La Nouvelle Seine
Sur les berges
Face au 3 quai de Montebello
75005 Paris
Tel : 01 43 54 08 08
Métro : Saint-Michel
Tous les mercredis à 20 h 00
Seul en scène écrit et interprété
par Réda Seddiki
Note d’intention : « Imaginez une histoire d’amour entre un
jeune homme et une femme. Ce dernier quitte tout pour la rejoindre. Et, une
fois à ses côtés, déception ! Avait-il trop idéalisé ?
Mais, toujours est-il, il
continue d’y croire et conserve l’espoir qu’ils peuvent vivre ensemble… Ce
jeune homme, c’est moi, arrivé de Tlemcen, et cette femme c’est la France.
L’union est-elle possible ? Et à quel prix ?
Découvrez et partagez ma
déclaration d’amour, joyeuse et corrosive, qui transforme chacun d’entre nous
en piéton de l’Histoire. » (Réda
Seddiki)
Mon avis : IL est toujours gratifiant et agréable de découvrir
un artiste lorsqu’il est aux prémices de sa carrière. J’aime bien assister aux
tout débuts afin de pouvoir par la suite observer comment il évolue. On m’avait
ainsi chaudement recommandé d’aller voir Réda Seddiki à La Nouvelle Seine.
Empruntant en toute légitimité à
Michel Polnareff le titre d’une de ses chansons, Lettre à France, le jeune homme utilise astucieusement la métaphore
amoureuse pour nous expliquer pourquoi et comment son cœur balance entre son
pays natal et son pays d’adoption. Ce dilemme shakespearien n’est pas
« être ou ne pas être », mais plutôt « Algérie ou France ».
Voire même, et c’est la conclusion à laquelle j’ai souscrit :
« Algérie ET France »…
Réda Seddiki a tout pour lui. Il
présente bien, il a énormément de charisme (son sourire craquant lui permet de
pouvoir tout faire passer) et, surtout, grâce à un bagage intellectuel
extrêmement bien fourni, son discours est aussi fin qu’intelligent.
Difficile de le classer dans la
catégorie des humoristes purs et durs. Réda Seddiki est plutôt une sorte
d’ethnologue drôle. Ses analyses sont malicieuses, parfois carrément ironiques,
et presque toujours philosophiques. Le garçon a du recul, beaucoup de recul.
Résultat : on ne rit jamais à gorge déployée, mais on sourit presque en
permanence.
Depuis sa ville natale de
Tlemcen, le jeune Réda avait pour la France les yeux de Chimène. C’est le cas
de tous les amoureux transis. On a systématiquement tendance à idéaliser
l’objet de tous ses désirs. Aussi, lorsqu’il lui a fallu quitter « la
Perle du Maghreb » pour « La Ville Lumière » afin d’y poursuivre
ses études universitaires, il avait le cœur et l’esprit chargés de rêves.
Heureusement pour lui, Réda n’est pas une oie blanche, un candide. Il est au contraire
un pragmatique, un rationnel. Il a eu tôt fait d’évaluer le pour et le contre,
le positif et le négatif, de mélanger le tout et d’en tirer sa substantifique
moelle existentielle. Le mieux, finalement, n’est-il pas de prendre dans chacun
de ses pays dont l’histoire est si intimement liée, ce qui est la plus plaisant ?
Mais avant d’en arriver à cette décision avisée, il se plaît à démystifier les principaux clichés et les plus
courants a priori. Il s’amuse par exemple avec la fameuse devise de notre République,
« Liberté, égalité, fraternité »… Il se gausse un tantinet de notre
application sur le terrain de la laïcité. Il étend ses analyses satiriques au
mariage pour tous et à la polygamie… Tout cela est dit, loué ou dénoncé avec
subtilité, élégance et, j’insiste, avec une grande intelligence. Il assène des
vérités, jongle avec les évidences, mais toujours avec le sourire. En fait,
Réda est un scientifique fataliste. Fort de cette synthèse, il en tire une
conclusion totalement inattendue mais à laquelle j’ai tendance à adhérer car
elle plaît bien au sceptique que je suis : et si la vie, après tout,
n’était qu’une vaste caméra cachée ?...
Sur une péniche, il est facile de
se laisser embarquer… D’ailleurs, Réda Seddiki ne se prive pas de se servir de
cette image pour adresser à ses passagers d’un soir un clin d’œil aux migrants…
Ce garçon possède un énorme
potentiel. Il a tout pour lui. Il a le talent, la présence et l’ouverture d’esprit.
Il est certes encore un peu frais, mais il va sûrement peu à peu acquérir cette
patine indispensable à un humour plus percutant qu’est une légère couche de
cynisme. En tout cas, tous les espoirs lui sont permis.
Pour emprunter encore une fois au
domaine de la chanson, après Polnareff, citons Les Rita Mitsouko qui avaient
décrété que Les histoires d’amour
finissent mal en général. Réda Seddiki, écartelé entre deux pays de cœur, se
sent aujourd’hui incapable de mettre un point final à son aventure. Ses
sentiments envers la France, sincères et profonds, sont empreints de tendresse,
mais sa « lettre » s’inscrit plutôt, du moins est-ce que j’en ai
perçu, dans le registre de l’amour vache. Il nous livre en fait toute la
difficulté qu’il y a, quand on est « étranger » à se glisser aisément
dans un moule vieux de deux mille ans, un moule ô combien fossilisé. En même
temps, plus sa liaison avec la France durera, plus il se sentira également
étranger en Algérie. Pas facile… Je pense que tout cela finira pour lui par un
mariage de raison. Ce n’est pas son tonton, le sage Boumédiène, qui me
contredira…
Gilbert « Critikator »
Jouin
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire