mardi 31 octobre 2017

Mandibules

Théâtre du Marais
37, rue Volta
75003 Paris
Tel : 01 71 73 97 83
Métro : Arts et Métiers

Tous les lundis à 19 heures. Jusqu’au 18 décembre

Seule en scène écrit et mis en scène par Adrien Costello
Costumes d’Anne Valentine
Collaboration artistique : Isabelle Layer

Interprété par Alice Costello (Lucana)

Présentation : Alors qu’un grand cataclysme a détruit la planète, il semble que le dernier survivant soit… « une » scarabée.
Dans son abri, l’insecte se sent terriblement seule et lutte pour sa survie. Pour tromper la folie qui la guette, elle fait revivre des personnages qu’elle a connus avant la fin du monde. On parle du climat, de politique, de racisme, de drogue, du show business… et surtout on rêve, on rit, on est ému aussi.

Mon avis : Jamais je n’avais osé imaginer passer une heure et quart en tête-à-tête avec un insecte. Mais Lucana n’est pas une bestiole comme les autres. D’abord, elle semble être le dernier être vivant de notre planète anéantie par un cataclysme et, ensuite et surtout, elle est douée de la parole. Et pour être douée, elle est douée !
J’ai rencontré hier soir une véritable scarabête de scène !
Alice Costello est un phénomène (tiens, il n’y a pas de féminin à « phénomène » ?...) J’ai rarement vu quelqu’un posséder autant de qualités, une telle variété, une telle puissance et une telle subtilité de jeu. Quelle présence ! Elle est fascinante. Ses silences sont aussi éloquents que ses mots. Dans son regard incroyablement expressif, on peut saisir le moindre des sentiments qui l’habite. Son visage est un livre ouvert. Candeur, étonnement, révolte, mélancolie, enthousiasme… elle sait tout faire passer, tout traduire. Alice est un couteau suisse dans lequel il ne manque aucun élément, y compris celui qui pourrait sembler le plus futile. Sa créature, la Lucana, est tout autant folle que sage, truculente que délicate, trash que poétique.
Le pire est que je ne suis absolument pas excessif dans mes louanges. Alice Costello est dotée d’un potentiel énorme, son éventail de jeu est exceptionnel. Elle est véritablement touchée par la grâce.


Vous l’aurez, je pense, compris : ça vaut la peine d’aller voir Mandibules au Théâtre du Marais rien que pour assister à une remarquable performance de comédienne. Car, en plus de sa finesse de jeu, Alice Costello fait ce qu’elle veut avec son corps et avec sa (ses) voix. Aussi douée pour le hip-hop que pour la danse classique, elle possède toute une gamme d’accents et de timbres (son imitation de Fanny Ardant est bluffante, son aisance dans le langage des jeunes des cités est réjouissante…). J’ai apprécié aussi la dose de burlesque et la pincée d’humour noir dont elle a saupoudré certaines scènes.


Maintenant, il reste le texte. Dans ce domaine, mon foutu esprit par trop cartésien n’a cessé de me faire des croche-pieds pour que je ne puisse pas le prendre intégralement… mon pied. Voici, en gros, ce qu’il m’a insidieusement soufflé : Mandibules est un vaste fourre-tout, un patchwork un tantinet décousu. Son auteur, Adrien Costello, a voulu, par excès de gourmandise, trop mettre de choses dans ce spectacle. Résultat, on a l’impression d’assister à une succession de tableaux sans aucun lien entre eux. On comprend, bien sûr, tous les thèmes qu’il a voulu aborder. Mais cela donne un spectacle disparate, divisé en une demi-douzaine de saynètes. Sa cuisine est presque trop riche car il y a mis trop d’ingrédients qui ne se marient pas forcément les uns aux autres : la cérémonie des Césars, le stand-up façon 9-3, le slam social, les grèves, les revendications syndicales, la satire politique, le racisme, les quartiers sensibles, « Je suis Charlie », la drogue… Il a voulu dresser une sorte d’état des lieux de notre pays à un moment « T » ; depuis cet instant où le monde a été détruit un funeste mois de septembre 2016. C’était donc hier. Il a donc essayé de tout traiter, du léger au grave, avec la même intensité, avec le même esprit d’urgence.

Cette pièce contient des moments de grâce, des moments forts, des moments d’une drôlerie absolue, qui tous sublimés par l’interprétation et l’implication de la comédienne. Ce qui nous permet de ne jamais lâcher prise. Il y a dans Mandibules plusieurs spectacles en un. On ne va quand même pas bouder notre plaisir pour un excès de richesse !
Bref, je n’ai nulle envie de pulvériser de l’insecticide sur cette formidable et attachante Lucana, mais plutôt de vaporiser sur elle le parfum du succès que sa formidable présence scénique mérite.

