vendredi 10 février 2012
Gratin de famille
Théâtre du Petit Saint-Martin
17, rue René Boulanger
75010 Paris
Tel : 01 42 02 32 82
Métro : Strasbourg Saint-Denis
Ecrit et interprété par Marie Montoya
Mise en scène de Lucie Muratet
Lumières et vidéo de Christoph Guillermet
Le propos : Comédienne d’une puissance comique incroyable, Marie Montoya, après nous avoir régalés dans Hors Piste, nous plonge dans l’univers drôle et poétique de son nouveau spectacle Gratin de Famille.
Seule en scène, elle refait le parcours digestif de sa vie. Comment digère-t-on nos bonheurs et nos coups durs ? Les évènements du quotidien parcourent-t-ils le même chemin que les aliments ? Que faisons-nous de tout cela ?
« je suis ce que j’ai bouffé, ingéré, digéré. Je suis faite de toutes ces miettes. Je suis comme une boule de pain à la croûte épaisse. »
Mon avis : On ne peut imaginer spectacle plus personnel. Encadrée par six réfrigérateurs ( ?), quatre gros combinés en fond de scène et deux petits modèles au milieu qui vont à la fois tenir leur mission de frigo et servir d’écran de projection, Marie Montoya nous offre une heure d’un one woman show tout à fait original. Lorsqu’elle déboule, tout de blanc vêtue, telle une joueuse de tennis des années 30, avec bandeau dans les cheveux, on comprend très vite que l’on n’a pas affaire à une femme mais à une gamine de 5 ans.
En effet, Gratin de famille se décompose en trois époques : Sept dixièmes d’enfance, deux dixièmes d’adolescence et un d’âge adulte. Marie va donc nous raconter l’histoire. Pourquoi y avoir associé le mot « gratin » ? Pour deux raisons : d’abord parce que la majorité de ses proches était particulièrement gratinée, ensuite – et là il faut prendre le mot dans son sens propre – parce qu’il y est régulièrement cesse question de références culinaires ou gastronomiques. Rappelez-vous que nous sommes dans la tête d’une fillette de 5 ans. Tout ce qu’elle vit, elle le voit à travers le prisme de ses sensations, qu’elles soient visuelles ou gustatives, environnementales ou existentielles.
Elle passe sans cesse du coq à l’âne, réagit par flash. Elle essaie de nous retraduire toutes ses perceptions d’un quotidien rythmé par les événements familiaux, la radio, la télévision, les chansons, les réclames. La petite Marie est une éponge. Elle absorbe, puis elle régurgite en nous éclaboussant de son insouciance, de ses indignations, de ses emballements… Bien sûr, comme toutes els petites filles, elle déborde d’énergie. Elle saute comme un cabri, court, danse, chante, fait des grimaces, grimpe sur les meubles, triture ses vêtements, imite l’accent toulousain de sa mère et de ses copines, rejoue pour nous Angélique Marquise des Anges… En même temps, se contentant des faits sans les analyser, elle grandit devant nous et observe ce qui se passe autour d’elle ; ses parents séparés, ses quatre grands frères et plus particulièrement le numéro 2 qui s’avère être, de loin, le plus « gratiné » de la fratrie. Nous avons ainsi droit à un maelstrom de brèves avec un seul fil rouge : la nourriture. Il est tout de même rare de voir une enfant se shooter devant… un morceau de pâté ! Mais elle est tellement candide et fofolle que l’on accepte tout.
Avec sa bouille mutine, son incroyable présence comique, Marie Montoya est une sacrée nature. Ce spectacle autobiographique, elle l’a écrit toute seule. Elle avait envie d’évoquer cette famille paradoxale et pourtant si semblable à tant d’autres. Elle a vécu des drames, des disparitions, des choses tout de même violentes, mais elle a la grande finesse d’éviter le moindre larmoiement. Le pathos, ce n’est pas son registre. Elle est viscéralement pour le positivisme et la reconstruction.
Déjà, tout ce qu’elle raconte, ça parle aux trentenaires qui sont dans la salle. Ils ont tous été accompagnés par les mêmes artistes, nourris aux mêmes programmes télé, gavés aux mêmes spots publicitaires. Mais Gratin de famille va bien au-delà du simple partage générationnel, tout le monde en fait est concerné par les rapports parents-enfants, frères-sœurs, par l’école, par les premiers émois amoureux… Inévitablement, à un moment ou à un autre du spectacle, par un simple effet mémoriel, on est ramené dans notre propre vécu. Son histoire, si personnelle, nous intéresse et nous interpelle par ricochets.
Enfin, il faut souligner les nombreuses astuces de mise en scène et l’utilisation attendue ou inattendue des réfrigérateurs. Si certains contiennent ce qu’il est naturel d’y trouver, œufs, yaourts, conserves… d’autres, au contraire, s’ouvrent sur des objets qu’il est totalement incongru d’y trouver. Je vous en laisse la surprise.
Quant à Marie Montoya, elle occupe l’espace avec une générosité et une énergie débordantes et communicatives. Et, à travers ce spectacle intime mais pas intimiste, elle va chercher des choses qu’elle n’avait pas pu nous montrer dans ses précédentes comédies chorales. Elle nous offre là une vraie performance d’actrice, et de femme... Et puis, pour ce qui me concerne, c’est la toute première fois que j’assiste à un vol de chouquettes…
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