Je voulais déjà chroniquer ce CD dès que je l’ai écouté tant
je l’ai apprécié. J’ai un peu tardé et, hélas, la sinistre Camarde m’a pris de
vitesse en emportant Eric Charden le 29 avril. Si bien que j’ai attendu un peu
avant de dire tout le bien que je pense de cet album de reprises que Stone et
Charden nous ont concocté.
Histoire de sceller les quarante ans d’existence de leur
tandem artistique, Ils se sont en effet amusés (leur joie et leur plaisir de
chanter sont évidents à l’écoute) à enregistrer neuf des duos qui ont marqué la
chanson française. C’est un réel bonheur que de les retrouver tels qu’ils ont
toujours été. C'est-à-dire, le timbre mélodieux, un brin nonchalant et nimbé
d’humour d’Eric, associé à la voix pas toujours juste (mais c’est ce qui en
fait le charme et la personnalité) mais pleine de sourire de Stone.
Ils se sont ainsi approprié quelques monuments.
Le CD commence par une reprise de J’ai un problème
immortalisé par Johnny et Sylvie. La réflexion qu’Eric nous livre sur le livret
prend son pesant d’émotion car à « J’ai un problème », il
répond : « Moi aussi, mais c’est presque fini », faisant ainsi
allusion à son cancer dont il espérait être enfin débarrassé… Ils font de ce
titre, dont ils ont gommé toute gravité, une surprenante valse légère et bien
enlevée, très agréable à entendre.
Ensuite, ils s’attaquent à Paroles paroles, dialogue
qu’avaient échangé Dalida et Alain Delon. Stone, comédienne dans l’âme, y
démontre qu’elle parle mieux qu’elle ne chante (je répète que cette remarque
est dénuée de toute méchanceté, car sa fausseté, véritablement attachante, est
son empreinte vocale). Quant à Eric, il se balade façon crooner sur la sobre et
superbe rythmique d’un air jazzy-doux.
En troisième position apparaît Désir désir, duo offert par
Voulzy à Véronique Jannot sur des mots d’Alain Souchon. Leurs voix se marient
harmonieusement, se mélangent, s’entrecroisent sur un arrangement soft sans
fioritures dominé par une caisse claire toute simple.
La suivante, Chanson sur une drôle de vie, est un clin d’œil
affectueux de Stone à sa copine Véro (LA Sanson). La voix d’Annie se fait fragile,
émouvante pendant que celle d’Eric se veut rassurante. C’est imparable et ça
balance grave ! C’est un des plus beaux titres de l’album.
Puis, c’est au tour d’Eric de se faire plaisir en se
glissant dans la peau de Gainsbourg en interprétant Dieu est un fumeur de
havanes. Il le fait d’une manière plus chantée, moins en retrait que le Serge
et ça lui va bien. Quant à Stone, elle partage les bouffées de clope et les
« volutes bleues » avec un peu plus d’implication joueuse que ne
l’avait fait Catherine Deneuve qui, il faut le reconnaître, est une piètre
chanteuse.
Place ensuite à cette merveille de chanson qu’est la
« renaldienne » Manhattan Kaboul. J’ai adoré l’original de Renaud et
Axelle Red. La vraie vedette, ici, c’est la chanson, son climat et ce qu’elle
exprime et décrit. Eric et Stone lui apportent leur patte et s’en sortent très,
très bien. Meilleur chanteur que Renaud, Eric se permet même un petit passage
en voix de tête très réussi.
Dans Joue pas, de François Feldman et Joniece Jamison, Stone
et Charden supportent sans problème la comparaison. Comme Eric est quelqu’un
qui adore contredire, il s’amuse comme un petit fou à jouer avec les
intonations sur le leitmotiv « Joue pas ». De toute, façon, pour
avoir eu le plaisir de le rencontrer et de l’interviewer à plusieurs reprises,
il ne prenait pas la vie au sérieux. Il l’abordait avec une certaine
distanciation et un feint détachement.
Ils ajoutent à leur florilège les kitchissimes Gondoles à
Venise de Sheila et Ringo. Là, l’arrangement, complètement rock’n’roll
(batterie et guitares intempestives) surprend une fois encore. On dirait qu’ils
ont équipé le fameux esquif vénitien avec un moteur de hors-bord, comme s’ils
étaient pressés d’arriver à bon port pour aller « au cinéma ». C’est
une vision tout à fait originale de muscler cette chanson pour le moins mièvre.
Enfin, ils terminent avec Là-bas, une mélancolique mélopée signée
Jean-Jacques Goldman, un petit bijou de douceur offert à la regrettée Sirima.
Eric et Annie la chantent dans le souffle. Il se dégage de ce titre une infinie
tendresse. C’est très, très, très émouvant.
Outre ces neuf duos, Annie et Eric, reprennent trois de
leurs tubes, en les réorchestrant efficacement : Le seul bébé qui ne
pleure pas, L’Aventura et Made in Normandie.
Ils concluent cet album avec une chanson inédite écrite et
composée par Eric, Stone & Charden. C’est une forme de curriculum vitae, un
résumé de leur couple, plein d’humour et d’autodérision. Ils l’ont habillée
d’une sorte de bourrée sur laquelle ils scandent « Stone un peu blond,
Charden un peu blême ». C’est bien de finir comme ça. Les chansons, elles,
sont heureusement immortelles. Et on a tous en nous dans le cœur un peu de
Stone et Charden…
PS : J’avais passé toute une après-midi chez Eric
Charden en septembre 1993. Assis dans son fauteuil, il m’avait fait découvrir
en s’accompagnant joué à la guitare une dizaine de chansons inédites. J’avais
passé un super moment… Un peu plus tard, il m’a fait partager une de ses marottes : il peignait la carapace de tortues vivantes et il les offrait ensuite aux gens qu’il aimait. C’était
aussi ça Eric Charden, un excellent compositeur et authentique poète. Il était souvent dans une autre galaxie…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire