vendredi 25 avril 2008

Deux jours à tuer


Un film de Jean Becker
D'après le roman de François d'Epenoux
Avec Albert Dupontel (Antoine), Marie-Josée Croze (Cécile), Pierre Vaneck (le père d'Antoine), Alessandra Martinez (Marion), Cristiana Reali (Virginie), Mathias Mlekuz (Eric), Claire Nebout (Clara), François Marthouret (Paul), Anne Loiret (Anne-Laure), José Paul (Thibault), Daphné Bürki (Bérengère), Samuel Labarthe (Etienne)...
Musique : Alain et Patrick Goraguer
Sortie le 30 avril 2008

Ma note : 8/10

Synopsis : Antoine, 42 ans, a une femme qu'il aime, cécile, deux enfants dont il est fou, une jolie maison dans les Yvelines, et une situation confortable dans une agence de pub parisienne. Tout laisse à penser qu'il a aussi une maîtresse, Marion.
Apparemment, rien n'explique donc pourquoi Antoine décide soudain de saboter sa vie. Après avoir fait un esclandre auprès d'un client important puis donné sa démission au grand dam de son associé, il rentre chez lui pour le week-end et se met à détruire méthodiquement tout ce qu'il a construit...

Mon avis : Admirable !... Jean Becker est un vrai magicien, un magnifique raconteur d'histoire. Nous sommes comme assis au coin d'un feu à l'écouter nous raconter avec un sens aigu du suspense, quarante-huit heures de la vie d'un homme. Il nous prend par la main, par le coeur aussi, et il nous emmène...
Au début, on n'y comprend rien. Quelle mouche a donc piqué Antoine ? Quel plaisir malsain prend-il à détruire consciencieusement un à un tous les éléments de sa vie amoureuse, familiale et professionnelle ? C'est impressionnant. Dupontel fait peur, vachement peur. Quand il s'en prend à un annonceur dans son agence de pub, ça nous amuse. Mais quand il se montre agressif, violent et parfaitement injuste avec son épouse, on a du mal à le trouver sympathique. C'est même insupportable. On en souffre.
Dans l'épique scène du dîner "entre amis", avec une tension qui monte en puissance, il est tellement odieux qu'on en rit, mais en coin, et très jaune.
Ce film est remarquable ; remarquablement humain. Dupontel est formidable, césarisable. Il porte le film sur ses solides épaules. Et Jean Becker a filmé avec la concision d'une dramatique à la télévision. C'est construit avec une succession de scènes toutes plus marquantes et plus émouvantes les unes que les autres : la longue scène de ménage entre Antoine et Cécile est interprétée avec une éprouvante authenticité. Quand Antoine se montre dur avec ses enfants, il se crée une vraie sensation de malaise. Le dîner est un moment d'anthologie qu'il ne faut surtout pas raconter. L'affrontement entre le père et le fils dans de superbes paysages irlandais...
Puis il y a aussi ces gros plans sur les regards chargés de souffrance d'Antoine, sur le chagrin et l'incompréhension de Cécile...

Deux jours à tuer est un beau film ; un des tout meilleurs de Jean Becker. Avec le recul, on s'aperçoit qu'il est débordant d'humanité. On en peut pas rester insensible devant ce qui est raconté là. Il est inévitable de se sentir concerné et de se projeter dans une telle situation. On suit ce film comme on découvre une histoire, au fur et à mesure qu'on en tourne les pages, sans savoir où l'auteur veut nous emmener et quelle va en être la chute. Et quand on la découvre, on la garde précieusement pour soi car il ne faut surtout la rapporter à ceux qui n'ont pas encore vu le film. Après, en revanche, on peut en parler. Et longuement. Car il y a à dire...Tous les comédiens sont épatants, y compris le moindre second rôle (que du lourd et du bon !). Bien sûr Dupontel trouve ici un rôle à sa (dé)mesure. Il peut la lâcher toute sa souffrance contenue, libérer sa violence, son refus de l'injustice. Il est véritablement impressionnant. Même si pendant un bon moment on se demande ce qui le conduit à de tels excès, on sent confusément qu'il y a quelque part une raison.
Marie-Josée Croze et Pierre Vaneck lui donnent une réplique pleine de sensibilité, toute en stupeur douloureuse pour l'une et en silences bourrus pour l'autre.
Bref, si vous avez deux heures à tuer, n'hésitez pas à les consacrer à la découverte de ce film fort et intimiste, un de ces films qui s'inscrivent en droite ligne dans la veine du meilleur cinéma français d'auteur.

