mardi 30 avril 2013

L'Affrontement


Théâtre Rive Gauche
6, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 35 32 31
Métro : Gaîté / Edgar Quinet

Une pièce de Bill C. Davis
Adaptée par Jean Piat et Dominique Piat
Mise en scène par Steve Suissa
Décor de Stéphanie Jarre
Costumes d’Edith Vesperini
Lumières de Jacques Rouveyrollis
Avec Francis Huster (Tim Farley), Davy Sardou (Mark Dolson)

Le sujet : L’un, jeune séminariste, est impétueux et fervent ; l’autre, prêtre installé, pratique une foi moins radicale. Leur rencontre promet un débat sur les questions que se pose, ou devrait se poser, l’Eglise comme le sacerdoce des femmes, l’homosexualité…

Mon avis : Personnellement, je me suis séparé à l’amiable avec la religion vers mes 10-11 ans. Mais il n’empêche qu’étant scolarisé dans une école catholique, j’ai reçu une solide formation et, par la suite, j’ai eu de longues conversations sur la foi et la théologie avec des amis prêtres…
Ce préambule pour dire combien j’ai été passionné de bout en bout par cet Affrontement entre un prêtre « installé » dans son confort et un jeune séminariste idéaliste. Je ne peux pas dire que j’ai suivi les débats religieusement car j’ai bien trop souvent éclaté de rire. Rien de tel que le prisme de l’humour pour faire passer les idées.

Cette pièce est une superbe réussite dans tous les domaines.
D’abord par son décor moderne et très classieux, tout en tons de gris, concocté par Stéphanie Jarre. Les larges pans de murs sont traversés par des sortes de vitraux lumineux. Sur scène, un autel austère, deux chaises ouvragées. Côté cour se dresse une chaire au côté de laquelle une dizaine de cierges inégaux se consument. On se sent bien dans ce décor. D’autant qu’il se transforme à vue pour passer de l’église à l’appartement de Tim Farley. L’autel pivote pour se métamorphoser en bureau, les panneaux coulissent pour faire apparaître une bibliothèque ou des rayonnages plus secrets… Ce décor est magnifié par les lumières de ce magicien de l’éclairage qu’est Jacques Rouveyrollis… Et puis il y a la bande son, signée Alexandre Lessertisseur, qui a son importance. Des chants religieux et un harmonium mélodieux introduisent la montée en chaire du Père Farley. Puis, lors de chaque intermède, c’est la sublime chanson de Jeff Buckley, Hallelujah, qui s’égrène discrètement… Nous sommes donc placés d’emblée dans les meilleures conditions pour écouter le sermon du prêtre…

Au cours de ce sermon construit sur le thème des « Trois C » (les Crises du Catholicisme Contemporain), Tim Farley invite ses ouailles à intervenir. Au milieu de remarques banales, retentit une voix claire qui pose une question sur le sacerdoce des femmes. Décontenancé, le prêtre demande à l’impertinent de s’avancer. Il s’agit d’un jeune séminariste, Mark Dolson, qui est déjà précédé par une réputation d’empêcheur de prier en rond. Lorsque les deux hommes se retrouvent face à face, le contraste est saisissant. Tim Farley en impose dans son aube immaculée ornée de deux croix, alors que Mark est vêtu d’un pantalon informe et d’un caban et chaussé de tennis (un peu plus tard, il apparaîtra même en jogging). S’en suit alors une âpre discussion qui tourne rapidement à L’Affrontement de deux idéologies.
Alors que les deux hommes devraient en rester là et ne plus se revoir, on s’aperçoit que Mark Dolson est l’objet d’une manigance entre Farley et leur supérieur hiérarchique Monseigneur Burk. Ce dernier désire que le trublion prenne auprès de son aîné « des leçons de tact et de diplomatie »… Dès lors les deux hommes ne vont plus cesser de se voir, de confronter leurs idées et de s’opposer dans une sorte de querelle religieuse des Anciens et des Modernes.

Il ne faut pas en révéler plus sur le déroulement de l’action.
Les dialogues sont remarquables, vifs, ciselés. Le rythme des échanges est enlevé, nerveux, entrecoupé deux-trois fois de plages plus calmes lorsque les deux hommes sont dans la confidence, puis repart de plus belle en raison d’une sale blague dont Mark Dolson est friand et dont Tim Farley est la victime. Il y a de grands moments de drôlerie dont l’un des pics est le tout premier sermon prononcé par notre rebelle. Son discours, humaniste et progressiste, est dévastateur. Les « fidèles » que nous sommes devenus par la force des choses s’en esclaffent de joie.

Ces échanges sont servis par deux comédiens visiblement habités qui vivent et nous font vivre un grand moment de partage et de générosité.
Francis Huster campe à la perfection et avec énormément de finesse un prêtre cathodique qui a de la bouteille (au propre comme au figuré) et qui est en recherche constante d’amour et de reconnaissance. Il n’est dupe de rien, mais son confort, plus physique que spirituel, passe avant tout. Avec la charité comme fonds de commerce, il reconnaît être devenu un maître ès hypocrisie et un champion de la compromission Ce qui l’arrange, car dans compromission, il y a « mission »…

Davy Sardou est la preuve vivante, dans cette pièce, que l’habit ne fait pas le moine. C’est la quatrième fois que je le vois jouer. Il m’avait particulièrement épaté par sa composition en Charles VII face à Jeanne d’Arc dans L’Alouette. Ici, il franchit encore un palier. Il ne donne jamais l’impression de jouer, il EST. Convaincant dans tous les registres, aussi à l’aise dans l’émotion que dans la fantaisie, il est d’un naturel confondant. Tout ce que dit son personnage, je suis convaincu qu’il le ressent au plus profond de lui-même. Et puis il a un sourire !... Je lui prédis une longue et belle carrière.

Je terminerai en saluant la qualité de la mise en scène de Steve Suissa. Tout en privilégiant une certaine arythmie, il s’est beaucoup basé sur la vivacité. Il a, c’est visible, exigé énormément de ses comédiens. Ils sont tout le temps au cordeau. Ils ne peuvent s’autoriser aucun relâchement. C’est de l’orfèvrerie.

Très sincèrement, je pense que le texte de L’Affrontement devrait être distribué et étudié dans tous les séminaires.

lundi 29 avril 2013

En réunion


Petit Montparnasse
31, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 77 30
Métro : Gaîté / Edgar Quinet

Une pièce d’Andrew Payne
Mise en scène par Patrick Kerbrat
Décor de Jean Haas
Lumières de Laurent Béal
Avec Swann Arnaud (Cole), Anne Bouvier (Karine David), Patrice Kerbrat (Frank), Robert Plagnol (Stratton)

L’histoire : Quand arrive enfin le jour de la signature du contrat après des mois de négociations, Stratton, Cole et Frank apprennent que leur interlocuteur habituel, retrouvé nu en salle de réunion, a été viré manu militari et remplacé par la soi-disant responsable de ce comportement pour le moins étrange, Karine David. Ils doivent alors mettre en place une nouvelle stratégie pour atteindre leur but premier : faire signer un contrat défavorable à la partie adverse…

Mon avis : Andrew Payne est un sadique ! Il doit avoir quelque part des comptes à régler avec ses congénères, une hiérarchie et la bureaucratie tant il prend un plaisir pervers à plonger ses personnages dans des situations terriblement éprouvantes. Et, par voie de conséquence, il se régale à nous embrouiller, nous les spectateurs, à nous mettre sous tension et à essayer de deviner comment un tel imbroglio va se dénouer… Dans son esprit ô combien tordu, l’âme humaine n’est pas bien jolie, jolie…

Si le titre de la pièce, En réunion, n’est pas des plus attractifs, il a au moins le mérite de nous en annoncer le thème. Andrew Payne met sa loupe déformante (l’est-elle tant que ça finalement ?) sur les stratégies que va devoir adopter un trio pour amener « les gens d’en face » à signer un contrat de la plus haute importance pour leur boîte. Non seulement leur principal interlocuteur vient de leur claquer dans les doigts suite à un pétage de plombs abracadabrantesque, mais le temps leur est également compté. En plus, le nouvel intermédiaire qui leur est imposé est… une femme ! Ce qui change tout sur le plan relationnel car ils vont devoir se mettre inconsciemment en mode séduction.

