vendredi 2 mars 2018

Speakeasy


Cabaret Sauvage
Parc de la Villette
211, avenue Jean Jaurès
75019 Paris
Tel : 01 42 09 03 09
Métro : Porte de Pantin / Porte de la Villette

Jusqu’au 9 mars 2018

Coordination artistique : Régis Truchy
Musiques de Chinese Man
Lumières d’Elsa Revol
Scénographie de Claire Jouë Pastré
Costumes de Nadia Léon
Avec Andrea Catozzi, Clara Huet, Ann-Katrin Jornot, Guillaume Juncar, Xavier Lavabre, Vincent Maggioni

Présentation : Quand le cirque fait son cinéma, cela s’appelle « Speakeasy ». Ciomme dans les films noirs ou muets, de l’action il y en a, de l’ambiance aussi. Avec du jeun un sens particulier du détournement, des situations acrobates et cocasses qui ne laissent aucun répit au public. Un spectacle haletant aux rebondissements assurés. Ici, le cirque s’invite dans la fiction et fait ses tours dans un espace en huis-clos…

Mon avis : E-POUS-TOU-FLANT !
D’abord, il faut expliquer aux plus ou moins jeunes ce qu’était un « Speakeasy » : c’était le nom donné aux bars clandestins aux Etats-Unis dans les années 1930 au temps de la prohibition durant laquelle la vente d’alcool était interdite… L’histoire de ce spectacle se déroule donc dans ce type d’établissement. Nous sommes à la fois en plein théâtre classique avec le respect des « trois unités », temps, lieu, action, et dans une attraction dont le traitement est bien loin de l’être, classique.
Présentons les six protagonistes de ce drame qui va se jouer devant nous : un parrain de la mafia, sa « régulière », son garde du corps, une pin-up et un petit truand vont s’affronter sous les yeux d’un barman maladroit et survolté. Tous les clichés des films noirs des années 30 sont donc réunis. La musique est swing, l’alcool, bien qu’interdit, coule à flot, ça fume, les colts peuvent jaillir au moindre prétexte, les femmes sont sensuelles. Bref, il y a tous les ingrédients pour que cette soirée soit explosive.


Le ton est donné dès le début. Le barman, sorte de Valentin le Désossé, se livre à des pirouettes et à des sauts périlleux défiant les lois de la pesanteur. Et la jeune femme (la favorite du gangster), sorte de Betty Boop frisottée, n’est pas en reste. Elle accomplit des prouesses physiques que je ne pensais pas qu’un corps soit capable de réaliser. Or, notre ébahissement n’a pas fini d’être provoqué. Les quatre autres acteurs vont eux aussi apporter leur grain de folie. Le mafioso et sa gonzesse se lancent dans un incroyable corps-à-corps, aussi fluide qu’athlétique. Elle est comme un pantin désarticulé dans ses bras. Tout est chorégraphié au millimètre.

Le jeune voyou se met à évoluer le long d’un mât chinois avec des acrobaties faisant oublier qu’il existe une loi de la gravité. Il grimpe, glisse, se met en drapeau avec la même aisance que je mets pour marcher dans mon salon. Ça semble tellement facile qu’on en oublierait presque les heures de travail que cela représente en amont. Et ce compliment vaut pour ses cinq camarades. De son côté la pin-up, superbe femme fatale de saloon, se révèle être une championne du cerceau aérien sous le regard énamouré du barman. Quant à l’homme de main, sa spécialité est la roue cyr. Agrippé à son cercle, il se fait malmener par son patron et par le jeune malfrat. C’est très spectaculaire.


Toutes ces prouesses étonnantes sont mises au service d’une réelle intrigue. Evidemment, la pin-up va taper dans l’œil du gangster, ne pas déplaire au petit voyou et, partant, susciter la jalousie hostile de la maîtresse légitime. La guerre est déclarée. Tous les coups, surtout les bas, son permis. Ça part dans tous les sens, on ne sait plus où donner de la tête. Le rythme est effréné. Les prouesses athlétiques sont d’un niveau insensé. Et puis il y a l’humour ; il est omniprésent. Les gags (surtout ceux qui se déroulent autour du bar) et les cascades sont dignes des meilleurs films burlesques de Mack Sennett. On ne s’ennuie pas une seconde ; les yeux et la bouche grand ouverts, on reste estomaqué devant tant de performance(s).

On assiste à des numéros de cirque racontant une histoire. C’est du jamais vu. Aucun mot, ou presque, n’est prononcé. Tout est mimé, joué, interprété. En fait, c’est la bande-son – vraiment excellente – qui se substitue aux dialogues, définit l’ambiance et souligne les sentiments.
Speakeasy est un superbe spectacle, à nul autre pareil. De la haute voltige au sens propre. Non contents d’être des athlètes plus qu’accomplis, les six héros de cette histoire se révèlent être de remarquables comédiens. Chacun dans son rôle est parfait et assume et beaucoup de dérision l’aspect caricatural de son personnage.

J’ai pris un plaisir fou en assistant à ce show gymnastico-théâtral qui pourrait être sous-titré « Moveeasy ». Comment peut-on réaliser de telles performances avec son corps ? La réponse est simple : être doué physiquement, travailler, être humble, travailler et travailler encore… Grand respect mesdames et messieurs !
Dépêchez-vous, ce spectacle à ne pas manquer ne se joue que jusqu'au 9 mars.

Gilbert « Critikator » Jouin


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