vendredi 11 avril 2008

Passe passe


Une comédie de Tonie Marshall
Avec Nathalie Baye (Irène Montier-Duval), Edouard Baer (Darry Marzouki), Guy Marchand (Pierre Delage), Mélanie Bernier (Sonia Yacovlev), Joey Starr (Max), Maurice Bénichou (Serge), Bulle Ogier (Madeleine), Sandrine Le Berre (Carine), Michel Vuillermoz (Sacha Lombard)
Sortie le 16 avril 2008

Ma note : 4/10

L'histoire : Une sortie d'autoroute manquée et voilà comment Darry Marzouki, prestidigitateur au chômage, croise la route d'Irène Montier-Duval, une bourgeoise chic dont le sac Hermès se révèle rempli de billets de banque. Par amour, elle a servi d'intermédiaire dans une vente d'armes entre un ministre français et la Corée. L'affaire s'étant ébruitée, le ministre veut lui faire porter le chapeau. Dans sa fuite, elle propose à Darry de le payer pour qu'il la conduise à Genève dans sa belle BMW. Le hic, c'est que la voiture n'appartient pas à Darry. Il l'a volée sur un coup de tête à son beau-frère, un type borné qui promet de l'étriper s'il ne la rend pas...

Mon avis : Passe passe, impair et... manqué !
Par quel désastreux tour de magie Tonie Marshall a-t-elle pu rater ce film ? On a l'impression d'une cuisinière qui a à sa disposition les meilleurs produits et les ingrédients les plus délectables et qui sert pourtant un plat totalement indigeste. Quand même ! Nathalie Baye est, comme d'habitude, épatante ; Edouard Baer, excellent ; Joey Starr, la bonne surprise du film, est détestable à souhait ; Mélanie Bernier est terriblement séduisante... Mais hélas...
La faute à un scénario maladroit et fumeux dans lequel on ne rentre pas une seconde. Pour en revenir à la métaphore culinaire, on ne sait pas ce qu'on mange. Quelle sensation de gâchis !
Et pourtant les personnages - surtout les deux principaux - sont là. Ils sont magnifiques tous les deux. Nathalie Baye campe avec maestria une bourgeoise écervelée, fofolle, épicurienne, insouciante. Elle excelle dans ce genre de composition décalée... Edouard Baer est absolument touchant en looser magnifique, rêveur, idéaliste et désanchanté... Mélanie Bernier est lumineuse, elle dégage un charme incroyable, aérien ; et voilà qu'on l'affuble de ce redoutable syndrome dit de Gilles de la Tourette, ce toc qui voit la personne qui en est atteinte se mettre soudainement à déverser des tombereaux d'insanités, d'injures et autres grossièretés. On aurait pu trouver ça rigolo, mais ça tombe complètement à plat et on en est affligé pour elle.

