24,
rue Saint-Victor
75005
Paris
Tel :
08 99 23 76 48
Métro :
Maubert Mutualité
Seul
en scène écrit et interprété par Jérémy Ferrari
Mise
en scène de Jérémy Ferrari
Collaboration
artistique : Mickaël Dion
Présentation :
Après la religion et la guerre, Jérémy Ferrari s’attaque à la santé ! Une
nouvelle thématique explosive…
Mon
avis :
Comme attendu, la très confortable salle de la Maison de la Mutualité est
pleine à craquer pour la première parisienne d’Anesthésie générale, le
tout nouveau spectacle de Jérémy Ferrari. Lorsque « l’humoriste »,
ainsi qu’il se définit lui-même, fait son apparition sur scène dans un déluge de son et de lumière, il reçoit un accueil de folie.
Particulièrement
affûté, Jérémy sautille sur place à la façon d’un sportif se préparant à
prendre le départ d’une course de fond. Car le champion qu’il est va tenir la
scène précisément le temps d’un marathon : un peu plus de deux heures !
On
a été averti via les médias que la thématique de ce troisième seul en scène
était la santé. Mais dès ses premières phrases, il nous prend de court. Ça va être
surtout sa propre santé - surtout mentale- qui va être le sujet principal de ce
spectacle. Car la première confidence qu’il nous livre est on ne peut plus
intime puisqu’il s’agit d’une tentative de suicide !... Et il réussit la
gageure de nous faire rire avec un événement dramatique. Il revit et
réinterprète pour nous ce moment où sa vie aurait pu basculer (au sens propre).
Et,
on va le découvrir au fur et à mesure, une grande moitié du spectacle est
consacrée à son mal-être, à ses psychoses, à ses addictions, à ses pathologies.
Petit à petit, nous ne sommes plus de simples spectateurs ; nous nous
sentons plutôt comme des proches venus, sans le savoir au départ, au
chevet d’un grand malade en phase de rémission… Je n’en dirai pas plus. Son
témoignage est si fort, si inattendu qu’il nous cloue sur notre fauteuil. Alors
que tout ce qu’il nous confesse est terrible et poignant, grâce à sa formidable
autodérision, ses talents aujourd’hui affirmés de comédien, il parvient à
rendre drôles ses vingt ans d’errance.
Avec
une précision quasi chirurgicale, il dissèque au scalpel tous les dysfonctionnements
cérébraux qui lui polluent le cerveau. Il va jusqu’à l’os et il en tire une
substantifique moelle absolument irrésistible. Sans aucun temps mort, il
enchaîne les situations.
Voici ce que je mets en exergue dans ce spectacle :
Une séquence de narcissisme tout à fait
jubilatoire… Le bel hommage rendu à son ami-frère-associé Mickaël Dion... Son cynisme réjouissant lorsqu’il s’en prend aux pauvres… Son goût
pour les images peu ragoûtantes quand il démystifie l’homéopathie… Son exigence
de précision et de véracité dans ses recherches scientifiques (quand il brandit
le gros livre rouge qu’est le Code de la santé publique, on sait qu’il l’a
étudié à fond)… Son appétence chronique pour l’humour un peu plus foncé que
noir… Ses indignations délicieusement empreintes de mauvaise foi… Sa séquence « animalière »
qui déclenche une colère féroce sur l’accueil que l’on fait à ses exercices de mime… Son sens de la pédagogie qui fait que, paradoxalement, son Anesthésie
générale a le don d’éveiller nos consciences ; particulièrement sur
les agissements scandaleux de l’industrie pharmaceutique… Ce grand moment de schizophrénie
puissance 4 lorsqu’il fait dialoguer entre eux ces intrus qui cohabitent
dans son cortex ; quelle virtuosité !... Et, enfin, cette émouvante et
superbe anaphore : « Bonjour, je suis Jérémy Ferrari… », qui
vient clôturer son spectacle et qui provoque une standing ovation chaleureuse et surtout, spontanée...
Et
puis, comme tout le public, j’ai adoré le clin d’œil au spectacle précédent en
retrouvant la table du sketch sur le pseudo terroriste kamikaze, une image qui
est encore dans nos têtes. Quelle judicieuse idée que de re-convoquer Jawad, le
crétin magnifique, pour le replacer dans l’univers hospitalier !
En
conclusion, Anesthésie générale, cette mise à nu vertigineuse, est une sacrée
claque. Il faut un sacré courage pour se dévoiler ainsi. C’est un spectacle
charnière pour Jérémy Ferrari. Un passage obligé pour se libérer de vingt ans de
difficulté à vivre normalement malgré le succès. Une thérapie nécessaire grâce à laquelle, en
nous la faisant partager, il dresse autant de garde-fous contre une éventuelle
rechute. Maintenant qu’on sait, il n’a plus le droit à l’erreur. Nous sommes
complices. Il nous fait confiance. On a besoin de lui autant qu’il a besoin de
nous.
On
peut donc supposer qu’il a réussi à vendre son deux-pièces à Beyrouth au
meilleur moment, car vu ce qui se passe actuellement au Liban, il ne fait pas
bon y résider. Déjà libéré de ce souci immobilier, aujourd’hui, grâce à cette
véritable cure que constitue ce spectacle, enfin débarrassé de la plupart de
ses tourments, on va progressivement découvrir un tout nouveau Jérémy Ferrari. Plus
apaisé et toujours aussi créatif. C’est tout ce qu’on lui souhaite, Hallelujah
bordel !...
Gilbert
« Critikator » Jouin