Gilbert « Critikator » Jouin


vendredi 27 octobre 2017

Welcome to Woodstock "Road trip musical et psychédélique"

Comédia
4, boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Tel : 01 42 38 22 22
Métro : Strasbourg Saint-Denis

Un spectacle de Jean-Marc Ghanassia
Mis en scène par Laurent Serrano
Direction musicale : Philippe Gouadin
Scénographie et décors de Jean Haas
Lumières de Jean-Luc Chanonat
Création vidéo d’Olivier Roset
Costumes de Cidalia da Silva
Chorégraphies de Cécile Bon

Avec Morgane Cabot (Florence), Xavier V. Combs (Jimmy), Magali Goblet (Corinne), Jules Grison (Francis), Pierre Huntzinger (Tom), Margaux Maillet (Martine), Geoffroy Peverelli (Paul), Cléo Bigontina (Basse), Benoît Chanez (Guitare), Yann Destal (Chanteur lead, guitare, harmonica), Hubert Motteau (Batterie)

Présentation : Inspiré d’une expérience vécue, ce spectacle musical est conçu comme une odyssée. Au lendemain de mai 68, des rêves de révolution encore plein la tête, une bande de copains décide de partir pour le concert « événement » de Woodstock. Sur la route américaine, portés par les chansons des Canned Heat, des Who, des Doors, de Janis Joplin, de Jimi Hendrix, ils découvrent ébahis l’univers sexe, rock et psychédélique des années hippies...

Mon avis : Un pur bonheur ! Et je ne m’emballe pas. Je traduis simplement mon ressenti objectif face à ce spectacle festif et particulièrement haut en couleurs. J’ai guetté en vain la moindre fausse note histoire de jouer au critique un peu pinailleur. Rien pour tremper ma plume dans un dé de vinaigre. Il ne reste donc qu’à dérouler un tapis de fleurs et à me répandre en louanges sincères sur ce spectacle ô combien musical.

La Musique, avec un grand « M » est en effet le personnage principal de Welcome to Woodstock. La bande-son de ce show est le fidèle témoignage d’une époque des plus prolifiques en la matière. Les années 65/70 ont été d’une richesse et d’une variété époustouflantes. Cinquante ans plus tard, elles n’ont rien perdu de leur créativité, de leur puissance, de leur éclat. Pour moi, ces années-là sont plus marquées du sceau du « Music Power » que de celui du Flower Power. Les fleurs ont fané, la musique est toujours aussi vivante et exaltante.
25 chansons. Que du lourd ! Que du gravé à jamais dans le disque dur de notre mémoire musicale. OK… En 1968, j’avais 25 ans. J’ai baigné dans ce climat de révolte, d’insouciance, de recherche d’un idéal et de désir de liberté. Je suis donc un tantinet partisan. Mais au vu du comportement dans la salle de jeunes spectateurs, j’ai pu constater l’effet produit sur eux par ces titres intemporels et par leur irrésistible force mélodique.


Ce qui est intelligent dans ce spectacle que l’auteur qualifie à juste titre de « road trip musical et psychédélique » c’est qu’il a su faire coller chacun des énormes tubes à son histoire. Tout est cohérent. Les chansons, judicieusement amenées, accompagnent et illustrent l’action.
Parlons-en de l’histoire. Légèrement fictionnée, c’est celle vécue par Jean-Marc Ghanassia, l’auteur. Il a réussi, en deux heures de temps, à nous livrer un digest, un condensé de ce qu’a été cette parenthèse effervescente. A travers des projections, des affiches, des slogans, des dialogues, des situations, des effets spéciaux, il balaie tous les grands thèmes fondateurs de cette époque : l’esprit révolutionnaire, la beat génération, la non-violence, la guerre au Vietnam, la liberté sexuelle, le Black Power, la recherche de la spiritualité orientale, les paradis artificiels, la déstructuration de la société… Tout y est, il va à l’essentiel sans jamais tomber dans le cliché.


La mise en scène, la scénographie, les décors et les effets sont également épatants. Il y a quelques tableaux qui sont d’un esthétisme enchanteur. La clairière est magnifique. Les créations vidéo nous embarquent complètement dans ce que vivent les protagonistes de l’histoire. Comme sous l’emprise des joints de marijuana qu’ils font tourner et des pilules de LSD qu’ils avalent avidement, on part littéralement en « voyage » avec eux. On partage leurs hallucinations. On voit des poissons voler dans les arbres, les cimes des arbres se mettre à danser… C’est remarquablement réalisé. Sur le plan strictement visuel, ce spectacle est d’une grande qualité. Je ne veux citer – entre autres superbes images – la formidable beauté et l’extrême sensualité de la scène d’amour entre Angelina et Paul, coloriée façon Crazy Horse. Un ravissement ; un grand moment de poésie pure.


Et puis, il y a les comédiens-chanteurs… Quelles voix ! Ils sont tous excellents ; aussi bien dans le jeu que dans la performance vocale. Autre atout de ce spectacle : les interprétations de ces standards immortels sont très personnelles. Aucun d’eux ne joue à l’imitateur ou au clone. Grâce également à des arrangements originaux, exécutés par des musiciens hyper-talentueux et investis, on redécouvre ces pépites musicales et on les savoure avec intérêt, gourmandise et respect. Nous ne sommes pas devant un juke-box mais dans la vraie vie, dans un « Live » absolu.

