tôt Ou tard
Deux ans après Idées
blanches, Vianney sort son deuxième album sobrement intitulé Vianney. Avec le succès, son patronyme
se suffit désormais à lui-même ; il est devenu une image de marque, un
modèle déposé. Ses chansons sont si identifiables qu’on peut dire
immédiatement ; « C’est du Vianney » !
Son premier opus ayant été largement consacré Disque
de platine, j’étais forcément très excité à l’idée de découvrir la suite. Je
n’ai pas été déçu. En très peu de temps, Vianney s’est imposé comme une valeur
sûre de notre (bonne) variété française. Il a sa patte, son style et son timbre
de voix si particulier. Il a aussi – et c’est sans doute ce qui a fait sa
différence – une qualité d’écriture très personnelle.
« Très personnel »… C’est ce qui vient tout
de suite lorsqu’on écoute ce second album. Vianney n’y parle que de lui. Il ne
parle que de ce qu’il vit et de ce qu’il ressent… Il n’a pas peur de mettre son
cœur et son âme à nu. Il y a un petit côté Souchon dans cette façon d’assumer
sa fragilité, de faire part de ses doutes. Et pourtant, il n’y a aucun
égocentrisme là-dedans. Au contraire, ses sensations personnelles deviennent
généralité car chacun de nous a plus ou moins vécu les mêmes situations, émis
les mêmes réflexions.
La plupart du temps, il affiche une forme d’indolence,
de fatalisme. Il constate mais, en apparence, ne se révolte pas. Erreur, tout
se passe dans sa tête. Vianney est un « contemplactif ». Finalement,
comme la plupart d’entre nous, il est double. Il y a d’une part l’impression
qu’il dégage – et qu’il se plaît à entretenir -, c'est-à-dire une certaine
douceur, un brin de mélancolie, sourire aimable, grande courtoisie… mais, en
grattant un peu ses textes, en lisant entre les lignes, on devine une réelle
force de caractère. On ne s’assied pas sur les bancs du lycée militaire de
Saint-Cyr sans en retirer une réelle solidité. C’est ce qui le rend encore plus
intéressant.
Ainsi, lorsqu’il s’empare d’un thème, il ne réagit pas
à chaud. Il prend un peu de recul et l’analyse quasi scientifiquement. La
rupture, par exemple, qui tient une place importante dans cet album. Il
l’évoque dans Sans le dire puis le développe dans la chanson qui suit, Je
m’en vais. Tout en se montrant très pudique, il décrit se sensations,
estime que la profondeur des sentiments est supérieure aux mots. Puis, après
avoir digéré sa douleur, après s’être un tantinet auto-flagellé, il réagit et
décide de prendre « ses cliques et ses claques ». Mais avant cela,
c’est plus fort que lui, il faut qu’il dresse le bilan de cet échec. C’est ce
qu’il fait dans Oublie-moi. Lorsque le doute s’immisce dans une relation,
l’éloignement devient logique et nécessaire. Mieux vaut donc partir en laissant
derrière soi de la rouille et des cendres.
Mais avant de prendre cette décision, il a continué
d’autopsier son cœur afin de déterminer ce qui a et n’a pas fonctionné dans
cette relation amoureuse. Dans Tombe la neige, il relativise. Il a
raté cet amour comme on manque un train. Après tout, il en passera d’autres…
Dans Moi
aimer toi et J’m’en fous, il positive.
Visiblement, il n’aime guère les conflits, ne supporte pas les petits
affrontements ; il a conscience que ces blessures sont passagères, que les
larmes sèchent, et puis on oublie en ne gardant en mémoire que les souvenirs
des bons moments partagés. Or, malgré tout, les amours passées laissent
toujours une empreinte. Pour ne pas sombrer dans la mélancolie, la meilleure
des échappatoires, c’est le rêve… En conclusion, il faut savoir assumer ses
propres défauts, gérer ses erreurs bref, prendre de la hauteur comme Dumbo.
Si on ne s’aime pas soi-même, comment bien savoir aimer les autres ?
Sept chansons sur onze sont consacrées à la relation
amoureuse. Ça va parler au plus grand nombre… Vianney est un cérébral. Il
semble en introspection permanente, il décortique tout. Il se pose des
questions et les transpose en chansons. Y compris ses troubles ou ses
interrogations les plus intimes. C’est le cas de la chanson Le
fils à papa dans laquelle il fait état de son mal-être par rapport à la
façon dont certains peuvent critiquer le fait qu’il ait grandi dans un milieu
aisé. En réalité, la majorité des adolescents est égocentrique, on n’est jamais
content de ce que l’on a. Ce n’est qu’en devenant adulte qu’on réalise que l’on
n’est valorisé et sauvé par les autres et, surtout, par leur amour. Ça va loin !
Deux titres possèdent un angle particulier. L’un est
fictionnel. Quand je serai père est vraisemblablement une extension du Fils
à papa. Il inverse les rôles en anticipant sur ses responsabilités de
père. Conscient de ses manques, il craint que ses enfants les lui reprochent un
jour. Pour définir ses inquiétudes, il utilise une jolie métaphore arboricole
et horticole. Puis, utilisant la litanie « j’aurais pu », il formule
déjà des regrets en avouant son impuissance et sa négligence futures. Ce n’est
pas simple dans sa tête. Ou alors est-ce déjà pour se dédouaner ?
L’homme et l’âme est une chanson à part car elle évoque les tragédies
du 13 novembre. C’est un exercice délicat, quasiment métaphysique. Il y dénonce
cette violence qui abaisse l’homme et, sans aller jusqu’à stigmatiser les religions,
il voit dans ces drames une forme d’abandon de Dieu.
Vianney termine intelligemment son album avec Le
galopin, une chanson subtilement positive. Cette fois, il est contre l’immobilisme.
Il se dit pour l’échange, pour le dialogue. Il faut savoir remarquer ce que l’on
possède en soi de bien, aimer ce que l’on a, le dire et le partager. C’est une
fin pleine d’espoir et d’envie. Elle est provoquée par un parfum de femme. Quelle
image ! N’y aurait-il pas là-dedans un clin d’œil subliminal du côté d’Aragon
et de Jean Ferrat avec leur maxime : « La femme est l’avenir de l’homme » ?
Pour le savoir, rendez-vous au troisième album…
Gilbert « Critikator » Jouin
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