Théâtre Montparnasse
31, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 77 74
Métro : Gaîté / Edgar Quinet
Jusqu’au 26 avril
Diffusé en direct sur France 2 le mardi 26 avril à 20 h 55
Une comédie de David Pharao
Mise en scène par Jean-Luc Moreau
Décor de Jean-Michel Adam
Costumes de Juliette Chanaud
Lumières de Madjid Hakimi
Avec Evelyne Buyle (Colette),
Patrick Chesnais (Gérard), Laurent Gamelon (Alexandre), Grégoire Bonnet
(Pontignac ?)
L’histoire : Entre chômage et préretraite, Gérard, 59 ans,
invite, pour se donner toutes les chances de rafler le job de la dernière
chance, le DRH à venir dîner à la maison. Affolée à l’idée de ne pas être à la
hauteur, sa femme Colette supplie Alexandre, leur voisin, de leur venir en
aide.
Gourou de la communication,
Alexandre accepte aussi, pour les préparer à cette réception, de coacher le
couple dans tous les domaines : appartement, déco, style de vie, menu, art
de la table, tenues vestimentaires, culture générale… Seront-ils fins prêts
quand l’invité va sonner à leur porte ?
Mon avis : Cette pièce est écrite à la manière d’un boulevard,
c’est-à-dire avec une certaine légèreté, mais elle possède en plus de la profondeur
et une morale qui donnent à réfléchir. En fait, l’invité est un conte moderne. Avec pour toile de fond le chômage
et la recherche d’emploi, elle est en prise directe avec l’actualité.
Cette comédie se divise en trois
actes. Trois actes très différents les uns des autres quant à leur traitement.
Le premier nous sert d’exposition pour nous permettre de comprendre le
fonctionnement psychologique et humain des trois principaux protagonistes. Colette
et Gérard sont des gens normaux, simples. Ils sont certes empêtrés dans les
difficultés d’un quotidien plombé par le chômage mais, visiblement, il y a
énormément d’amour entre eux. Colette est une épouse aimable et conciliante.
Tendre et prévenante, elle offre un précieux soutien moral à son Gérard qui,
lui, est une sorte de grand enfant bourru, peu armé pour affronter cette loi de
la jungle qu’est la vie en entreprise. Plus velléitaire qu’opiniâtre, il est
plus à l’aise dans la gestion de son train électrique que dans la brutalité des
entretiens d’embauche… Quant à Alexandre, leur voisin du dessous, il est s’immisce
d’abord dans leur vie pour remédier à une fuite d’eau. Puis, petit à petit, il
va commencer à se mêler de leur vie puis, carrément intrusif, il va autant leur
rendre des services que leur donner des conseils. C’est une sorte de couteau
suisse qui va s’avérer plus futé qu’affuté.
Photo William Let / Ioda |
Le deuxième acte est celui de la
mise en perspective de la réception de Pontignac, le DRH. Directif et autoritaire,
Alexandre redevient le coach qu’il fut pour les entraîner dans une forme de jeu
de rôles, ce qui va générer des situations plus cocasses les unes que les
autres. On rit beaucoup et de bon cœur devant les pitreries de Gérard (même si,
parfois, elles sont quelque peu outrées comme dans la scène du deuxième cigare)
et puis, en même temps, on commence à voir peindre l’envers du décor. C’est
plus fort que lui, viscéralement pragmatique et réaliste, Alexandre se met à
jouer les Cassandre et à assombrir les doux rêves de Colette et Gérard. Dans ce
deuxième acte, Laurent Gamelon est formidable en maître du jeu.
Dans le troisième acte, tout
explose. Les quiproquos et les rebondissements abondent. On se perd un peu en
conjectures. On se fait littéralement mener par le bout du nez par l’auteur.
Passée une discussion un peu longuette sur l’art, la machine s’emballe jusqu’à
un épilogue magistral. Alors qu’on continue à rire des situations, on se met en
même temps à réaliser que nous sommes en train d’assister à une peinture d’une
terrible cruauté de notre monde et des rapports entre dominants et dominés.
Jusqu’où serait-on capable de se déjuger, de dire le contraire de ce que l’on
vient d’affirmer cinq minutes plus tôt dans le seul but de décrocher le job qui
va vous sauver la vie ? Le constat est impitoyable. L’effet miroir est
violent. On se sent concerné, impliqué… C’est en cela que cette pièce qui nous
amuse d’un bout à l’autre possède une force impactante sur notre conscience. Servie par quatre remarquables comédiens, cette pièce, de
plus en plus grinçante, nous renvoie à nous-mêmes ou à des proches. Et,
pour dénoncer certaines pratiques, rien n’est plus efficace qu’une bonne
comédie. Ce n’est pas Molière qui me contredirait…
Gilbert « Critikator »
Jouin
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