lundi 19 mai 2008

La maison du lac


Théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris
Tel : 01 48 74 25 37
Métro : Trinité

Une pièce d'Ernest Thompson
Adaptée par Jean Piat, Dominique Piat et Pol Quentin
Mise en scène par Stéphane Hillel
Avec Maria Pacôme (Kate Murphy), Jean Piat (Tom Murphy), Béatrice Agenin (Claudia Murphy), Christian Pereira (Bill Ray), Damien Jouillerot (Billy Ray), Patrice Latronche (Charlie)

Ma note : 6/10

L'histoire : Comme chaque été, Kate et Tom Murphy, un couple d'octogénaires passionnément amoureux, viennent passer les vacances dans leur maison du Maine, située en bordure d'un lac. Leur fille Claudia, dont ils étaient sans nouvelles depuis de longs mois, leur rend visite accompagnée de Bill, son nouveau compagnon, et de Billy, le fils de ce dernier. Claudia Et Bill ayant projeté un voyage en Europe, ils demandent à Kate et à Tom s'ils veulent bien garder Billy le temps de leur escapade...

Mon avis : Tout d'abord, il faut adresser les plus vifs compliments au décorateur, Edouard Laug, qui nous a recréé là un bien joli chalet. Des cannes à pêche accrochées au mur, une sorte de véranda, des arbustes qui frissonnent sous la caresse du vent, tout nous indique clairement que nous nous trouvons en bordure d'un lac. Il ne manque guère que le chant des grenouilles ; mais ceci risquerait de nous distraire l'attention...
Dans ce chalet, deux occupants, Kate et Tom. Ce dernier, prof de grec à la retraite, joue plus à être bougon qu'il ne l'est réellement. C'est un peu un rituel dans ce couple d'octogénaires à l'esprit alerte. Plus il ronchonne, plus elle le couvre d'affection. Alors, il en rajoute un peu. La tendresse dont ils font preuve l'un pour l'autre est palpable. Au fil des ans, elle est même devenue chronique et ils se suffisent amplement à eux-mêmes... Jusqu'au jour où l'annonce de l'arrivée de leur grande fille va bouleverser leur quiétude égoïste. Surtout celle de Tom, d'ailleurs. Car Kate se montre tout-à-fait ravie de revoir Claudia. Tous ses efforts désormais vont consister à essayer de rabibocher le père et la fille entre lesquels règne un vieux contentieux. Une totale incommunicabilité, en fait. Et quand en plus, elle leur rend visite affublée d'un nouveau galant et de son fils, un adolescent agressif parce que mal dans sa peau, adieu la tranquillité...
Une réflexion de Kate adressée à sa fille, résume à elle seule une bonne partie de la pièce : "Ton père adore se rendre odieux, sinon il s'ennuie". Tout est dit. Et Tom n'en rate pas une. Il se montre distant, limite poli, il persifle, il cherche à rabaisser ses interlocuteurs. Pendant que l'adorable Kate s'évertue à éteindre prestement les flammèches qu'il allume. Mais là où les choses se compliquent singulièrement, c'est lorsqu'on leur impose quasiment la garde de Billy, le boutonneux à casquette au langage quelque peu abrupt. la cohabitation s'annonce sévère...
La maison du lac, on l'a compris, repose sur les relations humaines. Chacun joue sa partition en fonction de son tempérament. Tom pratique une perfidie jubilatoire ; Kate est la championne de la conciliation ; Claudia souffre des non-dits de son enfance ; Bill est plutôt du genre carré, sauf avec son fils ; Billy est un gamin balloté qui admet diffficilement la séparation de ses parents ; et Charlie est un gentil couillon enamouré qui vit dans le souvenir...
On se régale du jeu millimétré de Maria Pacôme et Jean Piat. 120 ans d'expérience théâtrale à eux deux, ce n'est pas de la gnognote !Ils sont magnifiques de présence, elle dans la légèreté, lui dans la solidité. Du moins au début, car aux deux-tiers de la pièce, les rôles ont tendance à s'inverser... Béatrice Agenin a énormément de charme et de fragilité. Christian Pereira, pour une fois dans le premier degré, joue très sérieusement un homme écartelé entre sa nouvelle passion amoureuse et ses responsabilités de père. Et Damien Jouillerot, le gamin découvert par Gérard Jugnot dans Monsieur Batignole et qui, depuis, accomplit une carrière sans fautes (et surtout pas d'orthographe), campe un ado comme on en connaît tant.
Tout est donc réuni pour que l'on passe un excellent moment au Théâtre de Paris, et pourtant... Et pourtant, ça a tendance à ronronner. Les personnages sont sans doute trop convenus, trop stéréotypés, et les situations, par manque de rebondissements, en deviennent prévisibles.
Mais la pièce a néanmoins beaucoup de charme. Toutes les générations peuvent s'y retrouver. Le jeu consommé d'un Piat et d'une Pacôme nous offre tout de même de grands et rares moments de comédie pure. C'est inégal, certes, mais plein de bonne volonté et de bons sentiments. Alors, si on ne quitte pas la salle avec dans les yeux des lumières de plaisir, on affiche tout de même un aimable petit sourire.
Je terminerai avec une mention spéciale à Maria Pacôme. L'actrice avait annoncé sa retraite et il a fallu l'accident au cours des répétitions de Danielle Darrieux pour que l'on puisse la convaincre de reprendre du service. Elle est vraiment excellente dans ce rôle. Elle n'en fait jamais trop, toute en nuances et en sobriété, elle déborde de finesse et d'amour. Une grande dame de 85 printemps.

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