mercredi 30 décembre 2009

Charles Aznavour "A voix basse"


A 85 ans, Charles Aznavour s’autorise une petite halte dans un emploi du temps toujours aussi trépidant pour dresser une sorte de bilan global à la fois sur son propre parcours et sur l’évolution du monde qui l’entoure. Charles Aznavour, on le sait, n’a jamais eu sa langue dans sa poche. Alors, aujourd’hui, avec la liberté que lui confère son âge, il se gêne encore moins. Et, comme il a remarqué que plus l’on criait moins on était entendu, c’est A voix basse qu’il préfère s’adresser à nous. L’homme, comme le chanteur, sait à merveille utiliser sa voix de velours pour nous séduire, nous émouvoir, nous interpeller et nous convaincre.

A voix basse est un ouvrage très complet. Il nous propose un regard panoramique sur une destinée hors du commun.
Charles Aznavour revient sur son enfance, nous livrant des pages de sa vie que l’on connaît peu ou mal. « Mes classes, je les ai faites sur scène », reconnaît-il, assumant son statut d’autodidacte. Sa culture, il se l’est choisie et forgée tout seul, le plus souvent au gré de sa curiosité et de ses lectures. Grâce à ses parents, il a été immergé très tôt dans le monde de la musique et du cinéma. La radio a tenu également un rôle prépondérant dans son éveil… Charles Aznavour a débuté sur les planches dès l’âge de 9 ans, au théâtre. Mais pour lui, la comédie restait un art secondaire, avant tout un gagne-pain. C’est la chanson qui l’attirait. Grand admirateur de Charles Trenet, il lorgnait du côté des auteurs-interprètes. Il se sentait de leur famille. Il appréciait leur indépendance de ton et, s’appuyant sur leur modèle, il voulait imposer sa différence. Mais autant ses premiers interprètes furent conquis par ses chansons, autant les journalistes s’ingéniaient à focaliser sur son physique « ingrat »… Lui, convaincu de l’originalité de son talent, il continuait avec « opiniâtreté » à apprendre son métier… On sait aujourd’hui combien il a eu raison de s’obstiner car, allant « de galas en galères », il allait enfin être récompensé de sa ténacité. En 1954, à 30 ans, il connaissait enfin le succès et obtenait le noble statut de chanteur populaire.

Pourtant, dans cet ouvrage profondément autobiographique, Charles Aznavour ne se contente pas de parler de lui. Il se livre à de nombreuses réflexions et analyses sur le monde. Toujours « A voix basse », il envoie quelques coups de gueule, des indignations dignes de l’être qu’il a toujours été sans trop le montrer : un homme en colère ». Le privilège des anciens, c’est qu’ils peuvent l’ouvrir et il n’a pas l’intention de s’en priver.
Très attentif à l’éclosion des jeunes pousses de la chanson française, il joue à l’aîné en prodiguant quelques conseils avisés aux jeunes artistes, il s’attarde sur ces relations qui sont exacerbées à peine qu’on a du succès, la gestion des médias, des courtisans, des collègues, des proches. Il y a toujours danger à se laisser éblouir par les feux de la célébrité… Aznavour, lui, a toujours su prendre le temps de s’arrêter pour « faire le point ». Il a toujours entretenu l’admiration qu’il portait à ses aînés et, surtout, il a toujours respecté le public. Les valeurs sur lesquelles il n’a jamais cessé de s’appuyer sont la discrétion et l’humilité.
Au détour des pages, il évoque sa dizaine d’années passées auprès d’Edith Piaf, il raconte ses Etats-Unis, sa passion pour la photographie… En fait, il vivre énormément de lui-même, de ses rapports avec l’écriture et sa façon de travailler, à ses relations familiales d’hier et d’aujourd’hui, ses origines arméniennes, ses quarante-cinq ans d’union avec Ulla ; des quatre Aznavourian qu’ils étaient au départ au clan Aznavour qui s’est constitué autour de lui…
Enfin, il a encore l’insouciance de parler de l’avenir…

A voix basse est un ouvrage passionnant sur le parcours d’un homme qui fait intégralement partie de notre patrimoine. Avec beaucoup de recul, mais avec une certaine véhémence, il nous offre une auto-analyse d’une grande lucidité et un regard aiguisé sur le monde tel qu’il fut et qu’il est aujourd’hui.

A voix basse
Don Quichotte Editions. 17 €

jeudi 24 décembre 2009

Arthur, l'aventure 3D "Bienvenue chez les Minimoys"






Le 19 décembre dernier, Luc Besson a procédé au lancement de la toute nouvelle attraction du parc du Futuroscope de Poitiers, Arthur, l’aventure 4D. En présence de nombreux journalistes et de quelques artistes, muni d’une énorme clé, il a symboliquement ouvert l’immense portail qui donne accès au monde fabuleux des Minimoys…
Après avoir parcouru un long dédale qui nous permet de découvrir l’univers souterrain et l’environnement de ces minuscules créatures, nous accédons à une salle d’embarquement futuriste équipée de nacelles dans lesquelles on nous demande de nous installer après avoir, au préalable, chaussé une paire de lunettes spéciales. Nous comprenons bientôt qu’à notre tour nous avons été réduits à une taille microscopique et que notre moyen de locomotion va être… une coccinelle. Soudain, Arthur, Séléna et Bétamèche surgissent devant nous. Ils sont tout excités car le moment est venu pour Arthur de regagner le monde des humains. A leur suite, nous nous engageons dans une tumultueuse et trépidante course contre la montre. A bord de notre « coccicar », malmenés, secoués, nous filons dans un décor à la fois féérique et semé d’embûches. On survole la très animée Paradise Alley, des toiles d’araignées nous freinent, un énorme rat nous pourchasse, une gigantesque grenouille Projette sa langue pour nous engluer. Toutes ces sensations, parfois désagréables, nous les ressentons dans notre nacelle lancée à toute vitesse. Arriverons-nous à temps pour permettre à Arthur de retrouver les siens ?

Cette nouvelle attraction que nous propose le Futuroscope est unique au monde. Elle consiste en un film d’animation supervisé par Luc Besson et réalisé par les créateurs du long métrage, projeté sur un dôme IMAX de 900 m2. La 4D permet au visiteur de pénétrer dans un monde en relief et de multiplier les effets sensoriels, pendant qu’un simulateur de mouvements synchronisé lui donne réellement l’impression d’être au cœur de l’action. Arthur, l’aventure 4D est une formidable réussite sur le plan technologique. Le graphisme du pays des Minimoys est d’une rare esthétique. On est DANS le film.
C’est un véritable spectacle « Besson et lumières ».

Cette nouveauté sera présentée en avant-première au Futuroscope de Poitiers jusqu’au 3 janvier 2010, puis en continu à partir du 6 février.

mercredi 23 décembre 2009

La pensée du jour

Suite à l'agression dont il a été victime, Sylvio Berlusconi remonte dans les sondages :
Cet incident arrive vraiment à poing nommé...

Bonnie & Clyde


L’Alhambra
21, rue Yves Toudic
75010 Paris
Tel : 01 40 20 40 25
Métro : République / Jacques Bonsergent

Genre : Polar musical
Mis en scène par Antoine Lelandais
Musiques de Raphaël Bancou
Scénographie de Sarah Bazennerye
Costumes de Virginie Houdinière et Sarah Dupont
Chorégraphies d’Armelle Perron
Maître d’armes : Benoît Cambillard
Avec Cécilia Cara (Bonnie Parker), Fabian Richard (Clyde Barrow), Christine Bonnard (Anita Villa-Lobos), Gilles Vajou (Alvarez / Almafuerte), Magali Bonfils (Gabrielle), Antoine Lelandais (Willy Woofy), Fabien Hily (Cosmo), Sabrina Boudaoud (Môme Dina), Raphaël Bancou (Lieutenant Jakowski)

Ma note : 7/10

L’histoire : Une cambrioleuse de talent dérobe les diamants d’Alvarez, le parrain de la mafia newyorkaise. En réponse, celui-ci envoie son bras droit afin de l’éliminer. Problème : elle s’appelle Bonnie… il s’appelle Clyde…

Mon avis : Il fallait un certain courage et/ou beaucoup d’enthousiasme pour porter à la scène la mythique histoire de Bonnie Parker et Clyde Barrow. Ce couple est tellement gravé dans la mémoire collective par ses interprètes précédents : Faye Dunaway et Warren Beatty pour le film, Brigitte Bardot et Serge Gainsbourg pour la chanson. Excusez du peu ! En plus, on a en permanence la chanson dans la tête. Sacré handicap au départ…

L’épopée commence sur un air d’harmonica. Trois musiciens enchaînent en « live »… Willy Woofy, animateur d’une radio de Brooklyn, va en être notre narrateur. Grâce à un habile flash-back digne du cinéma, nous assistons au premier exploit de Bonnie Parker. Déguisée en hôtesse de l’air, elle s’empare d’un sachet de bijoux que convoie Gabrielle, âme damnée d’Alvarez, le patron de la pègre newyorkaise et, accessoirement maîtresse de son homme de main, le brutal et séduisant Clyde Barrow… Cette première scène de combat est remarquablement chorégraphiée. Cécilia Cara, particulièrement sexy dans sa tenue d’hôtesse de l’air, jupe fendue, chemisier blanc et ravissant petit calot, nous la fait carrément à la Kill Bill. Les arts martiaux n’ont plus de secret pour elle. Nous sommes bien loin de la gentille et romantique Juliette qui l’avait fait connaître… Quant à Clyde, c’est un vrai dur. Il ne connaît qu’une loi : son flingue. C’est un tueur impitoyable et cynique… Leur rencontre va être explosive. Nous assistons à un coup de foudre en direct.

Beaucoup de choses m’ont séduit dans ce « polar musical »… D’abord, l’histoire tient parfaitement la route. C’est une véritable tragédie grecque transplantée à Brooklyn qui se déroule sous nos yeux. Il y a de l’action, des rebondissements, des personnages bien dessinés, une mise en scène intelligente…. Grâce à un scénario solide, truffé de ramifications et de rebondissements, le tout est très crédible.
Ce que j’ai apprécié également, c’est que l’auteur du livret n’a pas succombé à la facilité en évitant tout manichéisme. Ceux qui ont l’air gentil peuvent trahir, les gangsters au cœur de pierre peuvent faire preuve de commisération. Il y a du feu, du sang, de l’amour, de l’humour, de l’émotion. De l’humain, quoi ! Nous assistons par exemple à une surprenante confession de Bonnie qui avoue presque à contrecœur qu’elle est excitée par la montée d’adrénaline que lui procurent ses hold-up. Pourtant, sa vocation, au départ, c’est d’incarner une sorte de Robin des Bois en jupons. Ces sentiments troubles sont fort bien analysés.
Mardi, c’était le soir de la première représentation. Après quelques ajustements, quand tout le monde aura bien pris ses marques, le spectacle va devenir plus rythmé, plus huilé, plus intense encore. Honnêtement, c’est du très bon travail. Les chorégraphies sont réussies, les scènes de combat originales et très physiques. Tous les protagonistes de ce drame – ils sont neuf – sont vraiment bons. Et les musiciens eux aussi participent à l’action en se muant en comédiens avec un réel talent. Sincèrement, il y a beaucoup d’inventivité dans cette mise en scène.

