jeudi 11 mars 2010
Anthony Joubert
Théâtre de Dix Heures
36, boulevard de Clichy
75018 Paris
Tel : 01 46 06 10 17
Métro : Pigalle
Spectacle écrit par Eric Collado et Anthony Joubert
Ma note : 6,5/10
L’argument : A l’âge de 20 ans, Anthony Joubert est jeté hors du foyer familial par son père qui refuse de le voir embrasser la carrière de comique. Livré à lui-même, il se lance dans le récit de ses déboires et de son parcours initiatique…
Mon avis : Voici un garçon nanti d’un potentiel énorme. Il a une bonne bouille, un sympathique accent légèrement chantant, il est bon comédien, il sait raconter des histoires, et surtout une formidable façon de bouger et d’occuper la scène. Physiquement très à l’aise, il fait ce qu’il veut avec son corps. Son entrée en scène, carrément fracassante, en témoigne. Il vient de se faire virer manu militari du foyer familial par son père qui ne peut se faire à l’idée qu’il ambitionne de devenir comique de métier.
On sent que c’est sans doute très proche de la réalité. D’ailleurs, tout son spectacle va être nourri par son propre vécu. Mais, même s’il connaît des galères, il a l’art de les rendre marrantes grâce au prisme déformant de l’humour et de la dérision. Car il se moque beaucoup de lui-même, allant parfois jusqu’à se dénigrer, ce qui le rend encore plus attachant.
Anthony Joubert fait preuve tout au long de son one-man show d’une invraisemblable débauche d’énergie. Il est vif, généreux, charismatique et possède déjà toute une panoplie de gestes et de mimiques particulièrement efficaces. Il possède également cette faculté assez rare de rebondir en fonction des réactions de certaines personnes de la salle qui, se comportant comme si elles étaient à un repas de famille, se permettent des réflexions à voix haute. Au lieu d’en être déstabilisé, il s’appuie dessus, renvoie la balle et mémorise l’intrus(e) pour lui ressortir une vanne ultérieurement. Ce qui dénote d’une jolie maîtrise mentale.
Son spectacle est un véritable patchwork. Comme il fait de nous les confidents de son expérience, il donne l’impression de passer du coq à l’âne et de ratisser large sur le plan des sujets. Il évoque les séries télés, des plus actuelles aux plus ringardes, il nous emmène à la fête foraine, il parodie les publicités, utilise des extraits de chansons pour construire ses dialogues amoureux, il participe à l’Ile de la tentation, il nous narre son échec sentimental, revient sur ses difficultés scolaires, et s’attarde sur sa vocation de comique et le rapport à la célébrité.
Il n’arrête pas de parler, il bouge sans cesse, se marre quand il se prend les pieds dans le tapis, communique avec la salle… Bref, il est d’une incroyable tonicité. Alors, bien sûr, dans ce déferlement de mots, de situations et d’images, il ne peut pas tout le temps être au top. Il se laisse parfois aller à des blagues de potache et à des calembours un peu faciles. Il mérite toutefois beaucoup d’indulgence car, comme dans le lit d’un torrent, les orpailleurs de l’humour parviennent à retenir quelques pépites, quelques traits d’esprit qui ne font que confirmer que le jeune homme est bien prometteur. Il possède effectivement déjà un sacré bagage qui peut le faire voyager loin.
On ne peut évidemment pas parler de ce spectacle sans évoquer sa créature, le sieur William de Fly, artiste approximatif et sans états d’âme. Le cheveu ébouriffé, la guitare qui se voudrait gitane, il nous livre avec un enthousiasme qu’il veut communicatif quelques chansons totalement inclassables. Cette relation plutôt subie avec ce personnage envahissant et sans gêne, lui permet de nous offrir quelques jolies séquences d’une réjouissante schizophrénie.
Et puis il y a la (presque) fin à laquelle, personnellement, j’ai été très sensible. Tout en restant léger dans le ton, il réussit à teinter ses mots d’émotion dans l’évocation céleste de sa maman disparue et à nous proposer une très jolie tirade sur le bonheur. C’est drôle et touchant à la fois et ça accroît encore son capital sympathie.
Je ne m’attarderai pas sur la chanson finale qui est une gentille resucée et qui a un air de déjà vu. Mais elle lui permet un moment de partage complice et joyeux avec un public qui joue spontanément le jeu.
Comme je le disais en préambule ? Anthony Joubert est un garçon qui possède un très, très gros potentiel. Son père a tort, il est fait pour ce métier et je ne serais pas surpris que le théâtre et le cinéma lui fassent bientôt les yeux doux.
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