La Pépinière Théâtre
7, rue Louis le Grand
75002 Paris
Tel : 01 42 61 44 16
Métro : Opéra
Adaptation de François Morel et Olivier Broche
Mise en scène par François Morel
Avec Olivier Broche (Jean-Louis Bory), Olivier Saladin
(Georges Charensol) et Lucrèce Sassella
L’intention :
D’après les échanges entre Georges Charensol et Jean-Louis Bory de l’émission
radiophonique « Le Masque et la Plume » sur France Inter dans les
années 60-70.
Mon avis :
Très honnêtement, je ne m’attendais pas du tout à découvrir ce que j’ai vu. Je
m’attendais d’abord à me retrouver entouré de septuagénaires et d’octogénaires,
c'est-à-dire de personnes qui, comme moi, avaient été de fidèles auditeurs du Masque et la Plume à la fin des années
60 et durant les années 70. Je m’attendais à me laisser bercer par cette sorte
de musique que procure l’écoute d’un vieux microsillon qui gratte
délicieusement dans une ambiance tout aussi délicieusement naphtalinée… Et
bien, j’avais quasiment tout faux. La salle, comble jusqu’au moindre strapontin
latéral, était totalement intergénérationnelle. Et, surtout, la mise en scène
et le ton de ces Instants critiques
étaient résolument modernes.
François Morel a délibérément mis de côté l’identité
radiophonique de l’émission de France Inter. Il a emmené ses deux critiques
dans une petite salle de projection équipée d’une douzaine de fauteuils,
fauteuils qui accueilleront tour à tour au gré des scènes les augustes séants
de nos deux cinéphiles. Le seul clin d’œil à l’émission est placé en ouverture
avec l’arrivée d’une pianiste qui se met à égrener la fameuse météo marine.
Cette mutine jeune femme, qui possède un fort joli brin de voix, interviendra
d’’ailleurs tout au long du spectacle pour assurer des séquences musicales,
voire entraîner nos deux lascars dans de savantes chorégraphies. Chacune de ses
apparitions servant ainsi de virgule pour ponctuer les différents échanges
entre Charensol et Bory.
Le tout premier, qui a pour thème le film de Jean-Luc Godard
Bande à part, débouche tout de go par
une dispute. Ce qui nous permet immédiatement de déterminer les profils et les
caractères de nos deux critiques. Charensol est plus dans l’imprécation. Il se
montre sanguin, vitupérant, voire éructant… Alors que Bory, plus explicatif,
essaie d’être complaisant. Mais ce ne sera pas toujours le cas. Il arrive que
les rôles s’inversent. Il suffit souvent que Jean-Louis Bory se laisse emporter
par la passion ; auquel cas Georges Charensol joue au contrepoids et se
révèle alors plus tempéré. En fonction de son humeur, sucrée ou acide, Bory
presse tour à tour sa moitié d’orange et sa moitié de citron. Il est en outre
le champion de la métaphore exacerbée
Le spectacle couvre une période de treize ans, de 1964 à
1977. Et ce ne seront pas moins de dix-sept films qui passeront au crible de
leurs analyses.
On comprend très vite que ces deux là s’amusent. Ils rient
d’ailleurs beaucoup ensemble, s’offrant parfois d’irrésistibles fous rires.
S’appuyant sur un langage brillant riche en formules et en digressions, on sent
qu’il y a entre eux un grand respect. Mais comme ils sont à la fois très
joueurs et détenteurs d’un ego surdimensionné, ils adorent adopter des postures
dont le trait dominant est la mauvaise foi. La mauvaise foi au service de
l’exercice de style. Cela engendre d’homériques joutes verbales. Ce sont deux
élégants bretteurs qui ne détestent pas se fendre d’un coup de Jarnac dès que
possible.
Ce spectacle à la mise en scène inventive et enlevée se
révèle finalement être une vraie comédie. Certaines séquences (celle des
Parapluies de Cherbourg, par exemple) sont d’une formidable drôlerie. François
Morel a reçu la totale adhésion de ses complices et amis des Deschiens, Olivier
Saladin et Olivier Broche. Ces deux excellents comédiens s’en donnent
visiblement à cœur joie. Ils savent nous restituer fidèlement les caractères de
Bory et Charensol. Tout en étant jamais dans la caricature, ils incarnent néanmoins
les deux célèbres critiques avec suffisamment de distance pour faire de ce
spectacle une sorte de grand jeu de rôles parfaitement réjouissant.
1 commentaire:
Ravi de vous retrouver avec une nouvelle pièce...
Bernard T.
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