Le Splendid
48, rue du Faubourg Saint-Martin
75010 Paris
Tel : 01 42 08 21 93
Métro : Strasbourg Saint-Denis / Château d’eau /
Jacques Bonsergent
Une pièce de Sacha Judaszko et
Fabrice Donnio
Mise en scène de Jean-Luc Moreau
Décors de Charlie Mangel
Costumes de Juliette Chanaud
Lumières de Jacques Rouveyrollis
Musique de Sylvain Meyniac
Avec Joy Esther, Daniel-Jean
Colloredo, Fabrice Donnio, Arnaud Gidoin, Sacha Judaszko
L’histoire : Quand l’homme le plus discret de la terre se
retrouve avec la chose la plus voyante et dérangeante au milieu du visage.
Aujourd’hui est un grand jour
pour Sylvain Sabourdin : il doit rencontrer son futur beau-père, passer un
entretien d’embauche et prendre de grandes décisions. Mais alors qu’il se
prépare, une panne d’électricité l’empêche de se raser complètement et le
laisse avec une moustache… la moustache d’Hitler…
Mon avis : La Moustâche
est une pièce absolument pas barbante où l’on se poile du début à la fin… Certes,
ces jeux de mots sont faciles mais, ici, ils prennent tout leur sens et ils s’imposent.
J’en ai vu des comédies, mais je pense que celle-ci détient le record absolu des
quiproquos. Les deux auteurs, Sacha Judaszko et Fabrice Donnio ont construit
leur pièce sur une succession ininterrompue de malentendus. Il y en a certes
quelques uns qui sont tirés par les cheveux or, peut-être en raison de ces
partis pris, on s’en amuse encore plus.
L’idée de départ, sur laquelle
toute la pièce va s’articuler, est magistrale. Suite à une panne de courant
intempestive survenue alors qu’il est en train de se raser, Sylvain se retrouve
affublé d’une petite moustache identique à celle qu’arborait Adolf Hitler.
Comment va-t-il se sortir de cette image désastreuse aux antipodes de ce qu’il
est dans la réalité face au gardien de son immeuble et, surtout, face à son
futur beau-père et à un hypothétique employeur ?
Tout de suite, le bras tendu en
salut romain et la moustache frémissant (car j’en porte une), je tiens à mettre
en exergue la performance scénique accomplie par Arnaud Gidoin. Avec un
abattage incroyable, une redoutable efficacité dans le moindre geste et la
moindre mimique, il campe une sorte d’insecte qui, uniquement mû par la force
de sa bonne foi, se bat avec l’énergie du désespoir pour se sortir d’une infernale
toile d’araignée. Et Dieu sait combien il en a la phobie de ces arachnides !
Personnage discret, falot, un tantinet timoré même, Sylvain n’est pas équipé
psychologiquement pour aller dans l’affrontement. Et pourtant, il va bien
falloir qu’à cause de cette sinistre moustache, il y aille s’il veut à la fois
sauver son image et son couple.
Ce quintette est en effet
particulièrement réjouissant. Sacha Judaszko incarne avec un plaisir non
dissimulé Monsieur Michaud, le gardien de l’immeuble, un personnage qui cumule les
turpitudes ; il est sans gêne, mesquin, malhonnête, rancunier, veule… Il y
a en lui un du Jugnot du Père Noël est
une ordure… Daniel-Jean Colloredo, qui joue le beau-père potentiel de
Sylvain, interprète lui aussi un personnage haut en couleurs. Il est
autoritaire, suspicieux, sanguin, susceptible, mais il est également un peu
cachottier…
Fabrice Donnio, co-auteur de la
pièce, ne s’est pas donné le plus beau rôle, celui du copain de Sylvain. Il le
squatte, abuse sans vergogne de sa gentillesse, et se permet même de le
critiquer et de lui donner des leçons. Même s’il n’est pas très reluisant, on
voit bien que ce n’est pas le mauvais bougre. C’est juste un profiteur… Enfin, il
y a Joy Esther dans le rôle de Lisa… Elle est impeccable de bout en bout. Elle
est, de loin, la plus normale, la plus équilibrée de la troupe. Son jeu est
toujours très juste, elle n’est jamais en porte-à-faux. Et pourtant sa tâche n’est
pas aisée, seule femme face à ces quatre énergumènes plutôt gratinés. Transformée
par la force des choses en tour de contrôle, elle s’en sort à merveille, parce
qu’elle est franche, honnête, sincère et… amoureuse. Très fine prestation de sa
part.
La Moustâche n’est pas qu’une simple comédie. Les auteurs y font
subtilement passer quelques jolis messages dont le plus significatif est la
tolérance. La fin, elle aussi à tiroirs (Judaszko et Donnio, c’est Monsieur
Plus au carré), est vraiment parfaite. Quand la salle se rallume, les
spectateurs, surpris et attendris par une ultime pirouette, affichent un large
sourire satisfait.
Gilbert « Critikator »
Jouin
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