Quelques mots pour résumer ce spectacle : esthétisme, humour, authenticité, générosité, énergie… Même si on n’est jamais dans la nostalgie, au contraire, on ne peut s’empêcher de penser que c’était vraiment sympa de vivre cette époque-là.

Gilbert « Critikator » Jouin

mardi 24 octobre 2017

Fraissinet en concert

L’Auguste Théâtre
6, impasse Lamier
75011 Paris
Tel : 01 43 67 20 47
Métro : Philippe-Auguste
Les 24 et 25 octobre à 20 h 30


J’ai assisté hier soir au premier des trois concerts que donne Fraissinet à L’Auguste Théâtre. C’était, après L’Européen, la deuxième fois que je le voyais sur scène. Et, pour la deuxième fois, je suis sorti totalement emballé.

Emballé d’abord par son look. Tout de noir vêtu, le cheveu de jais, mitaine noire à sa main de gaucher, chaussures noires et blanches originales histoire de glisser une note de fantaisie dans le sombre de sa tenue… C’est important l’image que l’on projette.

Emballé ensuite par sa formule intimiste. Il est au piano (une fois à la guitare) et il n’est accompagné que d’un guitariste. Leur complicité amicale fait plaisir à voir.

Emballé par sa voix. Il fait vraiment ce qu’il veut avec. Dès le premier titre – et il en sera de même tout au long de ce récital – il module à l’envi. Il passe du grave à la voix de tête avec une facilité saisissante. C’est assez vertigineux. Toutes ses nuances lui permettent de traduire tous les sentiments qu’il veut exprimer, de la mélancolie à la révolte tout en passant par la tendresse et l’allégresse.

Emballé par sa virtuosité pianistique. Il fait littéralement corps avec son instrument, le caresse ou le violente selon le rythme qu’il veut en tirer.

Emballé par la construction de son tour de chant. Les quatre premiers titres sont volontairement mezza voce, puis ses interprétations ne cessent d’aller crescendo pour finir dans une espèce de frénésie jubilatoire qui nous transportent littéralement.

Emballé par ses textes. Fraissinet s’écoute. Ses mots sont précis, ciselés, rares, poétiques. Les thèmes qu’il aborde sont forts, ils nous parlent tous, nous émeuvent et nous font sourire.

Emballé par son charisme. Visiblement heureux de se trouver sur scène, il nous communique son plaisir à travers son large sourire et son regard pétillant. Il n’abuse jamais de son physique de beau ténébreux, préférant de loin le naturel à l’artifice. Et puis, il sait nous parler. Il nous accueille dans son « salon » et s’adresse à nous avec la bienveillance et le respect que l’on doit à ses hôtes.

Emballé enfin par son univers. Dans Fraissinet, il y a « ciné ». Un décor léché, chaleureux, joliment éclairé, des chansons imagées, des confidences tendres et amusantes. Il sait parfaitement se mettre en scène.

Si vous ne pouvez pas aller l’applaudir à L’Auguste Théâtre, il vous restera une séance de rattrapage le mardi 28 novembre au Flow (4, Port des Invalides 75011 Paris)

samedi 21 octobre 2017

Patrick de Valette "Hobobo"

Ciné 13 Théâtre
1, avenue Junot
75018 Paris
Tel : 01 42 54 15 12
Métro : Lamarck / Abbesses

Ecrit et interprété par Patrick de Valette
Mis en scène par Isabelle Nanty

Présentation : Dans un spectacle loufoque à l’humour décalé et ravageur, Hubert O’ Taquet, professeur dans un CHU mais pas sûr, se pose avec vous ses questions sur notre existence, et bien d’autres encore…

Mon avis : Oh bobo ! Bobo au ventre ! Bobo au ventre de rire… La première moitié du spectacle de Patrick de Valette est carrément désopilante. Son arrivée sur scène depuis le fond de la salle est un moment d’anthologie. Accoutrement insolite, l’air emprunté, sourire niais de ravi de la crèche, regards furtifs et évaporés, rasant le mur il progresse au ralenti. Toujours sans prononcer un seul mot, il arrive sur la scène et regarde le public en se livrant à une kyrielle de mimiques et grimaces toutes plus saugrenues les unes que les autres. Dans la salle, ça pouffe, ça glousse, ça éructe… On ne sait trop quelle attitude adopter face à cet énergumène bizarre et mutique. Enfin, après nous avoir laisser mariner un bon moment, il se décide à parler : « La vie, c’est quoi la vie ? ». Et enchaîne avec la fameuse interrogation rendue célèbre par Pierre Dac : « Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ? »…


Dès lors, devant nos yeux effarés et nos esprits déboussolés, le professeur O’ Taquet va nous donner une sorte de conférence animée et imagée sur l’évolution de l’humanité. Partant des tout débuts de la vie sur terre, il se met à mimer avec autant de talent aussi bien les animaux que les végétaux avant d’en venir à l’homme. Mais, nonobstant son accent chantant et sa gestuelle grotesque et farfelue, on s’aperçoit bientôt qu’il est bien loin de raconter des bêtises. Son discours, très étayé, est celui d’un érudit remarquablement documenté. Si la forme est délirante, le fond est sérieux, solide. Ce qui rend le contraste d’autant plus saisissant et la portée réellement efficace.


