B. Records / Columbia
Brigitte (Sylvie Hoarau et Aurélie Saada) est vraiment ce
qui est arrivé de mieux à la chanson française ces dernières années avec
Daphné, Zaz ou Christine and the Queens (je ne parle pas des installées comme
Nolwenn Leroy, Olivia Ruiz, La Grande Sophie…).
Les Brigitte ont fait souffler un vent nouveau, une douce
brise qui perd son « r » pour se métamorphoser en bise caressante.
Brigitte, c’est un écrin avec deux perles, c’est une bonbonnière avec deux
friandises… C’est en restant elles-mêmes qu’elles ont trouvé leur univers. Et
c’est en étant elles-mêmes qu’elles nous y ont attiré.
Ah, l’univers des Brigitte ! Il est d’une exquise
féminité… Femmes qui s’adressent aux femmes, elles ont particulièrement soigné
leur image dans tous les domaines. Aurélie et Sylvie se débarrassent de leur
identité propre pour se métamorphoser en Brigitte. Même tenue, même coiffure,
même maquillage, elles ne veulent former qu’une. Elles nous offrent ainsi un
troublant aspect gémellaire. Rien n’est laissé au hasard.
Leurs musiques et les textes de leurs chansons sont
également élaborés dans un même souci de glamour. Disco chic et pop légère leur
permettent de se mouvoir de façon langoureuse. Leurs voix, suffisamment
éthérées, se mêlent harmonieusement. Et, pour accentuer encore ce fameux
trouble qu’elles provoquent, elles ne s’expriment dans leurs chansons qu’à la
première personne. Tour à tour lascives, enjôleuses, cajoleuses, elles
détaillent leurs sensations, leurs sentiments, leurs états d’âme. Sensuelles
certes, mais toujours avec la volonté de ne pas verser dans la caricature en
appuyant par trop le trait. Elles ont l’art de saupoudrer juste ce qu’il faut d’humour
et de distance…
Femmes qui parlent des femmes, qui s’adressent aux femmes,
mais qui réussissent diablement à intriguer et à intéresser la gent masculine.
On ne peut que tomber sous le charme. Féminines mais pas féministes, elles
éludent toute forme d’agressivité.
A bouche que veux-tu,
leur deuxième album est vraiment réussi. Il était très attendu. Elles ont pris
leur temps et elles l’ont réellement fignolé.
Avec ma subjectivité habituelle, j’ai dressé mon ordre
préférentiel :
1/ A bouche que veux-tu
10 sur 10 ! Tout me plaît… Cette chanson diffuse des
sensations exquises. De la petite mélopée susurrée du début au refrain léger qui
balance en passant par ce « viens… », invitation terriblement
attirante murmurée dans le souffle. C’est un bonbon plein de douceur et de
volupté, une ode au désir, à cette peur délicieuse qui précède l’abandon en
provoquant des « papillons au creux du ventre »… Et puis l’entrée des
cordes aux deux-tiers de la chanson est particulièrement superbe.
2/ L’échappée belle
L’écriture est très travaillée, toute entière consacrée à le
recherche de mots qui sonnent… Véritable petit film, cette historiette raconte une
rencontre éphémère, une escapade quasi fantasmée. Elle évoque l’excitation du
lâcher-prise que l’on peut se permettre lorsqu’on se trouve en terre inconnue
loin de ses attaches et de ses repères habituels. Quand tout peut arriver, quand
tout est ouvert, quand tout est permis… A souligner la grosse rythmique qui
tient le rôle des neurones qui s’agitent dans un cerveau qui ne sait pas s’il
va donner le signal pour succomber au désir… Ou pas.
3/ Plurielle
Déjà, c’est un reggae et c’est chouette. Cette chanson
rejoint un peu le thème esquissé dans L’échappée
belle. Mais là, on franchit le pas. Il faut savoir « oser » pour « s’offrir
l’infini des possibles » : « Et pourquoi pas ? ». C’est
une ode à la « liberté choisie », au libre-arbitre. Il y a encore une
toute petite hésitation, mais on sent bien que le « choix » est fait.
Ce qui est en fait le plus jouissif, c’est ce moment où l’on va prendre sa décision
et où tout va basculer… Dans ce titre, leurs voix se fondent merveilleusement.
On a même parfois l’impression de les entendre miauler langoureusement.
4/ Oh Charlie chéri
Chanson drôle. Très descriptive. Portrait du mâle le plus
convoité de la région. Un texte amusant, volontairement au premier degré. Ici pas
d’hésitations, pas de fioritures, un seul leitmotiv : figurer au palmarès
de ce fieffé séducteur « comme toutes les jupes du quartier ». Texte
amusant, bien écrit, très imagé et explicite. L’interprétation, coquine, est
complètement assumée. C’est Charlie et ses deux nénettes. On l’écoute avec un
petit sourire entendu au coin des lèvres.
5/ Le déclin
Jolie chanson mélancolique sur la fin d’un amour. Musique
discrète, voix très en avant. C’est un état des lieux, une recherche de tous
les petits signes avant coureurs d’une rupture qui se dessine. On sent déjà une
forme de résignation, d’acceptation, tout en se remémorant les bons moments du
passé. Le ton est interrogatif, induisant une faible notion d’espoir. Mais la
solitude est déjà là, bien présente. D’ailleurs la conjugaison passe au passé,
ce qui n’est pas vraiment anodin…
6/ J’ sais pas
Celle-ci pourrait être la suite de A bouche que veux-tu puisqu’elle suggère l’imminence du passage à l’acte.
Là aussi la rythmique occupe une place prépondérante. « J’ai chaud » en
alternance avec un obsédant « J’ai peur » exprimés dans le murmure,
donnent à cette chanson un climat envoûtant et débordant de sensualité qui se
traduit par une ambiance de film à la Just Jaeckin.
7/ Le perchoir
Chanson mélodiquement très agréable à entendre. Le texte, bien
écrit, fourmille de jolies sonorités et allitérations. Métaphore amusante sur
le coq et le mâle dominant en général, un tantinet narcissique et sûr le lui.
Voici donc mes sept chansons préférées.
J’ai aussi apprécié la musique aux sonorités arabisantes de Hier encore. Mais je l’ai trouvée un peu
trop forte, ce qui nuit à la compréhension de paroles qui ne sont finalement
pas si importantes. Ce devrait être néanmoins une efficace chanson de scène… Sinon,
je n’ai ressenti que peu d’intérêt pour Les
filles ne pleurent pas en dépit de sa grosse rythmique et encore moins pour
Embrassez vous, déclinaison
incantatoire du baiser sous toutes ses formes.
En conclusion, A
bouche que veux-tu est un album très réussi qui s’écoute à oreilles que
veux-tu. Brigitte, qui se conjugue toujours au « plurielle »,
accomplit une fois encore une échappée
belle dans la chanson française qui est loin, très loin d’annoncer un
quelconque déclin… Au contraire, je
suis convaincu qu’Aurélie et Sylvie ont signé un très long bail dans notre
panorama musical. Et c’est tant mieux.
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