lundi 26 mars 2012

Le début de la fin


Théâtre des Variétés
7, boulevard Montmartre
75002 Paris
Tel : 01 42 33 09 92
Métro : Grands Boulevards

Une pièce de Sébastien Thierry
Mise en scène par Richard Berry
Décors de Philippe Berry
Avec Richard Berry (Alain), Jonathan Lambert (Hervé), Françoise Brion (Nathalie), Pascale Louange (Nathalie), Anna Gaylor (Jennifer)

L’histoire : Quand Alain regarde sa femme, il voit une grand-mère… Leur vie en commun devient de plus en plus compliquée et leur sexualité impossible.
Mais est-il vraiment lucide ? Est-ce Nathalie qui a changé, ou le regard que son mari porte sur elle ?

Mon avis : Pour moi, nonobstant le grand talent de ses interprètes, la véritable vedette de cette pièce, c’est son auteur, Sébastien Thierry. L’œuvre de cet homme ne ressemble à aucune autre. Il a vraiment un univers qui lui est propre. J’avais déjà pris énormément de plaisir à assister à trois de ses pièces précédentes (Dieu habite Düsseldorf, Cochons d’Inde, Qui est Monsieur Schmitt ?) et, de nouveau, avec Le début de la fin, la magie a fonctionné. Ce diable d’auteur (car il y a quelque chose de diabolique en lui) nous propose à chaque fois une histoire totalement surréaliste, empreinte de burlesque, mais en réalisant le tour de force d’y mettre sans en avoir l’air du sens et du fond. Sébastien Thierry serait peintre, il serait le champion du trompe l’œil (et l’esprit). Ici, la métaphore, traitée à l'encre sympathique, parle de l'usure du couple.

Une fois de plus, il nous a concocté une intrigue totalement loufoque. Il nous faut d’ailleurs un certain temps pour déceler la manipulation et adhérer à son postulat. Tout est une question de regard. Lorsqu’on est dans celui d’Alain (Richard Berry), on voit une Nathalie âgée de « 75 ans », et quand on est dans celui d’Hervé, on contemple une Nathalie très désirable de 35 printemps… Et là, il faut saluer le travail hyper méticuleux de la mise en scène de Richard Berry. Grâce à des trucs tout simples, on sait très vite où on en est. Il faut dire que Richard Berry, qui fut un troublant Monsieur Schmitt dans sa pièce précédente, connaît son Sébastien Thierry sur le bout des doigts. Très à l’aise avec sa grille de lecture, il sait précisément où il veut nous embarquer. Après quoi, ce n’est plus qu’une question de jeu.

Le comédien Richard Berry est comme un poisson dans l’eau dans ce registre. Il joue la confusion la plus extrême avec un sérieux imperturbable, ce qui accentue bien sûr l’effet comique. Tout en finesse, sans jamais forcer le trait, il se montre aussi étourdissant de mauvaise foi que pathétique dans ses mensonges éhontés. La mécanique est parfaitement huilée. Et pour que ce quiproquo farfelu fonctionne, il faut que les rouages soient à l’unisson. Lorsqu’on traite un thème aussi fantasmagorique, il faut jouer en permanence au premier degré. Plus on est réaliste, plus le décalage et l’effet comique sont efficaces… Autour de Richard Berry, le casting est parfait. Jonathan Lambert nous prouve une fois de plus – mais au théâtre – son authentique présence comique. Il donne à son personnage d’Hervé la jolie humanité d’un homme simple et modeste qui se demande d’abord ce qui lui arrive et qui prend peu à peu de l’assurance… Françoise Brion, égérie des années 60-70, apporte à la Nathalie âgée une alternance de pétulance désopilante et une mélancolie de femme délaissée… Pascale Louange, elle, est la vraie Nathalie. Elle la campe avec beaucoup de naturel. Son personnage s’affirme au fur et à mesure que l’intrigue avance, laissant apparaître une femme de caractère qui ne s’en laisse pas conter… Quant à Anna Gaylor, et bien, elle EST Jennifer. Je ne peux pas vous en dire plus pour ne pas gâcher un énième rebondissement issu du cerveau gentiment tarabiscoté de Sébastien Thierry.

Cette pièce est finalement très dense, très complète. Allant de Charybde en Sylla, elle nous tient en haleine jusqu’à la fin. En raison de situations abracadabrantesques, elle contient quelques scènes absolument hilarantes. Elle vire parfois dans le délire le plus fou. La méprise génère ça et là des conversations totalement débiles. C’est un pur régal… Sébastien Thierry aurait-il du sang anglais dans les veines pour se monter aussi brillant dans une forme de non sens so British ? En tout cas, du début à la fin, je me suis vraiment bien amusé.

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