Théâtre
Michel
38, rue des Mathurins
75008 Paris
Tel : 01 42 65 35 02
Métro : Madeleine /
Havre Caumartin / Auber
Une comédie de Didier
Caron
Mise en scène par Didier
Caron
Décor de Sébastien
Barbaud
Costumes de Christine
Chauvey
Lumières de Sébastien Lanoue
Avec Didier Caron (Daniel), Julia
Dorval (Nadège), Michel Feder
(Jean-Claude), Romain Fleury
(Fabien), Sandrine Le Berre
(Magali), Christiane Ludot
(Michelle), Karina Marimon
(Suzanne), Arnaud Pfeiffer (Serge), Véronique Viel (Zoé)
Présentation :
Les Lemarchand se retrouvent pour un déjeuner dans le jardin de la maison
d’Alphonse qui vient de décéder. C’est le moment de retrouvailles avec les amis
proches, avec d’autres membres de la famille. Jean-Claude, le père, annonce
qu’il va léguer la maison à ses trois enfants. Mais sa fille, Magali, n’en veut
pas. Pourquoi ? C’est le moment qu’elle choisit pour l’interroger sur une
question qui lui taraude l’esprit depuis des années. Malheureusement, la
réponse est tout sauf celle attendue. Cette révélation va donner des ailes au
reste de la famille et les petits secrets comme les plus grands vont éclater
sous le pin parasol du jardin d’Alphonse…
Mon
avis :
Le jardin d’Alphonse n’a rien à voir
avec le jardin d’Eden où Adam et Eve folâtraient, batifolaient et glandaient en
toute insouciance. Mais tout cela, c’était avant le coup de la pomme, le pêché
et la disgrâce... Ici, les Adam et les Eve sont confrontés aux dures réalités
de la vie. Cette pièce, formidablement réussie, est banalement et terriblement
humaine. Elle ne cesse de nous mettre face à nous-mêmes.
Au début, tout est réuni
pour que cette réception post-obsèques soit des plus agréables : décor
bucolique, pelouse parfaitement tondue, on sent l’océan tout proche ; nous
sommes en Bretagne. Or, il n’aurait pas fallu que ce soit un pin parasol qui
trône côté « jardin » (évidemment), mais plutôt un pépin parasol. En
effet, en dépit du temps ensoleillé, les nuages et les embruns vont petit à
petit s’accumuler et tout le monde va être mouillé. Alors que tout semble
paisible, c’est Magali qui va ouvrir les hostilités et attaquer son père
frontalement pour qu’il éclaircisse une bonne fois pour toutes une zone d’ombre
se rapportant à la seconde guerre. Son entêtement et son agressivité vont faire
boule de neige et ce sont tous les protagonistes de ce déjeuner qui vont
soudain éprouver le besoin de régler leurs comptes.
Cette pièce est
remarquable en ce sens où les neuf personnages sont affectés du même traitement
par l’auteur. Chacun a la même importance. Chacun a son histoire, chacun a son
tempérament, chacun a sa philosophie de vie ? Ce qui est bluffant, c’est
que Didier Caron a réussi le tour de force de peindre de vrais caractères.
Comme dans la réalité, rien n’est tout noir, rien n’est tout blanc. Beaucoup de
gris, pour peu de rose.
Au début, chacun montre
un trait général de sa personnalité. Magali a son franc-parler, elle est
pugnace ; Zoé est complètement allumée ; Serge est cash, vindicatif
et acariâtre ; Jean-Claude est conciliant ; Michelle est aimable et
bienveillante ; Nadège est une bimbo capricieuse et manipulatrice ;
Daniel est silencieux ; Fabien est ambitieux, il ne pense qu’à ses
affaires ; et Suzanne est une pipelette intarissable, gaffeuse et haute en
couleurs… Mais au fur et à mesure que l’intrigue avance, on s’aperçoit que
chacun cache quelque chose de plus secret, de plus intime. Chacun porte en lui
une blessure.
On découvre alors que
Magali est très vulnérable, que Zoé a plus de profondeur que l’on croyait, que
Serge est un estropié du cœur, que Michelle n’est pas tout à fait satisfaite de
sa vie, que Nadège est en réalité très fûtée et en souffrance aussi, que Daniel
subit une lourde épreuve, que Fabien n’est la success boy qu’il se complaît à
camper, alors que Suzanne reste une pipelette intarissable, gaffeuse et haute
en couleurs, mais…
On s’intéresse et l’on s’attache
à chaque personnage. On a tous en nous quelque chose de l’un(e) d’entre eux,
voire de plusieurs. Les Lemarchand et leurs amis forment une famille comme tant
d’autres.
La construction de la
pièce a ceci de très habile qu’en fonction des absences de l’un ou de l’autre,
l’auteur a réussi à dégager des moments de tête-à-tête entre les personnes que
nous, spectateurs, nous avons envie de voir confrontés. Les dialogues sont
incisifs, mordants, parfois cruels. Les moments de tension alternent avec des
séquences pleines d’humour. On est dans la vie.
Dans le testament d’Alphonse,
il est bien sûr question d’héritage et de succession. Mais le brave défunt n’aurait
pas pu imaginer que chacun allait hériter de vérités qui ne sont pas toujours
bonnes à entendre et être le témoin d’une succession de règlements de comptes.
Tous les comédiens sont
épatants. Comme ils sont traités à égalité par l’auteur, personne ne tire la
couverture à soi. Impossible. Malgré tout, on ne peut occulter le rôle
prépondérant que tient Suzanne. Elle est l’élément cent pour cent comique de la
pièce. La prestation de Karina Marimon est inénarrable. Elle fait l’unanimité.
Tout le monde parle de sa performance. Didier Caron lui a concocté un rôle sur
mesure, celui de la soupape. Elle y est magistrale… Mais jamais au détriment de
ses partenaires car ils ont tous leur importance et tiennent leur personnage avec
une totale crédibilité et une profonde vérité.
Lorsque le portail se
referme sur le jardin d’Alphonse, ce sont neuf jardins secrets qui ont été mis
au jour. Pour notre plus grand plaisir…
Gilbert « Critikator »
Jouin
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