Polydor / Universal Music
C’est profondément guidé par « un peu d’amour » et
beaucoup « d’amitié » que Salvatore rend hommage à Gilbert Bécaud en
reprenant une quinzaine de ses chansons.
Gilbert Bécaud a beaucoup compté pour le jeune Salvatore à
ses débuts. Avec Brassens, Brel et Béart, il fait partie de ce qu’il appelle
respectueusement ses « quatre B ». Chacun d’eux a été une de ses
sources d’inspiration et contribué à le former artistiquement. Ils font partie,
chacun avec son univers, de ses « guides ». Gilbert Bécaud l’aurait
même influencé musicalement avec sa manière d’utiliser le piano.
Salvatore avait 22 ans quand il a assisté pour la première
fois à un tour de chant de son aîné de seize ans. C’était à l’Olympia, en 1965 :
« J’ai été fasciné par son numéro. J’ai compris que c’était un chemin à
suivre ». Par la suite, étant dans la même maison de disques, les deux
hommes, amenés à s’y croiser souvent, se sont fréquentés, entretenant « une
jolie relation ».
Ce chemin, Salvatore Adamo a donc décidé de le faire sien
près de cinquante ans plus tard. Considérant que la mémoire de cet immense interprète
n’était pas entretenue à sa juste valeur dans les médias, il lui consacre un
album entier.
Salvatore ne nous trompe pas sur la marchandise. Son CD s’intitule
« Adamo chante Bécaud ». Et c’est du Adamo qu’il nous propose. Il
aurait cherché à faire du contre nature qu’il se serait inévitablement électrocuté
sur du 100.000 volts.
Adamo est un hypersensible. Il chante d’abord avec le cœur.
Là où Bécaud était dans l’énergie, dans la fougue, dans la théâtralité, Adamo
fait dans la douceur, dans le sentiment. Il aime les mots. Il a l’art de les
distiller, de les mettre en exergue, de leur donner tout leur sens. Avec sa
diction parfaite et une voix très en avant, son interprétation nous fait entendre
les chansons différemment. Il nous les fait redécouvrir alors qu’on pensait leur
interprétation originale gravée à jamais dans notre mémoire.
Photo ABACA |
Bien sûr, c’est dans les chansons tendres et poétiques qu’Adamo
excelle. Il recrée les situations, nous les fait revivre en leur apportant une
autre vision. Je reviens te chercher, C’est
en septembre, Un peu d’amour et d’amitié prennent ici une dimension pleine
de délicatesse.
Ce qui est bien dans cet album, c’est que chaque titre a
hérité d’une couleur musicale et de sons qui lui sont propres. Par exemple,
ambiance country pour L’important c’est
la rose et folk pour Nathalie. Grâces
soient rendues à la réalisation léchée et inventive de Dominique Blanc-Francart.
Personnellement, j’ai hautement apprécié que Salvatore
exhume Croquemitoufle, une chanson
dont le texte, truffé de néologismes et empreint d’une grande poésie, m’intriguait
et m’émerveillait à la fois quand j’avais une quinzaine d’années.
Mais il y en avait tellement des bonnes et grandes chansons
parmi les quatre-cents qu’il a enregistrées. En sachant s’entourer de
formidables paroliers comme Louis Amade et Pierre Delanoé entre autres, Gilbert
Bécaud a vraiment marqué son temps. Il a été un artiste total, entièrement voué
à sa passion.
C’est bien, vraiment bien, que Salvatore Adamo lui rende
ainsi hommage.
Clin d’œil, volontaire ou pas, le dernier titre de l’album
est Mes mains… De manière
subliminale, à la fin, on a envie d’ajouter « sur tes hanches ». Elle
n’est pas jolie la passerelle ?...
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