lundi 27 octobre 2008

Le Comique


Théâtre Fontaine
10, rue Pierre Fontaine
75009 Paris
Tel : 01 48 74 74 40
Métro : Blanche / Pigalle

Une pièce de Pierre Palmade
Avec Pierre Palmade (Pierre Mazar), Anne-Elisabeth Blateau (Babeth), Arnaud Tsamère (Arnaud Pelletier), Sébastien Castro (Monsieur Godin), Noémie de Lattre (Noémie Rivière), Delphine Baril (Delphine Mazar), Bilco (Alexis Aben), Jean Leduc (Jean)

Ma note : 8/10

L'histoire : Pierre Mazar, un comique célèbre à la vie débridée, est en panne d'inspiration pour son prochain spectacle qui commence dans un mois.
Et pour cause : les boîtes de nuit, l'alcool et les conquêtes amoureuses masculines l'empêchent de se concentrer sur son écriture. Son entourage panique et décide de le mettre "au vert"... Son assistante, sa soeur, son meilleur ami, mais aussi d'autres personnages vont se lancer dans une course contre la montre pour tenter de sauver cette carrière qui sent le roussi.

Mon avis : Cela fait aujourd'hui vingt ans que Pierre Palmade arrivait à Paris. Il avait 20 ans. Il étonnait déjà par la qualité de son écriture, son sens aigu de l'observation, son goût prononcé pour l'absurde... Vingt ans plus tard, il ne fait que confirmer qu'il est un de nos plus brillants auteurs et, surtout, un dialoguiste hors pair(es).
"Le Comique", à forte connotation autobiographique, est une pièce gonflée. Il y a mis (presque) tout de lui. C'est terriblement impudique, limite scabreux, et ça passe. Au contraire, il nous apparaît infiniment sympathique. Ses faux airs de matamore, sa pseudo tyrannie, ne parviennent pas à dissimuler sa grande vulnérabilité ; même s'il est aujourd'hui beaucoup moins fragile que naguère.
La pièce, dont il faut avant tout saluer la beauté des deux décors (surtout celui de la deuxième partie), commence par une petite rétrospective de la carrière de Pierre Mazar-Palmade. C'est-à-dire une vie de "people" très agitée que le succès, venu très tôt, a tout logiquement déstabilisé et entraîné vers toutes les formes de plaisirs. C'est truffé d'anecdotes réelles, c'est empli d'autodérision, et ça nous délivre un portrait juste et sans concessions d'une star de l'humour. Il ne se fait pas de cadeau. Derrière la gloire et la vie facile, il y a beaucoup de solitude (une "élégante solitude" précise-t-il). Et pour avancer, pour aller au bout de la nuit, on prend des béquilles dont une des plus anesthésiantes est l'alcool. Pierre ne nous cache rien. Le bonheur ? Ce serait la cerise (à l'eau de vie) sur le gâteau au rhum : "Il faut choisir entre libre et heureux. J'ai choisi libre"...

La première partie est franchement étourdissante. Tous les personnages sont impeccables, très typés. Ils sont plus que des faire valoir pour Pierre, ils sont de véritables complices, des miroirs à peine déformants. Longtemps beaucoup plus obsédé par l'esprit de croupe, Pierre découvre avec délices l'esprit de troupe. Les répliques, souvent délicieusement acides, fusent, les formules - véritables aphorismes -nous ravissent, les rebondissements sont efficaces. Fuyant la réalité d'une vie un tantinet désordonnée, Pierre Mazar-Palmade se réfugie dans une forme de désinvolture affectée plutôt que d'avouer son désarroi. C'est qu'il est lucide le bougre ! Il a l'art de se réfugier soit dans la mauvaise foi, soit dans la pirouette d'une brillantissime saillie. Et ça marche... On devrait le détester tant son attitude peut irriter, or on ne l'en aime que plus.
J'ai beaucoup apprécié sa saine colère, sa légitime indignation à propos de la mode du stand-up. C'est tellement vrai ! En effet, ils ne sont pas très relevés les conteurs ; on en reparlera dans vingt ans...
Même si, en réalité, il joue son propre rôle, Pierre Palmade confirme ses grands progrès de comédien. Aujourd'hui, il a acquis la carrure que son talent mérite. C'est-à-dire de bien larges épaules...

La deuxième partie se révèle un peu plus molle, moins rythmée, moins percutante aussi. Mais les circonstances l'imposent. On tombe un peu plus dans une sorte de boulevard farceur avec mensonges et quiproquos. Mais ça reste d'un très bon niveau. Il faut dire que la barre était très haut en première mi-temps... Et toujours ces rebondissements distillés à point nommé. Quelle efficacité !
Difficile également de ressortir un des ses partenaires plus qu'un autre tant chacun a un rôle bien précis et indispensable au bon assemblage de ce meccano. On ne peut toutefois que remarquer l'abattage d'Anne-Elisabeth Blateau dans son rôle d'assistante au dévouement qui frise le sacerdoce, et la présence comique de Sébastien Castro, le gardien sans gêne, sorte d'enfant improbable qu'auraient pu engendrer Régis Laspalès et Stéphane Guillon.

Le Comique est une excellente pièce, une comédie fine et réjouissante. On comprend aisément quelles sont les raisons qui ont amené Pierre Palmade à l'écrire. C'était pour lui une sorte d'exutoire, un prétexte pour être enfin lui-même. Sans aucun doute la manière la plus intelligente et la plus honnête de faire son "comique out".

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