Andrew Payne est un as pour dessiner les profils psychologiques de ses personnages et à se focaliser surtout sur la désormais fameuse « part d’ombre » de chacun. Ce sont des gens qui nous ressemblent et il nous est facile de nous projeter à leur place en fonction de leurs différents comportements. Il a l’art en outre de faire interférer la vie extérieure avec la vie professionnelle, ce qui ajoute encore aux difficultés…
Les quatre personnages sont identiques dans un seul domaine : ils sont dévorés par l’ambition. Sinon, ils ne se ressemblent en rien. Stratton (Robert Plagnol) n’est pas un garçon porté sur la fantaisie. Il est sérieux, maniaque, psychorigide (on le devine aussi hypocondriaque), émotif et, pour ne rien arranger, il est torturé par les intrusions permanentes d’une épouse un tantinet dérangée et les méfaits causés par leur « psychopathe » de fillette. Difficile pour lui d’être à 100% concentré sur son travail. Bien sûr, cette faiblesse le dessert tant vis-à-vis de ses collègues que de sa hiérarchie… 
Cole (Swann Arlaud) est complètement à l’opposé de lui. Il est plus jeune, décontracté à la limite de la désinvolture, fonceur, mais nerveux et impulsif, il arbore un look plutôt négligé et il parle un langage résolument « djeun ». Son principal atout – et il le sait – c’est d’être formidablement intelligent ; c’est grâce à lui que le fameux contrat est aussi remarquable. Il a cependant lui aussi son talon d’Achille en la personne de sa petite amie, qui travaille dans la même société et se fait remarquer pour sa frivolité… 
Frank (Patrice Kerbrat) est sans doute le plus complexe du trio. Il est le supérieur immédiat de Stratton et Cole et leur intermédiaire avec la direction qui tire toutes les ficelles depuis sa tour de contrôle du 10è étage. Il pratique un humour très british, adore les formules ampoulées, mais il est capable de passer sans transition de la plus grande sympathie à la méchanceté la plus rude. Lui, on n’arrive pas à le cerner. Il est sûr qu’il pratique un double jeu. Mais dans quel but, et pour qui ? Il a un petit côté manipulateur qui provoque notre méfiance. Alors que Stratton et Cole nous semblent moins tordus, plus prévisibles.
Et enfin, il y a Karine David (Anne Bouvier). Qui est-elle vraiment ? Elle nous apparaît comme une jeune femme sûre d’elle-même et de son pouvoir de séduction. Toujours souriante, elle est du genre insubmersible. Et la décision finale lui appartient…

Une fois que ces quatre-là vont être mis en présence, la pièce va devenir un grand jeu d’échecs. Tous les coups vont être permis. Les cachotteries, les manipulations, l’agressivité, la diplomatie cauteleuse… Tout le monde, ou presque, va y laisser des plumes… L’auteur érige une sorte de jeu de construction dont il nous fournit peu à peu les éléments. A nous de deviner ce qui peut s’emboîter… ou pas. La tension ne cesse de monter. Les nerfs, particulièrement ceux de Stratton et de Cole sont mis à rude épreuve. Puis, entre Cole et Karine s’instaure un drôle de jeu du chat et de la souris…