Patrick de Valette est-il un fou ? A moins qu’il ne soit un sage… C’est bien connu, les extrêmes finissent par se rejoindre. Disons donc qu’il nous livre un message empreint de vérité(s) par le truchement d’une folie douce. Double effet « Kiss Cool » garanti.
Il utilise sa science aiguë du mime, du burlesque et son très large éventail de jeu pour parler darwinisme, philosophie existentielle, métaphysique, psychanalyse même (avec Freud). Il va jusqu’à inventer un langage fait de borborygmes et d’onomatopées et, surtout, il se livre à une débauche physique insensée. C’est un véritable athlète. Pas une once de graisse (j’ai rarement vu des jambes aussi musclées), il s’en donne à corps joie. Il saute, il court, il danse (avec un côté Nijinski atteint du syndrome de la vache folle), il rampe, fait le poirier. Il est complètement déjanté… Et puis, soudain, sans qu’on n’y soit préparé, il pique une crise. Il hurle, invective, investit la salle, atteint un pic d’exaspération… et se calme aussi soudainement qu’il s’est énervé. Tout penaud, il s’excuse, conscient d’avoir « dérapé ».


Et là, les lumières se font psychédéliques, il se dépouille au propre comme au figuré, et se fait l’apôtre du Peace and Love et du Hare Krishna avec travail sur les chakras. C’est là que j’ai un peu décroché. La chute de rythme et de tension a provoqué chez moi une chute d’attention. C’est dommage car jusqu’à cette séquence, je n’ai cessé d’être ébahi par les trouvailles extravagantes qu’il va puiser dans son esprit labyrinthique et par sa gestuelle insensée.
Reste que Hobobo est un spectacle inénarrable et atypique, interprété par un hurluberlu hyperdoué. Il est évidemment très visuel, mais il sait aussi être didactique sans en avoir l’ère. Patrick de Valette mérite amplement son titre de « Maître du gag et de l’absurde ».

Gilbert « Critikator » Jouin

vendredi 20 octobre 2017

Vincent C "Magie non censurée"

Apollo Théâtre
18, rue du Faubourg du Temple
75011 Paris
Tel : 01 43 38 23 26
Métro : République

Spectacle de magie conçu et interprété par Vincent C

Présentation : Arrivant du Québec, doté d’un style bien à lui, Vincent C nous propose une magie nouvelle. Ses diableries maltraitent les ficelles traditionnelles du genre et proposent des numéros aussi farfelus que dérangés ?
Colombes, couteaux, vaudou, fumée… tous les ingrédients sont réunis. Mais la recette concoctée par Vincent C renferme un ingrédient secret qui pousse le public à l’hilarité et à la stupeur. Alliant prouesse, enchantement et stand-up, il dépoussière la magie et nous offre un spectacle non conventionnel qui reflète ses multiples personnalités : provocant, un peu tordu, souvent cynique, mais surtout, SURTOUT, drôle, irrévérencieux et audacieux.

Mon avis : Tout au long de ce show étourdissant d’humour, d’inventivité et d’insolence, je me suis demandé ce qui pouvait bien se cacher derrière le « C » de Vincent C… Fasciné par sa pluridisciplinarité, me perdant en conjectures, je l’ai trouvé si multiple que ce sont plusieurs réponses qui se sont offertes à moi. Je vous les livre dans le désordre en espérant qu’elles vous donneront envie de découvrir par vous-même cet énergumène.


Canada : Natif du Québec, Vincent C pratique la magie depuis une bonne dizaine d’années. Bardé de récompenses et de prix, il est le seul magicien au monde à avoir remporté deux Mandrakes d’Or, récompense suprême dans cette discipline qui équivaut à un Oscar.

Comique : Pendant près d’une heure et demie, on n’arrête pas de rire devant ses facéties, ses blagues, ses gags. L’humour est visiblement dans ses gènes et, qualité suprême, il ne craint pas de se moquer de lui-même.

Cynique : Grand amateur d’humour noir, il adore choquer, effaroucher, scandaliser. Plus il entend de cris d’horreur et de Oh et de Ah de protestation, plus il jouit.

Charmeur : Avec son large sourire et son œil qui frise quand il prépare un mauvais coup, il dégage une telle sympathie qu’on lui pardonne tout.

Chambreur : C’est un serial vanneur. Il ne fait pas bon être ciblé par son regard laser. Il rebondit sur tout et se sert de tout : le physique, le prénom, les vêtements, la maladresse au frisbee… Bref, il tourne tout en dérision.

Créatif : Dire qu’il a plus d’un tour dans son sac est un euphémisme. Utilisant des accessoires inattendus (bazooka, tondeuse à gazon, courant haute tension…), il nous présente des numéros vraiment originaux. Au début du spectacle, lorsqu’il déclare « Marre de la magie traditionnelle », et bien il tient parole et nous le prouve.


Cruel : Ce mec a le sadisme jovial. C’est affreux de voir comment il se régale à zigouiller une demi-douzaine de volatiles par soir, à massacrer les portables de ses victimes, à malmener son assistante. Plus c’est trash, plus il exulte.

Captivant ; Il nous propose des tours absolument fascinants. Adepte du suspense et des effets gigogne, il adore nous embarquer dans une direction que l’on croit être une impasse et bifurquer soudain pour nous amener à une chute totalement imprévisible.

Camelot : Quel tchatcheur ! Vincent C est un baratineur hors pair. Avec sa faconde et son haut débit, il réussit sans mal à nous faire gober des couleuvres tout en en avalant une lui-même.

Coquin : Il aime bien les allusions un tantinet polissonnes. C’est un Québécois-Gaulois. Il est même capable d’aller très loin dans la sensualité. J’en veux pour preuve ce numéro que je qualifierai de « Strip-Houla » (vous comprendrez en le voyant).

Colombophobe : Brigitte Bardot ne pourrait pas supporter les (mauvais) traitements qu’il inflige à ses innocentes partenaires à plumes.

Caroline : Elle est son assistante et son souffre-douleur. A elle les tâches ingrates et les situations inconfortables de cobaye. Heureusement pour elle, à son air désabusé, on voit bien qu’elle se fout royalement de devoir subir toutes ses humiliations. Elle fait le job en traînant des pieds en attendant que ça se passe.

On pourrait allégrement ajouter : Charismatique, Clown, Choquant, Convivial, (dé)Culotté… et j’en passe.
Cet artiste déconcertant de talent peut décliner à l’envi vingt, cent « C », ce sera toujours fidèle au spectacle qu’il propose.

Gilbert « Critikator » Jouin

jeudi 19 octobre 2017

La Tribu de Pierre Perret "Au Café du canal"

Irfan (Le Label) / Editions Adèle

Sortie le 20 octobre 2017

Pierre Perret et les Ogres de Barback est une vieille histoire d’admiration métamorphosée en amitié. La jeunesse des quatre frères et sœurs Burguière a été bercée par ses chansons (à noter que Pierre Perret a écrit « Celui d’Alice », bien avant de faire la connaissance d’une des sœurs Burguière. Il n’y a donc aucun lien de cause à effet) et le destin ne pouvait que leur permettre de se rencontrer. Entre eux, la complicité a été immédiate. Alors, histoire de marquer les soixante de carrière de leur maître et ami, les Ogres ont eu l’idée la plus logique qui soit : lui offrir en cadeau un album de reprises de quelques unes de ses chansons. Mais l’événement étant d’ampleur, ils ont battu le rappel d’une flopée d’artistes partageant leur amour pour le Pierrot. Ils ont donc constitué une « Tribu ». Une tribu pour un tribute, quoi de plus naturel ?

Pas facile de ne devoir choisir que 15 titres dans un répertoire aussi riche qui s’apparente véritablement à une Œuvre. Pierre Perret a écrit et composé plusieurs centaines de chansons parmi lesquelles nombreuses sont celles qui font définitivement partie du patrimoine de la grande variété française. N’ayons pas peur d’un néologisme audacieux : « Pierre Perret est l’auteur de chansons que l’on peut qualifier d’« imperretsables ». Son amour de la langue, son vocabulaire léché et imagé, son immense tendresse, son goût tout aussi immense pour la gaudriole… Il est unique dans son genre.

C’est donc un réel bonheur que de retrouver sa verve et sa plume si personnelles dans ce CD qui n’est en fait qu’un vibrant hommage en quatorze chapitres. Les Ogres et leurs complices d’un album ont conservé bien respectueusement la substantifique moelle de Pierre Perret, mais ils l’ont accommodée à leur sauce. Ils y ont mêlé leur ADN, viscéralement festif, et leur esprit « Musique du voyage » et l’ont instillé à leurs partenaires pour faire de ce disque un grand moment de partage, de fraternité et de réjouissance.
Cet album-hommage devrait - s'il en était besoin - asseoir encore un peu plus le papa de Lily (une Lily qui a eu 40 ans cette année) dans la... "perretnité".


Les Ogres de Barback sont des carnassiers, des gloutons, des amateurs de bonne chère comme de bonne chanson française. Ils se jettent sur la nourriture mais ils la mastiquent lentement et longuement pour en savourer le goût et toute la subtilité des si nombreuses saveurs dont le chef Perret a saupoudré ses chansonnettes. Et qu’il a, évidemment, liées avec le fameux accompagnement qui a fait son succès : sa sauce aigre-douce au miel et au piment.

