jeudi 29 mars 2012
Vincent Roca "Vite, rien ne presse !"
Le Lucernaire
53, rue Notre-Dame des Champs
75006 Paris
Tel : 01 45 44 57 34
Métro : Notre-Dame des Champs / Vavin
One man show écrit par Vincent Roca
Mis en scène par Gil Galliot
Lumières de Philippe Quillet
Pré-texte : Il fait gros temps. Pluies de secondes, tourbillon de moments, vent de folie… On entend le clapotis dans les bassines. Il y a des courants d’air et ça fuit de partout. Dans les idées, dans les cintres, par les pores…
Il y a là un homme qui voudrait à la fois suspendre l’instant et l’avaler cul siècle. Clandestin du temps, il taquine l’horloge, sort les grandes orgues, invite les dieux, brave les empêcheurs en eau trouble, moquent joyeusement ceux qui roulent sur la bande d’apeurés d’urgence…
Vincent Roca, auteur et comédien, humoriste pendant onze ans au Fou du Roi sur France Inter, s’interroge, entre laps et perpète, sur ce temps qui ne nous quitte pas d’une semaine. Le futur se prend les pieds dans le présent et culbute dans le passé. Alors… vite, rien ne presse !
Mon avis : Cet homme fait partie d’une espèce rarissime, celle des « Aux mots sapiens »… Le titre de son nouveau spectacle est « Vite, rien ne presse ! ». Tout dépend quel sens on donne au mot « presser ». Car lui, pour qui le mot prime, il pratique sans vergogne la mot-pression. Lorsqu’il s’en empare d’un, il le presse, le triture, le malaxe, l’étreint, le pressure, le mêle à certains de ses congénères pour en produire un amalgame surprenant. Il se paye de mots, il joue avec en un étourdissant jeu de construction verbale. Jusqu’au dernier, il a systématiquement le fin mot sur tout.
Le cru 2012 de Vincent Roca est « es-temps-pillé ». En effet, pratiquement tout son spectacle est dominé par la présence du temps ; du temps sous toutes ses formes. Et pour l’évoquer, il fait appel à tous les artifices et à toutes les astuces que contient la langue française : le jeu de mot, bien sûr, mais aussi les allitérations et les onomatopées. C’est brillantissime. Le public se doit d’être attentif plus que jamais. On est sous un robinet dont on ne veut pas perdre une goutte tant c’est rafraîchissant, gouleyant, vivifiant. Qu’elle est belle et riche notre langue quand on s’amuse ainsi avec !
Pendant une heure et quart, sans un seul « temps » mort, j’ai vibré d’un plaisir inégalable. Autour de moi jaillissaient d’incontrôlables ô et ah de ravissement. On est comme à une messe. On communie. On s’abreuve du jus de prêche que nous distille cet homme si bien en chaire… Vous allez peut-être me trouver lyrique, mais il est impossible de ne pas être émerveillé par tant de virtuosité. C’est de notre culture, de notre patrimoine qu’il s’agit. La grammaire est démontée, la conjugaison retrouve tout son suc. Vincent Roca relève les conteurs. Servi par une mise en en scène pleine de poésie, s’appuyant sur une bande-son ô combien malicieuse, il divise son spectacle en plusieurs thèmes (j’en ai compté plus d’une quinzaine), multiplie les exemples, additionne les images. Et ça donne un sacré résultat. C'est un feu d'artifice qui ne comprendrait que des bouquets finaux ( et finauds )
Il y a longtemps que, via France Inter, je suis rocaphile. Mais il faut le voir - et surtout l’écouter – sur la longueur d’un spectacle. Même si c’est trop d’un coup, si c’est péché de gourmandise. Car il est impossible, pris que l’on est dans une formidable avalanche, de tout retenir. C’est trop riche, trop dense, trop subtil, trop inventif et hélas, trop volatile. On ne peut que rester sur la délicieuse impression du plaisir intense d’un orgasme eustachien (c’est un barbarisme ou je me trompe ?).
Ce n’est donc pas à demi-mot que je vous recommanderai ce spectacle à nul autre pareil. Il s’agit même carrément d’un mot d’ordre. Vous savez où se trouve le Lucernaire ? C’est du côté de Notre-Dame des chants. Et bon chant ne saurait mentir…
lundi 26 mars 2012
Yves Jamait
Il faut TOUJOURS dire JAMAIT…
Actuellement en tournée à travers la France, Yves Jamait a décidé de fêter ses 10 ans de carrière à Paris, au Grand Rex, le mardi 3 avril accompagné, s’il vous plaît, par l’orchestre symphonique de Dijon.
50 ans, Quatre albums, trois disques d’or, des récompenses en tous genres, Yves Jamait a connu un parcours hors normes. Il avait déjà atteint la quarantaine et pratiqué toutes sortes de petits boulots lorsqu’il a sorti son premier album, De Verre en Vers. Jean-Louis Foulquier, qui s’y connaît en (bonne) chanson française a été le premier à le soutenir via France Inter. Et Patrick Sébastien, qui s’y connaît en personnages authentiques, a été le premier à le produire. Recevoir le viatique de deux tels parrains est un sacré gage de garantie.
Yves Jamait chante la vie ; la vie quand elle va et quand elle ne va pas. Auteur rare, son écriture déborde d’une poésie réaliste. Personnellement, je tiens son quatrième album, Saison 4, pour un des plus aboutis que j’aie jamais entendus. Des textes superbes portés par une voix délicieusement graillonneuse, de jolies mélodies où prédominent guitare et accordéon, c’est tout un univers qu’il nous propose. Yves Jamait, c’est sur scène qu’il faut aller le voir. Il est généreux, convivial, drôle, émouvant, absolument vrai.
Alors, si vous avez l’opportunité de vivre un grand moment de chanson française dans le cadre enchanteur du Grand Rex, réservez votre soirée du 3 avril. Vous serez emballé.
(Photo : Youri Lenquette)
Le début de la fin
Théâtre des Variétés
7, boulevard Montmartre
75002 Paris
Tel : 01 42 33 09 92
Métro : Grands Boulevards
Une pièce de Sébastien Thierry
Mise en scène par Richard Berry
Décors de Philippe Berry
Avec Richard Berry (Alain), Jonathan Lambert (Hervé), Françoise Brion (Nathalie), Pascale Louange (Nathalie), Anna Gaylor (Jennifer)
L’histoire : Quand Alain regarde sa femme, il voit une grand-mère… Leur vie en commun devient de plus en plus compliquée et leur sexualité impossible.
Mais est-il vraiment lucide ? Est-ce Nathalie qui a changé, ou le regard que son mari porte sur elle ?
Mon avis : Pour moi, nonobstant le grand talent de ses interprètes, la véritable vedette de cette pièce, c’est son auteur, Sébastien Thierry. L’œuvre de cet homme ne ressemble à aucune autre. Il a vraiment un univers qui lui est propre. J’avais déjà pris énormément de plaisir à assister à trois de ses pièces précédentes (Dieu habite Düsseldorf, Cochons d’Inde, Qui est Monsieur Schmitt ?) et, de nouveau, avec Le début de la fin, la magie a fonctionné. Ce diable d’auteur (car il y a quelque chose de diabolique en lui) nous propose à chaque fois une histoire totalement surréaliste, empreinte de burlesque, mais en réalisant le tour de force d’y mettre sans en avoir l’air du sens et du fond. Sébastien Thierry serait peintre, il serait le champion du trompe l’œil (et l’esprit). Ici, la métaphore, traitée à l'encre sympathique, parle de l'usure du couple.
Une fois de plus, il nous a concocté une intrigue totalement loufoque. Il nous faut d’ailleurs un certain temps pour déceler la manipulation et adhérer à son postulat. Tout est une question de regard. Lorsqu’on est dans celui d’Alain (Richard Berry), on voit une Nathalie âgée de « 75 ans », et quand on est dans celui d’Hervé, on contemple une Nathalie très désirable de 35 printemps… Et là, il faut saluer le travail hyper méticuleux de la mise en scène de Richard Berry. Grâce à des trucs tout simples, on sait très vite où on en est. Il faut dire que Richard Berry, qui fut un troublant Monsieur Schmitt dans sa pièce précédente, connaît son Sébastien Thierry sur le bout des doigts. Très à l’aise avec sa grille de lecture, il sait précisément où il veut nous embarquer. Après quoi, ce n’est plus qu’une question de jeu.
Le comédien Richard Berry est comme un poisson dans l’eau dans ce registre. Il joue la confusion la plus extrême avec un sérieux imperturbable, ce qui accentue bien sûr l’effet comique. Tout en finesse, sans jamais forcer le trait, il se montre aussi étourdissant de mauvaise foi que pathétique dans ses mensonges éhontés. La mécanique est parfaitement huilée. Et pour que ce quiproquo farfelu fonctionne, il faut que les rouages soient à l’unisson. Lorsqu’on traite un thème aussi fantasmagorique, il faut jouer en permanence au premier degré. Plus on est réaliste, plus le décalage et l’effet comique sont efficaces… Autour de Richard Berry, le casting est parfait. Jonathan Lambert nous prouve une fois de plus – mais au théâtre – son authentique présence comique. Il donne à son personnage d’Hervé la jolie humanité d’un homme simple et modeste qui se demande d’abord ce qui lui arrive et qui prend peu à peu de l’assurance… Françoise Brion, égérie des années 60-70, apporte à la Nathalie âgée une alternance de pétulance désopilante et une mélancolie de femme délaissée… Pascale Louange, elle, est la vraie Nathalie. Elle la campe avec beaucoup de naturel. Son personnage s’affirme au fur et à mesure que l’intrigue avance, laissant apparaître une femme de caractère qui ne s’en laisse pas conter… Quant à Anna Gaylor, et bien, elle EST Jennifer. Je ne peux pas vous en dire plus pour ne pas gâcher un énième rebondissement issu du cerveau gentiment tarabiscoté de Sébastien Thierry.
Cette pièce est finalement très dense, très complète. Allant de Charybde en Sylla, elle nous tient en haleine jusqu’à la fin. En raison de situations abracadabrantesques, elle contient quelques scènes absolument hilarantes. Elle vire parfois dans le délire le plus fou. La méprise génère ça et là des conversations totalement débiles. C’est un pur régal… Sébastien Thierry aurait-il du sang anglais dans les veines pour se monter aussi brillant dans une forme de non sens so British ? En tout cas, du début à la fin, je me suis vraiment bien amusé.
La Dame d'Ithaque
Le Lucernaire
53, rue Notre-Dame des Champs
75006 Paris
Tel : 01 42 22 26 50
Métro : Notre-Dame des Champs / Vavin
Pièce écrite par Isabelle Pirot et David Pharao
Mise en scène par David Pharao
Avec Marie Frémont et Laurent Montel
L’histoire : Finalement, Homère regrette…
En relisant L’Odyssée, il s’aperçoit qu’il n’a peut-être pas accordé à Pénélope la place qu’elle méritait.
Faisant la part trop belle aux hommes, le célèbre auteur a quelque peu négligé sa plus belle héroïne : passant sous silence la petite fille espiègle, la jeune fille rebelle, la jeune femme amoureuse, la combattante… Celle qui, dans l’ombre, lutte contre le doute et le Temps, tout au long d’une jeunesse qui s’use jour après jour, en l’absence de celui à qui elle voudrait tant l’offrir…
Mon avis : Excellente idée que de mettre la loupe sur un des personnages les moins mis en avant dans L’Odyssée, celui de « l’intraitable Pénélope » comme l’avait qualifiée Brassens qui, paradoxalement, lui a rendu par chanson interposée un plus vibrant hommage que son propre géniteur, le Grand Homère. En fait, en en faisant l’archétype de l’épouse fidèle (celle « qui n’a point d’accrocs dans sa robe de mariée ») tout semble dit dans la chanson… Mais non. Pas tout à fait. On en sait peu sur son enfance et son adolescence. Dans La Dame d’Ithaque, on va en apprendre plus sur cette période de sa vie. Car avant de symboliser le « grillon du foyer » Pénélope a été une petite fille caca-boudin comme les autres, espiègle et insouciante, puis une adolescente effrontée, avant de devenir une jeune maman un tantinet écervelée… Grâce au talent magistral d’une comédienne drôle à souhait, Marie Frémont, ces deux périodes de son existence sont merveilleusement restituées et imagées. On s’y amuse beaucoup. D’autant que son partenaire, Laurent Montel lui répond d’Ithaque au tac avec une attitude très second degré. Le contraste est redoutablement efficace.