Pour moi, En réunion eût gagné en efficacité avec une vingtaine de minutes en moins. On se sent soudain moins attentifs à partir du moment où Karine raconte son histoire. Elle est trop longue et n’apporte pas grand-chose à l’intrigue. En fait, le dernier quart de la pièce est un peu bavard, comme si l’auteur voulait nous faire languir. Et pour ce qui concerne la fin, elle m’a laissé sur ma faim.
Reste quand même un texte acide à souhait servi par un épatant quatuor de comédiens. 
Robert Plagnol, que j’avais découvert et qui m’avait enthousiasmé dans Rue de Babylone, connaît son Andrew Payne sur le bout des doigts (il a adapté et joué toutes ses pièces). Il donne à Stratton autant de froide détermination que de fragilité. Il n’est pas calculateur comme les autres. C’est le bon employé-type. Mais, pris dans un engrenage dont les mécanismes lui échappent et perturbé par les multiples interventions dévastatrices de sa femme, il se débat petit à petit comme un insecte pris dans une toile d’araignée… 
Swann Arlaud est la révélation de la pièce. On l’a beaucoup vu depuis dix ans à la télévision et au cinéma, mais En réunion est sa première expérience théâtrale. Il est parfait dans le rôle de Cole. A la fois agaçant et charmeur, fougueux et mal élevé, sûr de lui et vulnérable, il provoque la plupart des éclats de rire de la pièce… 
Patrice Kerbrat réussit à faire de Frank un personnage inquiétant. Sous ses dehors bonhomme, il se révèle mystérieux, ambigu et, parfois, violent. C’est un animal à sang froid que l’on devine redoutable. On se prend à attendre chacune de ses apparitions car elles font à chaque fois rebondir l’intrigue… 
Anne Bouvier a le rôle le plus délicat. Elle est très attendue. Comme elle est décisionnaire dans la destinée du fameux contrat, elle est d’emblée crainte et détestée. Elle doit faire face à trois mâles prêts à tout pour la faire signer. Elle leur oppose son sourire permanent, sa sensualité, son intelligence. Mais va-t-elle tenir le coup jusqu’à la fin ?

En dehors de l’avoir trouvée un peu longue, la pièce est un régal pour qui aime le cynisme et l’humour noir. J’ai trouvé particulièrement réussi le fait que chacun des trois hommes ait son vocabulaire propre. Aucun d’eux ne s’exprime comme les deux autres. C’est réellement très judicieux et très efficace.

vendredi 26 avril 2013

Demain il fera jour


Théâtre de l’Oeuvre
55, rue de Clichy
75009 Paris
Tel : 01 44 53 88 88
Métro : Place de Clichy / Liège

Une pièce d’Henry de Montherlant
Mise en scène par Michel Fau
Décor de Bernard Fau
Costumes de David Belugou
Lumières d’Alban Rouge
Avec Léa Drucker (Marie), Michel Fau (Georges Carrion), Loïc Mobihan (Gillou), Roman Girelli (le Messager)

L’histoire : Paris. Juin 1944. Quatre années après leur séparation, Georges Carrion retrouve pour la seconde fois son fils Gillou et la mère de Gillou, Marie.
Gillou désire s’engager dans la Résistance. Carrion oppose à ce projet toutes sortes de raisons. La mère, qui aime tendrement son fils, partage l’avis de Georges.
Or Georges, avocat d’affaires, a entretenu des relations avec les Allemands, et il craint d’’avoir des ennuis à la Libération. Il a peur… Il reçoit des lettres de menaces. Aussi va-t-il lever l’interdiction et autoriser Gillou à devenir un résistant. A la grande frayeur de la mère qui pressent la catastrophe…

Mon avis : Il est évident que cette pièce devait avoir une toute autre portée lorsqu’elle fut créée en 1949 au sortir de la guerre. A cette époque, les mots de « collaboration », « commerce avec l’occupant » et « Résistance » étaient encore en pleine actualité et les sentiments étaient légitimement exacerbés.
Reprendre Demain il fera jour plus de soixante après est donc une gageure. Pourtant, le pari est réussi car le drame humain que vont subir Georges et Marie est intemporel. Cette pièce est une tragédie ; une tragédie grecque avec son inéluctabilité. On pourrait la sous-titrer « L’Affrontement » tant la tension entre les deux ex-amants est vive. Ils se livrent à un duel à fleurets à peine mouchetés. Chacun ayant sa personnalité propre, le vocabulaire, les mentalités et donc les comportements ne sont pas les mêmes. Ce qui donne encore plus de force à leur opposition.