Chaque titre est intéressant. Aucun ne ressemble volontairement à un autre. Les seules choses qui soient homogènes dans cet opus sont : des arrangements sobres, colorés et variés, des voix très devant (indispensable pour bien goûter la qualité des textes, même si on les connaît par cœur), une réelle volonté de réappropriation (les interprétations sont très personnelles).

Tout à trac, je vous livre mes impressions :
-   Ma p’tite Julia. Un délice de douceur et de tendresse. Pierre Perret chante quasiment a cappella en alternance avec un slameur inattendu qui s’appelle François Morel sur les magnifiques envolées de l’accordéon de Lionel Suarez. Elle vient en deuxième position dans mon hit-parade.

-     Mimi la Douce. Superbe voix éraillée et accent quasi « parigot » du Toulousain Magyd Cherfi (Zebda). A souligner la beauté de la flûte et une musique allant crescendo, d’abord douce et discrète puis de plus en plus « fanfaresque ».

-    Estelle. Rythme trépidant sur une ambiance reggae remarquablement arrangée. Ça avance tout le temps. La joie de chanter de Tryo est évidente et perceptible. A noter la jolie délicatesse des chœurs.


-   Je suis de Castelsarrasin. C’est ma préférée. Les chanteurs Mouss (Zebda), Hakim et Lo Barrut et leur fort accent du Sud-Ouest se marient agréablement avec la suavité d’Olivia Ruiz. Ils chantent comme frères et sœur, avec un bel esprit de famille. La construction de ce titre est redoutablement efficace. Ça commence sur un ton plutôt nostalgique avec une grosse contrebasse ; puis les cuivres font leur apparition ; soudain, olivia élève le ton. Les chœurs (mélodieux) et les tambours s’en mêlent. Et tout cela finit dans une espèce de gospel mâtiné de cassoulet dans lequel tous les ingrédients précédents se mélangent. C’est ma-gni-fique !

-    Lily. En intro, les chœurs en dialecte africain (Eyo’nlé Brass Band) se répondent en écho. Puis l’accordéon somptueux de Lionel Suarez s’immisce pour accompagner subtilement l’interprétation véhémente et engagée d’un Féfé visiblement investi.

-     Ma nouvelle adresse. Encore une autre ambiance façon big band (The Very Big Experimental Toubifri Orchestra). La voix écorchée de Loïc Lantoine s’installe habilement entre les parenthèses tour à tour sobres et fêtardes. A noter un petit clin d’œil à la ritournelle enfantine de « Sonnez les matines ».

-    L’oiseau dans l’allée. Version créole traitée façon chorale (Danyèl Waro, Rosemary Stanley, Jidè Hoareau, René Lacaille). C’est audacieux, très agréable à entendre. Belles interventions des cuivres et des percussions. Mention spéciale à la superbe voix de Rosemary Stanley.

-   La Vivouza. La cornemuse donne d’emblée une connotation celtique. Deux belles voix chaudes et viriles (Christian Olivier et Benoît Morel) qui se succèdent et s’entrecroisent joliment. Peu à peu, l’ambiance devient de plus en plus martiale pour redescendre et finir en douceur.

-    La petite Kurde. Intro en Arabe. Idir nous fait cadeau d’une version pleine d’émotion et de sensibilité. Il s’investit tellement que sa voix en devient parfois tremblante. Trouvaille judicieuse que ces pincements de cordes qui ajoutent à la mélancolie. Superbe.

-     Mon p’tit loup. Cette fois, c’est l’accent africain de Flavia Coelho qui nous embarque dans un voyage exotique. Sur une ambiance reggae remarquablement concoctée et interprétée par le Eyo’nlé Brass band, on entend l’espoir dans sa voix. Vocalement et musicalement, c’est une vraie réussite.

-    Celui d’Alice. La voix très chantante et mise très avant d’Alexis HK, sa diction parfaite nous force à l’écoute. Il y a dans son interprétation une certaine majesté empreinte de respect qui sublime la beauté de l’écriture.

-    Tonton Cristobal. Cette fois, nous faisons escale en Amérique du Sud. L’arrangement, d’une réelle densité, est vraiment fignolé. L’accent marseillais ajoute une saveur d’aïoli sans les tortillas. Ça dépote et c’est plein de fantaisie.


-    Le zizi. Quel duo ! Le couple composé de François Morel et Didier Wampas, pour inattendu qu’il soit, se révèle particulièrement croustillant. Là où le premier met du sourire et de la jovialité dans sa voix, le second apporte son énergie légendaire et sa truculence parigote. Résultat : on découvre deux zizis, deux versions, deux interprétations dans la même chanson ! Et la fin est complètement folle. Ce zizi-là est vraiment couillu.

-    Fillette, le bonheur c’est toujours pour demain. C’est la chanson qui synthétise la vocation de cet album car il réunit Pierre Perret et les Ogres de Barback. Qu’il est doux d’entendre Pierre Perret dans un registre où il excelle : la tendresse. On distingue une variété d’instruments originaux qui ajoute à la beauté intrinsèque de ce titre. C’est de la mélancolie positive. Une chanson « à s’en faire péter les cages à miel » !