Pourtant cette pièce m’a laissé une sensation mi-figue, mi-raisin. Il y a certes un parti-pris des auteurs à osciller entre la tragédie grecque classique et le burlesque. Alors, soit on adhère totalement, et on passe d’un registre à l’autre sans grand dommage. Ou bien on préfère une des deux disciplines et on digère moins bien la seconde. Pour ce qui me concerne, j’aurais mieux supporté une répartition plus égale entre les passages drôles et un peu cartoonesques et les séquences déclamatoires qui, bien que remarquablement écrites, s’étirent parfois en longueur à l’instar de ce très (trop ?) long monologue de Pénélope.
Vu ce que l’on nous avait montré de sa personnalité fortement rebelle dans sa jeunesse, on aurait pu s’attendre à quelques révoltes plus véhémentes de sa part. Bien sûr que la jeune femme amoureuse qu’elle est souffre et se languit sur la longue absence de son Ulysse de mari, bien sûr qu’il lui est difficile de calmer au-delà du raisonnable les ardeurs de ses prétendants. Mais la fantaisie naturelle dont elle avait fait preuve dans ses tendres années devrait parfois surnager et réapparaître. Ça arrive néanmoins une fois, lorsqu’elle fait la remarque acide que le navire de son époux parcourt « un centimètre par jour »…
En conclusion, même si à de nombreuses reprises, j’ai aimé La Dame d’Ithaque, je regrette une certaine confusion due sans doute à la volonté, louable, des auteurs de vouloir trop bien faire et de tenter, en mélangeant deux genres totalement différents, de s’attirer la bienveillance de deux publics dissemblables. Chacun y trouvant certes un peu son compte.
Il y a cependant une raison de se rendre au Lucernaire : la formidable palette de jeu de Marie Frémont. La jeune femme nous offre en effet une prestation véritablement… homérique.
jeudi 22 mars 2012
Constance "Les mères de famille se cachent pour mourir"
Comédie de Paris
42, rue Pierre Fontaine
75009 Paris
Tel : 01 42 81 00 11
Métro : Blanche / Pigalle
One woman show écrit par Constance et Jérémy Ferrari
Mis en scène par Nicolas Lartigue
Le pitch : Constance s’ennuie quand elle est toute seule, alors elle fait payer des gens pour venir l’écouter. Et comme vous êtes des voyeurs, vous vous précipiterez pour découvrir l’expression de son déséquilibre mental.
Sa force est qu’elle est toutes les femmes à la fois. En permanence sur le fil du rasoir, elle de bascule jamais. Son écriture aiguisée et son jeu réaliste sont au service de son regard insolent sur le monde. Et l’insolence, ça a du bon !
Mon avis : Je suis régulièrement emballé par les prestations de Constance dans l’émission de Laurent Ruquier On n’ demande qu’à en rire. C’est donc avec une certaine gourmandise que je voulais la découvrir sur la longueur d’un spectacle au cours duquel, fatalement, elle en livre beaucoup plus sur elle-même et son univers… Et bien je n’ai pas été déçu. Mieux même, elle m’a emporté au-delà de mes espérances, au-delà de limites « politiquement correctes » qu’on n’ose plus espérer depuis belle lurette (sauf avec Gaspard Proust). En étant quelque peu réducteur et en ayant recours à cette foutue manie que nous avons de dresser systématiquement des comparaisons, je dirais que Constance c’est une Lemercier qui ne fait pas dans la dentelle ; ô que non. En plus, quand on découvre qu’elle a vu le jour près d’un village répondant au joli nom de Cuise-la-Motte, on est en droit d’imaginer que les vapeurs qui ont réchauffé son intimité lui sont montées jusqu’à la tête… J’extrapole bien sûr, mais on ne connaît jamais les fondements de la mécanique qui met en branle notre subconscient. Et encore plus quand on est une jeune femme…
