vendredi 7 mars 2008

MR 73


Un film d'Olivier Marchal
Avec Daniel Auteuil (Louis Schneider), Olivia Bonamy (Justine), Catherine Marchal (Marie Angéli), Francis Renaud (Kovalski), Gérald Laroche (Matéo), Guy Lécluyse (Jumbo), Philippe Nahon (Subra)
Musique de Bruno Coulais
Durée : 2 h 04
Sortie le 12 mars 2008

Ma note : 7,5/10

L'histoire : Un tueur en série ensanglante Marseille. Louis Schneider, flic au SRPJ, mène l'enquête malgré l'alcool et les fantômes de son passé. Ce passé, justement, qui resurgit aussi pour Justine : 25 ans plus tôt, ses parents ont été sauvagement assassinés par Charles Subra. C'est Schneider qui l'avait arrêté. Mais aujourd'hui, par le jeu des remises de peine ajouté à sa bonne conduite, Subra va sortir de prison. Cette libération anticipée va de nouveau réunir Schneider et Justine, deux êtres qui tentent de survivre au drame de leur vie...

Mon avis : MR 73 va vraisemblablement clore le tryptique qu'Olivier Marchal a ouvert avec Gangsters et poursuivi avec 36 Quai des Orfèvres. Au fur et à mesure de ces trois films, il s'est approché de plus en plus de lui-même. Dans les deux premiers, il racontait une histoire. Dans celui-ci, il se raconte en y associant des personnages, flics, victimes, tueurs, qi'il a croisés pendant les dix années durant lesquelles il a été lui-même inspecteur à la Crim', la nuit. Il en est ressorti tout cabossé de l'âme. Ou plutôt, il n'en est jamais sorti. Louis Schneider, c'est un Olivier Marchal qui serait resté dans la police et qui se serait graduellement laissé dériver, emporté par l'horreur, la compassion, le dégoût. La comédie lui a sauvé la vie. Mais auparavant, il lui aura fallu trois films pour expurger toute cette noirceur qui s'était nichée au plus profond de lui et le rongeait.

Sur un plan formel, MR 73 ressemble aux deux films précédents uniquement au niveau de l'esthétique. Car on peut parler d'esthétique tant la photographie est soignée, tant la couleur est recherchée. Olivier Marchal possède au plus haut point l'art de traiter ce qu'il y a de plus laid chez l'homme avec esthétique. Ses films sont beaux à voir. Il a une façon de mettre la nuit en image qui n'appartient qu'à lui. La nuit, il est chez lui, il ne craint pas d'y affronter ses vieux démons et de les mettre crûment à nu. Et puis il n'a pas son pareil pour nous dénicher des décors improbables et hideux, taudis, terrains vagues, sous-sols, geôles... Quant à l'idée de traiter les flash backs en noir et blanc elle est tout simplement remarquable car elle nous permet de savoir toujours où on en est dans le temps. Enfin, il y a le soin apporté au son, ou plutôt aux sons. Les bruits (grincements, claquements, résonances métalliques...) sont amplifiés, de même que les souffles. Ce principe a pour effet d'hypertrophier le réalisme et d'ajouer encore à la tension.
En revanche, MR 73 ne leur ressemble plus aux deux autres au niveau du fond. Il est beaucoup plus personnel. Dans les précedents, les personnages étaient nombreux, ils se cherchaient, ils s'aimaient, ils s'affrontaient... Ils évoluaient de plain-pied dans une histoire. Cette fois, la caméra s'attache à suivre pas à pas l'inéluctable descente aux enfers d'un homme, Louis Schneider. Et quand on sait que pratiquement chacun des protagonistes de ce film a existé, ça fait froid dans le dos ; ça ne donne guère envie de s'engager dans la police ! On ressent une profonde empathie pour Schneider tellement sa souffrance est palpable, tellement son mal de vivre est lourd à porter. On sait dès le début que, pour lui, il n'y aura pas de rédemption ; du moins pas dans cette vie-là. Mais pour cet être jusqu'au-boutiste et épris de justice, son sacrifice ne peut pas être vain.

MR 73 est encore plus noir, plus sombre, plus désespéré et désespérant que ses prédécesseurs. Il nous touche insidieusement dans nos endroits les plus secrets. On voudrait sauver le soldat Schneider, mais on se contente d'assister impuissant à sa lente déchéance... Et là, il faut saluer la performance de Daniel Auteuil. Peu de comédiens auraient oser aller aussi loin, aussi bas dans le déni de soi. Ici, il atteint le niveau d'intériorisation d'un Jack Nicholson dans The Pledge, un film qui me donne encore le frisson quand j'y pense. On ne voit plus l'acteur, on ne voit que Schneider. Bonjour le sens de l'abnégation !
Si Daniel Auteuil porte ce film entièrement sur ses épaules, on ne peut occulter ses partenaires tant ils jouent leur partition avec une justesse totale.
Olivia Bonamy, vraiment sous employée au cinéma, trouve avec le personnage de Justine un rôle à sa puissance tragique qu'on avait entrevue dans Colomba. Elle est touchante d'authenticité, tant dans sa révolte que dans sa fragilité et sa peur panique.
Philippe Nahon est impressionnant dans le rôle de Subra. C'est notre Hannibal Lecter ! Il est parfait dans la duplicité. Il fout vraiment la trouille.
Catherine Marchal hérite d'un rôle superbe, mais peu évident car elle est prisonnière des conventions, de sa hiérarchie, de ses sentiments. C'est un insecte pris dans une toile inextricable. Tout chez elle ne peut passer que par les regards. Son impuissance et sa perspicacité nous la rendent profondément humaine.
Et puis c'est toujours un bonheur que de retrouver les complices de toujours d'Olivier Marchal, Francis Renaud (lui aussi injustement sous employé - ses compositions dans Gangsters et 36 m'avaient littéralement scotché) et l'excellent Guy Lécluyse dans un rôle peu reluisant mais qu'il réussit à ne pas rendre complètement antipathique.

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