L’écriture d’Henry de Montherlant est dense, riche. Il aime les mots, il a le sens de la formule et il en use abondamment. Le style est daté, très (trop ?) littéraire, quelque peu ampoulé parfois, mais il est indéniablement brillant. Et puis il nous campe deux sacrés caractères… Georges nous apparaît comme un sale type. Il est méprisant, égocentrique, cynique et, cela va avec, misogyne. Il est odieux et injuste avec son fils. Il affiche une morgue dédaigneuse qui sied parfaitement à ses propos fielleux… Marie, qui a dû, au début de leur union, être une femme soumise et effacée, est devenue une louve. Elle est toute entière vouée à la protection de son fils, « le seul homme » qui ne l’a jamais déçue. Elle ne se laisse pas faire, elle argumente, elle a du répondant. Même s’il lui arrive encore de s’indigner devant la malhonnêteté intellectuelle du géniteur de Gillou.
Chacun voit clair dans l’attitude de l’autre et le lui fait comprendre. La seule chose que Marie ne voit pas venir parce qu’elle ne détient pas tous les paramètres qui motivent Georges, c’est la manipulation. Quand elle la découvre, il est trop tard. Et la louve n’a plus qu’à hurler son désespoir…
Il n’est pas sûr que, pour ces deux là, « demain il fera jour ». Ils vont être plutôt désormais voués à une longue et froide nuit…

Pour tenir deux rôles aussi âpres, aussi durs, il faut de fameux comédiens. La performance de Michel Fau et de Léa Drucker est impressionnante. Lui, il est terrible. Monolithique, impassible pendant les trois-quarts de la pièce, se gargarisant avec ses formule qui blesse et qui fait mal, il se complaît dans la méchanceté. Il réussit l’exploit de provoquer en nous aucun sympathie, même à la fin… Une superbe prestation.
Quant à Léa Drucker, elle est vibrante, frémissante. Elle ne s’appartient plus. Elle a sacrifié sa vie de femme pour n’être plus qu’une mère. Elle se défend farouchement, d’abord comme une louve puis comme la chèvre de Monsieur Seguin qui luttera toute la nuit. C’est un rôle fort, intense, éprouvant, extrême. Elle doit en sortir totalement vidée…

La pièce vaut donc essentiellement dans cet affrontement terrible avec un jeune homme pour enjeu. Mais il vaut mieux être bien éveillé pour savourer pleinement ce déferlement de mots et digérer cette écriture extrêmement roborative.
Le décor est beau. Il nous restitue un intérieur cossu avec vue sur le Sacré Cœur. Et les costumes sont d’une grande élégance, particulièrement la superbe robe rouge qu’arbore Marie à la fin de la pièce.

jeudi 25 avril 2013

L'Université Populaire du Théâtre





Ce jeudi 25 avril, au Théâtre 14, Michel Onfray, le philosophe que l’on ne présente plus, et Jean-Claude Idée, auteur, metteur en scène, comédien et professeur d’art dramatique, ont procédé au lancement de L’Université Populaire du Théâtre.

Elaborée dans le même esprit que de l’Université Populaire de Caen, créée par Michel Onfray en 2002, cette initiative a pour principes de base la gratuité, la liberté, l’ouverture à tous, l’absence de diplômes et l’exigence…
Elle a pour objectif de remettre la raison, la réflexion et la connaissance au cœur du théâtre de notre temps « par le moyen de la représentation publique de textes à caractères philosophique, éthique, civique, historique et politique comme autant de miroir tendus qui suscitent la réflexion, le débat public ».
Ces textes seront présentés « dans une forme accessible à tous ; sans élitisme ni obscurité, sans simplification réductrice, en respectant leur complexité, sans concession »…

S’inscrivant dans la ligne et dans l’esprit du Théâtre National Populaire de Jean Vilar, Michel Onfray et Jean-Claude Idée ont, à cette occasion, publié ce manifeste :
« Nous appelons tous ceux qui partagent nos idées – qu’ils soient citoyen, artiste, association, institution… - et qui croient au bien-fondé de leur démarche, à la faire connaître autour d’eux, à se manifester et à nous rejoindre dans notre combat qui vise à permettre à chaque citoyen, selon la belle proposition de Nietzsche, de « s’inventer la liberté » ! »

Cette Université Populaire du Théâtre sera itinérante. Elle sera effectivement lancée à Argentan, dans l’Orne, les 3, 4 et 5 mai. Puis elle se posera à paris, au Théâtre 14, les 13, 14 et 15 mai, avant de gagner Bruxelles du 28 mai au 26 juin.