-     Au Café du canal. Toute la « Tribu » s’est rassemblée pour terminer cet album en apothéose. C’est une sorte de résumé des 14 précédentes chansons. On retrouve sur ce tango ces voix si caractéristiques et ces accents si ensoleillés qui nous ont enchanté et qui donnent toute son originalité à ce concept. Ce titre en est la parfaite synthèse.

Gilbert "Critikator" Jouin

mercredi 18 octobre 2017

Les Duos impossibles de Jérémy Ferrari 4

C8
Samedi 21 octobre à 21 h 00

Présentation : Le thème de cette quatrième édition ? La perfection !
Comique à l’humour corrosif, Jérémy Ferrari ne recule devant rien pour faire rire son assemblée… Pour la quatrième année consécutive, il propose un spectacle avec des sketches improbables en duo. Chaque séquence a été écrite spécialement pour l’occasion autour de la recherche du tandem parfait. Quel humoriste parviendra à atteindre le plus haut niveau d’excellence avec le maître de cérémonie ? Qui parviendra à le convaincre ?
Ont accepté de relever le défi :
Cécile Giroud & Yann Stotz, Anthony Kavanagh, Mamane, Guillaume Bats, Blond and Blond and Blond, Kyan Khojandi, Virginie Hocq, Ahmed Sylla, Eric Antoine & Guillaume Bats

Mon avis : J’ai eu la chance d’assister à l’enregistrement de ce divertissement à Bruxelles. Etant très friand de l’univers caustique et joyeusement subversif et insolent de Jérémy Ferrari, je puis assurer que ce spectacle a particulièrement répondu à mes attentes.


Jérémy est un artiste exigeant. Il ne supporte pas l’à-peu-près et l’eau tiède. Raisons pour lesquelles il a énormément travaillé en amont sur les écritures conjointes des sketches et leur interprétation avec chacun et chacune de ses complices d’un soir. La dizaine de tableaux proposée est d’un excellent niveau. Ils sont tous très différents et adaptés à la personnalité du ou des partenaires de Jérémy. C’est du sur mesure. Tous les styles d’humour y sont donc représentés avec, toutefois, une propension particulière à l’absurde ou au burlesque. Certains sont même de véritables petits films, et en costumes s’il vous plaît.


J’ai trouvé en chacun des sketches quelque chose qui m’a amusé. Mais celui qui, incontestablement, a emporté, à mon goût, la palme de la drôlerie, du délire, est celui avec Virginie Hocq. Cette jeune femme est incroyablement clownesque. Elle ne recule devant rien et surtout pas devant le ridicule. Au contraire, plus c’est osé, plus elle y va. Et, pour ce qui est du ridicule, Jérémy Ferrari n’y donne pas sa part aux chiens.
En deuxième position, je place le sketch avec Kyan Khojandi, qui est un petit bijou d’écriture et de finesse de jeu.


Ensuite, chacune des interventions de Guillaume Bats, souvent empreinte d’humour noir et d’autodérision, est une réussite. Ahmed Sylla, avec son humour de plus en plus affuté, ainsi que Giroud et Stotz avec leur folie douce et cartoonesque sont absolument épatants. Eric Antoine fait du Eric Antoine, c’est tout ce que l’on attend de lui ; c’est parfait. Et le contraste physique entre lui et Guillaume Bats n’a quasiment pas besoin de mots pour provoquer un effet comique… Anthony Kavanagh nous distille un sketch particulièrement provocateur… Les Blond and Blond and Blond nous proposent leur appropriation cocasse de chansons avec gestuelle complètement loufoque… Quant à Mamane, il apporte au spectacle une savoureuse dimension satirique.


Ce doit être un grand bonheur pour des artistes que de se produire devant un tel public belge. Biberonnés au non-sens, au second degré, à l’absurde, les spectateurs belges sont spontanément prompts à l’enthousiasme, naturellement enclins à apprécier la provocation à sa juste valeur. Avec un tel renvoi, un tel partage, les humoristes doivent se sentir véritablement portés.

« Bref », comme dirait Khojandi, cette quatrième édition des Duos impossibles de Jérémy Ferrari est un excellent cru à consommer sans aucune modération.

Gilbert "Critikator" Jouin

Fraissinet en concert

L’Auguste Théâtre
6, impasse Lamier
75011 Paris
Tel : 01 43 67 20 47
Métro : Philippe-Auguste

Les 23, 24 et 25 octobre à 20 h 30

Pour avoir vu Fraissinet sur la scène de l’Européen, je ne peux que vous recommander chaudement son spectacle. Passant de la légèreté à l’émotion, ce garçon au charisme indéniable et à la sensibilité à fleur de peau, nous fait vivre un grand moment de partage. Ne faisant qu’un avec son piano, totalement habité par ses chansons, il se donne avec une générosité rare. Tout est soigné chez ce beau ténébreux : son look, ses textes, ses mélodies, ses attitudes, son interprétation… Et puis, quelle voix ! Véritable collectionneur de timbres, il en fait ce qu’il veut. Chaude, frémissante, veloutée, forte ou fragile, elle constitue un instrument à elle toute seule.