Le début, déjà, est longuet. Une absence de rythme qui va s'étirer tout au long du film. Le scénario est truffé d'incohérences et il y a même des personnages qui s'avèrent totalement inutiles, sauf à disperser et retarder l'action. Le diplomate-crooner coréen par exemple. On se demande ce qu'il vient faire là-dedans. On aurait pu s'en passer... Et puis il y a l'histoire elle-même. A trop vouloir glisser des clins d'oeil appuyés vers l'affaire Elf, les ventes d'armes, Christine Devier-Joncours et Roland Dumas, on s'égare inévitablement.
Enfin, il y a toute cette débauche de luxe. Le film en est dégoulinant. C'est un défilé de marques et d'enseignes toutes plus prestigieuse les unes que les autres. Ce n'est plus un film, c'est un panneau publicitaire. Hermès, le Ritz, Gucci, etc... devraient figurer au générique au côté des acteurs.
C'est dommage, car elle a du talent madame Marshall. Comment, elle qui s'était révélèe si Tonie... truante dans Vénus Beauté, a-t-elle pu sombrer dans cette cata... Tonie ?
Je suis plutôt bon public et facilement porté à l'indulgence. Lorsqu'on voit en outre associés sur une affiche les noms de Nathalie Baye et d'Edouard Baer, on se délecte à l'avance du bon moment que l'on va passer. Quand on a sous la main deux comédiens de cet acabit, de cette folle inventivité, on leur concocte un scénario aux petits oignons, que diable ! Or, on attend le tour de passe-passe et le lapin qui sort du chapeau est famélique et atteint de myxomatose.
Spectateur, passe, passe ton chemin et attend tranquillement le 30 avril pour aller voir Deux jours à tuer, le nouveau film de Jean Becker...

mercredi 9 avril 2008

Gérald Dahan "Sarkoland"


Théâtre Déjazet
41, boulevard du Temple
75003 Paris
Tel : 01 48 87 52 55
Métro : République

Ma note : 7,5/10

Mon avis : On peut le dire : Gérald Dahan a franchi un palier. Non seulement il s'affirme comme un véritable showman, mais en plus il a su muscler ses textes, les a rendus plus satiriques, plus corrosifs. Quinze ans de métier sont passés par là. Il a désormais les épaules assez larges pour assumer des propos souvent saignants.
Sarkoland est, à mon avis, le meilleur spectacle qu'ait donné Gérald Dahan jusqu'à aujourd'hui. Sur le pur plan des textes, aucun des sketches n'est faible. Ils s'enchaînent à un rythme soutenu, avec une énergie communicative. Gérald n'hésite pas à faire allumer la salle de temps en temps histoire de discuter le bout de gras avec le public et, surtout, d'y choisir une ou deux "victimes" qu'il va harceler tout au long de la soirée, au grand bonheur des spectateurs épargnés.

Le show - car c'en est un - débute sur une parodie hyper dynamique de la chanson d'ouverture de la comédie musicale Cabaret, baptisée ici "Wilkommen à Sarkoland". Encadré par une troupe joyeuse et tonique de danseurs (deux garçons et quatre filles sensuellement vêtues de guêpières et de slips noirs), Gérald révèle des qualités de danseur qu'on ne lui soupçonnait pas. Cette débauche de rythme et de fantaisie donne le "la" au spectacle.
Comme son titre l'indique, ce spectacle est une visite guidée au sein de ce parc d'attractions qu'est Sarkoland. Luxe oblige, chaque endroit évoqué possède son guide propre, un guide qui se comporte en fait comme une sorte de chroniqueur dans une émission de télé. Et quand on a les moyens, on ne lésine pas sur la notoriété et nous autres, humbles visiteurs de ce pays mystérieux, nous sommes pris en charge par des cicérones aussi éminents que Jean-Pierre Foucault, Patrick Sébastien, Marc-Olivier Fogiel, Patrick Timsit, Fabrice Luchini, Régis Laspalès, Christian Clavier, Pascal Sevran, Jean-Luc Delarue, Johnny Hallyday, Jean-Marie Bigard, Charles Pasqua (si, si), Stéphane Bern, Bernard Kouchner... Excusez du peu !
Mais le clou de la visite, c'est tout de même quand le maître des lieux, Nicolas Sarkozy lui-même, condescend à nous présenter son domaine, ses résidents et son oeuvre. Un grand moment ; le morceau de bravoure d'un grand petit homme qui nous laisse sur les genoux ! Un petit bijou de truismes et de lapalissades en tous genres.

