Hier, dans le cadre du FUP
(Festival d’hUmour de Paris), une soirée de gala a priori unique a été organisée pour célébrer feu le Pranzo, petit cabaret qui a donné leurs
chances à de nombreux aspirants humoristes. Nombre des artistes qui s’y sont fait les dents et appris leurs gammes
ont répondu présents à l’appel de son créateur, Emmanuel Smadja, dit
« Manu ».
Si l’on tient compte d’un trio et
d’un duo, ils ont été seize à se succéder sur la fameuse scène de la rue de la
Gaîté. Très honnêtement, j’ai passé une excellente soirée. Le niveau d’humour
était d’une grande qualité. Les numéros, les univers respectifs, les attitudes,
éclectiques et variés, ont offert un panel très représentatif de ce qu’est la
scène comique française aujourd’hui.
Voici un petit compte-rendu de ce
qui s’est passé hier soir dans l’ordre d’apparition des artistes…
Les DDD (Les Drôles de Mecs). Leur singularité c’est de se livrer à
des évolutions hip-hopiennes sur une bande-son très originale sans jamais avoir
l’air d’être dans la performance et de se prendre au sérieux. Effet comique
garanti.
Vérino. On ne le présente plus. Il sait tout faire. Il est
naturellement drôle, et dans ses gestes, ses expressions et son appétence pour
l’humour noir. Son sketch sur la baguette de pain disponible 24/24 est un petit
bijou de comédie surréaliste.
Baptiste Lecaplain. Il est aussi drôle que touchant car il a l’art
de se mettre en scène en se racontant. Fin observateur, ce Zébulon sympathique
nous met complètement dans sa poche en abordant des thèmes qui lui sont très personnels
tout en étant universels.
Christine Berrou. Sacré personnage, la Christine ! Utilisant à
merveille sa voix encore pré-pubère, elle nous embarque dans ses digressions
hilarantes, ses réflexions faussement maladroites. Tout en pratiquant
allègrement l’autodérision, elle balance avec des airs de Sainte Nitouche
quelques scuds plutôt crus, qu’elle élude illico avec une savoureuse
malhonnêteté.
Sanaka & Farid Chamekh. Leur fonds de commerce, c’est la vanne.
Ils adorent se chambrer, ça va à toute vitesse. Leur façon de se mouvoir est
une vraie chorégraphie ressemblant à parodiant un duel dont les fleurets
seraient les mots.
Bérangère Krief. Elle est aujourd’hui à un sommet dans la
hiérarchie des jeunes femmes humoristes. Son sketch sur la journée inversée est
une superbe et imparable trouvaille aussi bien écrite qu’interprétée.
David Smadja. Communicant facile, tchatcheur très convivial, il a
créé son style en s’appuyant sur la musique. Après avoir interprété un rap fort
bien troussé, il campe un inénarrable timide à l’accent indo-pakistanais
absolument jouissif.
Guillaume Batz. Alors lui, il m’éclate. Dans le domaine de
l’autodérision, il est inégalable. D’un courage et d’une lucidité qui forcent
le respect, il nous fait rire en se moquant de lui-même. Ce garçon attachant
est vraiment (handi)capable de tout.
Sophie Girard. Sous de faux airs nunuche qu’elle maîtrise à ravir,
cette grande et belle jeune femme est aussi à l’aise dans l’humour absurde avec
la déchirante épopée de la petite dernière frite d’une barquette, que dans la
relation ironique et imagée de l’état dans lequel se mettent certaines femmes
addict à la mode.
Kyan Khojandi. Interprétation tout en subtilité tant dans la
qualité de l’écriture que dans son jeu. Ses observations sur le thème de
« Quand t’es gamin », marquées du sceau de l’évidence, sont
réellement rafraîchissantes, et l’évocation de son père est tout à la fois
émouvante et souriante.
Florent Peyre. Je le tiens pour un des artistes les plus complets
de cette génération estampillée « On n’ demande qu’à en rire ». Il a
tout pour lui. Utilisant à bon escient ses facultés physiques hors normes, il
possède un sens du mouvement très cartoonesque. Son sketch un brin mégalo de
découvreur de talents et de producteur est un vrai régal.
Kev Adams. Que dire désormais sur lui ? A 24 ans, il fait déjà
preuve d’une maturité stupéfiante. Il est visiblement né pour faire rire ses
contemporains. Il est facile, chaleureux, généreux. La narration de ses
« premières fois » est aussi pertinente que désopilante.
Arnaud Tsamère. Ce garçon est fou ! Il débarque de galaxie
étrange et indéterminée que l’on appelle « Absurdie ». Il est en
décalage permanent. Le loufoque est son langage. Inutile d’essayer de le suivre
dans ses réflexions de traverse, il nous égare et nous largue à chacune de ses
démonstrations qui restent immanquablement en suspens. Je suis un fan absolu de
cet énergumène.
Bref (comme dirait Kyan Khojandi)
à l’issue d’une telle représentation on ne peut que devenir
Pranzoophile car on s’aperçoit que
ce minuscule cabaret a enfanté de sacrées bêtes de scène.
Et, chose réconfortante, Manu
Smadja nous a appris que ce rassemblement d’humoristes connaîtrait bientôt d’autres
éditions. Voilà qui promet de bons moments en perspective car il y a d’autres
pépites qui sont sorties de cet écrin.
Gilbert « Critikator »
Jouin
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