En bientôt dix ans de carrière, Fraissinet vient de sortir avec Voyeurs son troisième album studio. Auréolé d’une multitude de prix dans divers festivals (du Public, du Jury, du Meilleur artiste francophone…), il s’est également vu décerner un Prix Sacem ainsi que le Coup de Cœur Francophone de l’Académie Charles-Cros.

Si ce n’est pas déjà fait, si vous aimez la belle et bonne chanson française, venez découvrir cet artiste authentique et chaleureux dans l’intimité de L’Auguste Théâtre.

samedi 14 octobre 2017

Thomas VDB "Bon chienchien"

Sentier des Halles
50, rue d’Aboukir
75002 Paris
Tel : 01 42 61 89 95
Métro : Sentier

Vendredi et samedi à 20 heures

Présentation : Pourquoi lire les livres en entier ? Que doit-on crier entre les morceaux pendant un concert ? Est-ce que c’est grave d’avoir un survêtement qui sent le tabac ? A-t-on vraiment besoin de mettre des DJ partout ? Attend-on une réponse quand on demande à son chienchien « Qui c’est le pépère ? » Est-ce qu’un bébé ça doit manger tous les jours ?
Le djihad pourrait-il s’organiser uniquement avec des jeux d’eau ?
A bientôt 40 ans, Thomas VDB ne lésine plus quand il s’agit de poser les questions essentielles…

Mon avis : Franchement, le spectacle de Thomas VDB est inracontable. Ça a l’air de partir dans tous les sens, il passe sans vergogne du coq à l’âne, et pourtant tout se tient. Il y a certes quelques thèmes principaux qui émergent comme la musique (le rock et le classique), Internet, la culture, la paternité… mais ils les traite d’une telle façon qu’aucun ne constitue un véritable sketch. Il effleure un sujet, passe à un autre, revient sur le premier, s’embarque dans une digression… En fait, il nous raconte sa vie, mais vue par le petit bout de la lorgnette. Jamais de plan large. Chez lui, tout est dans le détail, dans l’anecdote, dans le ressenti. Il adore mettre la loupe sur des futilités, des petites situations qui lui posent problème, qui l’agacent. Il est très sensible à des broutilles, à des petits riens qui l’interpellent et qu’il cherche à comprendre. Il de déclare d’ailleurs à plusieurs reprises : « J’ai besoin de savoir ».


VDB a la désinvolture véhémente. Il s’indigne pour des insignifiances. Avec son timbre de voix si particulier, ce phrasé qui n’appartient qu’à lui, ce débit haché et cette gestuelle impétueuse, il nous prend à témoins de ces petits faits qui lui encombrent le quotidien. N’attendez pas de lui de grandes envolées sur la politique ou la société, lui tout ce qui l’intéresse, c’est l’accessoire. Il n’y a chez lui aucune agressivité, aucune méchanceté, aucun cynisme. Il se complaît dans une forme de marginalité. Chez lui, le diable est dans le détail, dans le comportement et dans les allégations de ses potes. Il s’ingénie à tenter d’analyser le pourquoi de petites phrases banales du genre « J’ai préféré le bouquin » à propos de l’adaptation cinématographique qui en a été faite sans être pour autant capable de l’expliquer. C’est là tout son génie.


Capable de nous faire rire avec n’importe quoi – c’est un vrai talent - il joue avec les évidences, jongle avec les ellipses, excelle dans les formules à l’emporte-pièce, distille quelques notes d’absurde, pratique sournoisement la mauvaise foi. Avec son irrésistible faconde, il pratique sans cesse l’autodérision. Il se connaît bien, il ne se fait pas de cadeau tout en restant quand même assez complaisant avec lui-même. Il est comme un grand gamin qu’un rien révolte et qu’un rien amuse ; il a aussi une appétence très prononcée pour la farce, surtout si elle est de mauvais goût et pour les images un tantinet saugrenues. Il nous livre beaucoup de lui, de son intimité, ce qui le rend d’autant plus sympathique. Tout simplement parce qu’il est proche de nous.


Pendant une heure et quart, Thomas VDB nous offre un véritable feu d’artifice qui ne décolle pas plus haut que le ras des pâquerettes. Il est naturel, il est lui-même, il ne surjoue jamais et il nous met dans sa poche avec son flot de banalités réjouissantes. Son stand-up est unique. Il a une voix, une bouille, un physique, une énergie qui n’appartiennent qu’à lui et qui le rendent si singulier. Hier soir, la petite salle voûtée du Sentier des Halles était pleine à craquer. Le public ne s’y trompe pas : il fait bon partir et voyager dans l’univers volontairement étriqué de Thomas VDB. D’autant que, mine de rien, il nous donne pas mal à réfléchir sur la sottise, la puérilité, voire la vanité de l’existence. Finalement Bon chienchien nous laisse quelques os à ronger…

Gilbert « Critikator » Jouin