Les voix de la plupart des personnages sont imitées à la perfection (Timsit, Laspalès, Clavier, Sarko, Hallyday...). Parfois cependant, Gérald se laisse tellement emporter par ce qu'il dit qu'il en oublie quelque peu le personnage qu'il est en train de camper (Luchini, Bigard...), des petites faiblesses largement compensées par la qualité des textes. Car c'est là la plus importante costatation à adresser à ce spectacle, Gérald Dahan ne fait plus dans la facilité et la guimauve, il se montre incisif, percutant, mordant, vachard. Il balance grave ! Il est une sorte de chansonnier du troisième millénaire.

Voici en quelques mots mon opinion : tourbillon, dimension, passion, subversion, compositions, distraction, confirmation, création, imagination, indignation, interprétation, observation, prestation, récréation, dérision... Bref, consécration et félicitations. Conclusion : prolongations...

Le Banc


Théâtre Montparnasse
31, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 77 30
Métro : Edgar Quinet/Gaîté/Montparnasse

Une comédie en 7 tableaux de Gérald Sibleyras
Mise en scène par Christophe Lidon
Avec Philippe Chevallier et Régis Laspalès

Ma note : 7/10

L'histoire : Vladimor Zkorscny et Paul Letellier forment un duo de piano à quatre mains. Depuis vingt ans, ils sont assis l'un près de l'autre sur un petit banc d'à peine 1 mètre 10. Leur carrière vient de prendre une tournure heureuse : ils viennent de recevoir un prix important pour leur dernier disque. Une tournée au Japon est organisée. Soucieuse de les gâter, une fondation leur prête un magnifique chalet de montagne sur la frontière austro-italienne pour qu'ils puissent répéter en toute tranquillité. Rostropovitch, le célèbre viloncelliste, y avait lui-même séjourné voici quelques années. Au lieu de se mettre à travailler, les deux pianistes se parlent. Bientôt, certaines vérités commencent à être dites faisant peu à peu place aux reproches puis au règlement de compte...

Mon avis : Etonnant ! On a du mal à croire que cette pièce n'a pas été écrite sur mesure pour le duo Chevallier/Laspalès. Il y a tellement d'éléments qui pourraient se rapporter à leur "couple" que c'en est vraiment troublant. Ils s'approprient cette pièce avec une telle gourmandise et une telle jubilation qu'ils la font entièrement leur.

En toile de fond, des montagnes se dessinent. Sur une musiquette joliment jazzy, deux hommes viennent prendre possession d'un confortable chalet. Vladimir et Paul sont deux pianistes. Depuis une vingtaine d'années, ils sont comme deux frères siamois liés l'un à l'autre devant un piano sur lequel ils jouent à quatre mains. Si, jusque là, ils paraissaient supporter cette promiscuité, il semblerait que cette parenthèse autrichienne censée leur permettre de répéter leur prochaine tournée dans la plus grande sérénité leur serve soudain de révélateur. Les vertiges de l'altitude peut-être... Toujours est-il que nos deux partenaires commencent à se chamailler ; d'abord pour des futilités, puis peu à peu pour des sujets plus personnels. En fait, tout les sépare. Ils sont associés par la force des choses. Vladimir (Chevallier) est célibataire, Paul (Laspalès) est marié. Ils n'ont pas du tout le même caractère. Vladimir apparaît très vite particulièrement égoïste, prétentieux, acariâtre, voire même un peu tordu. Il se comporte un peu à la manière d'une femme jalouse. Paul semble plus cool, plus sympa, plus arrangeant. Mais il va à son tour exhaler les affres de la jalousie. Et, les problèmes d'ego prenant rapidement le dessus, les reproches ne tardent pas à fuser. C'est un vieux couple qui se déchire...

Ce "drame" se déroule en sept tableaux ponctués à chaque changement par quelques mesures de Rostrovitch. Quant au fameux Banc, troisième "personnage" important de la pièce, il s'agit bien sûr d'une métaphore. Il symbolise l'endroit où ils sont tenus de se tenir, de se frôler, de partager le succès. Moins ils se supportent, plus ils s'y sentent à l'étroit. C'est très subtil.
Chevallier et Laspalès réussissent le tour de force de rester fidèles à leurs personnages habituels tout en s'en éloignant. Chevallier ajoute simplement un peu plus de perfifie pendant que Laspalès gomme son côté caricatural. Il s'autorise toutefois fugitivement quelques attitudes qui nous rappellent l'hurluberlu qu'il campe dans leurs sketches (quand il tape du pied par exemple). Mais ce ne sont que des clins d'oeil fort réjouissants qui ne perturbent en rien le sens profond de la pièce.

Dans la réalité de leur duo, ils auraient très bien pu vivre ce type de relation déliquescente et ne devoir se supporter que pour de basses raisons professionnelles. Heureusement pour eux, il n'en est rien. Leur belle complicité est toujours là, ce qui leur permet justement de jouer jouissivement avec cette situation. Ils reconnaissent d'ailleurs bien volontiers que ce sujet agit sur eux comme une catharsis.
En tout cas, dans cette pièce, ils sont tout à fait "bancables"

jeudi 3 avril 2008

Les Randonneurs à Saint-Tropez


Une comédie de Philippe Harel
Avec Karin Viard (Cora), Géraldine Pailhas (Nadine), Benoît Poelvoorde (Eric), Vincent Elbaz (Mathieu), Philippe Harel (Louis), Cyrielle Clair (Tiffany), Alain Guillo (Jean-Jacques), Sacha Bourdo (Miguel)...
Sortie le 9 avril 2008

Ma note : 5,5/10

Synopsis : Nous avons quitté nos "randonneurs", Cora, Nadine, Mathieu et son frère Louis, il y a dix ans, en Corse.
Aujourd'hui, ils ont la quarantaine. Toujours très liés, ils ont décidé de repartir une nouvelle fois en vacances ensemble, juste tous les quatre, comme avant. La randonnée, il faut bien l'avouer, ça n'était pas vraiment leur truc. Mais à l'époque, c'était la mode des vacances sportives. Alors, ils avaient essayé.
Cet été, c'est décidé, ce sera Saint-Tropez. Après tout, qui n'y va pas une fois dans sa vie ? Mais c'était sans compter qu'à Saint-Tropez tout peut arriver. Même y retrouver Eric, leur guide sur le GR20 corse. Celui qu'ils s'étaient jurés de ne plus jamais fréquenter... Sauf qu'Eric a évolué ; il a même beaucoup changé. Et il présente des arguments de poids pour endosser à nouveau le rôle de guide...

Mon avis : Après un début plutôt sympathique, saupoudré de dialogues acerbes, piquants et percutants, le film prend une pseudo vitesse de croisière. Pire même, on a l'impression de se trouver à bord d'un de ces superbes yachts ammarrés sur le port de Saint-Tropez, mais qui ne s'aventurent jamais au large. En clair, le film reste à quai. Et c'est bien dommage.
En dépit de tous leurs efforts nos quatre héros (Cora, Nadine, Eric et Louis) ne parviennent que rarement à nous passionner avec leurs pérégrinations varoises. Trop de clichés, trop de lieux communs, trop de situations convenues, trop de gags prévisibles, trop de comportements excessifs (surtout en ce qui concerne le personnage de Karin Viard). Le scénario est bien trop elliptique pour qu'on se prenne au jeu. On ne comprend pas par exemple pourquoi nos héros (Vincent Elbaz en particulier) qui roulent des truands dans la farine ne subissent pas de leur part ces représailles auxquelles on est en droit de s'attendre.

