mardi 3 novembre 2015

Le Grand Gala

Hier, dans le cadre du FUP (Festival d’hUmour de Paris), une soirée de gala a priori unique a été organisée pour célébrer feu le Pranzo, petit cabaret qui a donné leurs chances à de nombreux aspirants humoristes. Nombre des artistes qui s’y sont fait les dents et appris leurs gammes ont répondu présents à l’appel de son créateur, Emmanuel Smadja, dit « Manu ».

Si l’on tient compte d’un trio et d’un duo, ils ont été seize à se succéder sur la fameuse scène de la rue de la Gaîté. Très honnêtement, j’ai passé une excellente soirée. Le niveau d’humour était d’une grande qualité. Les numéros, les univers respectifs, les attitudes, éclectiques et variés, ont offert un panel très représentatif de ce qu’est la scène comique française aujourd’hui.
Voici un petit compte-rendu de ce qui s’est passé hier soir dans l’ordre d’apparition des artistes…

Les DDD (Les Drôles de Mecs). Leur singularité c’est de se livrer à des évolutions hip-hopiennes sur une bande-son très originale sans jamais avoir l’air d’être dans la performance et de se prendre au sérieux. Effet comique garanti.
Vérino. On ne le présente plus. Il sait tout faire. Il est naturellement drôle, et dans ses gestes, ses expressions et son appétence pour l’humour noir. Son sketch sur la baguette de pain disponible 24/24 est un petit bijou de comédie surréaliste.


Baptiste Lecaplain. Il est aussi drôle que touchant car il a l’art de se mettre en scène en se racontant. Fin observateur, ce Zébulon sympathique nous met complètement dans sa poche en abordant des thèmes qui lui sont très personnels tout en étant universels.
Christine Berrou. Sacré personnage, la Christine ! Utilisant à merveille sa voix encore pré-pubère, elle nous embarque dans ses digressions hilarantes, ses réflexions faussement maladroites. Tout en pratiquant allègrement l’autodérision, elle balance avec des airs de Sainte Nitouche quelques scuds plutôt crus, qu’elle élude illico avec une savoureuse malhonnêteté.
Sanaka & Farid Chamekh. Leur fonds de commerce, c’est la vanne. Ils adorent se chambrer, ça va à toute vitesse. Leur façon de se mouvoir est une vraie chorégraphie ressemblant à parodiant un duel dont les fleurets seraient les mots.


Bérangère Krief. Elle est aujourd’hui à un sommet dans la hiérarchie des jeunes femmes humoristes. Son sketch sur la journée inversée est une superbe et imparable trouvaille aussi bien écrite qu’interprétée.
David Smadja. Communicant facile, tchatcheur très convivial, il a créé son style en s’appuyant sur la musique. Après avoir interprété un rap fort bien troussé, il campe un inénarrable timide à l’accent indo-pakistanais absolument jouissif.
Guillaume Batz. Alors lui, il m’éclate. Dans le domaine de l’autodérision, il est inégalable. D’un courage et d’une lucidité qui forcent le respect, il nous fait rire en se moquant de lui-même. Ce garçon attachant est vraiment (handi)capable de tout.
Sophie Girard. Sous de faux airs nunuche qu’elle maîtrise à ravir, cette grande et belle jeune femme est aussi à l’aise dans l’humour absurde avec la déchirante épopée de la petite dernière frite d’une barquette, que dans la relation ironique et imagée de l’état dans lequel se mettent certaines femmes addict à la mode.
Kyan Khojandi. Interprétation tout en subtilité tant dans la qualité de l’écriture que dans son jeu. Ses observations sur le thème de « Quand t’es gamin », marquées du sceau de l’évidence, sont réellement rafraîchissantes, et l’évocation de son père est tout à la fois émouvante et souriante.


Florent Peyre. Je le tiens pour un des artistes les plus complets de cette génération estampillée « On n’ demande qu’à en rire ». Il a tout pour lui. Utilisant à bon escient ses facultés physiques hors normes, il possède un sens du mouvement très cartoonesque. Son sketch un brin mégalo de découvreur de talents et de producteur est un vrai régal.


Kev Adams. Que dire désormais sur lui ? A 24 ans, il fait déjà preuve d’une maturité stupéfiante. Il est visiblement né pour faire rire ses contemporains. Il est facile, chaleureux, généreux. La narration de ses « premières fois » est aussi pertinente que désopilante.


Arnaud Tsamère. Ce garçon est fou ! Il débarque de galaxie étrange et indéterminée que l’on appelle « Absurdie ». Il est en décalage permanent. Le loufoque est son langage. Inutile d’essayer de le suivre dans ses réflexions de traverse, il nous égare et nous largue à chacune de ses démonstrations qui restent immanquablement en suspens. Je suis un fan absolu de cet énergumène.

Bref (comme dirait Kyan Khojandi) à l’issue d’une telle représentation on ne peut que devenir
Pranzoophile car on s’aperçoit que ce minuscule cabaret a enfanté de sacrées bêtes de scène.
Et, chose réconfortante, Manu Smadja nous a appris que ce rassemblement d’humoristes connaîtrait bientôt d’autres éditions. Voilà qui promet de bons moments en perspective car il y a d’autres pépites qui sont sorties de cet écrin.


Gilbert « Critikator » Jouin

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