6, rue de la Folie Méricourt
75011 Paris
Tel : 01 43 55 14 80
Métro : Saint-Ambroise
Une pièce de Thierry Mourjan
Mise en scène par Thierry Mourjan
et Christine Casile
Musique de Thierry Mourjan
Avec Maud Imbert
Vendredi et samedi à 19 h 30
(jusqu’au 5 mars 2016)
Note d’intention : « Je suis né le jour de mon
anniversaire »… ou les interrogations humoristiques et candides d’un fœtus
qui hésite à venir au monde.
Il bénéficie d’une position
unique – elle ne se représentera plus – pour engager une réflexion sur la
liberté, sa liberté de « naître ou ne pas naître… »
Mais dispose-t-il réellement des
libertés ? Peut-il se permettre, comme il l’envisage, de ne pas
« donner suite » ? Est-il seul en cause dans cette prise de
décision ?
Il pressent, à juste titre, qu’il
ne peut rester éternellement dans cette bulle qui le protège et son intuition
lui laisse supposer que selon l’espèce à laquelle on appartient, son lieu de
naissance, etc…, la vie peut prendre des tournures bien différentes.
Fort de son (in)expérience, le
fond de sa pensée pourrait se résumer ainsi : « le jeu en vaut-il
bien la chandelle ? »
Mon avis : Le décor est tout blanc. La tenue de scène de
l’artiste est blanche elle aussi. Cette option n’est pas anodine ; elle fait
sens : nous nous trouvons en fait face à la première page blanche et
vierge du Grand Livre de la Vie. Après, cette fameuse vie va colorier notre
décor et nous-mêmes de différentes teintes plus ou moins gaies, plus ou moins
sombres. Mais ça, ce sera après…
Derrière le truisme, au demeurant
plaisant, qu’est la phrase-titre, va se dérouler un texte d’à peine plus d’une
heure sur les questions que se pose un fœtus (d’où le masculin du
« né ») au moment de franchir le pas. En fait, tout est ici histoire
de choix… Ce fœtus est un peu comme un mot que l’on a au bord des lèvres (aux
sens buccal et obstétrique) et que l’on hésite à sortir. On ignore tout sur ce
qui va s’enclencher derrière.
Ce qui est amusant, c’est que
nous, dans le public, on sait. On sait que toutes les interrogations, les
supputations, les tergiversations qui turlupinent notre fœtus, pour légitimes
qu’elles soient, ne sont que tracasseries intellectuelles. Nous, on sait déjà
qu’il n’y a aucune alternative. Il va falloir y aller, quoi qu’on craigne, quoi
qu’on redoute. Et c’est notre connaissance de notre vécu qui va nous amener à
nous intéresser, à nous amuser ou à nous émouvoir des différents soucis
existentiels de cet embryon.
Bien que tout cela ne soit que
pure fiction, on se plaît à suivre les élucubrations d’un fœtus qui fait l’œuf.
Et qui le fait intelligemment, brillamment…
Naître ou le néant… Choisir la
vie ou retourner au néant. Si on choisit la vie, ce qui est quand même l’option
de loin la plus généralisée, qu’est-ce qu’elle nous réserve ? Qu’est-ce
qui nous attend ? Il y na tellement de paramètres à intégrer. On ne peut
que penser à la chanson de Maxime Le Forestier : « Etre né quelque
part, pour celui qui est né, c’est toujours un hasard… Est-ce que les gens
naissent égaux en droits à l’endroit où ils naissent ?... ». Ces
questionnements un tantinet métaphysiques sont aussi légitimes que
compréhensibles.
Ce monologue fœtal est
remarquablement écrit. On ne s’ennuie pas une seconde. Tant grâce à la grande
qualité du texte qu’au jeu remarquablement subtil de Maud Imbert. Avec son joli
timbre de voix et sa frimousse angélique, elle a une façon à la fois douce,
inquiète et malicieuse de nous faire partager sa procrastination. Ce futur bébé
est un pinailleur-(presque)né. Il balaie large. Ses nombreux doutes et
digressions sont autant d’évidences qui nous donnent à réfléchir… Même s’il n’égrène
que des lieux communs, et il ne saurait en être autrement, sa façon de nous les
livrer n’est pas commune.
Ce qui est également judicieux
dans la structure de ce spectacle, c’est qu’elle se divise en plusieurs
chapitres thématiques. Ainsi, ça ne part pas dans tous les sens et c’est très
facile à suivre. Dans chacune de ces parenthèses, Maud Imbert nous offre toute une
palette de jeu, de sentiments. Epatante de bout en bout, le spectacle qu’elle
nous livre est de l’ordre de la performance d’acteur.
Ce débat originel est original. Nombre
de fois certaines réflexions ou saillies candides provoquent un petit rire d’approbation
(n’oublions pas que nous, on sait, et que nous ressentons une réelle compassion
devant tant de naïveté). Et l’on sait aussi que la curiosité sera toujours plus
forte que l’appréhension et la peur de l’inconnu. A peine l’enceinte franchie,
on va éprouver un grand sentiment de liberté habité par une profonde avidité
d’affronter les mystères de ce chemin qui s’ouvre devant nous.
Ici, la fin (de la pièce) est un
début. La mise en scène est pertinente. Soudain, le rythme s’accélère, notre fœtus
n’a plus le temps de penser, embarqué qu’il est dans un maelstrom incontrôlable…
La métamorphose de Maud Imbert est spectaculaire. Elle s’anime. Elle a choisi…
Mais l’avait-t-elle vraiment le choix ?
Gilbert « Critikator »
Jouin
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