Maintenant, il y a un élément qui m’a quelque peu perturbé. Bonnie & Clyde est annoncé comme étant un « polar musical ». Or, je l’ai trouvé plus « polar » que « musical ». C’est effectivement bien âpre, bien noir, bien violent. Mais il m’a semblé que la musique, par manque de mélodie, n’était pas au diapason. Les chansons sont plus parlées que chantées. C’est peut-être un parti pris, mais il nous manque deux ou trois « tubes » qui pourraient dynamiser la bande son. Il y a certes des morceaux réussis comme le gospel, la chanson un peu bluesy de Dina, l’ambiance sud-américaine de celle de Cosmo le recéleur. Ça va faire mal, interprétée par le flic, est un bon air jazzy, Anita se fend d’un joli Combien de temps… C’est dommage, pour un spectacle musical qu’il n’y ait pas plus de vraies belles chansons qui s’installent dans notre tête et nous accompagnent ensuite dans le métro. Bref, j’ai trouvé les chanteurs plus convaincants que leurs chansons…
Mais, mis à part ce petit reproche, j’ai pris beaucoup de plaisir à suivre le déroulement de cette histoire d’amour et de violence. Le couple Bonnie/Clyde fonctionne parfaitement. Le charisme est là, ils assurent. Comme je le mentionnais plus haut, tout le monde est bon, d’Anita l’ex-prostituée devenue prêcheuse à Alvarez, le parrain, en passant par Gabrielle la tueuse ou Dina la serveuse. J’ai également bien aimé le timbre de voix du lieutenant Jarowski et sa désinvolture.
Allez voir Bonnie & Clyde. Déjà, ça a le mérite d’être une création française. L’histoire est costaude et les comédiens sont épatants. C’est un très bon divertissement. Et puis il y a Cécilia Cara. On la savait excellente chnateuse et très bonne comédienne ; mais là, elle nous épate aussi par ses qualités athlétiques.

Dany Boon "Trop stylé"


L’Olympia
28, boulevard des Capucines
75009 Paris
Tel : 01 55 27 10 00
Métro : Madeleine / Opéra / Auber

Ma note : 7,5/10

Mon avis : Ce qui est avant tout évident, c’est le plaisir que dégage Dany Boon de se retrouver sur scène après « trois ans d’attente ». La deuxième chose qui est également patente, c’est que l’humoriste s’est donné les moyens de son envie. Il n’a en effet pas lésiné sur les effets spéciaux et les « fournitures ». Son apparition en ombre chinoise – procédé qui sera repris avec bonheur à la fin – est particulièrement originale et correspond totalement à son univers loufoque… Et puis il apparaît. Elégant dans son costume gris, avec un large sourire et un gros lapin blanc dans les bras. Dany voue une tendresse particulière pour ces bestioles en raison de leur singularité physique : les grandes oreilles.
Il entame son spectacle avec une sorte de revue de l’actualité, s’attardant plus longuement sur la grippe porcine, ce qui lui permet d’évoquer un scénario catastrophe vers lequel le dirige inévitablement son hypocondrie chronique. Puis il reprend son fameux accent du Nord pour camper un maçon poivrot à la démarche hésitante et à la diction empâtée dont l’obsession est de proposer ses services pour reconstruire… le mur de Berlin !
Dany Boon maîtrise parfaitement son sujet. Son spectacle, habilement monté, ne fait que monter régulièrement en puissance. Amateur de ruptures, il passe de l’humour tendre (la berceuse de maman) à l’humour vache (l’évolution des relations au sein du couple), s’offre un numéro désopilant de beat box, et s’attarde longuement sur les effets secondaires de l’extravagant succès de son film Bienvenue chez les Ch’tis. On sent bien qu’il en est très fier, mais il il n’y met heureusement aucune arrogance. Juste un peu d’autosatisfaction somme toute assez légitime. Il révèle quelques anecdotes de tournage et parle même de la parodie porno de sa comédie…

Il consacre ensuite une fort jolie parenthèse en forme d’hommage à un artiste qu’il appréciait énormément, Raymond Devos, ce qui lui permet outre ses talents de musicien et de chanteur, de faire une incursion dans un domaine où il excelle, l’absurde. Il entame alors la partie plus musicale de son spectacle en se livrant, en s’accompagnant au piano, à une petite charge sur la nouvelle chanson française. Et, puisqu’il est au piano, il tente une nouvelle fois de mener à son terme l’interprétation d’un des ses « tubes, Piensa me. Les trois sketches suivants sont également d’une très bonne tenue. Il s’attarde sur les inventions débiles, campe un vieillard qui vient narguer son médecin traitant malade (superbe idée), pour enchaîner sur un plaidoyer bien noir, bien trash et entaché d’une sordide mauvaise foi, en faveur de l’euthanasie, une euthanasie dont la « bénéficiaire » est, évidemment, son épouse. C’est un très, très bon sketch.
Le rappel est consacré à une reprise qui réjouit tout le public, celui sur la Poste et les postiers.
Et je n’aurai pas l’indécence de vous narrer un final que l’on peut qualifier d’ubuesque. Effet sur les zygomatiques garanti…

Remarquable showman, Dany Boon sort de scène épuisé par sa débauche d’énergie, mais profondément heureux de ce grand moment de partage avec un public enfin retrouvé.

Avant de terminer cette chronique, je ne peux que vous recommander de courir à la Comédie de Paris assister à l’intégralité du spectacle de l’humoriste qui assure la première partie de Dany Boon, Jérôme Commandeur. Les deux excellents sketches qu’il nous livre sur la scène de l'Olympia ne pourront en effet que vous mettre en appétit.

mardi 22 décembre 2009

Désiré


Théâtre de la Michodière
4bis, rue de la Michodière
75002 Paris
Tel : 01 47 42 95 22
Métro : 4 septembre

Une pièce de Sacha Guitry
Mise en scène par Serge Lipszyc
Décors de Charlie Mangel
Costumes d’Emmanuel Peduzzi
Avec Robin Renucci (Désiré), Marianne Basler (Odette Cléry), Jean-Philippe Puymartin (Félix Montignac, ministre des PTT), Marion Posta (Madeleine, la femme de chambre)), Alycia (Adèle, la cuisinière), Nathalie Krebs (Henriette Corniche), Jean-Christophe Barc (Adrien Corniche)

Ma note : 7/10

L’histoire : Désiré, valet de chambre stylé, entre au service d’une actrice, maîtresse d’un ministre ; Malgré les convenances, Désiré tombe amoureux de sa patronne, ce qui lui est déjà arrivé par le passé… Mais cette fois-ci, à son corps défendant, Mademoiselle n’est pas insensible à ses charmes…

Mon avis : Une fois encore le théâtre de la Michodière nous propose une fort bonne pièce de théâtre. Vous pensez, c’est du Guitry. Et Guitry, c’est Guitry quoi ! C’est des bons mots, des aphorismes, de la malice, de la misogynie, de la distance et beaucoup, beaucoup d’esprit. De tout cela, Désiré en est truffé.
Le ton est donné dès la première scène qui met en présence Madeleine et Adèle, respectivement femme de chambre et cuisinière au service d’un personnage important, monsieur Montignac, qui se trouve être le ministre des PTT quand la pièce commence. Très complices, les deux femmes, dans le secret de l’office, se laissent aller à déblatérer sur le couple formé par leur maître et sa jolie maîtresse, Odette Cléry, une comédienne de seconde zone, qui vise un riche mariage en prévision d’une reconversion plus réussie. Les deux domestiques s’en donnent à cœur joie, chacune avec sa propre personnalité, la cuisinière (Alycia) se révélant particulièrement haute en couleurs, alors que la femme de chambre (Marion Posta) est un peu plus posée tout en étant pétillante et pleine de bon sens.. Leurs patrons devant rejoindre leur propriété de Deauville, elles sont en plein préparatifs. Mais il manque toujours un valet de chambre. Or, en voici un qui se présente, répondant à la petite annonce. C’est, bien sûr, Désiré. Un homme élégant, enjôleur, plein de charme. Un charme qui agit d’ailleurs immédiatement sur Madeleine et Adèle ! Puis, d’une manière plus confuse, plus inconsciente, sur Odette Cléry qui, après moult tergiversations, finit par l’engager.
Ce premier acte sert en quelque sorte à dessiner les caractères des différents protagonistes. Désiré, bientôt, se rend indispensable. Très stylé, prévenant, respectueux, suave, anticipant les demandes, il fait le bonheur de ses patrons.

