mercredi 21 novembre 2012

Adieu, je reste !


Théâtre des Variétés
7, boulevard Montmartre
75002 Paris
Tel : 01 42 33 09 92
Métro : Grands Boulevards

Une comédie d’Isabelle Mergault
Mise en scène par Alain Sachs
Décors de Charlie Mangel
Costumes de Pascale Bordet
Avec Chantal Ladesou (Barbara), Isabelle Mergault (Gigi), Jean-Marie Lecoq (Jean-Charles), Jean-Louis Barcelona (Gildas)

L’histoire : Gigi (Isabelle Mergault) est engagée par son amant pour tuer sa femme, Barbara (Chantal Ladesou). Lorsqu’elle arrive dans l’appartement, elle se retrouve nez-à-nez avec une femme en détresse. Elle n’ose plus l’assassiner et préfère lui venir en aide. Les deux femmes découvriront peu à peu bien des choses qu’elles ignoraient de cet homme dont elles croyaient être sincèrement aimées…

Mon avis : Les spectateurs s’étranglent de rire, tapent des mains… Dans la salle du théâtre des Variétés, l’ambiance est à la franche rigolade. Les responsables de cette belle hilarité sont deux femmes, une blonde, Chantal Ladesou, et une brune, Isabelle Mergault. Deux foldingues qui ne reculent devant rien pour nous amuser… Au cinéma, les films reposant sur un tandem improbable (à l’instar de ceux de Gérard Oury ou de Francis Weber) fonctionnent généralement à merveille. Ici aussi, le binôme est d’une rare efficacité.
Isabelle Mergault a écrit le personnage de Barbara en pensant à Chantal Ladesou. Elle lui a concocté un rôle sur mesure, un rôle en or où le burlesque est parfois teinté d’émotion.

Le rideau s’ouvre sur un superbe appartement bourgeois, moderne et cossu. La première scène, qui réunit Gigi et son amant Jean-Charles, est très importante car elle nous permet d’assister à la répétition du meurtre perpétré à l’encontre de Barbara, la riche épouse de Jean-Charles et, vu comme ça se déroule, devant la candeur et la maladresse de la jeune femme, on se doute que rien ne se passera comme prévu ; et on s’en réjouit d’avance… Moulée dans une (très) courte robe à fleurs sur laquelle elle ne cesse de tirer en vain vers le bas, Isabelle Mergault campe une femme amoureuse, naïve et naturellement gaffeuse. Elle est pleine de bonne volonté, mais elle manque cruellement de concentration et de motivation. Pas facile de zigouiller quelqu’un de sang froid…
Le premier grain de sable à venir gripper le rouage de ces funestes préparatifs n’est autre que l’intéressée elle-même, la cible, Barbara ! Son apparition en déshabillé vaporeux rosâtre digne de Barbara Cartland et la coiffure crêpée en pétard façon crinière de lionne évaporée, déclenche des gloussements de plaisir. LA Ladesou est au mieux de sa forme. Avec son timbre de voix traînant, sa gestuelle aussi désordonnée qu’appuyée, ses poses invraisemblables et ses mimiques inénarrables, elle focalise la jubilation. Certes, on n’est pas au Français, mais on est en plein boulevard. En pleine autoroute même car pendant près de deux heures Gigi et Barbara vont nous entraîner dans leur folie douce pied au plancher.

Isabelle Mergault a retrouvé toute sa verve. Si sa précédente pièce, L’amour sur un plateau, avait pu comporter quelques faiblesses, autant Adieu, je reste est un spectacle total, sans temps morts, avec des situations réellement cocasses et surtout des dialogues parfaitement ciselés. J’ai relevé bon nombre d’excellents jeux de mots, un joli « Kikiproquo », et quelques répliques qui pourraient devenir culte comme la conclusion de Gigi à la phrase « S’aimer, c’est regarder ensemble dans la même direction… » dont je vous laisse le plaisir de découvrir la chute… Il y a aussi cette exclamation qui revient en gimmick dans la bouche de l’écrivaine Barbara lorsqu’elle apprécie une jolie tournure : « C’est bien ça ! Faut que j’le note… »

Isabelle a aussi truffé malicieusement son scénario de clins d’œil cinématographiques. Elle reprend à bon escient quelques répliques cultes de Bardot dans Le Mépris. Lorsqu’elle donne une leçon de séduction à Barbara, on pense immédiatement au cours de maintien que donne Poiret à Serrault dans La cage aux folles. Lorsqu’elle surgit pour accomplir son forfait, elle parodie visiblement Lara Croft. Quant au dénouement, il m’a rappelé la trame du Crime était presque parfait d’Hitchcock… Il y a même des cascades et un combat à mains nues !

Avec sa propension à l’autodérision, Isabelle s’est également ingéniée à choisir pour elle et ses partenaires masculins des prénoms, Gigi, Jean-Charles et Gildas, qui ne peuvent que provoquer son fameux chuintement.

Mais ce qui rend cette comédie totalement aboutie, c’est qu’elle a su la saupoudrer de séquences où perce l’émotion : le désarroi de Barbara qui veut en finir avec la vie, la mélancolie de Gigi lorsqu’elle dresse son bilan sentimental désastreux (« On ne m’a pas aimée »), la jolie relation qui s’installe entre deux femmes trahies par l’homme qu’elle aime…

Emportée par ces deux phénomènes, Adieu, je reste est une pièce très réussie, efficace, qui n’a pour but que de nous faire rire de bon cœur, sans arrières pensées, sans chichis. C’est une pièce populaire dans le sens noble du terme qui devrait aisément tenir la route du succès jusqu’à l’été prochain.


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