mardi 30 novembre 2010
Ali au Pays des Merveilles
Le Point-Virgule
7, rue Sainte-Croix de la Bretonnerie
75004 Paris
Tel : 01 42 78 67 03
Métro : Hôtel-de-Ville
One-man show écrit par Didier Landucci et Ali Bougheraba
Mis en scène par Didier Landucci
Ma note : 8/10
Présentation : Dans le pays où Ali a grandi, les cultures et les dialectes se croisent et se mélangent… C’est avec humour, tendresse et poésie qu’il nous fait découvrir son quartier… son pays merveilleux.
Mon avis : Voici un Ali qui m’a laissé baba… Je sais, c’est facile, mais cette formule est peut-être le meilleur sésame pour ouvrir la porte du monde merveilleux d’Ali Bougheraba.
Ali est un être protéiforme doué de multiples talents. C’est avant tout un formidable conteur. Il me fait l’effet du joueur de flûte de Hamelin. De sa voix douce, il nous joue sa petite musique et nous, comme envoûtés, on le suit là où il a envie de nous emmener. Et là où il nous emmène, c’est chez lui, dans le quartier de son enfance, le Panier, à Marseille… Une fois sur place, notre guide se métamorphose en ethnologue. Il se livre alors à une exposition sociétale à travers une galerie de portraits mettant en scène les personnages les plus pittoresques de son environnement… Avec son visage très expressif, sa gestuelle agrémentée de mime, ses divers accents, il endosse toutes les personnalités. Un bonnet, une paire de lunettes, une voix aigüe et il devient Crevette, petit zonard inoffensif, mais agité et fort en gueule… Une robe de chambre enfilée à la hâte et il se mue en monsieur Martinez, le concierge de l’immeuble où Ali habite, xénophobe inconscient, très fier d’avoir à géré « un pays à chaque étage »… Un boa en peau de chat, le visage pincé, et il campe madame Suzanne, ex-chanteuse à l’Alcazar, veuve et heureuse de l’être, un peu égoïste, un peu mesquine et un brin médisante, mais faisant preuve d’une certaine philosophie de la vie… Un serre-tête rouge, des postures précieuses et affectées, et voici Fayçal, le petit Arabe qui rêve de devenir danseur étoile… Il réussit même la performance d’incarner devant nous une chatte horrifiée. On s’y croirait ; on a envie de lui lancer des croquettes !
Ce Panier qu’Ali Bougheraba nous propose est particulièrement garni, riche et varié. Avec finesse, il évite tous les pièges, communautaristes ou autres. Devant ces gens qu’il charrie gentiment, il a gardé un regard d’enfant. Il ne grossit jamais le trait. Il met dans le même « panier » (par ordre alphabétique) les Africains, les Arabes, les Asiatiques, les Français de souche, avec leurs travers comme avec ce qui les rend attachants. Il n’y a pas que son immeuble qui soit mélangé, son jeu l’est aussi, et très richement. Dans son spectacle, au demeurant fort bien écrit, il mêle l’humour, la tendresse, l’émotion, la poésie, le burlesque, l’absurde, la pantomime. Parfaitement œcuménique, il jongle avec les sexes, les religions, les intonations. Ali est une sorte de griot, mais de griot marseillais sans l’accent. Il ne possède pas du moins cet accent propre au Vieux Port. Le sien est doux, légèrement chantant. C’est une musique agréable (d’où la métaphore de la flûte). Et puis le garçon dégage une simplicité et un naturel qui nous le rendent éminemment sympathique.
Excellent comédien, adoubé et cornaqué par son complice en écriture et metteur en scène, Didier Landucci des Bonimenteurs, Ali Bougheraba a composé avec son Pays des Merveilles un spectacle plein dense, sans aucune faiblesse, plein de fantaisie et d’humanité. On éclate rarement de rire mais on a le sourire aux lèvres en permanence tant ses observations et ses analyses sont rapportées avec finesse. Désormais, il peut quitter sans problème son quartier. Il vient de commencer à conquérir Paris. Et ce n’est qu’un début…
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