La Seine Musicale
Ile
Seguin
92100
Boulogne-Billancourt
Tel :
01 74 34 53 53
Métro :
Pont de Sèvres
T2 :
Brimborion
Jusqu’au
29 janvier 2023
L’opéra
rock de Michel Berger et Luc Plamondon
Mise
en scène : Thomas Jolly assisté de Samy Zerrouki
Direction
musicale : Victor Le Masne
Chorégraphie :
Sidi Larbi Cherkaoui assisté de Kevin Vivès
Scénographie :
Emmanuelle Favre
Lumières :
Thomas Dechandon
Vidéos :
Guillaume Cottet
Costumes :
Nicolas Ghesquière
Avec :
Côme (Johnny Rockfort), Miriam Baghdassarian (Sadia), David Latulippe (Zéro
Janvier), Lilya Adad (Cristal), Alex Montembault (Marie-Jeanne), Adrien Fruit
(Ziggy), Magali Goblet (Stella Spotlight), Simon Geoffroy (Le Grand Gourou
Marabout)
L’histoire :
A l’approche de l’élection présidentielle, Monopolis, la capitale de l’occident,
est terrorisée par la bande des Etoiles Noires dirigée par Johnny Rockfort et
sa compagne Sadia, une étudiante agitatrice… Dans les souterrains de la ville,
Marie-Jeanne, serveuse à l’Underground Café assiste à leurs préparations d’attentats.
Du
haut de sa tour dorée, le milliardaire Zéro Janvier, annonce sa candidature. Il
défend un modèle de société libérale, sécuritaire et raciste. Son principal
adversaire, le Grand Gourou Marabout, prône quant à lui un retour à la nature.
Sur
télé-Capitale, l’animatrice vedette Cristal présente l’émission Starmania,
qui promet à ses candidats de devenir « la star d’un soir »… Ziggy,
un jeune disquaire homosexuel dont Marie-Jeanne est éprise, rêve d’y passer
pour devenir le premier danseur rock du monde…
Mon
avis :
Quelle claque ! Il en faudrait en user des superlatifs pour qualifier les
nombreuses sensations et impressions que procure ce spectacle.
Le
problème, c’est que l’on a envie d’en révéler le maximum de détails et, en même
temps, on ne veut trop en déflorer d’éléments pour préserver les effets de surprise.
Bref, je vais m’efforcer d’être ni trop dithyrambique, ni trop laconique.
Cette
fois, dans ce spectacle estampillé 2022, mon plaisir a été total. J’ai été immédiatement
happé et je me suis laissé emporter par le récit…
Respectant
fidèlement le livret de 1979 et les messages qu’il colportait, Thomas Jolly,
a fait de ce spectacle musical une véritable tragédie grecque ; sans
concession aucune. Noir, c’est noir ! D’ailleurs, mon impression générale
est d’avoir vu un film en noir et blanc. Le soleil n’entre pas à Monopolis. Les
premières couleurs apparaissent assez tard, dans le générique de l’émission de
Cristal. Et encore, ce sont des projections façon Crazy Horse qui nuancent les
robes.
Starmania, c’est la fin d’un monde. On y atteint un paroxysme ; un paroxysme d’argent, de puissance, de violence, de débauche…
La mise en scène est implacable. Le tout premier tableau, c’est Playtime de Jacques Tati avec une ville aux formes géométriques rectilignes (des cubes, des rectangles, des flèches). La douceur des rondeurs y est bannie. L’architecture du cœur de ville est une immense étoile. Les silhouettes sont découpées par les lasers-scalpels. Les lumières sont prépondérantes dans ce spectacle, dérangeantes, envahissantes, agressives. Dans la formidable scène dans laquelle il interprète Le Blues du businessman, Zéro Janvier est littéralement emprisonné tel un insecte dans une multitude de faisceaux formant autour de lui une gigantesque toile d’araignée.
Ça
déborde de trouvailles scéniques, d’effets spéciaux… Quelle idée efficace que
ces projections en gros plan pour rendre l’action encore plus réaliste et
tumultueuse ! Certaines scènes sont crues, parfois insoutenables. Les
principaux tableaux illustrant les chansons les plus connues rivalisent d’ingéniosité,
de créativité, d’esthétisme.
Avec
un orchestre jouant en live, la musique prend une amplitude résolument rock’n’roll.
Les arrangements, littéralement bodybuildés, sont en adéquation parfaite avec
la violence du propos. On n’est pas dans la bluette. La seule petite plage de
douceur et de calme nous est apportée par la complainte de Ziggy,
sobrement interprétée guitare-voix par Marie-Jeanne.
Inutile
de préciser qu’avec de tels interprètes, tous les duos sont magnifiés et nous
font vivre de grands moments de plaisir et d’émotion.
Dans
le métro, une phrase affichée de Guillaume Appolinaire a attiré mon regard. J’ai
été troublé par la coïncidence avec ce que je venais de vivre. Elle disait :
« Il est grand temps de rallumer les étoiles »… Pour sûr, après ce
chaos, après ce cataclysme, après cette obscurité provoquée par la folie des
hommes, il serait urgent et salvateur de les rallumer les Etoiles... à condition bien sûr qu’elles
ne fussent pas Noires…
Gilbert
« Critikator » Jouin