Voici le programme des trois journées parisiennes :

Lundi 13 mai
-          A 17 h : Le trip Rousseau (de Dominique Ziegler)
-          A 19 h : Le Mémento (de Jean Vilar)
-          A 21 h : Ovide était mon Maître (de Jean-Claude Idée)

Mardi 14 mai
-          A 17 h : L’Etranger (d’Albert Camus)
-          A 19 h : L’Impromptu d’Argentan (de Jean-Claude Idée)
-          A 21 h : Les Larmes de Nietzsche (d’Irvin D. Yalom)

Mercredi 15 mai
-          A 17 h : Socrate et Aristophane (de Jean-François Prévand)
-          A 19 h : Le Songe d’Eichmann (de Michel Onfray)
-          A 21 h : Kaiser (d’Alexis Ragougneau)

Chaque lecture-spectacle fera l’objet d’une introduction et sera suivie par un débat avec les artistes.

La fin du monde est pour dimanche


La Pépinière Théâtre
7, rue Louis le Grand
75002 Paris
Tel : 01 42 61 44 16
Métro : Opéra

Seul en scène écrit et interprété par François Morel
Mis en scène par Benjamin Guillard
Scénographie, lumière et vidéo de Thierry Vareille

Le propos : Pour composer La fin du monde est pour dimanche, François Morel réunit quelques uns de ses textes écrits originellement pour la radio. Ils ont tous pour point commun de nous parler du temps qui passe, de la vie qui suit son chemin avec, en point de mire, ce dernier jour de la semaine. Ce « dimanche », synonyme du dernier jour de la vie qui approche. Inéluctablement…

Mon avis : Alerté par le ton alarmant de l’annonce, Le fin du monde est pour dimanche, j’ai préféré me rendre à la Pépinière Théâtre un mardi. En début de semaine, quoi. Ainsi, si la prophétie devait s’avérer, il me resterait quand même quatre jours pleins pour profiter. « Profiter »… C’est justement une des injonctions qui reviennent itérativement dans la bouche d’un grand-père s’adressant à son petit-fils. Si l’on suppose que le vieillard a atteint la sagesse, le conseil est on ne peut plus impératif. Ce qui est bien avec les personnages de théâtre, c’est que nous aussi, dans le public, on profite. Et avec se spectacle, on profite d’un tas de choses et d’abord du talent protéiforme de François Morel. Décidément, qu’ils officient au Vatican, à l’Elysée ou à la Pépinière, les François ont le vent en poupe actuellement…

François Morel est aujourd’hui un personnage totalement à part dans le paysage artistique. Il y a pris une place prépondérante qu’il ne doit qu’à son travail et à ses dons. Ses dons d’auteur et ses dons d’acteur. Cet homme aime les mots, c’est une évidence, et ils le lui rendent bien… Comment le définir ? Alliant avec une virtuosité jubilatoire la poésie et le bon sens, il est à fois un Pierrot lunaire (car il n’est jamais terre-à-terre) et un paysan matois. On peut qualifier son spectacle de récital car il nous propose un florilège de ses meilleures chroniques radiophoniques avec, en point d’orgue, ce véritable « tube » qu’est son reportage en direct de Bethléem le jour de la Nativité.

La mise en scène, avec projections, jeux de lumière, fumigènes et bande-son importante est classieuse et originale. Elle lui permet de virevolter tout à son aise entre les images et la musique et de planter pour chaque « sketch » un décor qui lui est propre. En fil rouge (comme sa robe), il reçoit le d’Anna Karina, la Marianne de Pierrot le fou, débordante de sensualité dans la splendeur de ses 25 printemps. S’amusant de la voir aussi profondément désabusée, il s’appuie sur son ennui et son constat existentielle : « Je sais pas quoi faire… », pour nous exhorter à agir et à « faire » quelque chose de notre vie…