Le deuxième acte sera donc celui du dénouement. Le décor change. Nous nous retrouvons dans le salon d’une villa à Deauville. Adèle et Madeleine, toujours aussi espiègles et désinvoltes, préparent l’arrivée du couple, encadrées par un Désiré qui veille sur tout. La relation entre le ministre et sa maîtresse ne dégage pas une passion évidente. On sent chez l’homme politique une certaine retenue, une dose de calcul. Quant à l’ex-actrice, d’origine modeste, elle joue son avenir et elle a tout intérêt à entretenir le feu. En fait, ils sont tous deux dans une sorte de convention tacite… Mais c’était sans compter avec le pouvoir de séduction de ce cher Désiré. Il est tellement aux petits soins pour Odette qu’elle en subit des effets subliminaux dévastateurs qu’elle ne peut maîtriser dans son sommeil. Ces soupirs et roucoulades aussi nocturnes qu’inconscientes n’ont pas l’heur de plaire au sieur Montignac.
Après une longue scène de jalousie que j’ai personnellement trouvée un peu trop redondante, la suite de la pièce est tout-à-fait savoureuse. L’arrivée du couple Corniche dans la maison permet une belle redynamisation de l’action. La scène du dîner avec une Henriette Corniche affligée de surdité est particulièrement hilarante. Elle en frise le burlesque. Il faut vraiment souligner la présence comique dans ce rôle de Nathalie Krebs qui, en ne surjouant pas une situation qui pourrait se révéler grotesque à la longue, la rend réellement jouissive. Quant à son mari, il campe avec beaucoup d’authenticité un personnage grossier, un mufle sans éducation.

Désiré est une pièce à la fois drôle et élégante. Les sept personnages qui la jouent sont parfaits chacun dans son registre. Les costumes de ces messieurs et les robes de ces dames sont superbes… Robin Renucci est impeccable dans le rôle de Désiré. L’œil qui frise et le geste onctueux est en permanence dans le second degré. On sent qu’il s’amuse énormément avec cette composition… Marianne Basler joue avec candeur de son charme très sensuel, comme si elle ne se rendait pas compte de l’attirance qu’elle provoque. Ce n’est jamais appuyé, c’est tout en finesse… Jean-Philippe Puymartin fait montre de son côté de beaucoup de classe. Il possède un vrai maintien. Il a de l’allure, quoi !
Et, évidemment, le huitième personnage incontournable de cette comédie n’est autre que Sacha Guitry avec ses sentences acérées sur la vie de couple, ses coups de griffe envers le monde politique, sa peinture acide des parvenus, mais aussi avec sa tendresse envers les femmes, son analyse subtile du désir, le tout servi par d’excellents dialogues. C’est frais, léger, agréable, mais, sur un ton apparemment badin, pas mal de vérités sont dites.

jeudi 17 décembre 2009

Brel, de Bruxelles aux Marquises


Théâtre Déjazet
41, boulevard du Temple
75003 Paris
Tel : 01 48 87 52 55
Métro : République

Biographie musicale écrite et racontée par Jacques Pessis
Interprétée par Nathalie Lhermitte
Accompagnée à l’accordéon par Aurélien Noël
Mise en scène par Ned Grujic

Ma note : 8/10

L’histoire : De Bruxelles aux Marquises, de 1929 à 1978, Jacques Brel a vécu l’existence qu’il souhaitait, faites de passion, d’émotions, d’amours et d’humour. Préférant l’intensité de l’existence à sa durée, il est allé jusqu’au bout de ses rêves… Jusqu’à en crever. Dans cette biographie musicale, nous vous raconterons le destin hors du commun du « fils d’un marchand de cartons » qui a choisi de devenir « un marchand de chansons ». Pour y parvenir, il a connu le temps des vaches maigres. Il a débuté « longtemps, longtemps » avant de trouver un public à qui il a tout donné, jusqu’à l’épuisement. Pendant quinze ans, il a chanté presque tous les soirs, combattu un trac maladif, fumé 50 cigarettes par jour, traîné jusqu’au petit matin. Quand il a quitté la scène, au sommet de se gloire, c’est pour demeurer un homme libre, pour découvrir d’autres horizons.
Si le destin le lui avait permis, Jacques Brel aurait fêté, en 2009, ses quatre fois vingt ans. Trente ans après sa disparition, son âme demeure présente et ses couplets touchent plus que jamais le cœur des nouvelles générations.

Mon avis : Après le remarquable spectacle autour de la vie de Piaf, Une vie en rose et noir, le trio Pessis-Lhermitte-Noël, revisite la vie et l’œuvre d’un autre géant de la chanson : Jacques Brel. Mais rendus plus forts et plus expérimentés par le spectacle précédent, ils franchissent un nouveau palier en nous présentant une histoire encore plus et mieux scénarisée. C’est dire le plaisir que l’on y prend.
Après qu’une voix off nous ait gentiment souhaité « un bon voyage », Nathalie Lhermitte, vêtue d’un imper clair, débarque à Bruxelles et, d’emblée, sans crier "gare", elle nous chante… Bruxelles. Et, d’emblée, on est scotché par cette voix si mélodieuse, par sa façon de moduler, de nuancer. Tant de facilité, tant d’aisance, c’est énervant… Quelle interprète !
L’idée de scénariser ce spectacle lui apporte un surcroît de rythme et de fantaisie. Jacques Pessis y reprend certes sa fonction de conteur, mais en endossant cette fois un rôle, celui d’une sorte de directeur des ressources humaines, passionné par Brel, et qui est ravi de communiquer cette passion à cette jeune stagiaire. Aurélien Noël quant à lui se partage entre son accordéon et ses responsabilités d’archiviste. Ces jeux de rôles, ces jeux drôles, donnent donc plus de vie à cette biographie musicale.
Jacques Pessis, qui a pris énormément d’assurance, illustre ses propos d’un nombre considérable d’anecdotes, certaines nous sont connues, d’autres beaucoup moins. Il se fend même d’une imitation (eh oui) tout-à-fait convaincante du sieur Philippe Bouvard en reproduisant les propos qu’il avait tenus à l’occasion d’un tour de chant de Jacques Brel. Il brosse également le tableau de l’époque, évoque l’avènement des yé-yés, lit une lettre de Brel…

En tout, Nathalie Lhermitte, dont il faut souligner la perfection de la diction, interprète une quinzaine des plus grand titres du répertoire brélien dans un ordre quasi chronologique. Après Bruxelles, elle nous offre une version aussi puissante qu’intelligente de La Quête dans laquelle elle use à ravir de son superbe vibrato. Elle s’autorise quelques morceaux de bravoure comme La Valse à mille temps. Elle joue remarquablement la comédie avec une interprétation très facétieuse des Bonbons (là, elle met le paquet !), s’amuse avec sa voix, prenant tout à tour un ton grave d’une veille dame ou celui pointu d’une jeune fille en campant Les Flamandes, adresse un clin d’œil au spectacle précédent en incarnant un bref instant.Edith Piaf… Lorsqu’elle termine Ne me quitte pas, le public est tellement subjugué, qu’un long silence inattendu s’installe avant que les applaudissements n’explosent. C’est vraiment troublant.

On se demandait quelle allure auraient les chansons si personnelles, si identifiées de Jacques Brel, interprétées par une voix féminine. Le pari était tout de même osé. Et bien, c’est sans doute bien meilleur que si c’était un chanteur masculin qui s’y était collé. Nathalie Lhermitte y apporte une lecture nouvelle. Sans jamais dénaturer le propos, elle compense l’extraordinaire vigueur, la puissance du Grand Jacques, par plus d’émotivité et de sensibilité. On ne peut pas chanter Brel avec retenue, il faut y aller bille en tête, avec le cœur, avec les tripes. Et là, Nathalie n’a rien à craindre. Elle est totalement dans l’esprit du créateur. Grâce à elle, à la bonhommie et à l’érudition de Jacques Pessis, et à ce virtuose du piano à bretelles qu’est Aurélien Noêl, on redécouvre Brel. Et quand on sort du théâtre Déjazet, la tête emplie de Vesoul ou d’Amsterdam, on n’a qu’une hâte, se replonger dans sa discographie pour s’y repaître de sa substantifique moelle.
Merci m'sieurs-dame, vous nous offrez là un beau, un grand moment de music-hall...