samedi 7 mai 2016

Maligne

La Pépinière Théâtre
7, rue Louis-le-Grand
75002 Paris
Tel : 01 42 61 44 16
Métro : Opéra

Ecrit et interprété par Noémie Caillault
Mis en scène par Morgan Perez
Avec les voix de Jeanne Arènes, Romane Bohringer, François Morel, Olivier Saladin, Dominique Valladié

Présentation : Noémie a 27 ans. Noémie est débordante. Débordante de tout : d’énergie, d’humour, de gentillesse, d’enthousiasme. Noémie est belle comme un cœur. C’est justement tout près du cœur, en son sein, que Noémie découvre une méchante tumeur. Une tumeur maligne. Mais qui est la plus maligne des deux ? Cette tumeur hors de saison, presque hors de propos, chez une si jeune femme ? Ou Noémie qui rit, qui pleure, et qui rit à nouveau ? Noémie qui se moque de cet envahisseur agressif, de ses médecins, du destin, d’elle-même ? Noémie qui est passionnément vivante…

Mon avis : « Maligne »… Il y a deux sens à ce mot. Le premier est « Qui témoigne d’une intelligence malicieuse, d’astuce, d’ingéniosité, de perspicacité » ; el le second « Se dit d’une maladie de gravité anormale ; se dit d’une tumeur cancéreuse »…
Dans le seule en scène de Noémie Caillault, les deux termes se rejoignent, s’imbriquent, se juxtaposent et se confondent. Tout le problème de cet exercice délicat est là : comment raconter en public un drame aussi personnel, aussi douloureux, aussi grave sans jamais tomber dans le pathos et plomber l’ambiance ? Le mot « cancer » fait peur, il a plutôt tendance à rebuter, à faire fuir… C’est cette simple raison qui m’avait jusque là retenu de me rendre à la Pépinière, en dépit de tout le bien que l’on m’en avait dit et des papiers laudateurs que j’avais lus. Et puis, récemment, à la sortie d’un théâtre à Montparnasse, le hasard a fait que je rencontre Noémie Caillault. Le très bref échange que nous avons eu et, surtout, son regard droit et malicieux, ont su me décider.
Et je ne l’ai pas regretté !


La prestation de cette jeune femme est d’un très, très haut niveau. Chez elle, aucun faux-fuyant. Elle est cash et ne nous cache rien. De sa voix délicieusement éraillée, avec son œil tour à tour candide et espiègle et son sourire absolument craquant, elle nous prend par la main et nous entraîne dans son parcours de la combattante. On l’y suit de A à Z. « A », c’est la révélation du Mal : une tumeur dans le sein gauche. « Z », c’est la rémission. Mais pour se rendre de « A » à « Z », ça lui a pris trois ans. Trois ans de doutes, de soins, d’espoirs, de rechutes, de rencontres. Mais aussi trois ans de vie, une parenthèse au cours de laquelle tout est exacerbé.
Et Noémie raconte… Ce qui la différencie, c’est son regard distancié et amusé. Un peu comme si elle sortait de son corps pour observer, de façon à la fois drôle et clinique, les contraintes directes, les effets secondaires et les comportements co-latéraux. C’est un conte initiatique dans lequel elle convoque les différents praticiens qui jalonnent son parcours, ses parents (Ah, sa relation tumultueuse avec sa mère !), ses amis, ses amoureux. Il nous est d’autant plus facile de les imaginer qu’on les entend s’exprimer par le truchement de comédiens qui se sont prêtés au jeu. Ce sont autant de dialogues qui apportent du rythme et des ruptures au récit.


On se demande parfois si Noémie avait vraiment besoin de ces participations amicales tant, de toute évidence, elle se suffit à elle-même. Quelle comédienne ! Elle est formidablement expressive, elle bouge bien, elle possède un charisme fou. Et, surtout, elle est véritablement lumineuse et… « positive »… Bien sûr qu’on est souvent touché, mais le rire vient aussitôt gommer l’émotion. Un peu comme une brise légère qui viendrait sécher prestement une larme furtive.
Il faut aussi parler de l’écriture de Noémie ; très imagée, descriptive, détaillée tout en restant très légère. Elle a le sens de la formule, elle sait jouer avec les silences, appeler un chat un chat, tourner les épreuves en dérision.

Bref, on est tous concernés par son aventure. Son journal de bord aurait pu s’intituler « le Cancer pour les Nuls » car d’un problème intime elle traite d’un sujet universel. Elle a certes sa propre spécificité, une forme d’insouciance et de refus d’abdiquer que tout le monde ne possède pas. Mais elle nous livre quelques clés qui peuvent s’avérer utiles. En nous donnant une leçon de vie toute simple, elle nous délivre là un sacré message. Elle est drôlement « maligne ». Dans tous les sens du terme, puisqu’il se termine par une happy end, ce seule en scène est sans concession !
Maligne, une comédie très humaine où la performance d’acteur rejoint une performance de vie…

Gilbert « Critikator » Jouin

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