Abacaba / Musicast
Sortie le 6 novembre 2015
Voici là de la belle et bonne
chanson française ! Et c’est bien réjouissant.
Dans Laisse couler, l’album de Valérian Renault, il y a tout ce qui fait
la richesse de notre patrimoine : une belle langue avec des mots ciselés
et précis servie par une diction parfaite, une voix chaude et rauque, très en
avant, aux multiples inflexions, tour à tour caressante, tendre, indignée,
révoltée, et des mélodies prenantes aux arrangements sobres mais classieux
faisant la part belle à l’utilisation des cuivres… Il y a dans cet album
habité, investi, remarquablement interprété, tout pour plaire à qui sait
écouter, à qui aime se laisser surprendre puis séduire.
Voici, pour chaque titre, ce que
j’ai noté à la volée, spontanément, sans aucun exercice de style. Rien que du
ressenti…
1/ A l’enfant. Chanson réaliste
mais optimiste et encourageante. Il faut vivre sa vie en espérant de beaux
lendemains, savoir sortir de l’enfance sans trop d’encombres. Surtout si vous grandissez
avec certaines différences handicapantes… En même temps, Valérian Renault ne se
montre pas angélique pour autant. La vie n’est pas facile. Mais si l’on fait de
ses faiblesses une force, si on sait se battre et s’imposer, tout est possible…
Chanson rassurante.
2/ Joueuse. Dénonciation
et rejet des ces « joueuses », de ces filles qui s’amusent avec les
sentiments des autres. Par leurs comportements, elles se distinguent, se
démarquent et deviennent inutiles. Lui n’est pas dupe face à la vanité de ces
séductrices professionnelles si nuisibles. Jolies variations entre le « je »
et le « jeu ». Superbe guitare. C’est un peu une leçon de savoir
aimer contre un manque de savoir vivre.
3/ Laisse couler. Sans
doute ma préférée… La voix se fait soudain rauque. Il sa fait joueur à son tour,
mais avec la vie. Truffé d’allitérations esthétiques. Chanson positive,
véritable hymne à la vie d’un qui se la coltiner en épicurien. Superbe
arrangement, magnifique présence des cuivres.
4/ Cassandre. Les
mystères de l’avenir. L’inconnu pour horizon. On essaie tous de se le dessiner,
de le prédire, tout en sachant que c’est illusoire. Valérian y stigmatise en
même temps ce funeste retour de la haine… Sa conclusion : comment réussir
à à faire vivre sa propre petite flamme sur un tas de cendres… J’ai été ému par
ses accents « bréliens ».
5/ Au jardin. Très jolie
mélopée pleine de sensualité. L’éveil de l’amour. Ode à) la nature et à l’abandon.
Très poétique, très imagé ; richesse des rimes… Belle trouvaille que le
doublage des voix. Douceur des cuivres qui dérivent langoureusement pour se
métamorphoser en fanfare festive. Là, j’y ai trouvé un petit côté Brassens tant
dans le ton que dans la mélodie.
6/ Montalbanaise. Chanson
plus légère, joyeuse, carrément truculente même. Construite un peu en forme de
dialogue. Cet hommage à la province relate, en fanfare, une tranche de vie de
deux bras cassés, sortes de Butch Cassidy et le Kid version Sud-ouest. C’est un
conte drolatique empreint d’une certaine désinvolture fataliste. Belle chanson
de scène.
7/ Berceuse. Ambiance
boîte à musique. Sensibilité. Voix sur le fil, fragile, tout près de se briser.
Ecriture quasi féminine. C’est d’abord tendre, chaud, lumineux, plein d’espoir
avant de basculer dans le drame. Fin brutale qui nous laisse coi.
8/ Tes hanches. Chanson
remarquablement écrite, qui va crescendo dans une ambiance qui frise parfois la
country music. Pleine elle aussi de sensualité autour du fantasme du mystère de
l’Autre, de son jardin secret, cet endroit où l’on ne peut pas pénétrer.
Question métaphysique universelle à laquelle a collaboré Charles Aznavour.
9/ Petite vallée. Chanson
à haut débit. Valse entraînante. Déclaration d’amour à la France et à ses
paysages. Evoque son parcours et son envie d’écrire, de chanter et de partager.
Là encore, j’ay ai retrouvé de troublants accents « bréliens ».
10/ T’es belle.
Déclaration d’amour à l’être aimé. Intensité. Mots simples et réalistes. Traite
en même temps de ce qui est beau mais qui nous reste inaccessible. Constat d’impuissance
imprégné de fatalisme.
11/ Le lien. La peur d’aimer,
partagée. Supplique. Déclaration d’amour filial. Interrogation et véhémence.
Chanson forte, émouvante, qui nous parle et nous concerne tous. Arrangement discrets
avec cuivres pudiques
J’ai tout aimé, tout dégusté avec
cet appétit que l’on a lorsqu’on découvre un plat nouveau qui nous exalte avec
ses saveurs accomplies. A la fois plaisir de la découverte et confort de se
retrouver dans un climat qu’on aime, heurté, envoûté, amusé, séduit par les
intonations d’une voix modulable et souple comme un instrument. Magnifique
album.
Il ne faut surtout pas le « laisser
couler », au contraire, il faut qu’on lui permette de naviguer sur toutes
les ondes pour qu’il effectue sereinement ce long voyage qui mène au succès et
à la popularité.
Gilbert « Critikator »
Jouin
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