L’Archipel
17, boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Tel : 01 48 00 04 05
Métro : Strasbourg Saint-Denis
Une pièce écrite et mise en scène par Gil Galliot
D’après une idée originale de Sandra Gabriel
Avec Sandra Gabriel
L’histoire :
Paris, octobre 1943. Au cabaret du Tire-Bouchon, le rideau s’ouvre comme chaque
soir sur Nini, personnage haut en couleur, dotée d’une gouaille sans pareille
et qui, sous la forme d’une revue, se raconte et met sa vie en scène en
chantant et dansant devant un parterre de vert-de-gris et de noceurs. Nous
sommes en plaine Occupation allemande…
Nini, reine de la nuit et femme hors norme, tombe amoureuse
de Hans, un sous-officier de la Wermacht, sans se soucier de son statut d’occupant
puisqu’il occupe son cœur avec bonheur…
Mon avis : Le
théâtre de l’Archipel est en réalité un îlot convivial et confortable. On s’y
sent bien. La scène de la petite salle où se joue Nini ne fait que quatre mètres de large, ce qui est peu. Surtout
quand on découvre la performance artistique et physique que va y accomplir
Sandra Gabriel dans le rôle-titre…
Pour être tout à fait honnête, je suis rentré dans ce
spectacle sur la pointe des pieds. J’ai été certes immédiatement charmé et
amusé par la gouaille de Nini, jeune Normande montée à Paris pour y concrétiser
son rêve de jeune fille : devenir artiste. Elle va d’ailleurs préciser un
peu plus tard qu’après trois générations de femmes qui gagnaient leur vie « horizontalement »,
elle va être la première à la gagner de façon « verticale ». Ça en
dit déjà long sur son état d’esprit… Nini est une nature. Elle déborde de joie
de vivre et de sensualité, elle est espiègle, insouciante, taquine, mais
surtout très saine. Et très « scène » aussi. Elle sait tout faire :
c’est une conteuse truculente, qui appelle un chat un chat, qui a parfaitement
assimilé l’argot de Pantruche, et elle est également une remarquable danseuse
et une excellente chanteuse. Une chanteuse réaliste à la manière des héritières
de Berthe Sylva, Fréhel ou Damia.
Donc Nini se raconte. Avec beaucoup d’humour et d’autodérision.
Elle évoque son enfance, les passés de gourgandines de son arrière-grand-mère,
de sa grand-mère et de sa mère ; elle fait revivre le curé et l’instituteur.
En dépit de cette lourde hérédité de femmes légères, alors qu’elle fort bien
faite de sa personne, Nini préfère prendre son destin en main. Elle ouvre le
bocage à l’oiseau qui vibre en elle. Après s’être produite dans différentes
cabarets parisiens, elle est devenue meneuse de revue au Tire-Bouchon, un
établissement dont l’essentiel de la clientèle est composé soldats allemands. Elle,
elle n’a pas d’états d’âme. Elle aime son boulot, elle s’éclate sur scène, elle
donne sans compter, sans arrière-pensée. Mais, néanmoins, elle est complètement
lucide sur ce que vivent les Français sous le joug de l’occupant.
Son slogan est aussi simple qu’imparable, elle est « une
femme libre sous l’Occupation »… Facile à dire, moins facile à vivre.
Surtout quand on nourrit une sincère passion amoureuse pour un sous-officier de
la Wermacht, le beau et sentimental Hans… On pense alors furieusement à
Arletty, et aussi au formidable film de Louis Malle Lacombe Lucien, deux histoires qui font réfléchir et qui poussent à
l’indulgence, avec le sempiternel questionnement : « Qu’aurions-nous
fait à leur place, dans la même situation ? ».
Pour en revenir à Nini,
plus le spectacle avançait, plus je me laissais happer et entraîner par la
folle générosité de Sandra Gabriel. Elle est débordante de vie, de simplicité
et de naturel. Elle demande à ne pas être jugée. On ne peut que la comprendre
et l’aimer. Et on l’aime de plus en plus. Et encore plus à la fin.
Nini est vraiment
un beau spectacle, remarquablement écrit, intelligent, drôle, entraînant et
émouvant. Sandra Gabriel EST Nini. Elle est complètement investie par son
personnage. Elle y va à fond, humaine et impudique. Et surtout libre et
assumée.
Il faut en outre souligner la qualité de la bande-son et
aussi l’importance des images d’époque projetées sur un écran. Ce qui accroît
le ton de véracité et le réalisme du récit. Si bien que, devant tant d’authenticité,
on se demande à la fin si cette Nini n’a pas réellement existé. Mais il a dû y
en avoir des Nini comme elles durant cette période trouble et agitée… En tout
cas, elle nous donne à voir une bien belle histoire de femme…
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