Le Grand Point Virgule
8bis, rue de l’Arrivée
75015 Paris
Tel :
Métro : Montparnasse
Bienvenue
Seul en scène écrit par Mathieu
Madénian
Mis en scène par Kader Aoun
Présentation : Dans ce monologue aux accents pagnolesques,
Mathieu Madénian se livre sans tricher, et nous raconte les péripéties de son
quotidien avec une énergie comique qui n’appartient qu’à lui.
De ses déboires amoureux
d’éternel adolescent presque marié à ses aventures médiatiques qui l’ont
conduit du canapé de Michel Drucker aux colonnes de Charlie Hebdo, tout est
prétexte à rire pour ce roi de l’autodérision qui sait saisir ce qu’il y a
d’universel dans chacune de ses histoires personnelles, et réussit le tour de
force de nous parler de nos vies à tous en racontant sa vie à lui.
Mon avis : Mathieu Madénian a retrouvé son élément ; la
scène. C’est bien là l’endroit où il peut le mieux s’exprimer ; encore
plus librement. Et, surtout, non enfermé dans des contraintes thématiques de
chroniqueur, il peut développer et s’expliquer sur certaines thèses qui lui
tiennent plus particulièrement à cœur. Paradoxalement, sur scène, il est moins
en représentation. Il est lui-même, plus naturel, plus spontané, moins dans la
posture.
Sur scène, Mathieu Madénian est
une sorte de jeune fauve qui a envie de s’amuser et de se sentir cajolé par son
public. Entre chacun de ses nombreux coups de griffes plus taquins que
méchants, il utilise habilement le velours des coussinets pour adoucir l’éraflure
qu’il vient de provoquer. Pas toujours quand même, et heureusement.
Après avoir prêté sa scène à son
pote, l’excellent Thomas VDB, qui nous narre avec son phrasé et sa gestuelle si
personnels ses tribulations de fumeur de joint ou ses errements d’acheteur de
livres compulsif, Mathieu Madénian surgit, barbe de deux jours et demi, sourire
aux lèvres et œil qui frise. Il est dans l’attitude d’un mec qui va livrer un
combat d’un peu plus d’une heure et qui se réjouit à l’avance de l’impact de
ses vannes sur son public. Un public qui se révèle bien éloigné en âge de celui
qu’il aimait tant provoquer et choquer dans l’émission de Michel Drucker. Ses
spectateurs appartiennent en effet quasiment à tous à ce que l’on peut appeler
désormais « la Génération Bataclan ». C’est un public friand de
vannes, prompt au rire, très à l’écoute, un public qui se conduit plus dans le
respect que dans la familiarité. On y déplore ainsi pas la présence de ces
vociférateurs idolâtres qui polluent souvent les spectacles d’autres
humoristes. Et c’est bien agréable car on ressent une vraie atmosphère d’attention
et de partage.
Mathieu Madénian fait du
stand-up. Il est très à l’aise dans ce registre où la tchatche est le nerf de
la guerre. N’oublions pas qu’il se destinait à une carrière d’avocat. Même s’il
comptait se spécialiser dans la criminologie, il adopte sur sa scène (de crimes ?)
une double attitude. Il s’érige aussi bien en procureur qui nous fait part de
ce qui le révolte, de ses indignations et qui fustige certaines aberrations de
notre société qu’il se comporte souvent en avocat de sa propre défense. Il
ressent le besoin parfois de se justifier. De son goût pour les blagues racistes
par exemple, ou de son appétence (Larousse : désir instinctif qui porte vers tout objet à satisfaire un penchant naturel…)
pour l’humour noir et les images trash.
Comme tout Arménien qui se
respecte (il vient de Perpinian, cette enclave des Pyrénées très Orientales), Mathieu Madénian est velu. Mais son système pileux est constitué
essentiellement de poil à gratter. Sa toison, c’est de la toile émeri. Mais je
suis certain que, plus on s’approche de son cœur, elle se mue en fourrure
accueillante. Il a beau jouer les provocateurs en se plaisant par exemple à égratigner
ses proches ou les personnes qui comptent pour lui, on sent poindre chez lui
une authentique tendresse. Et peut-être encore plus aujourd’hui.
De toute façon, il est honnête.
Il avoue ainsi que, pour ce qui le concerne, « le gros mot, c’est un outil
de travail ». Et il est équipé le bougre ! Ayant déjà beaucoup
apprécié son premier spectacle, je lui attribue désormais le qualificatif de « Cynique
jovial ». Cet oxymore lui convient
parfaitement.
Mathieu Madénian, qui semble adapter
sa prestation en fonction de son public (ce qui apporte en plus petit côté
improvisation réellement jubilatoire), se raconte. Il nous relate en fait les principaux
événements qui ont succédé à ses aventures du premier one man show : ses
démêlés avec le FN, les réfugiés, Michel Drucker, ses débuts au cinéma, son
premier appartement, son shake up, ses relations avec ses parents, le porno sur
Internet, le décès de sa tante, les attentats… On s’aperçoit bien vite que tout
ce qui le concerne nous concerne tout autant. Il se veut témoin de son temps. Partant
de son propre vécu, il va du personnel à l’universel. D’où l’atmosphère de
proximité qu’il établit avec son public.
Et comme il se confirme ce que l’on
avait déjà remarqué, à savoir qu’il est un très bon auteur sous plafond et qu’il
fait preuve sur scène d’une « belle énergie » communicative, On passe
dans cette salle du Grand Point Virgule un très bon moment empli d’un humour
régénérateur si nécessaire pour nous aider à traverser une période aussi
bouleversée.
Avec les traumatismes qu’il a
subis, Mathieu Madénian, sans jamais s’en arroger le droit, nous donne le
parfait exemple de ce qu’est un homme, un artiste debout.
Gilbert « Critikator »
Jouin