Di Falco Quartet
Lundi soir, dans l’auditorium de l’Espace Georges Bernanos,
J’ai eu le bonheur de découvrir un véritable phénomène : Fabrice Di Falco.
Ce jeune homme, dont quelques relations m’avaient déjà
parlé, est surnommé à juste titre « Le Farinelli créole ». Il est un
des ares chanteurs au monde (ils ne sont paraît-il qu’une vingtaine) à posséder
une tessiture de sopraniste et de haute-contre. Si bien qu’il peut aussi bien
interpréter ces airs qui étaient l’apanage des castrats aux 16è et 17è siècles
que de jouer avec le grain grave de sa voix. Cette particularité l’autorise à
aborder un répertoire on ne peut plus éclectique, passant avec une aisance
déconcertante du baroque au jazz, de l’opéra à la comédie musicale.
Le 12 novembre dernier, j’ai donc pu le découvrir dans une nouvelle
formule, le Di Falco Quartet.
Il nous offre une étrange entrée en scène, très
théâtralisée. Pendant que les musiciens jouent, il apparaît en haut des
travées, revêtu d’une longue chasuble noire, le visage dissimulé derrière un
loup vénitien surmonté de plumes de paon. Il descend lentement les marches qui
conduisent à la scène et, soudain, sa voix, éthérée, cristalline, mélodieuse, emplit
l’espace. Il se déplace au ralenti, hiératique, jubilant sans doute intérieurement
de l’effet qu’il produit sur les personnes qui le découvrent. Sur un rythme
jazzy, il se livre à quelques vocalises étonnantes…
Mais, dès le deuxième morceau, il se démasque, au propre
comme au figuré. Ayant jeté sa soutane aux orties, il quitte résolument son
personnage quelque peu irréel. Juché sur une haute chaise tapissée de tissu antillais,
il se présente avec énormément d’humour et de distance. En préambule à un air
de Vivaldi, à la fois informatif et facétieux, il raconte le phénomène des
castrats.
Son show – car c’en est un – est original, riche et varié. Accompagné
par de formidables musiciens (Jean Rondeau au piano, Aurélien Pasquet à la
batterie et Erwan Ricordeau à la contrebasse), bénéficiant de l’excellente
acoustique de l’auditorium, il chante du Mozart, rend hommage au Chevalier de
Saint-George, Antillais comme lui, dialogue avec la contrebasse, campe un duo
dans lequel, jouant à merveille de son incroyable tessiture, il se répond à
lui-même en tenant à la fois le rôle féminin et le masculin, se livre à une
danse lascive et romantique avec une danseuse et termine son spectacle par une
surprenante version de Adieu foulard,
adieu madras, un chant traditionnel martiniquais datant de 1769 qu’avait
popularisé… Chantal Goya !
Fabrice Di Falco est un personnage hors normes. Alors qu’il
est invité à se produire partout dans le monde, il reste étonnant de
simplicité. Il ne s’enferme pas dans son statut de phénomène vocal. Protégé par
son sens de l’humour, il est accessible et adore papoter avec le public à l’issue
de sa performance (dans le sens anglo-saxon du terme). En plus de ses
prodigieuses qualités vocales, il est incontestablement une belle âme.
Si vous ne le connaissiez pas, retenez bien son nom et
guettez ses prochaines prestations car il n’a pas fini de nous surprendre et de
nous enchanter.
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