vendredi 24 avril 2009

Isabelle de Botton "Moïse, Dalida et moi"


Studio des Champs-Elysées
15, avenue Montaigne
75008 Paris
Tel : 01 53 23 99 19
Métro : Alma-Marceau

Une pièce écrite par Isabelle de Botton
mise en scène par Michèle Bernier

Ma note : 7/10

L'histoire : Comme Moïse, comme Dalida, Isabelle de Botton vient d'Egypte.
Elle y est née et y a vécu jusqu'à l'âge de 8 ans. les souvenirs qu'elle en a gardés sont heureux, drôles, toniques. Et quand elle pense à cette époque, lui reviennent en mémoire les odeurs de jasmin et de fleur d'oranger, des images de ciel bleu azur, des goûts sucrés, des sensations de chaleur, de tendresse...
Et pourtant, c'est là que sa vie a basculé. En plein sommeil, la nuit du 2 novembre 1956, quand son père a été arrêté et mis en camp d'internement sur ordre de Nasser, pour la simple et unique raison qu'il était Juif.
"J'avais 4 ans, il a disparu de ma vie pendant quatre mois. A sa libération, il a décidé de quitter ce pays et nous avons eu la chance de pouvoir venir nous installer à Paris..."

Mon avis : Michèle Bernier, sa metteur en scène et amie, dit du spectacle solo d'Isabelle de Botton qu'il est "bouleversant, drôle, original et unique".
C'est tout-à-fait vrai. Il est comme la vie quoi !
Seule sur scène, Isabelle de Botton nous raconte sa prime enfance en Egypte. Vêtue d'une robe rouge, elle est debout devant un saladier dans lequel elle pétrit de la pâte à beignets. Tout un symbole ces beignets. Ce sont les compagnons de toute une vie. Et il y a intérêt à ne pas les rater !
Isabelle a 4 ans et elle se dit très en colère contre son père qui est parti en pleine nuit sans lui dire un mot, sans même l'embrasser. Elle nous transporte à Alexandrie, en Egypte. Nous sommes la nuit du 2 novembre 1956... Soudain , la maisonnée s'anime. Isabelle endosse tour à tour les rôles de tous les protagonistes de ce drame de l'intolérance et de l'abus de pouvoir. Elle est à la fois la mère, le père, la tante, l'oncle, la nounou, le cuisinier soudanais. Elle prend différentes intonations, différents accents (anglais, italien, africain...), parle arabe. Jusqu'à cet épisode douloureux, on comprend que sa vie à Alexandrie avait été on ne peut plus heureuse et protégée. Ses propos sont emprunts de nostalgie, mais pas de tristesse. Elle évoque les odeurs, les couleurs, les saveurs... Toutes ces sensations que l'on n'oublie jamais. Et que l'on ne retrouve jamais.

L'histoire d'Isabelle de Botton est belle comme un livre, mais un livre dans lequel on a le son et l'image en plus. Isabelle est une excellente comédienne - mais ce n'est pas nouveau pour qui la suit - elle occupe la scène avec une belle énergie. Elle pétrit sa pâte pour "profiter de la douceur des douceurs qu'on prépare " pour ceux qu'on aime. Et de l'amour, il y en a plein dans ce spectacle. Il n'y a même que ça. Avec de l'émotion et beaucoup d'humour.
Le récit est parsemé d'anecdotes, de flash-back sur les parcours de son père et de sa mère, de son oncle et de sa tante. Le tout, évidemment, sur fond historique. Car c'est le poids de l'histoire qui allait faire basculer le destin de la famille de Botton. 1956, c'est l'année où Nasser, le président égyptien, a annexé le canal de Suez, ce qui allait entraîner un conflit avec Israël et l'intervention des troupes franco-britanniques... Et le seul tort qu'avait le papa d'Isabelle, c'était d'être Juif. Juif ? Elle ne savait même pas ce que ça voulait dire. Elle n'en prendra conscience que bien plus tard, au collège, en France, et en découvrant certains rites. C'est très satirique, parfois acide, parfois mélancolique... Et c'est tellement plein de vie ! Certains des membres de sa famille sont particulièrement hauts en couleurs. isabelle les croque, avec tendresse certes, mais à la façon d'une caricaturiste, en forçant un peu le trait sur les défauts. Tous les comportements, toutes les attitudes sont subtilement retranscrits. On ne perd jamais le fil de l'histoire. On est au contraire avide de connaître la suite...

Quel délicieux moment nous fait passer Isabelle en compagnie de la petite fille insouciante mais terriblement observatrice qu'elle fut. Et quel beau(x) message(s) elle fait passer. Son spectacle est une formidable leçon d'humanité, de tolérance, d'oecuménisme ; c'est une ode au cosmopolitisme et à l'amour. Ah bon, je vous avais déjà parlé d'amour ? Beaucoup de choses sont dites au cours de ce spectacle qui donnent à réfléchir. Et comme on sourit souvent, que l'on est fréquemment attendri, ça passe avec la légèreté d'un beignet. beignets qu'elle distribue d'ailleurs gentiment à la fin de son spectacle. Donc, si vous voulez avoir le plaisir d'y goûter, réservez les premiers fauteuils...
Mais si vous n'avez pas cette chance, vous vous régalerez quand même.

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