samedi 10 février 2018

Fabrice Eboué "Plus rien à perdre"


Théâtre de la Renaissance
20, boulevard Saint-Martin
75010 Paris
Tel : 01 42 08 18 50
Métro : Strasbourg Saint-Denis

Seul en scène écrit et interprété par Fabrice Eboué
Mis en scène par Thomas Gaudin

Présentation : Fabrice Eboué se lâche comme jamais dans ce nouveau spectacle. S’il s’en donne à cœur joie sur les véganes, les complotistes ou son couple mixte, c’est surtout de lui-même qu’il préfère rire…

Mon avis : Affirmer qu’il n’a « Plus rien à perdre » alors qu’il vient à peine de franchir la quarantaine me semble un tantinet prématuré. En même temps, c’est sans doute dicté à la fois par son côté kamikaze et jusqu’au-boutiste et aussi par l’irrépressible et visible… perte de ses cheveux. Plutôt que d’en pleurer, il a choisi d’en rire… un peu jaune.

Peut-être Fabrice Eboué joue-t-il chaque spectacle comme si c’était le dernier. Cet état d’esprit ne peut que se révéler productif dans son écriture et dans son jeu. En vidant son cœur et son encrier jusqu’à la dernière goutte, il ne peut que nous offrir le suc de sa pensée. C’est la reine des abeilles qui nous fait cadeau de son nectar. Puisque j’évoque une bestiole, j’en profite pour souligner combien il excelle dans le mimétisme animalier. Lorsqu’il incarne une huitre ou un moustique, il est criant de vérité ! Mais il sait également caricaturer quelques humains. Son Rom et sa caissière de magasin bio sont d’un réalisme étourdissant.


Puisqu’il arrive sur scène avec la conviction de n’avoir donc « Plus rien à perdre », il y va tout de suite à fond. Il a laissé le filtre dans sa loge (encore qu’il ne soit pas avéré qu’il en n’ait jamais eu un…). Pendant une heure et quart, c’est un jet continu de vannes, d’insolences, d’humour noir (qui est le degré supérieur de l’humour métis), d’iconoclastie, de mauvaise foi (beaucoup), d’autodérision (beaucoup), de formules-qui-tuent… Pour synthétiser son mode d’expression spontané, je ne peux qu’inventer un mot : la férossitude.

« Provocatueur » en série, il n’aime rien tant que de tordre le cou aux clichés. Il accomplit ses forfaits avec un sourire tour à tour bonhomme, ironique ou sadique. Il canarde tous azimuts. C’est facile pour lui, il joue sur du velours : il peut taper sur tout le monde sans qu’on puisse l’accuser d’une quelconque discrimination. Selon que ça l’arrange, il est Camerounais ou Normand. Il peut critiquer les religions sans scrupules : il est catholique, sa femme est musulmane… Il n’a vraiment rien à perdre.


Alors il arrose à 360 degrés. Il cible aussi bien les attentats que la grammaire intuitive, les véganes que les agressions sexuelles, la quarantaine que les thèses négationnistes, le Nutella que les réseaux sociaux… Seul, en fait, son fils trouve un semblant de grâce à ses yeux. Tout n’est donc pas perdu.
Bon signe : lorsqu’on trouve qu’un spectacle est passé trop vite, c’est qu’il est vraiment bon. Quand il se termine on a la frustrante sensation d’un coitus interruptus… Enchaînant les sujets, les thèmes et les réflexions sans aucun temps mort avec son sens de l’observation si aiguisé et si personnel, Fabrice Eboué n’épargne rien ni personne, même pas lui-même. Ce stand-up très abouti est une vraie performance…

Gilbert « Critikator » Jouin


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