vendredi 7 février 2020

Les Ritals

La Scène Parisienne
34, rue Richer
75009 Paris
Tel : 01 40 41 00 00
Métro : Grands Boulevards / Cadet

Salle Anémone
Jusqu’au 26 avril 2020

D’après le livre de François Cavanna
Adaptation de Bruno Putzulu
Mis en scène par Mario Putzulu
Lumières de Vincent Lemonnier
Musique originale de Grégory Daltin
Interprété par Bruno Putzulu et Grégory Daltin à l’accordéon (en alternance avec Aurélien Noël)

Présentation : François Cavanna livre le récit drôle et émouvant de son enfance de petit Italien émigré, fils de maçon, installé avec sa famille sur les bords de la Marne. Nogent, les guinguettes, les bals populaires, tout cela en marge du Front populaire.
Bruno Putzulu et Grégory Daltin donnent à entendre la drôlerie, la tendresse et le souffle de vie de ce truculent et décapant roman autobiographique. Du Cavanna, quoi !
Le bonheur populaire, l’élégance prolétarienne et la richesse des humbles : c’est cela Les Ritals !

Mon avis : En quittant la charmante salle Anémone de La Scène Parisienne, je me suis posé la question de savoir quel élément de ce spectacle je devais mettre le plus en exergue. Je n’ai pas hésité une seconde. Si je devais hiérarchiser mes impressions, c’est la performance de Bruno Putzulu que je mets en avant. Totalement habité par son personnage, sans cesse en mouvement, déployant une palette de jeu d’une richesse époustouflante, il nous livre une prestation de haut vol.
On le sent profondément impliqué dans la narration de l’enfance de François Cavanna. Ses origines sardes, par son père, y sont sans doute pour beaucoup. Il a dû opérer une forme de rétro transfert très compréhensible. Pourtant, quelle gageure que d’essayer d’adapter Les Ritals de François Cavanna, une autobiographie pleine de vie et haute en couleurs.
L’affiche est maline, évocatrice : Bruno Putzulu se tient tout au bord, comme s’il osait à peine s’immiscer dans l’espace, impressionné qu’il est par l’œil bleu perce-muraille de François Cavanna. Que de respect dans cette attitude !


Face à ce récit bouillonnant, truculent, Bruno Putzulu a dû faire un choix. Il le reconnaît d’ailleurs en toute sincérité à la fin : il s’est beaucoup concentré sur la mémoire du papa du petit François, Luigi, un maçon modeste et travailleur. Il en brosse un portrait attachant, drôle et émouvant. Ce spectacle qui couvre dix ans de l’enfance de l’auteur – de 6 à 16 ans – pendant les années 30, aurait pu être sous-titré « Mon père, ce héros » ou « La Gloire de mon père »… 

Le racisme anti-Italiens, pourtant vivace à cette époque à Nogent-sur-Marne, est juste effleuré. Bruno Putzulu évoque néanmoins les insultes, les coups échangés, le repli communautaire. Mais il ne manque pas de rendre un vibrant hommage à l’éducation nationale. François Cavanna était le premier de sa classe. Ses instits l’ont éveillé, instruit, lui ont donné la passion de la lecture. Il allait devenir un des plus prolifiques auteurs contemporains avec 70 livres en tous genres. Pierre Desproges, qui l’admirait, le qualifiait de « Rabelais moderne ».


Au-delà de l’amour filial, omniprésent, ce spectacle déborde de tendresse, d’humanité, d’humour, de mélancolie avec, de temps à autre, quelques sentiments de révolte qui nous rappellent que, toute sa vie, François Cavanna s’est érigé en grand défenseur des valeurs républicaines et que, toute sa vie, il a combattu toutes les formes d’injustice.
Personnellement, ayant eu le bonheur de l’interviewer à plusieurs reprises, je garde le souvenir d’un homme doux, profondément bon, profondément humain, traitant ses colères avec beaucoup de dérision.


Au son d’un accordéon qui habille subtilement chaque séquence, l’interprétation « putzulienne » des Ritals nous happe immédiatement. Sa gestuelle, très physique, est inventive, proche souvent du mime. Comédien hors pair (mais surtout pas « hors père ») il est tout entier au service de sa narration.
Bref, ses Ritals font de nous les témoins d’une intense et picaresque tranche de vie. Cette trajectoire, pourtant si personnelle, touche à l’universel.

Gilbert "Critikator" Jouin

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