vendredi 13 octobre 2017

Pomme "A peu près"

Polydor / Universal

Une Pomme est tombée sur ma tête… Exactement comme cela est arrivé à Isaac Newton.
Quelle force d’attraction ! Après avoir savouré son album plusieurs fois, j’estime avec une relative « gravité » que Pomme est un des plus beaux fruits de la chanson française de ces dernières années.
Pomme, c’est d’abord et avant tout une voix. Mais quelle voix ! J’en ai encore les oreilles en compote. C’eût été un sacrilège qu’elle n’utilisât point cet organe exceptionnellement rare pour ne pas le mettre au service de la chanson. Sa voix est fruitée (bien sûr), pleine, voluptueuse, incroyablement mélodieuse… C’est une voix qui a du « sex apple ».


La première chanson m’a scotché. Et pas « A peu près ». Complètement. Passées les premières notes, passé l’effet de surprise, on tombe sous le charme de cette voix qui ne ressemble à aucune autre ; on est décontenancé et séduit par ce phrasé si particulier, cette façon unique de prononcer certains mots, de les découper, d’en faire traîner les syllabes ; on est troublé par ces décrochements, ces murmures, ces brisures, cette vaporosité éthérée, cette sensualité naturelle et primesautière, cet entrelacs de force et de fragilité… Sincèrement, la voix de Pomme est hors norme. C’est comme un instrument de musique qu’on vient d’inventer et que l’on a magnifié en lui donnant quelque chose d’humain.

J’ai bien lu et écouté les treize titres qui composent cet album. Une phrase découverte en exergue dans un coin du livret m’a donné une clé de lecture : « A peu de choses près, voici mon âme. J’ai tout dit plus ou moins »… « Plus ou moins » dans un album qui s’intitule A peu près sans pour autant tomber dans l’approximation est un tour de force. A sa décharge, on peut dire qu’elle est si jeune qu’elle manque encore un tantinet de vécu. Heureusement pour elle. Et pour nous. Elle en a encore des choses à vivre, donc à dire. Pourtant, en dépit de son jeune âge, elle chante des sentiments très matures. Dans La Lavande, son titre apparemment le plus personnel, elle se livre énormément. Une phrase en dit long : « Ma peau n’est pas si jeune, elle connaît les adieux »…
On a donc un joli panorama de sa personnalité. Bien qu’elle ait fait appel à des auteurs différents, son album dégage une réelle homogénéité. Il y a beaucoup d’audace dans les textes. L’amour et la mort (Eros et Thanatos) s’y côtoient aimablement. La jeune femme a visiblement soif d’absolu. Elle ne fait pas dans la demi-mesure.


J’ai remarqué – est-ce voulu on non – que certaines chansons pouvaient s’écouter comme des suites. Par exemple, Adieu mon homme pourrait être la suite de La Gare. De même que De là-haut pourrait être la suite de La Lavande.
Dans Comme si j’y croyais, faussement candide, on comprend qu’elle n’est dupe de rien… Dans Même robe qu’hier, elle évoque une aventure d’un soir. Ce n’est en tout cas pas ce partenaire éphémère qui mérite qu’on dise de lui Ce garçon est une ville… Il y a aussi des histoires de filles (Pauline, On brûlera), un aveu de complexes (De quoi te plaire), une analyse obsessionnelle et quasiment clinique de l’insomnie (Ceux qui rêvent)…

Il y a tant à raconter sur cet album ! Dire que ses arrangements sont fouillés est un doux euphémisme. Il y a plein de couleurs et de climats différents. C’est parfois hyper dépouillé et, parfois, ça frise le symphonique.
Bref, A peu près est une totale réussite. Un album qui trouble et qui fait plaisir. Mais, surtout, quelle voix !!!

Gilbert « Critikator » Jouin

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