, mais toujours déterminé, il réussit à nous troubler autant qu’à nous amuser et à nous émouvoir. Un très, très beau rôle. Evidemment, il y a aussi Elsa Zylberstein. Chacune de ses (trop rares) scènes est superbement interprétée.

La folle histoire d’amour de Simon Eskenazy est donc un film sympathique qui se laisse regarder sans déplaisir. On s’y ennuie un peu quand l’histoire tourne en rond et se fait répétitive, mais à l’arrivée, il reste une gentille comédie avec une fort jolie bande son.

La Sainte Victoire


Un film de François Favrat
Avec Clovis Cornillac (Xavier Alvarez), Christian Clavier (Vincent Cluzel), Sami Bouajila (Yacine Guesmila), Vimala Pons (Anaïs Cluzel), Valérie Benguigui (Michèle Dalembert), Maryline Canto (Géraldine Wood), Marianne Denicourt (Françoise Gleize), Eric Berger (Tristan de Courson), Michel Aumont (Robert Richerand)…

Ma note : 7/10

Synopsis : Xavier Alvarez est un petit architecte d’Aix-en-Provence en recherche perpétuelle de reconnaissance sociale. Il s’est fait tout seul et prospère, mais ne parvient pas à décrocher de gros marchés publics pour assouvir sa soif de grandeur.
Il décide donc de se lancer corps, âme et biens dans la campagne de Vincent Cluzel, la candidat outsider à la mairie, persuadé qu’il lui renverra l’ascenseur en cas de victoire.
A force d’énergie et de ruse, il parvient à discréditer le favori et à faire élire son protégé… Mais leur amitié sincère, nouée dans la conquête du pouvoir, se heure alors aux limites des intérêts et de l’ambition.

Mon avis : Ce film est, pour ses principaux personnages, une réponse à la question cruciale : « Qu’êtes-vous prêt à perdre pour gagner ? » ; c’est en tout cas le dilemme que le réalisateur, François Favrat, peur pose. Mais comme les enjeux, les motivations, les risques et les investissements ne sont pas les mêmes pour chacun, il s’en suit un déséquilibre notoire entre eux. Pour cette Sainte Victoire, il ne peut pas y avoir que des gagnants.
On l’aura compris toute l’intrigue repose sur la quête du pouvoir, les moyens que l’on y met pour y parvenir et, quand on l’a obtenu, tout faire pour le conserver. Nous avons là un film qui s’inscrit intelligemment dans une longue lignée de thrillers politiques à la française. On y découvre les arcanes et les coulisses de ce milieu où, derrière les nobles attitudes et les belles paroles, se cachent l’hypocrisie et les coups bas. Ce milieu est impitoyable pour qui n’est pas du sérail et ne connaît pas les règles du jeu.
C’est le cas de Xavier, le personnage de Clovis Cornillac. Il est tellement aveuglé par son ambition et sa soif de reconnaissance, qu’il en perd toute retenue, tout libre arbitre. Il est totalement sincère dans sa démarche et il y croit à fond. Xavier est un homme simple, d’extraction modeste, il manque forcément d’éducation ; mais rayon courage et bonne volonté, il est imbattable. C’est un peu le Candide de Voltaire, le brave éléphant dans le magasin de porcelaine. Inutile de dire que Cornillac excelle dans ce type de composition. Et son évolution est un régal pour le spectateur qui se prend réellement d’affection pour lui en dépit de ses airs hâbleurs.
En face de lui, on découvre un Christian Clavier inattendu, mais il est tellement le personnage avec, au départ une vraie honnêteté. Là, on ne rigole plus. Clavier est sérieux comme un pape, ou plutôt comme un député, du début à la fin. Pendant presque tout le film, on éprouve pour lui de la sympathie car on le sent plutôt authentique. Tant il part de loin, il en devient presque le témoin amusé de son ascension. Et il porte à Xavier une réelle affection. Clavier joue là un personnage qui serait totalement banal et normal s’il n’incarnait pas un homme politique. Il n’est pas vraiment retors, pas encore gâté par son environnement. On sent qu’il a ses convictions, son code des valeurs. Et puis, quand il accède au pouvoir, il lui faut apprendre à se protéger sans se mouiller trop et sans faire d’éclaboussures. Alors, il ouvre un parapluie sous lequel Cornillac le distingue difficilement. Et quand il ne comprend pas ce qui lui arrive, un Cornillac blessé dans son amour propre devient dangereux.

La psychologie des deux protagonistes principaux de La Sainte Victoire est fort bien dessinée. Ils ne sont ni l’un l’autre tout noirs ou tout blancs. Là où Cornillac joue en puissance, là où il prend toute la lumière, Clavier, lui, joue tout en retenue, en silences et en regards. C’est un rôle très intéressant pour lui qui nous confirme son aisance absolue dans tous les registres et, plus particulièrement, là où l’on n’a pas l’habitude de l’attendre. Il est bien dans ce film, vraiment très bien. A mon avis, il doit fréquenter quelque(s) homme(s) politique(s) pour en adopter aussi fidèlement le profil et le comportement. En tout cas, il a de bon(s) modèle(s).
A leurs côtés, il faut mettre en exergue la sobre présence de Sami Bouajila en homme désenchanté mais lucide qui attende toujours de la vie qu’elle lui fasse – enfin – un cadeau. Valérie Benguigui campe avec beaucoup d’enthousiasme, de conviction et de crédibilité une militante écolo. Et enfin, il y a Vimala Pons, que je n’avais entrevue que dans Enfermés dehors de Dupontel. Terriblement féminine, elle apporte énormément de luminosité à son personnage. A la fois douce, légère et volontaire, elle est un des piliers de ce film plutôt bien ficelé.

