Grand Point Virgule
8bis, rue de l’Arrivée
75015 Paris
Tel : 01 42 78 67 03
Métro : Montparnasse
Une comédie de Frédérique Fall et
Alain Etévé
Mise en scène par Jean-Philippe
Azéma
Décors de Mathieu Lorry-Dupuy
Costumes de Pauline Yaoua-Zurini
Lumières d’André Diot
Avec Pierre Khorsand (Aurélien),
Laurence Oltuski (Oriane), Karine Lyachenko (Karen), Hélène Derégnier
(Mathilde, la mère d’Oriane), Loïc Blanco (Thomas)
L’histoire : Oriane et Aurélien ont divorcé il y a trois mois,
mais n’ayant pas les moyens de se reloger séparément, ils vivent toujours sous
le même toit et n’ont rien osé dire à personne…
Alors, Quand la belle-mère
déboule chez eux pour fêter leurs 15 ans de mariage, les voilà embarqués dans
un petit jeu pas très sain. Si l’on y ajoute une ex machiavélique et un psy à
mocassins à glands, on obtient une comédie 2.0 férocement drôle.
Mon avis : J’ai vécu cette pièce avec des sentiments partagés…
D’abord, je trouve le postulat de départ imparable. L’idée de mettre en scène
un couple fraîchement divorcé devant continuer à partager le même appartement
faute de moyens financiers est d’une force dramatique indéniable. Une telle
cohabitation ne peut que générer des situations extrêmes. En effet, les
sentiments oscillant entre attirance et répulsion produisent des relations
conflictuelles qui sont du pain bénit pour une comédie.
Basé sur ce contexte ô combien
explosif, le pitch de Divorce au scalpel
était donc particulièrement alléchant.
En fait, j’ai découvert une pièce
scindée en deux. Dans la première demi-heure, j’ai eu vaguement l’impression
que le fameux scalpel tenait plus d’un couteau émoussé qu’à un instrument
chirurgical extrêmement acéré et qu’il était tenu par un interne, certes plein
de promesses, mais néophyte… Et puis, soudain, la magie a opéré. Le niveau de
plaisir s’est considérablement élevé. Comme si un éminent praticien avait
succédé au novice. Les dialogues sont devenus plus incisifs, les scènes plus
rythmées, la mise en scène plus pointue, nous tenant agréablement en
« alène » jusqu’à son terme.
Bien sûr la première demi-heure
est utile et nécessaire pour mettre en place les différents intervenants et
définir les grandes lignes des différents caractères. Oriane est dominatrice,
entière, directe, elle a son franc-parler, bref, elle a un sacré tempérament…
Aurélien, et bien, c’est un homme ! Il est un peu lâche, un peu roublard,
profiteur et, évidemment, puéril… Mathilde, la maman d’Oriane, est une grande
bourge égoïste, curieuse, évaporée, cynique, assez destroy… Karen est sensuelle,
enjôleuse, maline, mais aussi un peu paumée… Et Thomas, c’est lui aussi une
autre forme d’homme : opportuniste, narcissique, pusillanime et
prétentieux.
Avec de tels ingrédients
psychologiques, la mayonnaise ne peut que prendre. Dans la première demi-heure,
certaines situations nous semblent quelque peu outrées, comme l’attitude un
tantinet caricaturale de Mathilde, ou parfois même un peu tirées par les
cheveux, comme la prétexte permettant à Karen resurgit dans la vie d’Aurélien.
En dépit de quelques bonnes répliques, on reste dans une relative banalité. On
sourit ça et là, mais on ne rit pas franchement.
Et puis, survient ce fameux
déclic. D’un seul coup. Les tableaux prennent de la consistance, les dialogues,
mieux écrits, se font vifs, les rires se mettent à fuser. On se régale. La
relation mère-fille devenant plus humaine, est réellement intéressante.
L’opposition Oriane/Karen s’exacerbe enfin. Lorsqu’elles se mettent à jouer les
vachardes entre elles, c’est tout simplement jouissif. Le texte qu’a à interpréter
Thomas se fait brillantissime parce que son écriture est tout à fait originale,
intelligente, nourrie de termes qui n’appartiennent qu’à lui. Et la mise en
scène se fait créative avec utilisation pertinente de jeux de lumières et
d’arrêts sur image pendant que l’action se prolonge sur une autre partie de la
scène. L’effet est très réussi.
Au final, J’ai plutôt apprécié ce
Divorce au scalpel. Les comédiens
sont tous épatants. J’ai aimé l’abattage et la belle énergie de Laurence
Oltuski, le jeu fin, précis, naturellement comique de Pierre Khorsand ;
Karine Lyachenko nous propose une composition véritablement jubilatoire. Elle
campe à ravir une vamp façon Marilyn avec la voix ensorceleuse et sirupeuse de
Fanny Ardant et poses aguichantes à la Betty Boop ; Hélène Derègnier doit
beaucoup s’amuser avec son personnage haut en couleurs, complètement déjanté, à
la limite de l’odieux ; quant à Loïc Blanco, il incarne Thomas avec un
sérieux imperturbable, ce qui lui donne une crédibilité ; si bien qu’en
dépit de sa mauvaise foi bien masculine et sa suffisance, on le trouve quand
même attachant parce qu’on le sent en réalité très fragile.
L’opération à cœurs ouverts et
sans anesthésie (heureusement pour nous) est finalement réussie. Avec quelques
retouches au niveau du rythme, de la cohérence et des dialogues dans sa
première partie, on peut lui pronostiquer une très belle santé et un vrai
succès.
Gilbert « Critikator »
Jouin
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