Mais le pire, c'est le personnage qui échoit à Benoît Poelvoorde. c'est sûr qu'il n'était pas aisé, après les avatars survenus tout au long du GR20, de réussir à le faire redevenir copain-copain avec notre quatuor. Alors on a forcé le trait. Ce ne sont pas de grosses ficelles, ce sont carrément d'énormes câbles d'amarrage qui ont été utilisés. Poelvoorde lui-même donne l'impression de ne pas croire une seconde à l'évolution de son Eric. On a même réussi l'exploit de le rendre totalement antipathique. Soit il était très mal à l'aise dans ce type de contre-emploi, soit cette suite improbable le gonflait profondément. En tout cas il ne donne jamais l'air d'y prendre un quelconque plaisir.
Cerise (aigrelette) sur le gâteau : la chansonnette hélas récurrente qui vient de temps en temps tenter d'égayer le propos est franchement insupportable.
Comme il y a parfois en boxe le combat de trop, nous avons droit à la rando de trop. Saint Trop, priez pour nous. Et c'est vraiment regrettable car on les aime bien ces artistes-là, les Viard, Pailhas, Elbaz, Harel et Poelvoorde. Comme quoi il vaut mieux parfois ne pas avoir de suite dans les idées...

Les 4 Deneuve


Le Méry
7, place de Clichy
75017 Paris
Tel : 01 45 22 03 06
Métro : Place Clichy

Une comédie de Mélissa Drigeard, Guillaume Gamain et Vincent Juillet
Mise en scène par Philippe Peyran-Lacroix
Avec Jeanne Arènes, Amandine Cros, Mélissa Drigeard et Alice Dumont

Ma note : 6/10

L'argumentaire : Quatre jeunes femmes apprenties comédiennes se présentent à un casting dans l'espoir de décrocher le rôle qui changera le cours de leur existence tristounette. Lors d'un premier examen de passage, elles donnent le meilleur d'elles-mêmes dans des essais de pubs et de comédie pure. A la suite de quoi, elles lient connaissance et, toutes à leur bavardage, elles se retrouvent enfermées dans la salle d'attente... Elles vont devoir y passer la nuit, mais heureusement, il y a un nouveau casting dès le lendemain matin...

Mon avis : Le décor est volontairement minimaliste : un canapé rouge en forme de bouche trône devant quatre portraits "wharolisés" de Catherine Deneuve... Il s'agit de la salle d'attente d'une boîte qui organise des castings. Quatre jeunes femmes, Félicité, Candy, Agrippine et Babe (qui s'appelle en réalité plus simplement Elisabeth)sont venues là pour tenter d'obtenir le rôle de leur vie. Elles se soumettent avec plus ou moins d'enthousiasme et de talent aux petites saynètes qu'on leur demande d'interpréter.
Tout de suite, les différents caractères se dessinent et se précisent.
Félicité est fortement négative et limite dépressive ; elle compense son manque de confiance en elle par une agressivité maladroite et excessive.
Candy, c'est tout son contraire. Un peu nunuche, adorablement naïve et fraîche, elle se prête à tous les exercices avec un entrain parfaitement puéril.
Agrippine, c'est la bourge, hautaine et précieuse, une donneuse de leçons qui se complaît à jouer les intellos en usant d'un vocabulaire aussi châtié qu'alambiqué.
Babe, c'est la fille sexy et qui le sait ; elle use et abuse de ses charmes, roule un peu la caisse, mais ne peut empêcher sa fragilité d'affleurer parfois à la surface.

A priori rivales, elles vont peu à peu apprendre à s'apprécier. En fait, elles ont énormément de points communs. D'abord, ce sont des recalées chroniques. Elles n'ont pratiquement aucune chance d'être retenues pour une pub, une pièce ou un film. Mais cela ne les empêche pas de rêver et de vouloir y croire.
On passe vraiment de très agréables moments en compagnie de ce quatuor de charme. elles nous offrent une jolie satire gentiment pimentée de ce milieu du showbiz et de la "star attitude" avec, en point d'orgue, une simulation de remise des Molière absolument désopilante. Elles sont très agréables à regarder, ce qui ne gâche rien, et tout en se livrant parfois à de grosses pitreries, elle ne perdent pas une once de leur exquise féminité. Et pourtant, elles y vont à fond ! La salle est conquise et s'amuse avec elles.

