vendredi 17 février 2012
Même si tu m'aimes
Théâtre Michel
38, rue des Mathurins
75008 Paris
Tel : 01 42 65 41 30
Métro : Havre-Caumartin / Auber
Une pièce de Mélissa Drigeard et Vincent Juillet
Mise en scène de Julien Boisselier
Avec Pierre Azéma (William, le psy), Mélissa Drigeard (Marie), Morgan Pérez (Simon)
L’histoire : L’histoire à la fois drôle et pathétique de Simon et Marie qui, pour sauver leur couple, se lancent dans la folle aventure de la thérapie à deux.
Avec leur psy, William, ils vivent un véritable parcours du combattant jalonnés de séances de couple, de stages de groupe, d’exercices divers aux noms barbares…
Du rire, des larmes, de la vie.
Mon avis : Inspirée d’une histoire vraie, cette pièce commence en ces termes : « Le couple est une anomalie »… Une heure et demie plus tard, elle se termine sur cette conclusion : « Le couple est une anomalie… choisie, normale »…
La boucle est bouclée. Le serpent (celui du jardin d’Eden) se mord la queue, et on n’est pas plus avancé qu’avant. Adam (Simon) et Eve (Marie) sont-ils capables de cohabiter, leurs ego sont-ils solubles dans le café de leur amour, dussent-ils en atténuer l’amertume en y plongeant les sucres de la compromission ?
Vous l’aurez compris, Même si tu m’aimes est une pièce qui repose intégralement sur la relation homme-femme au sein du couple. Après que William, le psy ait décrété que le couple était « un château branlant », il nous annonçait que démonstration allait être donnée par Marie et Simon. De fait, nous assistions au processus immuable de l’évolution d’une relation amoureuse. C’est d’abord l’enthousiasme béat et bêtifiant des débuts, les roucoulades, les promesses. La flamme de la passion est à son paroxysme. L’autre est doté de toutes les qualités. On y apprend curieusement aussi que, pour elle, le maître-étalon de la pensée philosophique amoureuse est… André Manoukian !... Jusque là, tout va bien, et William se comporte en une sorte de Monsieur Loyal présentant ses deux bêtes de cirque.
Mais dès le deuxième tableau, nos deux cobayes, qui sont désormais installés sous un même chapiteau depuis deux ans et demi, sont victimes de la quasi inéluctable corrosion conjugale. Monsieur rentre harassé de ses journées de travail (alors que madame n’a pas d’activité professionnelle) et l’un comme l’autre commencent à ressentir les prémices de l’incompréhension mutuelle, d’autant plus que madame est affligé d’une jalousie maladive. Ce qui devait arriver arrive et nous assistions bien malgré nous à la première scène de ménage avec son flot d’invectives et son jet de reproches à la figure. Que ceux qui n’ont jamais vécu cela leur jettent le premier anathème !... Et pendant ce temps-là, le psy boit du petit lait. Sarcastique et pince sans rire, il sent venir à lui deux futurs clients.
Effectivement, après s’être qualifiés de « salaud » et de « chieuse », pour tenter de sauver leur couple, Marie et Simon vont s’adresser à un psychothérapeute. William, bien sûr. Nous franchissons alors un palier qui pourrait recevoir l’épithète de médico-légal car nous sommes au premier rang pour assister à une véritable autopsie effectuée sur le cadavre d’un amour en décomposition. C’est violent. Il faut s’accrocher.
Cette pièce est intelligente, réaliste et drôle. Elle est en outre redoutable en raison de l’effet miroir qu’elle génère. Ce que vivent Marie et Simon, on l’a pratiquement tous vécu. Dans la salle, les réactions sont révélatrices. Les grands éclats de rire alternent avec les brefs gloussements approbateurs et de longs silences attentifs. On rit et on se lamente sur nous-mêmes. Même si tu m’aimes est le parfait complément, en plus explicite, de Les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus. Elle est surtout servie par des dialogues particulièrement brillants et percutants. Je me suis amusé à en relever un florilège de mes assertions préférées :
- « On est d’accord sur rien, on s’engueule sur tout »
- « Il faut accepter le combat ou renoncer au couple »
- « Vous êtes négativement complémentaires »
- « Tu es frigide du cœur et frigide du cul »
- « Entre les moments où il bosse et les moments où il gueule, il faudrait être nympho pour penser au cul »
- « Il ne faut pas confondre les poncifs avec les archétypes »
- « L’amour, c’est comme un visage ; à force de taper dessus, on ne le reconnaît plus »
- « Quand on passe des années à passer à côté de quelque chose sans rien voir, c’est qu’il n’y a rien à voir »
Les trois comédiens sont en tout point remarquable. C’est très, très, très, très bien interprété. Mélissa Drigeard et Morgan Pérez, qui campent Marie et Simon sont si naturels que l’on n’a pas l’impression qu’ils jouent. Ils sont tout entiers dans leurs personnages… Quant à Pierre Azéma, il nous permet de suivre aisément l’évolution psychologique de William. D’abord froidement détaché, il devient de plus en plus intrusif, commence à être à la fois juge et parti. Du coup, la pièce se révèle être aussi une impitoyable satire de la psychanalyse. Car William est autant dans la posture que dans l’imposture. Que de vérités sont balancées ! J’en veux pour preuve ce discours d’une terrible lucidité lorsque Simon abandonne son sens chronique de la dérision pour se lâcher enfin. Qu’est-ce qu’il lui met au William !
Si cette pièce mérite 90% d’éloges, il y a eu néanmoins des petits moments où j’ai décroché, et d’autres que j’ai trouvé superflus. Je pense plus précisément à la danse tribale. C’est rigolo à voir mais c’est trop farce pour apporter quelque chose. Et la séquence thérapie de groupe n’atteint pas le niveau d’intensité de la première partie.
Pour conclure, j’ai bien aimé cette pièce, efficacement mise en scène, où la vie de couple est finement observée et admirablement traduite en gestes et en mots. Et quelle épatante prestation nous offrent là Mélissa Drigeard et Morgan Pérez ! Comme ils nous ressemblent !
Bref, c'est un véritable bonbon. mais pas un bonbon acidulé, plutôt une dragée au poivre...
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1 commentaire:
Bonjour,
J'ai tres envie de voir cette piece, et j'aimerai emmener un couple d'amis,mais j'aurais besoin de savoir si l'histoire se termine bien?
Merci d'avance.
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