François Morel aborde des sujets aussi variés que la transmission intergénérationnelle, le fantasme masculin (on l’a tous ressenti !), la fan attitude, les amours hors norme, il disserte sur le bonheur, rend hommage, alexandrins à l’appui, à ces comédiens qui jouent les utilités et rêvent de grands rôles… Bref, « l’air de rien », mais très élégant dans ses « habits du dimanche » (il faut porter beau pour la fin du monde), il nous dit « bien des choses » sur sa vie et sur « la vie des gens ».
Débordant d’humanité, mais dupe de rien, il déroule sa poésie tendre et facétieuse et nous entraîne en sa compagnie (car ce spectacle est un grand moment de partage) dans un univers qui n’appartient qu’à lui.
Grand merci à vous Monsieur Morel, c’était bon de vous entendre et de vous voir à quelques jours de l’Apocalypse annoncée sur votre affiche…

mardi 23 avril 2013

Trois Nouveaux talents Humoristes


Hier soir, lundi 22 avril, au théâtre Trévise, Gérald Dahan a parrainé et présenté un spectacle baptisé « Trois Nouveaux Talents »…
Trois Nouveaux Talents… Si on le réduit à un sigle, cela donne TNT, ce qui est à haut risque car ça induit un spectacle… explosif !
Les impétrants du soir étaient donc Show Time, un groupe de cinq garçons qui pratiquent l’exercice délicat de l’improvisation, Alex Ramirès et Topick.

Show Time est un quintette sympathique et chaleureux. Ils ont livré une copie honnête, mais j’ai tellement vu mieux dans le domaine (ne serait-ce qu’avec les excellents Bonimenteurs) que je suis resté sur ma faim. Reste que le leader du groupe possède beaucoup de charisme et sait parfaitement manipuler la salle et jouer avec ses réactions.
En revanche, Alex Ramirès et Topick ont fait montre d’un énorme potentiel dans des registres différents. Le premier se livre à un stand-up de facture classique. Il a la tchatche, il est très à l’aise avec son corps, généreux, son écriture tient la route, il jongle habilement avec l’autodérision et, surtout, il a une pêche qui fait plaisir à voir … Il est déjà doté d’un bagage conséquent qui devrait lui permettre de voyager loin et longtemps.
Quant à Topick, c’est déjà un cas à part. Très visuel, il se lance des défis aussi saugrenus qu’invraisemblables. C’est un casse-cou volubile, un voltigeur de l’absurde qui réussit à défier les lois de la pesanteur et à rendre drôle de véritables prouesses physiques. Tout en accomplissant ses sketchs, il dialogue avec le public, partage ses sensations, commente ses difficultés, envisage le pire, mais réussit à se sortir de situations a priori inextricables. Son spectacle a l’avantage d’être très original, d’autant qu’il adore utiliser différents accessoires à des fins qui ne sont pas celles pour lesquelles ils ont été conçus à la base. Ce garçon a vraiment tout pour lui. A suivre donc…

Et puis, évidemment, il y avait le maître de cérémonie, Gérald Dahan. Il ne s’est pas contenté de jouer à Monsieur Loyal, il a magnifiquement payé de sa personne en nous offrant quelques uns de ses derniers sketchs, avant, entre les numéros des jeunes talents, et en conclusion. Une fois de plus il m’a enchanté avec ses capacités vocales, son aisance, sa chaleur. Il nous a gratifiés surtout d’une imitation de François Hollande proprement ébouriffante. Et dire qu’il craignait avoir perdu son meilleur fournisseur ès drôlerie avec la disparition de Sarko. Ce n’est certes ps le même registre, mais qualitativement et sur le plan du mimétisme, c’est une nouvelle fois du très haut niveau.

vendredi 5 avril 2013

Swinging Life


Bobino
14-20, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 08 20 00 90 00
Métro : Gaîté / Edgar Quinet

Spectacle musical mis en scène par Valéry Rodriguez
Chorégraphies de Valérie Masset
Avec : Amalya, Marc Beaujour, Nelly Célérine, Kevon, Aurélie Lamalle, Astou Malva Gueye, Mélina Mariale, Ananda Seethanen, Christian Shummer, William Saint-Val

Le spectacle : Véritable revue musicale rythmée et festive, Swinging Life nous plonge dans le meilleur des comédies musicales noires américaines qui ont fait la légende de Broadway. De Duke Ellington à Quincy Jones, de Porgy & Bess à Sister Act, en passant par La Couleur Pourpre, The Wizz, Smokey Joe’s Café, Dream Girls… les tubes immortels s’enchaînent dans un florilège de performances vocales, de costumes flamboyants et de chorégraphies époustouflantes.
Le spectacle ne raconte pas « une » histoire, mais « des » histoires : celles, fictives, de personnages empruntés aux musicals américains, et celles, réelles, actuelles ou historiques, des rencontres, des amours et conflits, d’humains de cultures diverses…

Mon avis : Comme son nom l’indique, Swinging Life est un spectacle plein de rythme et de vie. Pour swinguer, ça swingue ! Encadrés par un orchestre composé de six remarquables musiciens, les dix artistes de la troupe nous offrent un show ambitieux revisitant quelques unes des plus célèbres comédies musicales qui ont fait la réputation de Broadway depuis plus d’un siècle. Ils savent tout faire : chanter, danser, jouer la comédie.