Malgré tout le plaisir que l'on prend en tant que témoins de leurs improbables et pathétiques castings, on peut déplorer une fâcheuse propension aux décibels. Un peu moins de cris, c'eût été parfait. Certaines scènes gagneraient également sans doute à être un peu plus resserrées et d'autres mieux exploitées (la séquence des chaises musicales par exemple. L'idée de qualifier la lauréate à partir de ce jeu est excellente. Elle montre tout le côté dérisoire de l'affaire. Mais elle aurait pu être traitée différemment pour gagner en efficacité. C'est, à mon avis, la seule fois où elles se comportent comme des garçons...).
Mais en dépit de ces quelques petites critiques, Les 4 Deneuve reste un spectacle plein de charme, de pétulance et de drôlerie.

mercredi 2 avril 2008

Eric Bouvron "Afrika"


Théâtre Trévise
14, rue de Trévise
75009 Paris
Tel : 01 45 23 35 45
Métro : Grands Boulevards

Mise en scène de Sophie Forte
Percussions : Mathos

Ma note : 6,5/10

Argumentaire : Humoriste, comédien, danseur très singulier, cet Africain blanc, anglo-et-francophone, présente une drôle de conférence didactique et flamboyante sur son pays, l'Afrique du Sud. Mêlant humour anglo-saxon, danse, musique, dessin... il évoque de manière complètement spectaculaire et réjouissante la pensée, la nature, la faune, la médecine - celle des sorciers -, les danses locales, la notion du temps... africaines.

Mon avis : La première chose qui rayonne chez ce garçon, c'est sa sympathie. On se sent tout de suite à l'aise avec lui. Il est ouvert, franc, expressif, drôle, naturellement convivial. Cet homme aime les gens, c'est un partageur et, surtout, un vrai généreux... La deuxième chose qui force notre respect, c'est ses capacités physiques. Quel athlète ! Tout en rythme et en souplesse, il sait tout faire avec son corps. Dès son entrée sur scène, il fait étalage de son aisance. Et, une fois qu'on l'a vu danser, et de quelle façon, il faut bien qu'il nous fournisse quelques explications car il y a des choses qui nous paraissent incongrues : il s'appelle Eric Bouvron, un nom qui fleure bon le terroir français, il est blanc et, pourtant, il se proclame... Africain ! Africain du Sud même. Une espèce de Zoulou, quoi ! Il vient de là-bas. On comprend alors pourquoi il arrive sur scène à la Boer... Mais, heureusement pour nous, c'est avec un très léger accent, charmant au demeurant, qu'il s'exprime en français.

Maîtrisant à la perfection les accents, le langage du corps, le mime, le bruitage, il possède une véritable gestuelle de dessin animé. Il a en outre cette faculté de se métamorphoser en animal en quelques attitudes. Et il parle. Il parle énormément. C'est un conteur qui a l'art de nous emmener dans son propre univers avec une drôlerie mâtinée de tendresse. Aidé de quelques accessoires faits maison ou d'objets détournés de leur utilité première, il nous brosse un parallèle édifiant entre l'homme et l'animal.
Quelques purs moments de grâce émaillent ce spectacle haut en couleurs : une bataille homérique avec un moustique particulièrement agressif, une séance de percussions réalisée uniquement avec son corps et une divagation extrêmement fine sur le temps et l'argent qui vaut du Devos... Il communique énormément avec le public, joue avec lui, le taquine, le sollicite. Tout est accompli avec une profonde gentillesse. On s'amuse beaucoup, on s'émerveille parfois, on est bluffé par ses danses ethniques (il fait moins dans le tribal guerrier de Johnny Clegg, c'est beaucoup plus souple et fluide).
Bref, Eric Bouvron nous distille avec humour et élégance un spectacle total, varié, surprenant, tonique et festif. Une jolie parenthèse sud-africaine au cours de laquelle on peut laisser sans crainte nos soucis au bestiaire...