Je vous entends déjà crier au misogyne. Que nenni. C’est Constance elle-même qui a construit son spectacle autour de la voix off et virile d’un monsieur qui frise le misogyne intégriste bon teint. Et, en fonction de ses injonctions, elle campe le personnage qui correspond… Je ne veux vraiment rien déflorer de ce one woman chaud. La galerie de personnages qu’incarne la jeune femme, c’est du gratiné. Tant au niveau des tenues vestimentaires, de la gestuelle, du jeu, que du verbe. Car elle ne les mâche pas les mots, surtout les gros. Constance appelle un chat un chat (doux euphémisme). Totalement décomplexée, elle réussit à effacer d’un sourire enjôleur ou d’un œil candide l’énormité qu’elle vient de proférer. De la gamine de CE2 à la mamie, elle visite la féminité à travers les âges. Elle se vautre avec délectation dans l’enlaidissement, revêt des jupes infâmes ou des robes hideuses, arbore perruques et lunettes. Chacun de ses personnages a son look et sa couleur vocale propres. Elle est particulièrement à l’aise avec l’accent de sa région d’origine. Elle pique hard, la Picarde !. Elle touche un peu à tous les genres, passant avec une égale maîtrise du loufoque à l’humour noir. Si Coluche recherchait ce qu’il pouvait y avoir qui soit plus blanc que blanc, avec elle on découvre le noir plus noir. Cruelle, indécente, provocante, nunuche, coquine, fausse naïve, elle sait tout jouer à la perfection. Et on voit qu’elle y prend un sacré plaisir. Très culottée (on peut le vérifier), elle adore choquer. Oreilles chastes s’abstenir. Et malgré tout, elle n’est jamais vulgaire.
Remarquable comédienne, Constance est un monstre charmant doté d’une sacrée présence. Je suis heureux de l’avoir découverte le jour du printemps, au milieu d’une salle pleine comme un œuf. Les rires sont incessants, entrecoupés de petits hoquets horrifiés ou amusés. Ma voisine riait tellement qu’elle secouait toute la rangée de ses soubresauts hilares. Si vous voulez vivre une heure et quart de pur bonheur, ça se passe à la Comédie de Paris à 21 h 30. Si les mères de famille viennent s’y cacher, c’est pour mourir… de rire.
mardi 20 mars 2012
1789, Les Amants de la Bastille
Après Les Dix Commandements, après Le Roi Soleil, après Mozart, Le duo Dove Attia-Albert Cohen continue à remonter le temps. Pour leur nouveau spectacle musical, 1789, Les Amants de la Bastille, ils abordent cette fois la Révolution Française. Mais, contrairement à leurs œuvres précédentes, si la toile de fond est éminemment historique, Dove Attia et François Chouquet, les auteurs du livret, ont imaginé une fiction autour de l’histoire d’amour d’Olympe et Lazare…
Elle, issue de la petite noblesse, elle est gouvernante des enfants royaux à Versailles. Très proche de Marie-Antoinette, elle lui voue une profonde affection. Lui, privé de ses terres, a fui la misère du monde rural pour monter à Paris combattre l’injustice et rêver de la Liberté que pourrait engendrer la Révolution naissante… Au cours de leur tumultueuse idylle, ils vont croiser les personnages les plus importants de cette époque mouvementée : Camille Desmoulins, Robespierre, Necker, Marat, Fersen… Le rideau du spectacle se baissera au matin du 14 juillet 1789, au pied le la Bastille.
Ce lundi, Dove Attia et Albert Cohen ont présenté des extraits de leur nouveau spectacle dans le cadre prestigieux d’un Olympia plein à craquer. Dans la salle se côtoyaient les fans de la première heure (déjà !), les différents partenaires, du public lambda ainsi que l’intégralité de la troupe de Mozart.
Le spectacle ne débutant que le 29 septembre, les différents tableaux que nous avons vus ne contenaient évidemment ni les décors ni les costumes définitifs. Mais ce qui nous a été présenté augure déjà d’un divertissement de grande qualité. A tour de rôle, les principaux protagonistes de ce drame historique sont venus interpréter une demi-douzaine de chansons. Musicalement, le traitement est très moderne. J’ai ainsi été séduit par l’originalité de l’arrangement de la chanson de Marie-Antoinette Je mise tout. Si les voix des six héros sont irréprochables, j’ai été particulièrement touché par le grain de celle de Rod Janois (Camille Desmoulins). Bien sûr, fidèles à leurs habitudes, le « Club des Cinq » compositeurs nous a encore pondu quelques tubes (Ça ira mon amour, Pour la peine…) qui sont autant de rendez-vous donnés aux fans lorsqu’ils les entendront sur la scène du Palais des Sports.
Enfin, autre garantie du succès annoncé de ce spectacle – et non la moindre – le choix à la mise en scène de Giulano Peparini. Cet ex-danseur étoile repéré par Roland Petit a commencé à proposer ses propres chorégraphies en 1997. Ses créations font le tour du monde. C’est en collaborant avec le féérique Cirque du Soleil que son œuvre va prendre une toute autre dimension. On lui doit ainsi Le Rêve (créé à Las Vegas), puis The House of Dancing Water, que l’on tient pour « le plus grand spectacle aquatique permanent au monde » (Macao)… Personnellement, j’ai eu le privilège d’assister à l’unique représentation de son spectacle Au-delà des Murs, avec Catherine Lara, qui est un des plus beaux spectacles de danse que j’aie jamais vus. C’était absolument magnifique.
J’ai donc hâte de découvrir ce que ce formidable créateur va nous concocter autour des Amants de la Bastille. Sur le plan à la fois chorégraphique et esthétique, ça promet…
lundi 19 mars 2012
Katie Melua "Secret Symphony"
Après un petit crochet du côté d’une musique plus électronique, Katie Melua revient à ses fondamentaux pour son cinquième album studio, Secret Symphony. Cet opus est aussi quelque part le symbole de sa résurrection artistique. En effet, surmenée, déprimée la jeune femme, aujourd’hui âgée de 27 ans, s’était mise en retrait durant près de deux ans. Cela faisait déjà quelque temps qu’elle rêvait d’enregistrer accompagnée par un orchestre symphonique. Elle a estimé que le moment était venu de réaliser ce rêve. Pour son retour dans la lumière, elle a d’abord envisagé de ne chanter que des reprises, mais elle s’est aperçue qu’elle avait aussi des choses à dire. Elle voulait en particulier évoquer cette dépression qui était venue assombrir son existence. Ce qu’elle a fait dans la chanson Forgetting All My Troubles… C’est donc une jeune femme apaisée et… amoureuse (il y aurait du mariage dans l’air avec le champion de moto James Toseland) qui interprète donc six titres inédits et cinq reprises.
Quel bonheur que de retrouver cette voix incomparable ! On tresse des louanges (justifiées) à Adèle et à Lana Del Rey, mais j’estime que Katie Melua est largement à leur niveau. Elle est même bien plus jolie qu’Adèle et son album, très romantique, est bien moins lénifiant que celui de Lana. Les arrangements subtils et somptueux de Secret Symphony sont concoctés de telle sorte qu’ils ne servent qu’à mettre en avant et à souligner toute la palette vocale de Katie. Tout au long de cet album, la voix est très en avant. C’est délicieux à entendre, c’est agréable de (re)découvrir toutes ses nuances et son incroyable facilité. Elle fait vraiment ce qu’elle veut avec sa voix.
Secret Symphony est un album homogène. Il comporte une majorité de chansons douces, de ballades nostalgiques avec, de temps à autre, un air qui swingue (Moonshine), une ambiance cuivrée jazzy-cabaret (Nobody Knows You When), un clin d’œil au blues (Heartstrings)…
Katie Melua nous offre même avec All Over The World une superbe reprise de Françoise Hardy (Dans le monde entier enregistré en 1964 en français et en anglais) discrètement habillée de violons éthérés.
Bref, Secret Symphony est un bien agréable album, remarquablement réalisé, un ruisseau de miel qui vient irriguer et enchanter nos trompes d’Eustache sans jamais les agresser.
vendredi 9 mars 2012
Cartouche "Soirée entre filles"
Comédie des Boulevards
39, rue du Sentier
75002 Paris
Tel : 01 42 36 85 24
Métro : Bonne Nouvelle
One man show écrit par Cartouche
Collaboration artistique : Muriel Cousin
Mon avis : Le nouveau spectacle de Cartouche est particulièrement bien ciblé. En effet, Soirée entre filles vise expressément la clientèle féminine qui, on le sait, est la plus nombreuse. Pas fou le gars ! Mais, en même temps, il ne faut pas se tromper de sujet car les filles sont, par essence, un public très exigeant, surtout quand on parle d’elles. Et a fortiori lorsque c’est un garçon.
Sans l’avoir prémédité, je me suis rendu à la Comédie des Boulevards le soir de la Journée de la Femme. La salle était remplie aux quatre cinquièmes de jeunes femmes. Ça babillait sec dans les travées… Cartouche était attendu au tournant. On allait voir ce que l’on allait entendre ! Une musique péchue couvrait soudain le brouhaha, obtenant le silence, et l’artiste faisait son entrée. Elégant mais sans ostentation, sourire franc, œil pétillant, son allure débonnaire de grand fauve contrastait avec la vigueur tonitruante de l’indicatif. Sans plus attendre, il nous confiait son désarroi : sa copine Clarisse lui avait demandé de quitter leurs pénates le temps de savourer une soirée entre filles. Et voilà notre poor lonesome boy livré à lui-même en train de se livrer à un tas de supputations sur le déroulement de cette foutue soirée. Il aurait tant aimé y participer ! Pour essayer de taper l’incruste, il avait même avancé sa part de féminité. Mais la Clarisse, pas dupe, l’avait éconduit. Et un homme éconduit devient un tantinet perfide. Son imaginaire s’envole, il se fait son cinéma et tente d’analyser les grands traits du comportement féminin. Forcément, il égratigne pas mal. Il se livre même à une étude comparative avec les agissements masculins. Comme il en vient à la conclusion que ce n’est pas à notre avantage, il critique. Il critique les trois copines invitées, les habillant pour plusieurs hivers. Il y a la conne, la dépressive et la nympho. Jolie galerie. Bonjour les descriptions ! Cartouche réussit la performance de parler des femmes sans être jamais vulgaire, méchant ni macho. C’est incisif tout en restant gentiment moqueur. Son langage est tellement imagé, ses gestes si précis, qu’on se les représente aisément les trois donzelles.
En réalité, à notre insu, il est en train de préparer le terrain pour la deuxième partie de son show. Car – et c’est vraiment très intelligent – il se transforme soudain à vue et se métamorphose devant nos yeux ébahis en Clarisse. Nous voici donc au cœur de la soirée. Toutes ces filles qu’il vient de dépeindre avec son pinceau de garçon, prennent alors vie devant nous car il va toutes les incarner. Et on s’aperçoit qu’elles correspondent en tout point à la description qu’il nous en avait donnée. Un vrai tour de force. Le spectacle, déjà d’un haut niveau, monte encore d’un cran en drôlerie et en intensité.
Cartouche nous offre un spectacle total d’une excellente qualité, tant dans les mots que dans le geste. Extrêmement volubile, il est dans le haut débit. Pour étayer son argumentation, il s’appuie sur une foultitude d’exemples. Et comme il est un mime hors pair, il les met en images. Le visage et corps élastiques, il exprime toutes les formes de sentiments et de situations. Ça foisonne de bonnes idées. Comme les filles ont bientôt compris qu’elles avaient affaire à un mec foncièrement gentil, elles sont en confiance. Il en profite pour jouer énormément avec ce public qu’il a su si habilement mettre dans sa poche. Il s’en suit des échanges empreints d’une complicité bon enfant. Il est si généreux qu’on veut l’être en retour. Il est très agréable d’en être le témoin.
Il faut en outre souligner la qualité de la bande son et le choix des musiques, musiques qui lui permettent de mettre en exergue ses formidables talents de danseur. Mais sans en abuser, sans en rajouter. Juste ce qu’il faut.
De toute façon, quel que soit son sexe, on passe une très chouette soirée en sa compagnie. Les filles sont bluffées de s’être vues ainsi croquées et dévoilées avec autant de justesse. Elles s’en esclaffent entre elles et les garçons en profitent pour ouvrir toutes grandes leurs oreilles. L’after spectacle devient un joli moment œcuménique. Tout le monde a le sourire. Cartouche a réussi son coup.
lundi 5 mars 2012
Avenue Q
Bobino
14-20, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 08 2000 9000
Métro : Edgar-Quinet / Gaîté
Musique et paroles de Robert Lopez et Jeff Marx
Livret de Jeff Whitty
D’après le concept original de Robert Lopez et Jeff Marx
Adaptation française de Bruno Gaccio
Mise en scène de Dominique Guillo
Direction musicale de Raphaël Sanchez
Direction marionnettes de François Guizerix
Avec, en alternance, Shirel ou Prisca Demarez (Kate Monster et Lucy), Gaëtan Borg ou Emmanuel Suarez (Princeton et Rod), David Alexis (Trekkie Monster et Nicky), Virginie Ramis (Mme Brouttemotte et Les Ours Amis pourris), Emmanuel Quatra (Brian), Alice Lyn (Tatami), Jean-Michel Vaubien ou Philippe Aglaë (Willy)
L’histoire : Jeune diplômé de grec anciens, Princeton débarque à New York avec de grands rêves, mais « sans un rond ». Il atterrit donc sur l’Avenue Q, quartier miteux et pas cher. Ses voisins, tous sympa, sont dans la même situation que lui. Que l’on soit humain, marionnette ou monstre, tout le monde est le bienvenu. Ensemble la vie est plus supportable et plus drôle Avenue Q…
Mon avis : Ce que j’ai trouvé de plus percutant et de plus bluffant, c’est la virtuosité avec laquelle les artistes conjuguent leur fonction de comédiens-chanteurs avec celle de manipulateur de marionnette(s). L’osmose est tellement parfaite qu’il y a des moments où on oublie totalement l’être humain qui anime le personnage en latex. Détail important, tous les manipulateurs sont vêtus de gris ou de noir, ce qui précise leur volonté d’anonymat. Et, finalement, les trois seuls individus à arborer des vêtements colorés sont les vrais humains : Brian, Tatami et Willy. C’est une jolie astuce de mise en situation.
Ensuite, j’ai trouvé le décor à la fois esthétiquement beau et techniquement efficace. Il représente la façade d’un petit immeuble locatif planté sur la fameuse Avenue Q. L’action se passe essentiellement dans la rue, mais des fenêtres s’ouvrent parfois pour nous permettre de voir ce qui se passe dans les appartements.
Ce sont les principaux thèmes de la vie qui vont être abordés au cours de ce spectacle : le travail, le chômage, les rêves de réussite, l’amitié, la solidarité, la jalousie, la médisance et, évidemment, l’amour. Surtout l’amour avec, en corollaire, la sexualité. Et nos Q-locataires ne vont pas s’en priver… Ce qui nous amène à être les témoins amusés et presque gênés (tant c’est intime) d’une scène terriblement torride et d’un réalisme total entre deux marionnettes.
La mise en scène est véritablement ingénieuse, émaillée d’un tas de trouvailles comme ces boîtes en carton qui jouent aux choristes.
Sur le plan vocal, tous les artistes sont au top. J’accorde néanmoins une mention spéciale à Shirel, dans le double rôle de Kate Monster et de Lucy-la-Salope. Lorsqu’elle interprète cette dernière, elle adopte une voix de blueseuse étonnante digne de Patricia Kaas. Et j’ai également été séduit par l’étendue du registre vocal de David Alexis (Trekkie Monster et Nicky)… En revanche, si Alice Lyn (Tatami) nous offre une prestation chantée magistrale, j’ai un peu moins apprécié sa façon de jouer la comédie. Je l’ai trouvée un peu trop tonitruante et sa voix, très dans les aigus, assez désagréable. Et puis, si les textes des chansons (superbe travail de Bruno Gaccio) sont impeccables, j’ai déploré, hormis dans deux-trois, un certain manque de musicalité. Ça manque de tubes, quoi ! Il faut cependant saluer la présence de musiciens jouant en live ce qui apporte une vraie nervosité à l’ensemble du show.
Avenue Q est donc un spectacle on ne peut plus original. Les marionnettes sont attachantes et criantes d’humanité. Les répétitions ont dû être longues et astreignantes pour atteindre un tel niveau de virtuosité dans le mimétisme entre les personnages en latex et leurs doubles humains. Mais le résultat est là. Et puis le livret, porteur de valeurs et de nombreux messages, a vraiment du sens. Avenue Q, ce n’est surtout pas QQ la praline.
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