Dans ce spectacle, il y a de l’énergie, de la joie de vivre, de l’humour (beaucoup d’humour) et aussi, parfois, de l’émotion. Ce n’est pas en effet une simple enfilade de chansons qui nous est proposée car certains tableaux comportent une véritable profondeur sociétale. Des pans de la vie des Noirs américains sont ainsi brossés.
Sans contestation aucune, toutes les voix sont étonnantes. Chacune a son timbre, son grain, sa personnalité. Ce qui nous donne quelques interprétations particulièrement brillantes comme Summertime, Sister, On Broadway ou Stand By Me, pour ne citer que ces quatre énormes tubes. Nous sommes dans la performance dans le sens américain du terme. Une bonne demi-douzaine de fois on peut parler de prouesse vocale… Dans tous les domaines, dans tous les registres, la troupe est épatante, généreuse, drôle. En un mot : irréprochable.

Les seuls reproches que je puis donc adresser concernent le choix des chansons. Personnellement, je m’attendais à un florilège ininterrompu de grands standards de la comédie musicale américaine. Il y en a, certes, et heureusement, mais pas suffisamment à mon goût. En s’attardant un peu trop longtemps sur certains spectacles, on est obligé d’interpréter des titres qui sont moins connus et, surtout, un peu banals, voire ennuyeux. Peut-être y a-t-il eu, à la création de ce spectacle, des problèmes de droits, ce qui fait que certaines comédies musicales à succès planétaire ont été éludées. Nous serons donc indulgents. Le résultat donne un show d’une valeur inégale avec quand même, et c’est tant mieux, une majorité de grand moments. Car, j’insiste, les artistes donnent réellement le meilleur d’eux-mêmes et il est d’un très haut niveau. Après, ce n’est qu’un problème de programmation dont ils ne sont en aucun cas responsables.
On sort néanmoins de Bobino avec de jolies mélodies dans la tête et le plaisir d’avoir vu une troupe hyper-talentueuse qui se défonce et qui partagent avec nous leur bonheur d’être sur scène.

Je tiens également à mettre en exergue la première partie de Swinging Life, qui est assurée par un certain Thierry Gondet, un garçon qui écume la scène depuis une trentaine d'années et qui sait mieux que n'importe qui ce que comédie musicale veut dire car il s'est produit dans un certain nombre (Chicago, Grease, La belle et la Bête, Un Violon sur le toit...). L'homme a du métier, c'est évident. Il occupe l'espace avec un dynamisme joyeux, une tonicité que les ans n'ont absolument pas émoussée et, surtout, avec un humour et une autodérision décapants. On ne parle bien que de ce qu'on connaît. Alors, il égratigne gentiment quelques comédies musicales françaises cultes comme Roméo et Juliette ou Notre-Dame de Paris. Comme il est doté d'une impressionnante tessiture, il est capable de chanter sur tous les registres. Et il bouge et il danse avec une aisance remarquable.
Thierry est un artiste complet qui a sans doute, la cinquantaine venue, trouvé sa voie avec l'expression en solo. La prestation d'un gros quart d'heure qu'il nous offre nous donne envie de le voir dans la totalité d'un show. Or, ça tombe bien, car il se produit tous les mardis à 19 heures à la Comédie des Boulevards dans un spectacle intitulé avec ironie Thierry Gondet est trop vieux pour ses conneries... Il faut en outre savoir que sa productrice n'est autre que Christelle Cholet, connaisseuse on ne peut plus légitime en matière de spectacle complet. Quant à la mise en scène et une partie de l'écriture, elles sont assurées par Rémy Caccia, un autre gage de qualité et d'efficacité.