Théâtre Déjazet
41, boulevard du Temple
75003 Paris
Tel : 01 48 87 52 55
Métro : République
Spectacle musical d’après une idée originale de Christian
Faviez
Ecrit par Christian Faviez
Composé par Philippe Brami
Arrangé et dirigé par Roland Romanelli
Musiciens : Roland Romanelli ou Pierre Polvèche (accordéon,
piano et accordina), Jeff Mignot ou François Combarieu (guitare)
Chant et comédie : Emily Pello, Laurent Viel
Lumières de Jacques Rouveyrollis
Voix de la radio : Patrice Laffont
Présentation :
Rue de la belle écume, le spectacle
qui revisite la chanson française…
En ces temps pas si lointains, à la fin du disque, le bras
se retirait. Le personnage de la chanson se retrouvait alors seul dans le noir
du vinyle. Mais il était là ! Plus vrai que vrai, indubitablement vivant
par la grâce et le talent de son créateur. Il était gravé à jamais dans le
sillon de la conscience collective.
Un poète meurt, pas sa poésie !
Ce spectacle donne la parole aux personnages de chansons.
Comme Proust se souvient de la madeleine, la Madeleine se souvient de
Brel ; l’Aigle Noir chante sa rencontre avec Barbara ; le Gorille de
Brassens a fait des petits et la Jolie Môme de Ferré a vieilli… Ainsi va la vie
de l’autre côté de la réalité comme elle va de ce côté-ci…
Mon avis : Je
suis de ceux qui pensent que Guy Béart s’est fourvoyé en affirmant qu’il n’y
avait « plus d’après à Saint-Germain des Prés ». Je me range plutôt
du côté de Charles Trenet qui proclame si justement que « longtemps,
longtemps, longtemps après que les poètes ont disparu, leurs chansons courent
encore dans les rues ». C’est tout à fait ce qui se passe plus précisément
dans la rue de Belle Ecume, quartier populaire bien éloigné du microcosme
germanopratin. D’une part hier et aujourd’hui y font bon ménage, mais on y célèbre
également avec passion le culte de « l’après ».
Non seulement on y entretient un amour fervent pour nos plus
grands artistes et pour les chansons qui sont à jamais rangées dans le grand
juke-box de notre patrimoine, mais on y a eu la magistrale trouvaille de faire
revivre les personnages qui en étaient l’âme.
Quelle superbe idée que de redonner vie à la Madeleine que
Brel a attendue en vain. Le tram 33 a continué sa route sans eux et les frites
chez Eugène ont refroidi dans leur assiette. Aujourd’hui, celle-qui-n’est-pas-venue
a 75- ans et elle raconte la vie qu’elle a eue loin du Grand Jacques… Et cette
coquine de Paulette, la fille du facteur, qui faisait tourner les têtes et tirer
la langue à ses cinq prétendants en pédalant plus énergiquement qu’eux, elle se
souvient bien de cette époque pleine d’insouciance et de son petit préféré, Ivo…
Cet astucieux procédé, on peut le décliner à l’envi. Rue de la Belle Ecume, on se contente d’en
développer une douzaine. Mais quelle douzaine : Brel, Piaf, Ferré,
Brassens, Vian, Trenet, Dalida, Montand, Fernandel, Barbara, Bécaud, Aznavour.
Et quelles chansons aussi ! De celles qui comptent, qui ont marqué,
marquent et marqueront plusieurs générations.
Je me suis senti bien Rue
de la Belle Ecume. Il y flotte le doux parfum de la nostalgie. On ressent l’émotion
partagée de tous ceux qui y ont fait halte pour un soir. Mais on y rit aussi.
Je pense que Tonton Georges eût follement apprécié de savoir que la brève
idylle d’un soir à l’abri d’un « maquis » entre son Gorille et le
juge a eu un fruit… En revanche, Fernandel eût sans doute moins apprécié la propre
version de Félicie à propos de leur soirée. Il n’y tient pas le beau rôle. La
vengeance a posteriori de la jeune Bourguignonne est aussi savoureuse que
légitime. C’est bien d’avoir un deuxième son de cloche…
Et ainsi de suite… Chaque chanson possède son épilogue et il
ne faut pas tout dévoiler car la Rue de
la Belle Ecume est peuplée de gentils fantômes.
Cette « écume » qui vient nous rafraîchir les
idées est en fait celle qui, portée par la bise, vient de la Mer de Charles Trenet
pour humecter délicatement les plages de nos chers vieux vinyls. Ecume des
jours pour laver l’honneur du Déserteur de Vian ; écume des nuits pour permettre
à un Aigle Noir de tenter d’apaiser les élancements d’une horrible blessure…
Je n’ai guère que deux petits (minuscules) reproches à
adresser à l’auteur, Christian Faviez. Tous ses textes sont impeccables. Mais,
en bon pinailleur que je suis, j’aurais aimé que Madeleine nous explique plus en
détails pourquoi elle n’est pas venue au rendez-vous… Et puis je pense qu’il
eût été plus poignant que les confidences de L’Aigle Noir évoquent plus explicitement
le drame qui a amené Barbara à écrire cette métaphore…
Mais, si notre passage Rue
de la Belle Ecume nous laisse au cœur et à l’âme un souvenir encore plus
profond, on le doit surtout à un quatuor d’artistes absolument épatants. Pierre
Polvèche et François Combarieu, les deux musiciens qui officiaient hier à la
place de Roland Romanelli et Jeff Mignot sont en tout point remarquables.
Et puis il y a les deux chanteurs. J’avoue avoir pris une
claque. Pour paraphraser André Manoukian : « Ils m’ont fréquemment
fait dresser les poils »… Tous deux, très complices et complémentaires,
possèdent des voix rares, une diction parfaite et un sens aigu de la comédie…
Laurent Viel est un artiste de music-hall complet. Il est sensible, drôle,
totalement habité par ses personnages, très à l’aise avec son corps. J’avais
déjà assisté à ses tours de chants et il n’a fait que confirmer l’immense
talent que je lui connaissais.
Quant à Emily Pello… Ah, Emily ! Je suis tombé sous le
charme. Elle a une présence, une prestance et un tempérament absolument
étourdissants. Non contente de faire ce qu’elle veut avec sa voix, de nous
émouvoir ou de faire le pitre, elle dégage une sensualité qui aurait
indubitablement séduit Brassens. Sa « Vénus callipyge », c’est elle.
En conclusion, si vous ne savez pas où aller dans Paris en
ce mois d’août, courez Rue de la Belle
Ecume au Déjazet. Vous y vivrez sincèrement un grand moment d’émotion et de
plaisir purs…
Gilbert « Critikator » Jouin
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