mercredi 3 octobre 2007
Le professionnel
Théâtre Rive Gauche
6, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 35 32 31
Métro : Edgar Quinet
Une pièce de Dusan Kovacevic
Mise en scène par Stephan Meldegg
Avec Jean-Pierre Kalfon (Luca), Jean-Marie Galey (Teodor Kraj), Muranyi Kovacs (Martha), Jérôme Le Paulmier (l'auteur)
Ma note : 6/10
L'histoire : Teodor Kraj, ex-dissident et auteur peu productif, a été bombardé rédacteur en chef d'une importante maison d'édition par la "nouvelle Serbie". Un certain nombre d'auteurs, ignorés ou refusés par son prédecesseur, font le siège de son bureau ou l'invectivent au téléphone. Pour tuer le temps, il fait la cour à Martha, sa secrétaire, qui est gentille et dévouée, mais un peu déprimée par son état de mère célibataire... Et voilà qu'un beau matin se présente un homme avec un cartable et une grande valise noire. Il s'appelle Luca et, si Teodor ne le connaît pas, lui en revanche, semble tout savoir de sa vie...
Mon avis : Déjà le décor... Ce n'est rien de dire qu'il est pour le moins austère. Il est exactement comme on imagine un bureau datant des grandes heures du communisme. Et dedans, Teodor, un fonctionnaire des pays de l'Est. Intelligent, mais profondément désabusé et totalement démotivé, il tue le temps comme il le peut. Il s'engueule avec un auteur éconduit, conte fleurette à sa secrétaire, la dévouée Martha, et supporte tant bien que mal le voisinage bruyant de son prédecesseur à ce poste de rédacteur en chef... Comme tous les autres jours, cette journée qui s'annonce va être longue et ennuyeuse. Jusqu'au moment où Martha vient lui annoncer un visiteur. Sa première réaction est de refuser de le recevoir. Mais ce dernier réussit à forcer l'entrée du bureau.
Alors, la pièce commence en même temps que l'inquiétude de Teodor grandit face aux révélations dont l'accable Luca, un ex-flic. La voix grave et rocailleuse de Jean-Pierre Kalfon est à elle-seule une menace. Son visage émacié, son sourire mécanique, ses gestes millimétrés, sont loin d'être rassurants. Au fur et à mesure que l'on entre dans les péripéties d'un passé commun aux deux hommes, on se dit, confortablement installé dans notre fauteuil, qu'on a eu bien de la chance de ne pas connaître ce régime qui a détruit tant d'hommes. Le fantôme de Tito plane sur cette pièce.
Luca a fait toute sa carrière dans la police secrète. Il a été programmé, il n'a aucun état d'âme : "Je suis communiste judsqu'à la dernière goutte de mon sang". Teodor, de son côté, a longtemps fait partie des dissidents. Raison pour laquelle il était filé, surveillé, espionné par un flic uniquement affecté à l'établissement d'un dossier sur lui. Cette époque devait être terrible pour les intellectuels. Le combat des livres et des mots était voué à l'échec face à l'armée et à la police. Luca sait tout de la vie privée et des idées de Teodor. Il a scrupuleusement relevé toutes ses déclarations, conservé certains de ses objets les plus personnels. Il fout vraiment la trouille.
Or, les temps ont changé. Ce sont les "amis" de Teodor qui ont pris le pouvoir. Luca a dû se reconvertir en chauffeur de taxi. Mais il tenait tout de même à se retrouver une dernière fois en présence de son ancienne "cible". C'est là que l'on se rend compte qu'à fréquenter et surveiller les intellos, il a fait siennes certaines de leurs idées.
Le professionnel n'est pas une pièce facile. Elle évoque un pays et une époque dignes de Kafka. La tension entre les deux principaux protagonistes est palpable. Les répliques, le plus souvent à l'emporte-pièce, sont imparables. Mais le jeu des comédiens n'est pas linéaire. Si l'on suit peu à peu le comportement méthodique de Luca, Teodor est un peu comme le poisson qui vient d'être ferré. Il s'abandonne parfois à la résignation, d'autres fois il a des sursauts d'orgueil et se rebiffe.
La pièce repose sur l'opposition des styles. Kalfon est impressionnant de conviction tranquille. On n'arrive pas à le détester car c'est un homme qui a toujours été aux ordres, un bon petit soldat de l'ombre. Mais il n'a jamais été zélé : "Je n'ai pas fait plus de mal que ce qu'om m'a obligé à faire". Cette seule phrase nous le rend sympathique. Quant à Galey, très expressif, il fait preuve d'un jeu beaucoup plus latin. Il faut dire qu'il passe un peu par tous les états d'âme : la crainte, la colère, la révolte, l'émotion... Ils sont parfaits ces deux-là
Cette pièce est aussi lourde et sombre qu'un ciel qui se prépare à l'orage, zébré parfois par les éclairs d'un humour grinçant et désespéré. Et pourtant, malgré tout, elle laisse poindre une jolie lueur d'espoir en l'être humain. C'est la leçon positive que l'on peut en tirer.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire