Théâtre des Variétés
7, boulevard Montmartre
75002 Paris
Tel : 01 42 33 09 92
Métro : Grands Boulevards
Une pièce de Flavia
Coste
Mise en scène par Anouche Setbon
Scénographie de Sophie Jacob
Costumes de Juliette Chanaud
Lumières de Jean-Luc Chanonat
Musique de Michel Winigradoff
Avec Pascal
Légitimus (Richard), Claire Nadeau (Rose,
la maman), Julie de Bona (Claire), Philippe Lelièvre (Etienne)
L’histoire :
Pourquoi
continuer à s’engueuler dans une HLM quand on peut enfin s’engueuler dans un
château ? Richard, qui tourne le dos à 162 millions, va devoir
s’expliquer ; et plus vite que ça ! Sa femme, sa mère et son meilleur
ami ne le lâcheront pas.
La soirée risque d’être agitée…
Mon avis : Cette pièce a
provoqué en moi un sentiment mitigé. J’ai ressenti comme une espèce d’effet
yo-yo. C’est-à-dire une succession de hauts et de bas. Cette sensation vient en
fait uniquement de son écriture.
Disons-le tout net : sans la performance
formidable de ses comédiens, je crois que j’aurais décroché. Bien sûr, il n’est
pas aisé d’écrire une pièce sur ce thème (le refus d’un très gros gain au Loto)
sans éviter les clichés et les lieux communs. Alors, en dépit de quelques
fulgurances de bon aloi, l’intrigue tourne un tantinet en rond.
Mais, heureusement, il y a les comédiens.
Ils sont tellement justes dans leurs personnages
respectifs que chacun de nous peut se projeter en eux et comprendre leurs
réactions. En effet, on se sent tous impliqués. Comment réagirions-nous si nous
étions d’un côté à la place de Richard et, de l’autre, à celle de Claire, Rose
ou Etienne ?
A tout seigneur tout honneur : Pascal Légitimus.
Il est le pivot de la pièce, celui par qui la discorde arrive. Pensez, il vient
d’apprendre à sa mère, à sa femme et à son meilleur ami qu’il a décidé de ne
pas empocher les 162 millions d’euros qu’il a gagnés au Loto !... A force
d’explications, Richard réussit à se montrer convaincant. Philosophiquement
parlant, les arguments qu’il avance sont tout à fait acceptables… La prestation
de Pascal Légitimus est sans défaut. Son plaidoyer, sa "Loto critique", sont solide (« Je suis
un homme comblé », « L’argent est devenu une fin alors que c’était un
moyen », « Ça fout les relations en l’air »)… Il n’y a rien à
redire. Son jeu est sobre et tout en finesse. S’il avait eu le malheur de
surjouer, on serait tombé dans la caricature. Or, tout au long de la pièce, son
personnage reste parfaitement crédible. Mieux, en dépit de son entêtement à
refuser le chèque, son choix, son utopie et sa dignité forcent le respect. Et
on ne peut que ressentir beaucoup de sympathie pour la fierté de ce cerf acculé
par un trio de fauves qu’il a rendus féroces. Son jeu est si précis qu’il nous
fait oublier l’humoriste. Une superbe performance.
Même avis en ce qui concerne Julie de Bona pour ce qui
est de la justesse de jeu dans le rôle de Claire. On comprend ses réactions, jusque
même les plus extrêmes (à propos de son bébé entre autres). Toutes ses
attitudes sont logiques. Ses colères, ses cris, ses indignations, qu’elle
compense parfois avec quelques chatteries et flatteries pour faire infléchir
son idéaliste de mari, sont tout à fait cohérents. Energique, virevoltante et
sautillante, sans pour autant perdre une once de son charme, elle fait preuve
d’un sacré tempérament. Un sans faute !
Philippe Lelièvre va en surprendre plus d’un avec son
personnage d’Etienne, le meilleur ami et associé de Richard. Pour tous ceux
qui, comme moi, l’ont adoré quand il était « Toujours givré », il
révèle un éventail de comédien extrêmement large. Comme Pascal Légitimus, il a
laissé au vestiaire son costume de comique. Il fait toujours rire, certes, à
travers quelques phrases bien percutantes, mais il sait aussi nous émouvoir
lorsqu’il se livre par exemple à cette jolie tirade sur l’amitié. Il ne tire
jamais la couverture à lui pour faire son numéro ; il se fond avec
beaucoup de rationalité et de crédibilité dans le collectif. Il est excellent
de bout en bout.
Et puis il y a Claire Nadeau, dans le rôle de Rose, la
vieille maman indigne. Elle est tout simplement magnifique. Flavia Coste,
l’auteure, a placé dans sa bouche les répliques les plus hilarantes, les plus
dévastatrices. Elle réussit la performance d’être continuellement drôle pendant
une heure et demie, avec sa gestuelle si particulière et ses mimiques
désopilantes. En mère délurée, un peu désabusée et souvent cynique, elle
accomplit un numéro de grande classe. Il ne faut pas la lâcher des yeux tant
son jeu est inventif. Il suffit d’entendre les commentaires des spectateurs à
la sortie pour comprendre combien ils ont été foldingues de sa démonstration.
Avec deux artistes rompus au one man show comme
Lelièvre et Légitimus qui démontrent qu’ils possèdent également au plus haut
l’esprit de troupe, Non à l’argent !
est une pièce très agréablement chorale. La complicité qui unit ce quatuor
passe largement la rampe et fait plaisir à voir. Grâce à leur jeu
irréprochable, ils sont capables de faire un succès de cette pièce douce-amère,
qui traite le blé en merde et met l’oseille en coin.
Gilbert « Critikator » Jouin
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire