La Gaîté Montparnasse
26, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 16 18
Métro : Gaîté / Edgar Quinet
Une pièce d’Eric-Emmanuel Schmitt
Mise en scène par Christophe Lidon
Décor de Catherine Bluwal
Costumes de Claire Belloc
Lumières de Marie-Hélène Pinon
Avec Roland Giraud (Alex), Jérôme Anger (Alceste), Julie
Debazac (Leda), Marie-Christine Danède (Doris), Ingrid Donnadieu (Joséphine),
Sylvain Katan (Odon)
L’histoire :
Alex, comédien adoré du public, se prépare à jouer Le Misanthrope pour la première fois lorsqu’un inconnu lui apparaît
dans le miroir de sa loge : il s’’agit d’Alceste, le misanthrope de
Molière. Ce bougon lui interdit de l’incarner tant Alex, aimable, aimant,
tolérant, est différent de lui. La stupeur passée, la conversation s’engage
entre celui qui voudrait changer le monde et celui qui l’accepte tel qu’il est.
Malgré les interruptions des participants survoltés de cette première, qui
triomphera de l’idéaliste en colère qui s’indigne de la société humaine ou du
libertin indulgent qui en rit ? Et lequel des deux gagnera les faveurs de
l’insaisissable Célimène ?
Mon avis :
Voici une pièce tellement brillante, intelligente et drôle que l’on n’a qu’une
envie en quittant le théâtre : s’en procurer le texte tant il est riche et
profond.
Que l’on ne s’effraie pas ; Un homme trop facile ? n’est pas une pièce réservée aux
intellectuels, elle est au contraire tout à fait populaire car tous les
messages qu’elle véhicule sont volontairement et habilement sassés au tamis de
l’humour. Et pourtant, il s’en dit des choses sur l’âme humaine !
Cette pure comédie est un modèle d’écriture légère et
raffinée :
Qui apprécie les mots y boit du petit lait
Eric-Emmanuel est le digne héritier
Du génie de Molière, et de sa langue preste
En lui offrant tribune, il nous explique Alceste
Oui, il y a dans cette pièce trois éléments qui vont faire
qu’elle aura du succès. Tout d’abord, vous l’avez compris, son écriture.
Qu’elle est belle notre langue ainsi utilisée ! Ce texte, je l’ai dégusté,
savouré, ingéré à l’instar d’un mets de grand chef. Intérieurement, je
ronronnais de plaisir… Ensuite, deuxième raison pour laquelle ça va marcher, sa
distribution. Chacun des six acteurs, chacun dans son registre, chacun dans son
emploi, nous livre une partition de superbe facture. Aucune fausse note… Enfin,
il faut saluer l’habileté de la mise en scène en réussissant à donner vie à un
ectoplasme et à nous faire trouver cela naturel…
Il y a moult sensations positives dans cette pièce, une flopée
de trouvailles ingénieuses. Comme l’idée par exemple de ne faire parler Alceste
qu’en alexandrins. Ce procédé permet ainsi de l’externaliser, de le laisser
dans son 17è siècle… Il y a aussi ces troublants jeux de miroirs qui nous
permettent de nous mettre dans la peau d’Alex… Il y a également ce rythme
élevé, sans aucun temps mort, qui nous oblige à être en permanence attentifs.
D’autant que chaque scène est ponctuée par des échanges très vifs et des
répliques d’une qualité rare. Une saine ironie est constamment distillée.
Certaines de ces répliques ont valeur d’aphorismes ou de maximes : « J’aime sans illusion, vous détestez avec
espoir »… Un homme trop facile ?
est une énorme boîte de bonbons que l’on a envie de suçoter longtemps les uns
après les autres…
Cette pièce est aussi un hymne au théâtre et une déclaration
d’amour aux comédiens.
Roland Giraud est excellent. Jérôme Anger parfait. Julie Debazac
est une Célimène idéale. Marie-Christine Danède est drôle et attachante. Ingrid
Donnadieu apporte une touche de modernité. Son rôle permet à l’auteur de jolies
séquences sur l’éducation (que l’on donne et que l’on reçoit). Et puis il y a
Sylvain Katan ! Il est absolument désopilant. Chacune de ses extravagantes
apparitions fait souffler un vent de folie.
Cette pièce m’a donc enthousiasmé… Pourtant, j’émettrai deux
petits bémols. J’ai trouvé superflu l’ajout d’une vague intrigue policière
autour d’un mystérieux Raspoutine. Elle n’apporte pas grand-chose et elle a
même tendance à nous détourner de l’action principale… Enfin, il y a le titre
de la pièce lui-même que je trouve ambigu. Qu’est-ce qu’Eric-Emmanuel Schmitt
entend au juste par « facile » ? Après quelque réflexion, j’en
ai conclu qu’il était sans doute plus facile de vivre sa misanthropie alors qu’il
n’est pas du tout évident de pouvoir se comporter en humaniste…
1 commentaire:
Magnifique critique, moi aussi en sortant de la première je me suis demandé ce qu'EES entendait par un homme "trop facile". J'ai hâte de lire la pièce pour approfondir ma réflexion :-)
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