lundi 28 novembre 2011

Les Lyonnais


Un film d’Olivier Marchal
Ecrit par Olivier Marchal d’après le livre d’Edmond Vidal
Avec Gérard Lanvin (Edmond Vidal), Dimitri Storoge (Edmond Vidal années 70), Tchéky Karyo (Serge Suttel), Olivier Chantreau (Serge Suttel années 70), Valeria Cavalli (Janou), Daniel Duval (Christo), Lionel Astier (Dany), Francis Renaud (Brandon), Patrick Catalifo (Max Brauner), Estelle Skornik (Lilou Suttel), Pierre-André Gilard (Diégo), François Levantal (Joan Chavez), Etienne Chicot (Le Grec)
Sortie le 30 novembre 2011

Synopsis : De sa jeunesse passée dans la misère d’un camp de gitans, Edmond Vidal, dit »Momon », a retenu le sens de la famille, une loyauté sans faille, et la fierté de ses origines. Il a surtout conservé l’amitié de Serge Suttel, l’ami d’enfance avec qui il a découvert la prison suite à un stupide vol de cerises. Avec lui, inexorablement, il a plongé dans le grand banditisme et connu l’apogée du Gang des Lyonnais, l’équipe qu’ils ont formée ensemble et qui a fait d’eux les plus célèbres braqueurs du début des années 70. Leur irrésistible ascension prend fin en 1974, lors d’une arrestation spectaculaire… Aujourd’hui, à l’approche de la soixantaine, Momon tente d’oublier cette période de sa vie. Sa rédemption, il l’a trouvée en se retirant des « affaires », en prenant soin de Janou, son épouse, qui a tant souffert à l’époque, et des ses enfants et petits-enfants…

Mon avis : Olivier Marchal a encore frappé ! Décidément, en matière de polar, il y a une patte, un ton, une signature « Marchal ». C’est le quatrième qu’il réalise et, à chaque fois, il nous propose un nouveau film tout aussi efficace et prenant. Dans 36, quai des Orfèvres et MR 73, il s’était appuyé sur son propre vécu, évoquant des personnes qu’il avait croisées durant ses dix années passées dans la police. Cette fois, il s’est inspiré de Pour une poignée de cerises, le livre de souvenirs écrit par Momon Vidal, un des caïds du gang des Lyonnais qui a sévi au début des années 70. De cette histoire pleine de bruit et de fureur, il a tiré un polar nerveux et haletant. Et formidablement humain.
Olivier Marchal a réalisé un film qui serait quelque part la synthèse entre Le Clan des Siciliens et Le Cercle rouge, mais avec une facture 2011. C’est d’autant plus troublant que les méfaits des Lyonnais ont eu lieu entre 1970 et 1974, et que le film de Verneuil et celui de Melville datent eux aussi de cette époque, 1969 pour le premier, 1970 pour le second (avec la DS 19 pour symbole commun)… Lorsque je parle de « facture 2011, c’est essentiellement au niveau du rythme et de la qualité de la photographie que je fais référence. Le film dure 1 h 40 et on ne le voit pas passer tant les actions s’enchaînent sans nous laisser à peine le temps de respirer.

Le générique lui-même est une sorte de mise en bouche du menu qui nous attend. Sur les notes d’un rock’n’roll rageur, se succèdent des images en noir et blanc et sépia. Procédé habile qui va nous faciliter la compréhension tout au long du film. Tout ce qui déroule entre les années 50 et 70 est traité dans ces trois tons. Et toutes les scènes du présent sont en couleurs. Il vaut mieux car le film effectue sans cesse des allers et retours dans les trois époques (l’enfance de Momon et Serge, leurs débuts dans le grand banditisme, et le présent).

En plus de Verneuil et Melville, Olivier Marchal est allé chercher une troisième référence outre-Atlantique du côté de Coppola. En effet, la scène de baptême qui ouvre le film fait inévitablement penser à celle du mariage du Parrain. A part qu’ici, les Gitans remplacent les Ritals. Sinon, c’est exactement la même ambiance avec une action qui se déroule en parallèle avec la fête… Mais passé ce clin d’œil, Olivier hausse le ton, change de braquet (de braquo ?) et refait du Marchal. Et c’est parti pour une succession de scènes spectaculaires, haletantes, brutales, éprouvantes qui tombent comme des couperets. Il ne s’embarrasse pas de fioritures, il ne va plus qu’à l’essentiel. Les images sont réalistes, sans concession; mais jamais gratuitement gore. Elles sont même volontairement moins violentes que dans les précédents films. Mais le résultat est le même : on subit une impérieuse et incontrôlable montée d’adrénaline.