Arthur et la vengeance de Maltazard


Un film de Luc Besson
Avec Freddie Highmore (Arthur), Mia Farrow (Daisy, la grand-mère), Ronald Crawford (Archibald), Robert Stanton (Armand), Penny Balfour (Rose)...
Avec les voix de Yann Loubatière (Arthur), Mylène Farmer (Sélénia), Gérard Darmon (Maltazard), Cartman (Bétamèche), Jean-Paul Rouve (Armand), Frédérique Bel (Rose), Michel Duchaussoy (Archibald), Frédérique Tirmont (Daisy), Rohff (Max), Omar Sy (Snow), Frédéric Testot (Replay)...

Ma note : 8,5/10

Synopsis : Arthur est au comble de l'excitation : c'est aujourd'hui la fin du deuxième cycle de la Lune et il va enfin pouvoir regagner le monde des Minimoys pour y retrouver Sélénia. Dans le village, tout est prêt pour l'accueillir : un grand banquet a été organisé en son honneur et la petite princesse a passé sa robe en pétales de roses...
C'est sans compter sans le père d'Arthur, qui choisit précisément ce jour tant attendu pour quitter plus tôt que prévu la maison de sa grand-mère. Au moment du départ, une araignée dépose dans les mains du jeune garçon un grain de riz sur lequel est gravé un message de détresse.
Pas de doute, Sélénia est en danger et Arthur n'a plus qu'une idée en tête, voler à son secours ! Quitte à employer un passage de fortune, tomber la tête la première dans le bar de Max, se heurter aux troupes de Kröb, le nouveau tyran des Sept Terres, secourir Bétamèche, combattre des rats, des grenouilles, des araignées velues... et découvrir, une fois arrové au village des Minimoys, qu'aucun message de secours ne lui a été envoyé !
Mais qui donc a pu piéger ainsi notre jeune héros ?

Mon avis : Déjà, le premier volet des aventures D'arthur nous avait enchanté avec son habile mélange de personnages réels et d'animation. Mais dans celui-ci - et sans doute dans le prochain puisqu'ils ont été tournées à la suite l'un de l'autre - Luc Besson et son équipe ont encore franchi un palier. L'espérience du premier épisode aura en quelque sorte servi de rampe de lancement aux deux volets suivants. Totalement libérés, les dessinateurs de Buf Compagnie s'en sont donné à coeur joie. Résultat : toute la partie animation du film est réellement époustouflante à tous les niveaux. Les décors et les couleurs sont incroyables, ils sont d'une richesse et d'une densité rarement atteintes, y compris dans les superproductions américaines. C'est tellement foisonnant et détaillé qu'il faudrait pouvoir visionner le film plusieurs fois pour bien profiter de tous ces trésors d'inventivité (il y a une scène dans Paradise Alley dans laquelle fourmillent pas moins de 150 véhicules en tous genres !)... Les nouveaux personnages - Replay en tête - sont épatants ; l'aisance technique de Luc Besson, avec une caméra plus libre puisque délivrée de son trépied, apporte aux images un rythme et des mouvements bien plus soutenus ; et que dire des gros plans sur les visages, avec des mimiques, des expressions et des regards d'une vérité hallucinante ? Et puis il y a aussi la musique d'Eric Serra, encore plus fouillée, plus pertinente, plus intégrée et donc plus efficace.

Mais Arthur et la vengeance de Maltazard, ce n'est pas que ce foisonnement d'images à couper le souffle, ce n'est pas que cette reconstitution méticuleuse d'un micromonde avec sa végétation et ses bestioles, c'est aussi une histoire qui nous tient en haleine et qui, subtilement, nous délivre son lot de messages. Il y a une vraie philosophie dans cette trilogie et un certain nombre de leçons à retenir : l'amour de la nature et des animaux, la tolérance, le combat contre l'exclusion, le respect de l'environnement...
Et puis, Arthur a grandi. Il est devenu un ado avec ses désirs d'émancipation. Il commence à s'affirmer et à se heurter à ses parents, surtout quand il ressent une certaine injustice. Ah, les parents d'Arthur ! Parlons-en. Dans ce deuxième épisode, ils ne sont pas vraiment servis par le scénario. Ils représentent même une réelle menace pour les projets d'Arthur. Surtout le père, Armand, qui apparaît comme un personnage assez caricatural, plutôt superficiels et peu attachant. Mais, selon les dires de Luc Besson, il va se rattraper dans le troisième volet.
Dans ce film, les passionnées de cinéma retrouveront également quelques clins d'oeil malicieux de la part du réalisateur, comme cet emprunt savoureux à Apocalypse now, ou cette parodie de La guerre des étoiles ("après tout, ils ne se sont pas gênés, eux, pour me piquer des idées dans Le cinquième élément", ironise Luc Besson).

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce long métrage d'animation absolument réussi. Comme les voix d'Omar, pour le personnage de Snow, et surtout celle de Fred qui profite de la cote que va susciter le formidable personnage de Replay, grosse vedette de ce deuxième volet. Et il y a la voix, si identifiable, de Gérard Darmon, dans le rôle de Maltazard où il succède à Alain Bashung.
Bref, Arthur et la vengeance de Maltazard, ce n'est que du bonehur, quel que soit son âge car chacun y trouve largement de quoi s'étonner et se réjouir. C'est du grand cinéma de divertissement, un carton assuré.
Vivement la sortie du troisième épisode, prévue pour rentrée 2010. Malin, Luc Besson nous fait déjà saliver en déclarant avec un large sourire : "dans le trois, il y a du sport !"...