vendredi 13 mai 2016

Bernard Azimuth joue "Hamlet"

L’Archipel
17, boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Tel : 01 73 54 79 79
Métro : Strasbourg Saint-Denis

Tous les jeudis à 19 heures

Une pièce de William Shakespeare
Adaptée par Jean-Hervé Appéré et Bernard Azimuth
Mise en scène par Jean-Hervé Appéré
Avec Bernard Azimuth (Claudius), Bernard Azimuth (Hamlet), Bernard Azimuth (Gertrude), Bernard Azimuth (Polonius), Bernard Azimuth (Ophélie), Bernard Azimuth (Laërte), Bernard Azimuth (le spectre d’Hamlet)…

Présentation : Azimuth s’empare d’Hamlet ou Hamlet s’est-il emparé de Bernard Azimuth ?
La question reste posée devant ce spectacle baroque et névrosé, un pléonasme sans aucun doute, dans lequel on retrouve les situations ainsi que les personnages emblématiques de Shakespeare, le tout passé à la moulinette de cet humour décalé et destructeur propre à Bernard Azimuth.

Mon avis : Il fallait oser ! Oser s’attaquer tout seul à ce monument qu’est Hamlet, une des plus célèbres pièces du grand William Shakespeare ! Et, surtout, réduire cette œuvre, la plus longue du dramaturge anglais, à la façon d’une compression de César et faire de cette terrible tragédie un show qui nous fait rire du début à la fin, c’est une prouesse incroyable.
Je vais même être très franc : je préfère de loin la version de Bernard Azimuth. L’originale est trop longue, trop lourde, trop glauque. Là, j’ai tout compris. Vous pouvez y amener des ados, ils vont prendre un réel plaisir à découvrir Hamlet sous cet angle, car l’intrigue est parfaitement respectée.


Bernard Azimuth, exalté, habité et déchaîné, interprète tous les principaux protagonistes de ce drame. Il n’a besoin de presque rien (une couronne de galette des rois, deux poupées, et c’est tout) pour incarner sept des principaux personnages. On ne s’y perd jamais, on sait toujours qui est qui. Il lui suffit de changer de voix, de prendre une certaine posture, un accent particulier et on sait à qui on a affaire…
Pourtant, à ces sept personnages incontournables, il faut en ajouter un, et non des moindres… Bernard Azimuth lui-même. Il ne cesse de couper le fil de son récit pour se livrer soit à des apartés explicatifs désopilants, soit à des digressions personnelles qui n’ont qu’un lien lointain avec l’histoire. C’est cette construction, pleine de ruptures, qui fait que cette pièce est complètement réussie.

Bernard Azimuth maîtrise parfaitement l’art du burlesque. Sa prestation est insensée ; insensée dans le sens du « nonsense » anglais. Un état d’esprit que, j’en suis convaincu, William Shakespeare n’aurait pas désavoué. Avec une énergie de tous les instants, il s’agite et se démultiplie. Il sa vautre avec gourmandise dans une espèce de schizophrénie permanente. Il mêle le passé et le présent, la grandeur historique avec ses petits soucis familiaux. Il passe presque sans transition de l’emphase la plus déclamatoire à la petite banalité saugrenue. Il transforme ce maelstrom danois en montagne russe.


Ce spectacle est d’une richesse et d’une densité incroyables. Il fait en effet appel à tous les ressorts du registre du pantomime. Il se livre même à un spectacle de marionnettes, une scène entre Hamlet et Ophélie, qui constitue un grand moment de cocasserie. On assiste aussi au formidable (dans le sens épique du terme) duel entre Hamlet et Laërte, un duel plein de bruit et de fureur où le grandiose bat le fer avec le ridicule… Et puis, soudain, il nous offre une profonde réflexion philosophique sur l’éventualité ou non d’une vie après la mort. Mine de rien, ça nous donne à penser. D’ailleurs, il le dit lui-même, Bernard Azimuth est un adepte de la « mise en abîme »…
Bernard Azimuth fait l’Hamlet en cassant les jeux, en maltraitant les conventions. Rendez-vous compte : plus ça meurt sur scène, plus on meurt… de rire dans la salle. Etonnant, non ? Comme aurait dit monsieur Cyclopède.

Dans ce one man show qui atteint parfois des sommets étourdissants, ce remarquable comédien qui se fait énormément suer sur scène (au sens propre) tant il se dépense, nous livre une pièce complètement folle sur la folie, un digest qui, pour moi, est bien plus digeste que l’intégrale de Shakespeare. Si on y ajoute la qualité des musiques qui illustrent certains tableaux et une bande son impeccable (bruits du dehors, orage, etc…), on obtient un spectacle d’un très, très haut niveau. Un spectacle qui doit marquer dans une carrière car celui-ci est réellement du domaine rare de la performance d’acteur. A voir absolument.


Gilbert « Critikator » Jouin

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