Ce film est construit comme un western (Le Marshall n’est-il pas un shérif ?…). Il en a la dramaturgie, la dimension tragique. C’est tout simplement une histoire d’amour et d’amitié. D’amitié virile avec code de l’honneur à la clé. Hélas, pas pour tous. Alors les colts aboient… Avec le personnage de Momon Vidal, Gérard Lanvin décroche un de ses plus beaux rôles au cinéma. Il est géant. Quelle gueule, quel charisme ! Quand je pense que c’était Alain Delon qui avait été pressenti. Heureusement que Le Fils à Jo est passé par là !
Et quand on parle de « gueules », un autre des grands talents d’Olivier Marchal c’est de faire appel à d’excellents comédiens dotés de véritables tronches : Daniel Duval, Lionel Astier, Francis Renaud, François Levantal… Ils font tous plus vrais que nature. Face à ces visages taillés à coups de cutter, il y a peu de place pour la grâce et la douceur féminine. C’est très difficile pour elles d’exister dans ce monde où la testostérone est reine. Et pourtant, les trois personnages féminins du film tirent remarquablement leur épingle du jeu, que ce soit la fraîche et frémissante Stéphane Caillard (dans le rôle de Janou jeune), Estelle Skornik, aussi belle que déterminée dans le rôle de Lilou, la fille de Serge Suttel, et Valeria Cavelli, magnifique et touchante en Pénélope moderne.
Tchéky Karyo crée là une de ses plus fortes compositions, à la fois hiératique et ambiguë. Révélation du film, Dimitri Storoge apporte au personnage d’Edmond Vidal jeune toute sa fougue et sa complexité. Dans le moindre de ses gestes, le moindre de ses regards, se dessine le caractère qu’il va se forger pour devenir Momon, caïd respecté et (presque) respectable. C’est un truand à l’ancienne pour qui la parole donnée est sacrée et intangible. Comme c’est également un homme amoureux (et aimé), il prend une dimension quasiment romantique… Et comment ne pas mentionner Etienne Chicot ? Il n’a qu’une scène, mais il nous offre un numéro de haute voltige particulièrement impressionnant.

En conclusion, on ne peut qu’accorder un énorme crédit aux Lyonnais. Olivier Marchal signe ici un film totalement abouti, sans aucun temps mort, tout en réussissant à distiller les grands sentiments qui l’habitent. Moins âpre, moins noir, moins désespéré que 36, quai des Orfèvres et MR 73, il est vraiment tous publics. Du bon, du grand cinéma. Efficace, quoi…

vendredi 25 novembre 2011

Mozart, l'Opéra rock en 3D


Je tenais à signaler la sortie en salle de la comédie musicale Mozart, l’Opéra rock en 3D. Je l’ai vu au Grand Rex le 7 novembre et j’ai découvert ce spectacle sous un angle tout-à-fait nouveau.
Si vous l’avez aimé sur scène, vous allez l’adorer sur grand écran. Personnellement, ce qui m’a le plus bluffé, c’est la réelle qualité dans le domaine de la comédie pure des différents protagonistes de l’histoire, Mikelangelo Loconte en tête. Les nombreux gros plans sur les visages ne trompent pas. On peut y lire toute la palette des sentiments qui animent les acteurs, et plus particulièrement l’émotion. Sur grand écran, la beauté hiératique et la qualité de jeu de Mélissa Mars deviennent des évidences. Mais ils sont tous bons, il n’y a aucune fausse note. Les chansons elles-mêmes prennent une autre dimension car on peut capter l’intention de chacun des interprètes, lire ce qu’il ou elle ressent. En cela, on ne peut que saluer a posteriori la perfection de ce casting.
Ce sont des opérateurs Sud-Coréens qui ont assuré cette captation. 70 techniciens pour 22 caméras. De quoi débusquer le moindre geste et la moindre mimique. Le montage et le traitement de l’image ont duré un an… Mozart, l’Opéra rock en 3D est diffusé dans 230 salles à travers la France. C’est une première dans le genre. Une réussite.
Sortie le 25 novembre 2011

mercredi 23 novembre 2011

Hommage à Georges Brassens

Poème-hommage à Georges Brassens contenant les titres des 136 chansons qu'il a enregistrées...


La rose, la bouteille et la poignée de main,
L’amitié, la beauté, la bonté et le vin
Pour ce bonhomme sont les symboles parfaits.
Sa musique et ses mots feront des ricochets
Dans nos cœurs comm’ dans l’eau de la claire fontaine
La mauvaise herbe pousse au pied de ce grand chêne
Accueillant, comme hier, les oiseaux de passage.
Le bougre ne craint pas ni le vent ni l’orage
Et son ombre est pareille à l’ombre des maris
Où les bêtes à deux dos sont si bien à l’abri.

Quand on a mauvaise réputation à Sète
Il suffit de passer le pont, guitare prête,
D’emprunter vite la route aux quatre chansons
Pour monter à Paris redorer son blason.
Sans ses maman, papa et Corne d’aurochs loin
Il fallut conquérir croquants et Philistins
Heureusement pour lui il y avait la Jeanne,
Germaine Tourangelle et de galantes dames
Ainsi qu’oncle Archibald et surtout ce bougnat,
Ami qui inspira Chanson pour l’Auvergnat.

Bientôt ce mécréant bâti comme un gorille
Rendit sur scène hommage à sa première fille
Aux casseuses aussi, misogynie à part
La Ballade des gens qui sont nés quelque part,
Qui de Montélimar, qui de Choisy-le-Roi,
Il fallait y penser, c’est beau, putain de toi !
Et ce mauvais sujet repenti, si modeste
Devint soit pornographe aux chansons plutôt lestes
Soit ce Moyenâgeux qui a si bien décrit,
Tel Villon, le fameux verger du Roi Louis.

La femme dans sa vie, il l’aima au pluriel :
De la brave Margot, à Pupchen et Mireille
De la fille à cent sous jusques à la marquise,
Mélanie, Colombine et Vénus callipyge
Sans l’entraîner jamais à la marche nuptiale.
Il n’y a pas d’amour heureux quand on s’installe.
Il sait trop que le temps ne fait rien à l’affaire
Que Cupidon s’en fout, fait fi de la prière.
Joue donc les Don Juan, fais-les vibrer « Nounours »
Mets à part Pénélope et embrasse les tous.

Qu’il dise sans sourire : « Je suis un voyou »
Quelle image traîtresse et lui même il avoue :
«Je m’ suis fait tout p’tit pour un coin d’ parapluie
Le temps passé à l’ombre du cœur de ma mie
Il m’a paru bien doux et au bois de mon cœur
A grandi l’amandier tel une jolie fleur »
En moutons de Panurge on fut plus d’un million
A vouloir découvrir la chasse aux papillons
Ou les sabots d’Hélène ô combien érotiques,
A rêver de Fernande au pouvoir « élastique »

Bien qu’aimant effeuiller souvent la marguerite
C’est « les copains d’abord » son idée favorite.
Quatre-vingt-quinz’ pour cent d’amitié dans son cœur
Qui ressemble à l’amour vraiment comme une sœur.
Il aime autant, et sans concurrenc’ déloyale,
La cane de Jeann’, ses chats, le petit cheval,
Que son tonton Nestor, le vieux Léon, l’ancêtre,
Les quatre bacheliers, grand-père de Bicêtre
Et le pauvre Martin, sale petit bonhomme,
Qui hantent ses chansons en aimables fantômes.

J’aime à l’imaginer au bistrot La Marine
Ironisant parfois sur une Bécassine,
Admirant les passantes alors que Marinette
La serveuse, entassait, épaves, les canettes.
Il devait écouter la ronde des jurons
D’ivrognes égarés, patriotes, ex-troufions
D’ la guerr’ 14-18, l’avant-dernier « Grand Pan »,
Buvant pour oublier les funéraill’ d’antan.
Quand les pensées des morts se diluent dans le vin,
Mourir pour des idées comme ça semble vain !

Comme il faut d’indulgence et de chaleur au cœur
Pour écrire Les Stances à un cambrioleur,
L’élégie à un rat de cave ou La tondue,
Et Celui qui a mal tourné, bien entendu.
N’oublions pas La complainte des fill’ de joie
Ça, putain non, sauf le respect que je vous dois.
Bien qu’étant mécréant, on peut aimer en homme
La pas très religieusLégende de la nonne
Et vouloir célébrer la messe du pendu
Sans se soucier si le bon Dieu l’avait voulu.

Dans l’œuvre de Brassens, il n’y a rien à jeter.
Sonnez, sonnez, trompettes de la renommée
Son testament sera, défi au temps qui passe,
Art parmi les quat’z’arts, dans les livres de classe
Et La ballade des dames du temps jadis
Ou le Gastibelza, que l’on croirait ses fils,
C’est auprès de mon arbre un bouquet de lilas,
C’est l’anneau de Saturne à l’éternel éclat.
Il a, tout en faisant le père Hugo cocu,
- Le bel assassinat – mis la musique en plus.

Quatre-vingt-un : l’automne en affreux fossoyeur
Dépêche la camarde à ce pauvre pêcheur.
Le mot « fin » au dernier bulletin de santé,
S’il ne crée la tempête dans un bénitier,
Fait pleurer les deux oncles et la femme d’Hector,
Une foule d’amis, d’inconnus de tout bord.
Et on a vu les amoureux des bancs publics,
Cessant de s’embrasser, fredonner La supplique
Oui, pour être enterré à la plage de Sète ;
Merveilleux testament, pied de nez de poète.

Parfois la mort d’un seul nous semble une hécatombe.
Mais ce trompe-la-mort ne gît pas dans sa tombe :
La faucheuse s’est vue dedans son sarcophage
Recevoir une non-demande en mariage.
Car le petit joueur de flûteau d’un ton doux
Lui a dit : « C’est sûr, j’ai rendez-vous avec vous ;
C’est mes amours d’antan que je visite au ciel
Et malgré vos yeux doux je rejoindrai ma belle.
Point de lèche-cocu, d’histoire de faussaire,
Ou gare à la fessée, suaire ou pas suaire.
la
On ne f'ra pas la ballade des cimetières
Il n’aurait pas aimé, trop modeste, trop fier,
Qu’on lui fît les obsèques d’un roi, d’une reine
Mais d’aussi simples que l’enterr’ment de Verlaine,
Et qu’un bon mois après le vingte-deux septembre,
Il retrouve là-haut, si chers à son cœur tendre,
Et le père Noël et la petite fille,
Que le nombril des anges ait l’aspect du nombril
Des femmes d’agent, et qu’il ait aux cieux la cote
Tout comme dans la princesse et le croque-notes

lundi 21 novembre 2011

Echo logique

En adoptant des airs d'EPR la pudeur, François Hollande a versé la goutte de plutonium qui a fait déborder les Verts. Pas besoin d'être sorti de Centrale (nucléaire) pour craindre qu'il ne joue à qui EPR gagne. Mais de qui se mox-t-on ? C'est pas Joly, Joly tout ça...

T'Choupi fait son spectacle


Casino de Paris
16, rue de Clichy
75009 Paris
Tel : 08 926 98 926
Métro : Trinité

D’après le personnage créé par Thierry Courtin
Mise en scène de Caroline Duffau et Stéphan Guérin-Tillie
Textes de Jean-François Bordier
Chorégraphie de Gladys Gambie

L’histoire : T’Choupi a 3 ans et la curiosité qui va avec. Les enfants aiment partager avec lui les situations de la vie quotidienne qu’il traverse toujours avec douceur, malice et espièglerie, accompagné de son inséparable nounours Doudou… Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de maman et T’Choupi propose de lui faire une grande surprise : un vrai spectacle musical où il propose aux enfants de participer à sa création en direct avec lui…

Mon avis : Très joli spectacle pour enfants. Disons, jusqu’à 10 ans… Nous sommes dans le salon de la famille de T’Choupi ; un salon flashy à dominantes rouge et jaune, bizarrement surplombé d’un énorme soleil. T’Choupi et ses amis Lalou, la fille, et Pilou le garçon jouent, chantent, dansent et se chamaillent gentiment sous le regard complice de Doudou, le nounours… Apparaissent alors les parents. Maman doit s’absenter pour la journée. Elle confie la garde des enfants au papa. A peine est-elle sortie que le papa, incidemment, rappelle à T’Choupi que c’est aujourd’hui l’anniversaire de sa mère… Panique à bord. T’Choupi n’a rien prévu pour fêter l’événement. Alors, avec ses deux camarades, il va essayer de préparer à sa maman un accueil inoubliable lorsqu’elle rentrera à la maison…

Ce qui est bien avec ce spectacle empli de tendresse et de bons sentiments, c’est qu’il n’est pas bêtifiant. Les chansons, très entraînantes, sont fort bien écrites. Leurs paroles sont amusantes et absolument pas gnangnan. Quant aux chorégraphies, elles sont elles aussi plutôt réussies, avec une mention particulière pour la personne qui est cachée dans la panoplie de Pilou qui se révèle être un très bon danseur. T’Choupi fait son spectacle est un divertissement plaisant, idéalement formaté pour les enfants. La mise en scène est pleine de malice. J’ai trouvé entre autres très beau le tableau des fleurs. C’est tonique, fluide, rythmé et très, très coloré. On a l’impression de se retrouver au beau milieu d’un livre d’images animé.
Une seule chose est un peu désagréable dans ce type de spectacle, c’est le nombre incalculable de portables et de caméras qui s’allument sans cesse pour photographier ou filmer telle ou telle scène. C’est vraiment agaçant. Bien sûr, je comprends que les parents aient envie d’immortaliser ce moment partagé avec leurs chères têtes blondes et autres. Mais j’avoue que c’est parfois pénible. Le pire, c’est que c’est en train de se systématiser…
Voilà, c’est dit… Maintenant, je ne peux que vous recommander ce spectacle pour vos petits. Même en tant qu’adulte, on ne peut que le trouver absolument charmant. Il n’y a donc aucune restriction.

vendredi 18 novembre 2011

Sunderland


Petit Théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris
Tel : 01 42 80 01 81
Métro : Trinité / Blanche / Saint-Lazare

Une pièce de Clément Koch
Mise en scène par Stéphane Hillel
Avec Elodie Navarre (Sally), Constance Dollé (Ruby), Léopoldine Serre (Jill), Vincent Deniard (Gaven), Vincent Németh (Paul), Thierry Desroses (Gordon), Bénédicte Dessombz (Mary Malwn), Pascale Mariani (Miss Gallagher)

L’histoire : Au nord de l’Angleterre, la pluie, la grippe aviaire, et les défaites de l’équipe de foot locale n’ont pas eu raison de la volonté de vivre de Sally. Pourtant, si dans quelques jours, elle ne trouve pas un travail, elle risque de perdre la garde de sa petite sœur, que certains seraient tentés de surnommer « la toquée ».
Alors, pour ne pas la renvoyer au Centre, elle est prête à tout, y compris à devenir une mère de passage et louer son utérus. Et c’est armée de sa meilleure amie, à l’esprit aussi vif que le flashy du vernis de ses ongles, qu’elle s’apprête à recevoir ce couple, certes peu conventionnel, qui peut changer sa vie…

Mon avis : Le Petit Théâtre de Paris a encore frappé ! Décidément, ils ont le chic pour programmer des pièces qui savent autant nous distraire que nous émouvoir et nous donner à réfléchir… Lorsqu’on se rencontre, entres critiques et/ou passionnés de théâtre, on se refile des tuyaux sur les spectacles à voir ou à éviter. La rentrée 2011/2012 a été tellement riche qu’on est bien obligé de faire des choix. Personnellement, j’avais dû faire l’impasse sur Sunderland, pièce à l’affiche depuis le 15 septembre. Mais quelques collègues et ami(e)s m’en ont dit tant de bien, certains allant même à assurer que c’était là LA pièce à voir, qu’au premier créneau de libre, j’ai sauté sur l’occasion. En arrivant rue Blanche, je suis tombé sur mon camarade Jean-Philippe Viaud, chroniqueur éminent et avisé à Télématin sur France 2, qui m’apprend qu’il vient voir cette pièce pour la deuxième fois ! C’est dire… La salle du Petit Théâtre de Paris était comble. Elle bruissait de cette ambiance engendrée spécifiquement par des spectateurs heureux de se trouver là. Patrice Leconte était discrètement installé au quatrième rang.

L’absence de rideau nous laissait le temps d’étudier le décor, une grande cuisine. Ce n’est pas le luxe, mais ce n’est pas non plus la misère. Côté cour, un large escalier mène aux chambres… La toute première scène, inattendue, déconcertante, crée presque une forme de malaise. Malaise vite dissipé par l’apparition de Ruby en haut des marches. En bas, face à un téléviseur allumé, se trouve Jill, une ado de 16 ans, qui parle toute seule en se balançant avec ce mouvement si particulier qu'adoptent les autistes. Puis on fait connaissance avec Gaven, géant débonnaire et serviable, qui doit vraisemblablement dormir avec le maillot rouge et blanc de son équipe de foot fétiche, celle bien sûr de Sunderland… D’ailleurs, dans cette ville portuaire du nord-est de l’Angleterre touchée par le chômage, tout gravite autour du foot. Les femmes elles-mêmes sont bien obligées de s’y intéresser. Mais si le ballon tourne plus ou moins rond, il n’en est pas de même pour Jill, sujette à des crises d’une violence inouïe dès qu’elle est contrariée ou de tétanie dès qu’elle est angoissée. Seule sa grande sœur, qui en a la garde, sait la calmer.
Cette grande sœur, c’est Sally. Elle est l’âme de la maison. Elle vient de perdre son emploi suite à l’épidémie de grippe aviaire qui a décimé tous les volatiles de l’usine pour laquelle elle travaillait. Il lui faut donc de toute urgence trouver de nouvelles ressources pour espérer continuer à garder Jill auprès d’elle. Le Centre d’éducation spécialisée d’où elle avait réussi à l’extraire, menace en effet de la reprendre à tout moment.
L’ambiance est tendue. Pas facile de trouver du boulot et de l’argent. Or, il y a cette foutue petite annonce qui lui tombe par hasard sous les yeux. En y répondant, ses problèmes seraient résolus. Seulement, personne autour d’elle n’est d’accord. Gaven le premier, qui est éperdument amoureux de celle qui fut sacrée « Miss Sunderland » à 17 ans. Quant à Ruby, que Sally a recueillie chez elle lorsque ses parents l’ont jetée dehors, elle voit d’un mauvais œil son amie se mettre une telle responsabilité sur le dos. Mais pour Jill, Sally est prête à tous les sacrifices...

Je m’interdis d’en dire plus. Cette pièce, il faut la vivre minute par minute. Elle est dure et drôle à la fois, jamais oppressante. Cela en grande partie grâce à des dialogues particulièrement aiguisés, grâce à la personnalité totalement extravertie de Ruby, fille délurée, au franc-parler redoutable, qui émaille ses propos de saillies tout-à-fait percutantes et assassines, grâce au jeu émouvant de Jill, grâce à la présence physiquement impressionnante de Gaven, brave type un peu frustre mais tellement plein de bonne volonté et, bien sûr grâce à Sally. Sally est une femme à la fois forte et fragile, c’est un cœur débordant d’altruisme et de générosité. Elle a les pieds sur terre. C’est une louve qui ne veut pas que l’on approche de sa petite…
Vous l’aurez compris, Sunderland est une pièce qui a la grâce, une belle histoire d’amour et d’amitié. Elle est portée par deux formidables personnages de femmes. Ce sont des gens simples, profondément humains et dotés d’un grand sens du partage. On y rit beaucoup alors qu’ils vivent un drame…

Autour des admirables Elodie Navarre et Constance Dollé, chacun joue sa partition avec une justesse et un talent épatants. Dans le rôle de Jill, la jeune Léopoldine Serre est touchante. Avec sa bonne bouille à fossettes, on a envie de la prendre dans ses bras et de la protéger… Geste que l’on n’oserait pas imaginer avec Vincent Deniard, montagne humaine qualifiée par les filles de « hooligan non violent ». C’est un gros nounours empêtré dans ses bons sentiments et qui ne sait comment exprimer sa passion amoureuse pour Sally. Il y a aussi Thierry Desroses et Vincent Németh, aux rôles si importants. Ils nous offrent chacun une composition savoureuse, drôle et émouvante… Pascale Mariani, qui joue l’assistance sociale envoyée par le Centre pour décider de la reprise ou non de Jill, est parfaite. Ni trop sensible, ni trop malveillante, elle n’a évidemment pas le rôle le plus positif de la pièce. Mais elle le tient fort bien… Et puis il y a Bénédicte Dessombz dont la présence amène une sorte de plus-value psychologique. Mais je ne veux pas entrer dans les détails sauf souligner qu’elle a un rôle essentiel et qu’elle le tient avec beaucoup d’allure et de vitalité.

Grande leçon de tolérance, Sunderland est vraiment une très, très belle pièce qui ne vous laissera pas insensibles. On en sort remué, les larmes aux yeux et, en même temps… avec un sourire grand comme ça. Quand je vous parlais l’autre jour de la loi des séries. Décidément, la magie du théâtre a l’heur de nous emporter parfois très haut. De telles pièces font du bien au cœur et à l’âme.

mercredi 16 novembre 2011

Geluck enfonce le clou


Editions Casterman
(Sorti le 26 octobre 2011)
18 €

Mon avis : Sous-titré « Textes et dessins inadmissibles », ce nouvel ouvrage de Philippe Geluck est au Chat ce qu’Idées Noires est à Gaston Lagaffe pour Franquin. Le temps de noircir et de colorier 140 pages, il abandonne ses chatteries et c’est lui qui sort ses griffes. Quoi que tenir un marteau avec des griffes ne soit pas un exercice des plus aisés. Mais il ne craint pas de se faire mal aux coussinets. Il y a belle lurette que les siens sont garnis de cals.

35 chroniques, 65 dessins, Geluck enfonce le clou ne souffre d’aucune complaisance. Piétiné le politiquement correct. Violentée la diplomatie. Conchié l’angélisme. Quel délice que de planter ses pointes dans une langue… de bois ! Ah ça, il ne faut pas se laisser prendre le doigt entre le marteau de son impertinence et l’enclume de sa causticité. C’est qu’il tape dur le bougre ! Comme il l’écrit lui-même en exergue de son livre il n’y va pas « avec le dos de la petite cuiller »…

Geluck montre ici une autre facette de son expression. Il écrit noir sur blanc ce que d’aucuns pensent parfois tout bas. Il va au-delà de toute bienséance. C’est âpre, dérangeant, virulent, corrosif, mais jamais oppressant. Car il met de l’humour dans tout. Ames sensibles et conventionnelles s’abstenir. Aucun sujet n’est tabou à sa vindicte. Y compris les plus « intouchables ». dans ce livre, il s’insurge, s’indigne et vitupère sur des thèmes aussi variés, intimes ou universels que les enfants des autres, la peine de mort, les journalistes, Dieu, la nostalgie, les motards, l’horoscope, les super héros, la mort, la société de consommation, le racisme, le corporatisme, les fêtes à date fixe, le prison, la publicité, le Père Noël, la mondialisation, la vieillesse… Et j’en passe. Il n’a pas peur en outre de se mettre en scène, de prendre ses patins et de se moquer de lui. C’est l’autodérision du plus fort… Ce livre est une bonne purge, un véritable lavement qui chasse les miasmes de la pensée unique. Comme ça a dû lui faire du bien de se libérer ainsi ! Il faut que certaines choses soient dites. Après, on peut être ou ne pas être d’accord. C’est selon. En tout cas, il y a un élément qui ne peut que faire l’unanimité : c’est vachement bien écrit (« vachement » étant utilisé ici à bon escient). C’est iconoclaste, perfide, osé, et c’est toujours drôle, à condition d'être friand de second degré.
Je suis convaincu que, dans certains cas, il ne pense absolument pas ce qu’il écrit. C’est son côté provocateur et sale gosse qui reprend le dessus. En revanche, je suis tout autant persuadé, pour partager avec lui quelques énervements, qu’il est totalement sincère dans la majorité de ses emportements.
Geluck enfonce le clou, c’est pas du chat-malow. L’artiste va dans le dur avec un crayon noir, bien noir. Et le résultat est parfaitement réjouissant…