jeudi 4 mars 2010
Gaspard Proust "Enfin sur scène ?"
Studio des Champs Elysées
15, avenue Montaigne
75008 Paris
Tel : 01 53 23 99 19
Métro : Alma-Marceau
Ecrit par Gaspard Proust
Mis en scène par Aslem Smida
Ma note : 8,5/10
L’argument : « Arthur Rubinstein disait : « Je monte sur scène pour faire l’amour à la salle ». Ce n’est pas du tout mon cas. Au contraire, je pense que ma présence sur scène n’a pas d’autre ambition que celle de transmettre aux hommes l’amour de la chasteté. Vous l’aurez compris, je suis porté par un rêve profondément altruiste : laisser aux générations futures un monde moins densément peuplé. Tendrement.
Gaspard Proust
PS : Si ce pitch vous semble un peu léger, c’est également par pur altruisme. Je ne serai jamais celui qui privera un journaliste à cours d’adjectifs comme « déroutant », « caustique » ou « long en bouche avec des arômes de latex et de fessée fraîche », de la partie créative de son travail ».
Mon avis : Ah, et bien voilà qui fait du bien. J’évoquais dans mon précédent Blog à propos de Dieudonné, combien il était délicieux de se faire sodomiser les trompes d’Eustache par du politiquement incorrect. Et c’est d’autant plus agréable quand c’est fait tout en douceur, pas à la hussarde, par un garçon qui n’élève jamais le ton.
Ainsi, Gaspard Proust est « déroutant » et « caustique »… Et dans son spectacle il ajoute même en parlant de sa forme d’humour, « décalé »… Maintenant que j’en ai fini avec les figures imposées, passons derechef aux figures libres. D’abord, la sienne de figure… C’est une sorte de masque le plus souvent impavide qui ne se fait mobile qu’à bon escient. Un sourcil qui se lève (un seul, les deux serait trop fatiguant), un sourire goguenard qui éclaire fugitivement son visage, un œil interrogateur (celui qui se trouve sous le sourcil immobile). Pour la gestuelle, ce n’est guère plus trépidant. Il marche à l’économie, parcourant le plus petit périmètre possible d’un train de sénateur et s’inspirant de Tino Rossi pour les mouvements de bras. Paradoxalement, c’est cette grande retenue qui fait que l’on est encore plus attentif à ce qu’il dit.
« Déroutant », c’est vrai ; « caustique », encore plus vrai ; et « décalé », totalement. Un crochet par le dictionnaire des synonymes me permet d’ajouter « acéré », « acide », « corrosif », « incisif »… Car si le geste est lent et mesuré et le pas compté (le côté Suisse sans doute), la langue, elle, est vive, très vive même. Et l’esprit itou.
S’il s’exprime ainsi, en caustique, c’est parce que, paradoxalement, il n’en a rien à cirer (suivez mon regard du côté de la production). Et puis ce patronyme… Proust ! Pas facile à assumer. Lui, il faut l’avouer, c’est plutôt « A la recherche du déroutant perdu », « Du côté de chez ça vanne », et ses madeleines, elles sont au poivre, façon dragées.
En fait, Gaspard Proust vient occuper la scène un peu comme un touriste. Il arrive nonchalamment du fond de la salle, monte sur les planches, échange posément son blouson pour son blazer de scène (blasé de scène ?). Ne faisant pas cas de notre présence, il semble entièrement plongé dans ses pensées. Et puis, toujours aussi calmement, il s’empare de son portable pour passer un texto. Certes, il s’en excuse auprès de nous, mais son manque flagrant de courtoisie n’a d’égale que la goujaterie de son message qu’il a l’indélicatesse de nous lire à voix haute. Oh, le mufle ! Mais, au moins, le ton est donné.
Gaspard Proust ne ressemble à personne. Même pas à Desproges chez qui d’aucuns lui trouvent une filiation. C’est vrai qu’il a une propension roborative à l’humour noir, qu’il pose des mines sur tous les terrains et envoie des exocets tous azimuts. On ne peut pas le taxer de parti pris puisqu’il tape sur tout ce qui bouge, ou qui ne bouge plus. Sa misogynie est culturelle, son anticléricalisme systématique, et sa mauvaise foi chronique. Mais il ne cesse de se disculper en se retranchant derrière un « je suis lucide » plein de condescendance… Son spectacle n’a pas l’air écrit. Il donne l’impression de quelqu’un en train de réfléchir tout haut et qui a envie de nous faire partager le fruit de ses observations. Le problème, c’est qu’il ne voit pas les choses comme le clampin lambda. Et sa façon de les dire est elle aussi très spéciale. Son écriture est dense et variée car, non seulement il possède un vocabulaire précis et riche (c’est qu’il a fait des études, le bougre). Avec lui une phrase n’est jamais finie. Un grain peut en cacher un autre. Ou alors, il inverse sardoniquement le sens premier des choses. « Déroutant », on vous dit ! S’il s’autorise une petite glissade du côté d’une blague assez lamentable, c’est pour rebondir aussitôt avec un aphorisme saignant. Il adore également utiliser des images saugrenues et des associations contre nature. Et il n’hésite pas à interpeller le public avec des interventions vraiment déstabilisantes.
Gaspard Proust, c’est le champion de l’humour désabusé. Rien ne trouve grâce à ses yeux, même son érotisme est « low coast », c’est dire l’état désastreux de sa libido.
Trêve de plaisanterie, voici enfin un énergumène avec un vrai univers, un loustic prêt à assurer la relève de l’humour vachard et très politiquement incorrect. Il serait temps que sonne le renouveau dans ce domaine alors que l’on craignait qu’un couvercle fût mis sur cette forme d’expression. Enfin quelqu’un avec qui on peut rire de tout sans crainte d’être censuré ou flagellé. Je vous jure, ça fait du bien, c’est salutaire. Gaspard Proust a créé un personnage qui va faire son trou uniquement en versant de l’acide. Il n’y a rien de plus efficace. Et il a beau tout faire pour se faire détester, on le trouve vachement sympathique.
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1 commentaire:
Sympathique, peut-être, mais salubre, certainement ! :-)
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